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Abcdrduson : En parcourant tes réseaux sociaux et en lisant des articles sur toi, différents noms de lieux reviennent : Skopje, en Macédoine, Paris, Amsterdam et le Kentucky. Peux-tu nous expliquer ton parcours à travers ces différents endroits ?
Hellblazer : Skopje est ma ville de naissance, au cœur des Balkans. Je suis parti de là-bas à six ans, à présent j’y travaille dans le théâtre et le cinéma. J’ai beaucoup de projets en Macédoine, des collaborations à venir avec des accordéonistes, des violonistes, des contrebassistes… Beaucoup de musiciens de génie venant des ghettos du pays, voire de toute l’Europe du sud-est. La musique yougoslave des années 1980 m’a beaucoup influencé, j’en sample beaucoup et j’aime lui rendre hommage. Paris est la ville où j’ai grandi et où je vis une partie de l’année. Je fais mon doctorat en analyse culturelle à Amsterdam ; je suis censé soutenir ma thèse dans deux ans. Elle porte notamment sur l’importance du hip-hop instrumental et sur le beat comme forme artistique à part entière. Je pense que dans un certain temps, peut-être pas si lointain que ça, on considérera les beatmakers comme de vrais artistes, qui utilisent le beat comme un vrai moyen d’expression et pas uniquement comme un support. Ce n’est pas forcément le cas de tous les beatmakers. Mais je pense à des gens comme Kyo Itachi que je trouve très intéressant, qui a un vrai personnage, qui parle avec ses beats et qui a un réel univers. C’est ce qui m’intéresse. Pour le Kentucky, c’est un peu plus original. Sur Bandcamp, qui est un site où on peut partager sa musique, il faut forcément renseigner un lieu quand on crée une page. Le label anglais pour lequel je travaille, Sinoptic Music, avait choisi de mettre le Kentucky, par amour du poulet frit. [Rires] C’était une private joke entre les différents membres. Mais avec le temps et tous les albums sortis, la page est devenue celle ayant le plus de téléchargements pour le Kentucky. Ça a duré environ deux ans. Grâce à ça, un artiste comme Dr. Dundiff, qui a sorti un album pour Fat Beats et qui est vraiment du Kentucky, m’a contacté et on a pu collaborer. J’ai travaillé avec des artistes du monde entier, notamment d’Afrique du Sud, d’Espagne, d’Amérique latine, de Hollande, de Pologne, d’Allemagne, de République tchèque, de Russie et bien sûr de France et des États-Unis. Tout ça grâce à des réseaux sociaux spécialisés dans la musique comme Soundcloud, qui m’ont vraiment permis de partager ma musique avec beaucoup de monde et notamment avec des professionnels.
A : Tu te définis comme un working class musician, un musicien en col bleu. Pour toi, à quoi ça correspond ?
H : C’est une référence à mon nom de scène, Hellblazer. C’est un personnage de comics, qui se présente comme un working class magician. Ça me correspond bien également : ça fait dix-huit ans que je travaille dans ce milieu et je me sens complètement tourné vers l’underground et les artistes indépendants, qui constituent en quelque sorte la classe ouvrière du hip-hop. Je ne cherche pas forcément une manière de gagner de l’argent en faisant des beats, c’est plus une façon d’exprimer les idées qui me tiennent à cœur. Souvent, j’utilise des bouts de citations vocales, des répliques de poètes ou d’écrivains. J’essaie de faire passer un message intellectuel à travers mes beats, de partager mes références, mon vécu, mes connaissances en littérature et en histoire de l’art. C’est une façon d’aller contre les artistes qui n’ont aucune volonté d’éduquer leur public. Mon but est de créer, pas de nourrir mon égo. Je me sens inspiré par des artistes comme Les Sages Po’, qui sont dans une constance et qui ont une volonté de construire, de rester positifs.
A : Ton principal projet, Pure Dopeness, est une série de beat tapes.
