Le cuir usé d'une valise
La Rumeur
("L'ombre sur la mesure", 2002)Morceau symbole de l’autoproclamé "Rap de fils d’immigrés", 'Le cuir usé d’une valise' mêle pensées nostalgiques et rêves échoués. A la fois brut et feutré, il constitue également une des facettes de La Rumeur, un moment fort dans une discographie chargée.
'Le cuir usé d'une valise' vu par EKOUÉ : "Ce morceau, 'Le cuir usé d'une valise', c’est Hamé qui en a dégoté le thème. Il est souvent très à l'avant-garde de ce genre de titre. La valise nous avait semblé être le meilleur symbole pour rendre hommage à l'immigration du travail. Mon couplet est inspiré du parcours de mon père, lequel a débarqué en France sur le port du Havre en 1962. J'ai juste essayé de retranscrire très humblement la douleur liée à l'exil d'un jeune homme de vingt ans que la quête du savoir a poussé jusqu'aux frontières de l'occident. Il en va de même pour Hamé, Mourad et Philippe.
Le morceau, autant que je m'en souvienne, fut réalisé assez rapidement. Soul G nous a fait écouter la musique qui nous a avant tout bluffé par la profondeur de son sample, à la fois triste, mais sur une rythmique qui sent bon les coups de marteaux sur des charpentes. Il y avait dans ce son une dimension très artisanale, très proche de ce que l'on voulait décrire. Je me souviens que mon grand poto JP Mapaula était venu enregistrer un refrain chanté que l'on a vite zappé pour l'intérêt de tous [rires]. J'avais pensé à JP car ce mec chante incroyablement bien, aussi bien qu'il rappe d'ailleurs. C'est suffisamment rare pour être relevé.
'Le cuir usé d'une valise' est tout à fait à l'image de la réalisation de "L'ombre sur la mesure". Une longue gestation pour une exécution rapide. Ce fut l'un des derniers titres finalisés de l’album. Il n'a pas été accouché dans le douleur mais dans le cheminement d'un album quasiment terminé. Sur scène, à l'instar de 'L'ombre sur la mesure', 'Blessé dans mon égo' ou 'Qui ça étonne encore !', 'Le cuir usé d’une valise' est vraiment un morceau constitutif de l'identité de La Rumeur."
Le ghetto français
Ideal J
("Original MC's sur une mission", 1996)Dans sa version originale produite par DJ Mehdi ou remixé par Ivan, 'Le ghetto français' reste un monument du rap français. Construit autour d'une phase de Mobb Deep, le morceau frappe par sa lucidité et son réalisme, hérités d'une adolescence passée dans les rues du 94. A moins de vingt ans, Kery James avait déjà un sens de la formule et des capacités d'interprétation bluffantes.
Mon texte, le savon
Akhenaton
("Sol Invictus", 2001)Porté par le thème d'amour de "Romeo et Juliette", AKH tire le rideau sur ses "années stériles". En clôture de "Sol Invictus" – timing parfait – il réussit à saisir cette nostalgie paradoxale que la trentaine lui a jeté au visage : un rejet teinté de regrets pour les moments fades du passé. Sommet de mélancolie, 'Mon texte, le savon' restera son seul vrai chant du cygne.
Le silence n'est pas un oubli
Lunatic ft. Jockey
("Mauvais oeil", 2000)Ali et Jockey, certes, sont bons. Mais Booba... Booba, sur ce morceau comme sur tout "Mauvais Oeil", est juste incroyable. Rapace à la vue perçante, il plane à des altitudes que le commun des mortels ne connaîtra jamais : au-dessus de l'instru hypnotique de Marc Jouanneau (Animalsons) ; au-dessus de ses deux potes ; au-dessus du rap français, affûtant ses serres. Trop haut, déjà. "J'aspire le temps les yeux plissés". Lire la chronique de "Mauvais oeil"
L'homme qui ne valait pas dix centimes
Doc Gynéco
("Liaisons dangereuses", 1998)On connaissait le Doc glandeur, pornocrate, fan de foot et songeant au suicide. "L'homme qui ne valait pas dix centimes" révèle le rappeur le plus honnête de France. Tout simplement. D'une lucidité implacable quant à son succès et à ce que l'industrie attend de lui, Bruno Beausir s'y livre comme rarement, entre introspection, dégoût et fanfaronnades tragiques.Lire la chronique de "Liaisons dangereuses"
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