H : Les beat tapes étaient rares dans les années 1990 quand j’ai découvert la musique hip-hop. La première que j’ai entendue m’a vraiment marqué, l’idée m’a tout de suite plu, peut-être encore plus que la musique rappée. J’ai commencé à faire des beats dans les années 1990 parce que j’étais un jeune MC et que les instrumentaux étaient durs à trouver, donc très précieux. Mais je me suis ensuite vraiment consacré à faire en sorte que mes productions se suffisent à elles-mêmes plutôt qu’à ce qu’elles servent uniquement à ce que des rappeurs posent dessus. Pure Dopeness réunit des beatmakers du monde entier, il y a plus de quarante pays représentés sur les différents volumes. Il y a beaucoup de styles différents, de quoi satisfaire les goûts de tous ceux qui sont amoureux de cette forme musicale. C’est à la fois pour les MCs et pour les gens qui aiment le hip-hop instrumental. Beaucoup de beatmakers sont juste à la recherche d’un MC ou d’un potentiel client pour acheter leur production. Moi, j’aime bien ouvrir ça, donner une nouvelle fonction au beat, l’utiliser dans une pièce de théâtre par exemple. Je pense qu’il peut être une sorte d’œuvre d’art en soi. Beaucoup de médias utilisent les beats, mais rares sont les beatmakers qui arrivent à en vivre.
A : Comment t’es venue l’idée de faire cette série de beat tapes ?
H : Le créateur de mon label, Sinoptic Music, m’a suggéré l’idée. Il a vu que je travaillais avec des artistes du monde entier et il m’a proposé de concrétiser ça dans un album. Il imaginait que beaucoup de gens seraient contents de voir des beatmakers de différents pays bosser ensemble. Par la suite, j’ai créé Sinoptic International et j’ai démarré la série des Pure Dopeness.
A : Tu travailles avec des beatmakers qui viennent d’endroits très variés. Est-ce que tu vois des différences dans leur façon de produire ou dans les couleurs musicales ?
H : Ça dépend. Si je prends l’exemple de Paul Hares, un beatmaker russe très talentueux qui sort même des vinyles sur des labels new-yorkais et qui habite dans une petite ville industrielle près de la frontière ukrainienne, ses beats sont très sombres. De l’autre côté, tu as Prozak Morris qui habite à Hollywood, qui a des célébrités dans son voisinage et qui fait des productions beaucoup plus énergiques et positives. Il y a parfois une influence certaine du lieu de résidence. Mais, au final, beaucoup d’endroits se ressemblent. Je peux trouver un beatmaker parisien qui sonnera comme Prozak Morris, à quelques nuances près. Moi, j’évolue dans différentes villes tout au long de l’année, je vois que ça peut jouer sur la teneur de ce que je fais.
A : Comment réunis-tu les différents morceaux d’un volume de Pure Dopeness ? Est-ce que tu démarches les beatmakers ou ce sont eux qui t’envoient leurs productions ?
H : Pour chaque volume, je donne un thème aux beatmakers de mon réseau. Souvent, c’est une citation, un vers de poésie, souvent d’Emily Dickinson, une poétesse américaine. Il s’agit d’inspirer l’ambiance du beat. Je veux que chaque volume ait un univers particulier et distinct. Le volume 13, par exemple, portait sur l’accordéon, en hommage au morceau « Accordion » de Madvillain. Il y a aussi des beatmakers qui me contactent pour participer au projet. Je leur dis ce que je cherche et ensuite, je fais une sélection. A chaque fois, toutes les productions sont exclusives, elles ont été faites pour Pure Dopeness. Je ne vais pas chercher les morceaux sur un CD de beats pour les réunir, je veux que ce soit l’œuvre de gens qui travaillent ensemble dans un but précis, pour un projet concret.
A : J’imagine qu’il y a aussi un travail d’adaptation à faire pour les producteurs, pour respecter le thème sans trop sortir de son registre habituel.
H : Oui, mais je laisse tout de même une certaine liberté, chaque artiste a son univers particulier, sa façon de se réapproprier l’idée.
A : Il y a eu dix-neuf volumes de Pure Dopeness entre 2012 et 2015, et depuis plus rien. Es-tu passé à autre chose, ou vas-tu relancer la série un peu plus tard ?
H : Je sors d’une période un peu compliquée, où j’étais très occupé, à la fois dans ma vie personnelle et professionnelle. C’était une pause, mais je vais revenir avec un vingtième volume d’ici quelques mois. J’ai invité Zoxea à participer, en tant que beatmaker bien sûr. Ce serait très spécial et intéressant pour ses fans, qui ne l’imaginent pas forcément dans ce registre, avec une production sans rappeur dessus.
« Il y a un potentiel qui se cache dans un instrumental, une valeur, qui font que ça peut être plus qu’un moyen. »
A : Tu as une certaine notoriété à l’étranger, mais en France tu demeures assez peu connu. Est-ce que tu expliques ça par le fait qu’en France la musique hip-hop instrumentale est un peu négligée ?
H : Peut-être que ça reste un peu nouveau. En France, les beatmakers ne sont pas toujours pris au sérieux et surtout leur travail est surtout vu comme devant servir les rappeurs. Il reste assez rare que des beatmakers sortent des albums, qu’ils conçoivent leur musique comme une œuvre en soi et pas uniquement comme un support ; qu’ils se voient comme des musiciens lambda en somme. Alors qu’il y a un public qui est demandeur. Je pense que, dans certains cercles, les gens connaissent ma musique. J’ai eu pas mal de retours de jeunes sur Pure Dopeness, qui faisaient tourner mes projets dans leur lycée. Ça reste assez local, à Paris, mais avec le bouche-à-oreille ça peut atteindre des proportions intéressantes. J’aime bien cette facette d’une carrière musicale. Pas forcément passer à la radio, mais faire sa promo en collaborant avec des graffeurs, passer par des biais inhabituels.
A : Tu fais souvent des compositions en hommage à des artistes qui t’inspirent, comme Bukowski ou Coluche. Comment met-on en musique un hommage à des personnages comme ça ?
H : J’essaie de m’imprégner de leurs œuvres. Pour moi, un beat peut s’inspirer d’autres formes artistiques, de la littérature, de la poésie, de la peinture. Il y a un potentiel qui se cache dans un instrumental, une valeur, qui font que ça peut être plus qu’un moyen. Le beat peut inspirer quelqu’un qui écrit, et inversement. Pour moi, les sources du hip-hop, sa base, c’est le mot prononcé. Je vois le spoken word, qui est une technique de poésie à voix haute apparue dans les années 1930 aux États-Unis, comme l’ancêtre du rap. L’instrumental a aussi un rapport avec les mots je pense, ce n’est pas juste de la musique. Je suis inspiré par l’harmonie, par tout ce qui est constructif et t’encourage à penser, à te connaitre plus toi-même. À aller vers des domaines que l’on n’associe pas forcément au rap. Beaucoup de rappeurs ne parlent jamais d’art, par exemple. Du coup, quand les Sages Poètes de la Rue sortent un album qui s’appelle Art Contemporain, ça m’inspire, c’est dans cette voie que j’ai envie d’aller.
« Beaucoup de rappeurs ne parlent jamais d’art, par exemple. »
A : Si tu es surtout connu pour ta musique instrumentale, tu as aussi produit pour des rappeurs. À L’Abcdr, on t’a découvert via ta collaboration avec un groupe américain nommé Full Circle.
H : C’est un groupe de Boston, formé par Dean Swift et Just Slick, qui sont pas mal respectés là-bas. Ils sont jeunes mais ils rappent depuis longtemps. Ils avaient gagné un concours dont j’ai oublié le nom, et j’ai entendu parler d’eux par ce biais-là. Ils avaient pu faire un clip grâce à ça. J’ai beaucoup aimé, donc je leur ai envoyé des beats sur Soundcloud. Là je prépare un album avec eux en ce moment.
A : Quels sont tes meilleurs souvenirs en termes de collaborations avec des rappeurs ?
H : J’ai découvert le rap dans les années 90 et j’ai toujours écouté du rap international, pas uniquement français. Depuis longtemps LMNO de Visionnaries, de Los Angeles, est un de mes rappeurs préférés. J’ai réussi à le produire après l’avoir contacté sur Twitter. Je lui ai simplement envoyé un beat et il a posé dessus dans la foulée. C’était vraiment un aboutissement, quelque chose dont je suis fier. Je dois aussi citer Unseen MC, de New York, avec qui je travaille depuis cinq ans et Cor Stidak, de Virginie, que je considère vraiment comme un génie. En France, il y a Konan, King Pooky de No Police Sound System et mon petit frère, Ilija. J’ai aussi produit un posse cut pour des rappeurs sud-africains, de Cape Town, qui a été clippé par la suite. Ça fait plaisir de travailler avec des gens qui viennent d’endroits où je ne suis jamais allé.
A : À quoi ressemble le rap sud-africain ? Est-ce que ce sont des gars venus des townships qui rappent ou plutôt des blancs ?
H : C’est très mixte. Pour prendre l’exemple de gens avec qui j’ai bossé, il y a des rappeurs comme Ali That Dude du groupe Black Vulcanite qui sont clairement inspirés par le rap américain et passent régulièrement sur MTV Africa, puis des rappeurs comme le groupe Driemanskap qui chantent dans leur langue natale, le xhosa, et sont surtout connus dans leur pays. Il y a aussi des expatriés, comme Keet the Kreative, qui sont complètement anglophones. Il existe une vraie scène, très prolifique.
A : Côté musique « rappée », quels sont tes projets ?
H : Déjà mon projet avec Zoxea. C’est un album qui devrait être très varié, avec beaucoup de styles musicaux différents, mais sans non plus trop s’éloigner du hip-hop. C’est cette idée qui a plu à Zoxea. On bosse dessus depuis deux ans, mais comme je ne suis pas toujours à Paris, ça prend un peu de temps. Il devrait y avoir une sortie physique, ce qui sera une première pour moi en France. Je rapperai également sur certaines pistes, car je suis également MC à la base. J’aimerais également me consacrer davantage au rap français, en sortant par exemple un album avec toutes les plumes qui m’inspirent, comme Le Rat Luciano, Ill, Freeman, Karlito et bien d’autres… A part ça, j’aimerais beaucoup produire des artistes américains. Là je vais peut-être avoir la possibilité de produire Rah Digga, qui faisait partie de Flipmode Squad. Roc Marciano aussi, qui est vraiment l’un des artistes que j’écoute le plus ces dernières années. Il y a aussi une opportunité pour Ka. Mais mon plus grand rêve, c’est de produire pour MF Doom. Je pense que j’y arriverai un jour, même si ça peut prendre du temps. J’ai beaucoup de contacts aux Etats-Unis, notamment grâce à mon frère Ilija qui a travaillé pour les Quad Recording Studios à New York. Il a fait des études d’ingénieur du son à l’École supérieure de réalisation audiovisuelle, et la quatrième année se fait à New York. Il était en stage aux Quad Recording Studios [NDLR : célébrissimes studios d’enregistrement situés à Manhattan] pendant quelques mois, il s’est retrouvé à bosser pour Jim Jones et The Diplomats, des gars comme ça.
A : Justement en termes de rap US, quelles sont tes influences ?
H : Une personnalité qui représente beaucoup pour moi c’est KRS-One. C’est une grande inspiration. J’aime beaucoup sa vision du hip-hop, ouverte, constructive et positive. J’aime bien l’idée d’edutainement, de partage des connaissances. Roc Marciano aussi, j’aime beaucoup, comme Conway et Westside Gunn. Pour aller plus loin dans le temps, The Pharcyde est une grande source d’inspiration, j’apprécie ces vibrations positives et détendues. En France on n’a pas beaucoup de groupes de ce genre-là, dans un registre plus calme et poétique. Les Sages Po’, IAM parfois, Oxmo, Kohndo. Ou alors ce sont des artistes qui ne sont pas très médiatisés, comme Le Makizar ou La Main gauche. Mais moi, c’est vraiment cette énergie-là que j’apprécie. C’est ce qui m’attire dans le rap US, cette diversité. Le rap anglais est aussi plutôt varié et ouvert. Ça ne veut pas dire que le rap français n’a pas de potentiel, c’est au contraire une raison de plus pour l’amener à se diversifier, en essayant d’apporter quelque chose de nouveau. Je suis à la recherche d’un son qui n’a jamais été produit, qui n’a jamais été entendu. Pour aller vers un son comme ça, ça me parait important d’être en quelque sorte hermétique à tout ce qui est à la mode.
A : Nous parlons beaucoup de ton travail de beatmaking, mais à la base tu es DJ.
H : Oui, j’ai un réel amour, une obsession pour les vinyles, que j’aime partager. J’adore mixer, diffuser de la musique que j’aime. Jouer dans des bars, en plein air… J’ai joué un peu partout en Europe, souvent dans des lieux plutôt underground. A New York également, ou à Tokyo. Souvent ça se fait un peu à la dernière minute. Si je vais visiter une ville et que j’ai assez de temps devant moi, je repère des bars et je demande au propriétaire si j’ai possibilité de jouer. C’est souvent très thérapeutique de diffuser de la musique. Ça m’est même arrivé de jouer en maison de retraite. C’est un challenge de trouver comment toucher des publics très différents mais généralement je m’en sors plutôt bien.
« Diffuser de la musique a quelque chose de souvent thérapeutique. »
A : Comment t’es-tu retrouvé à jouer en maison de retraite ?
H : Je faisais un documentaire en Macédoine sur un peintre âgé, Vladimir Georgievski. Il était dans une maison de retraite assez moderne, dans laquelle il y avait des soirées. Il aimait la country et moi aussi, j’ai pas mal de vinyles de country. Du coup je lui ai proposé de faire une soirée là-dessus. J’ai demandé au directeur et j’ai même pu faire plusieurs soirées. J’avais apprécié le fait de changer de public, de ne pas être avec des petits jeunes ou des trentenaires. C’est aussi intéressant de changer de registre, c’est un travail sur soi-même.
A : À quoi ressemble un set « normal » de DJ Hellblazer ?
H : Ça peut être très varié, aller dans la musique instrumentale, dans ma musique, ou même se focaliser sur un artiste précis. Je fais souvent ça à Skopje, un set sur un artiste rock ou sur un artiste jazz. Tout dépend de l’endroit où je suis. C’est souvent très alternatif, j’essaie de faire découvrir des choses.
A : Tu retournes en Macédoine à quelle fréquence ?
H : J’y suis presque la moitié de l’année et l’autre moitié je suis entre Paris et Amsterdam. C’est très différent en termes de rythme de vie, de contexte. Skopje c’est les Balkans, une zone où des pays autrefois très proches se sont retrouvés en guerre il n’y a pas si longtemps que ça, pour des absurdités ethniques ou religieuses. Forcément, ça façonne les artistes.
A : À quoi ressemble la scène musicale en Macédoine ?
H : C’est une scène très vive et dynamique, mais il n’y a pas de marché. Les gens n’achètent pas de musique, ou très peu par rapport à l’Europe de l’ouest. Ça donne envie aux artistes de s’orienter vers des pays où ils pourraient vivre de leur art, où ils auraient une possibilité de vendre leur musique à grande échelle et de sortir de la difficulté. Du coup, tu trouves beaucoup de musiciens complètement désintéressés, qui n’ont pas d’ambition commerciale, quel que soit le genre. Je trouve ça très inspirant.
A : Et la scène rap là-bas ?
H : Le rap macédonien a démarré à la fin des années 1980, un peu comme le rap français finalement. C’est très influencé par les États-Unis, mais dans une langue que peu de personnes parlent, ce qui limite le potentiel d’expansion. Néanmoins il y a beaucoup de talents, d’excellents freestyles et d’excellents morceaux. J’ai produit pas mal de rappeurs macédoniens, comme Vido, qui est très connu là-bas. Pour l’anecdote, en 1998 quelqu’un a amené là-bas le dernier album de NTM et il a vraiment tourné partout à Skopje. Du coup beaucoup ont été influencés par les instrus et par le style de Kool Shen.
A : Il y a une multitude de projets sur ton Bandcamp. Si tu devais indiquer trois projets pour te découvrir aux gens qui ne te connaissent pas, ce seraient lesquels ?
H : The Secret Tapes déjà, mon premier LP. On y trouve beaucoup de collaborations, avec des rappeurs ou des beatmakers du monde entier. Ensuite Pure Dopeness vol. 2, le meilleur pour découvrir la démarche. Après Write vol. 2, une compilation faite pour les rappeurs en recherche de beats. Le second volume est produit par Hpnotic718, de Brownsville, très talentueux et très new-yorkais dans les sonorités choisies. Pour le coup, lui, on sent parfaitement l’univers dans lequel il évolue au quotidien. Et puis, si je peux en rajouter un, ce serait l’hommage instrumental à Kurt Cobain que j’ai fait avec Illuzual, un beatmaker de Bradford en Angleterre.
A : Tu parlais aussi de tes activités dans le théâtre et le cinéma avant.
H : À dix-neuf ans j’ai été assistant réalisateur sur un long-métrage aux cotés de Thierry Arbogast, un directeur de la photographie français qui a beaucoup collaboré avec Luc Besson. Il a travaillé sur Le Cinquième Élément, Léon, Nikita, Jeanne D’arc et plein d’autres films. Le metteur en scène du film en question, Le Livre Secret, est mon oncle, Vlado Cvetanovski. Je venais d’entamer mes études de cinéma à Paris et c’était l’occasion parfaite pour moi de rentrer dans ce monde-là, en tant que premier assistant du metteur en scène et traducteur-interprète pour Thierry Arbogast. J’ai beaucoup appris à ses côtés et j’espère retravailler avec lui très rapidement. Justement, avec Zoxea, on a un projet de long-métrage sur les attentats de Paris en 1995, à Saint-Michel. On en parlait juste avant les attentats de Charlie Hebdo, on s’était replongés dans cette époque, celle de l’affaire Khaled Kelkal. Voir que tout ça revenait, que ce n’était plus juste cantonné à des souvenirs, ça nous a choqués. Alors le 13 novembre 2015… C’était apocalyptique.
A : En marge de tes activités artistiques, tu prépares donc une thèse. Comment articules-tu le fait d’être doctorant, chose qui consomme beaucoup de temps et d’énergie, et le beatmaking, où tu es plutôt prolifique ?
H : J’ai pour thème de recherche la relation entre l’image et le son. Dans ma thèse je parle beaucoup du beatmaking, de ce qui inspire le beatmaker et donc, notamment, de l’image. Le fait de produire, ça me permet d’affiner ma réflexion, de rester dans mon sujet et de l’approfondir. Je suis metteur en scène aussi, ça influence beaucoup la musique que je fais. J’utilise parfois mes beats pour des pièces de théâtre ou pour des films, donc ça reste en plein dans le sujet. Je fais mon doctorat à Amsterdam, à l’école universitaire d’analyse culturelle, très axée sur l’interdisciplinarité et les formes modernes d’art, et donc forcément sur le hip-hop et le beatmaking. Actuellement, il y a un réel intérêt pour ces formes d’art. Le beat, c’est une forme de culture urbaine, ça va au-delà du hip-hop. Beaucoup de gens ne sont pas dans le hip-hop mais écoutent des beats, électro ou trip-hop par exemple. Aujourd’hui des beats sont utilisés pour illustrer des sujets d’Envoyé Spécial ou d’autres émissions très sérieuses, parce que le son va bien avec l’image et son montage en rythme. La création instrumentale est omniprésente, elle met en valeur la voix, les informations, les produits commerciaux de toute sorte, les idées… Elle a pris de l’importance et fait désormais partie du quotidien.
La MZ, c’est un peu le groupe du moment. Même si nous les avions déjà interviewés l’an dernier, il est probable que les rappeurs du XIIIème arrondissement soient encore étrangers pour certains de nos lecteurs. Après le deuxième volume de leur série des MZ Music sorti l’été dernier, le groupe fait preuve d’une productivité remarquable puisqu’il vient tout juste de lui donner un successeur. Tuons le suspens tout de suite : si nous avions trouvé le MZ Music, Vol. 2 intéressant mais parfois inégal, ce dernier projet s’avère être une vraie réussite qui réussit même le pari de se bonifier au fil des écoutes. Voici cinq bonnes raisons de se pencher dessus.
1. Parce que le groupe est parfaitement en phase avec son époque
À première vue, on peut se demander ce qui relie la MZ aux Sages Poètes de la Rue. Pour comprendre ce qui a pu intéresser Zoxea (la MZ est, en partie, signée chez KDBZIK), il faut se souvenir de l’impression laissée par Qu’est-ce qui fait marcher les sages ? lors de sa sortie. Peu de groupes de rap français à l’époque étaient autant en phase avec le rap du moment, les productions comme les flows des rappeurs tutoyaient alors de très près les standards du rap américain. Près de vingt ans plus tard, il en est exactement de même pour la MZ. Plus influencé par les ambiances aériennes du A$AP Mob ou les débits autoritaires des rappeurs d’Atlanta que par le rap jazzy de la Native Tongue, le groupe ne semble pas se polluer l’esprit avec des questions existentielles et regarde essentiellement devant. Hormis une référence au premier album de Zoxea, la MZ ne cite quasiment aucun artiste ou grand disque de rap français. Le groupe préfère, une nouvelle fois, jouer l’honnêteté et se remémorer ses souvenirs d’enfance : ici une phase sur Titeuf, là une autre sur Jean-Edouard et Loana. Pourquoi pas.
2. Parce que leur humour de mauvais garçon rappelle (un peu) le Ministère Ämer
Plus qu’aux Sages Poètes de la Rue, c’est au Ministère Ämer que le groupe peut parfois faire penser. Chez la MZ, pas de figure de style compliquée ou de jeux de mots à dormir debout. L’écriture est simple, concise et privilégie presque le gimmick à la punchline. En ce sens, Dehmo, Jok’Air et Hache-P rappellent Stomy et Passi. Comme eux, ils sont parfois maladroits mais enchaînent les blagues de gamins et les roulements de mécaniques avec un sourire en coin malicieux. Souvent véhéments sans être dans la revendication, toujours rigolards, ils donnent surtout l’impression de ne penser qu’à une seule chose : les meufs. On ne va pas les blâmer.
3. Parce qu’ils débordent d’énergie…
Ecouter MZ Music, Vol. 3 s’apparente à regarder un bon gros film d’action dans lequel les moments de répit sont rares. Il s’y passe toujours quelque chose, le groupe semblant en permanence chercher à interpeller l’auditeur. Hache-P, par exemple, donne l’impression de rapper jusqu’à l’épuisement et les morceaux, pas avares en refrains chantés et en ponts, sortent régulièrement du format classique des trois couplets entrecoupés d’un refrain. Il faut écouter la musique de la MZ avec le même objectif qu’eux ont en la concevant : se défouler.
4. …mais qu’ils savent aussi se poser de temps en temps
MZ Music, Vol. 3, ça n’est pas exclusivement un recensement de morceaux bourrins visant à électriser les fosses en concert. « Tourne autour », « Bonbon », « Lune de fiel » ou « Enfermé dehors » sont autant de titres plus posés dont certains révèlent même un vrai potentiel radio sans que l’ensemble ne sonne putassier pour autant. C’est le cas de « Bonbon » par exemple, chaude ballade où, même si ça chantonne de manière un peu gauche, la sincérité vient sauver le tout. La sincérité, c’est d’ailleurs une des clés du disque. Pris indépendamment, on pourrait avoir à redire sur les critères qui font généralement qu’un disque ou un rappeur est bon ou mauvais. Les flows ne sont pas aussi millimétrés que chez d’autres, les paroles tombent parfois dans la facilité, les productions peuvent sembler un peu répétitives… Mais la joie de rapper de la MZ est tellement communicative que ça fonctionne systématiquement. Une mention également à l’hypnotique « Lune de fiel » dont le refrain vous restera longtemps en mémoire (ce qui peut s’avérer franchement dommageable en société).
5. Parce qu’ils se sont bien trouvés
Pour la MZ, le rap est clairement un sport collectif. Dans une récente interview donnée à Hip-Hop Reverse, le groupe indiquait que la priorité n’était clairement pas sur les projets solos. D’où l’importance de battre le fer pendant qu’il est chaud et de profiter au maximum de l’exceptionnelle cohésion qui les anime. Les rappeurs ont beau être dans un style assez proche, leurs personnalités sont facilement identifiables et se complètent tout le long du disque. Surtout, on sent à chaque titre qu’ils s’éclatent au micro et qu’ils sont contents de rapper ensemble. Un message à transmettre à Franck Ribéry : le plus important, c’est de remporter la Ligue des Champions, pas le Ballon d’Or.
Ils ont toutes les casquettes. Celles de rappeur, producteur, patron de label, producteur exécutif et parfois même DJ. Une polyvalence extrême, parfois voulue, parfois forcée par les circonstances. Pour illustrer cette réalité, on a convié sur notre plateau deux figures du rap hexagonal, deux références aux sillons extra-larges : Zoxea et Aelpéacha. Des Sages Poètes de la rue, au CSRD, en passant par Tout dans la tête et Studio Liqueur, cette troisième émission était l’occasion de revenir sur une partie de leurs faits d’armes et prochains projets tout en dressant des parallèles avec les « all-around player » d’outre-Atlantique.
Installez-vous confortablement, mettez-vous bien, les choses se passent en famille.
Abcdr Du Son : On t’avait interviewé longuement en 2009, pour revenir sur ton parcours et tu avais commencé à nous parler déjà de Tout dans la tête. L’album est finalement sorti il y a quelques semaines. Le processus de création a été plus long que prévu ?
Zoxea : Non, pas particulièrement. Je savais d’emblée que j’allais mettre onze titres dans cet album. À l’époque, je devais en être à la moitié. J’étais en résidence au 104 pour élaborer ce projet. J’avais du temps devant moi et je n’étais pas particulièrement pressé. J’avais quand même une envie qui était de sortir cet album le 11 Novembre 2011. Soit le onze-onze-onze. C’était un clin d’œil par rapport à mon chiffre fétiche : le onze. Finalement, ça n’a pas pu se faire.
Beaucoup de gens qui nous suivent ont été un peu surpris de ne voir que onze titre sur le tracklisting. Ils ont pu se dire que c’était un peu léger. Mais quand tu écoutes l’album, tu vois comment il est agencé, ton sentiment change. Il y a onze pistes mais il n’y a pas d’interlude, d’intro, ni d’outro.
A : Ton album à été écrit entièrement de tête. Qu’est-ce que ça a changé de fondamental dans ton processus de conception de l’album ?
Z : Le grand changement, c’est la spontanéité. J’avais besoin pour réaliser cet album d’être régulièrement en studio. Et d’évacuer rapidement le texte à partir du moment où il avait été muri dans ma tête. Ça aurait été vraiment difficile de le garder deux-trois jours en tête. En studio, je faisais tourner du son. Une fois que j’avais trouvé le thème, je commençais à écrire dans ma tête pour le poser ensuite. Du coup, j’avais quelque chose de super intuitif. Tous les morceaux sont stockés dans ma tête, je n’ai rien écrit.
A : Suivre cette approche, c’était un défi pour toi ?
Z : Exactement. Je me suis lancé ce défi en 2006, à l’époque du morceau « 60 piges ». D’ailleurs, à la base, ce morceau « 60 piges » devait être dans mon album et pas sur Dans un autre monde [NDLR : Beat de Boul]. J’avais lu plusieurs fois que Notorious ou Jay-Z avaient déjà écrits comme ça. Ça m’avait amené à me poser des questions. Je le dis dans l’album : « j’écris tout dans la tête comme Notorious ou Jay Hova« .
« L’engouement autour de cet album, c’est déjà un pari gagné. »
A : Qu’est-ce que tu attends de ce nouvel album ?
Z : La première chose que j’attendais, c’était le retour du public. De ceux qui me suivent. Et de ceux qui m’avaient un peu perdu de vue. C’était important de remettre les choses à plat en ce qui concernait le personnage Zoxea. Il fallait que je sorte cet album et j’ai eu énormément de retours via Internet ou la scène. Ces retours constituent ma première source de satisfaction. Sortir un disque et ne pas voir le public au rendez-vous, ça aurait été frustrant. Et je dis ça d’un point de vue purement artistique, au-delà des ventes. L’engouement autour de cet album, c’est déjà un pari gagné.
Ensuite, j’aimerais pouvoir tourner. Le plaisir de partager ça sur scène, c’est important. Comme tu as pu le voir à la Scène Bastille il y a quelques jours [NDLR : interview menée le 26 mars, soit quelques jours après le concert à La Scène Bastille.] J’ai envie de faire un maximum de scènes et de faire évoluer la formation, en intégrant notamment des musiciens sur scène.
A : C’était une des surprises du concert : l’ajout – très réussi – de musiciens pour jouer certains morceaux. Cette expérience, tu as envie de la prolonger ?
Z : J’ai non seulement envie de la prolonger, mais aussi de la faire évoluer comme ça a été rarement fait. En mélangeant les parties jouées et les morceaux enregistrés. En sachant que certains morceaux marcheront toujours mieux sur bandes. On va peut-être essayer de mixer les deux. J’ai vraiment kiffé ces moments. Je ne pensais pas que ça allait me plaire autant.
A : Du coup, est-ce que t’as donné envie de réaliser un jour un album avec des musiciens ? Un peu comme Oxmo avait pu le faire avec les JazzBastards – sur Lipopette Bar.
Z : Oui, mais à vrai dire, on a cette idée en tête depuis pas mal de temps. On avait voulu à un moment refaire À mon tour d’briller avec des musiciens. L’idée est toujours là… On en reparlait avec l’équipe la semaine dernière.
A : Tu as des musiciens en tête ? Ou tu voudrais partir avec la bande qu’on a vu à La Scène Bastille ?
Z : Ceux que tu as pu voir à Bastille étaient jeunes mais vraiment talentueux. On a tout répété en à peine deux jours. Ils étaient au taquet et nous on a toujours donné une chance à des plus jeunes. Après, je connais aussi des musiciens de studio…
A : Développer de jeunes talents, c’est aussi la volonté de ton label KDBZIK ?
Z : C’est complètement notre idée. On va sortir très prochainement l’album de Midnight Run, un franco-américain. Il rappe en anglais, je vais être dessus, comme les Sages Po’. Il est aussi producteur, et du coup, il a produit l’ensemble des morceaux. L’album doit sortir le 28 mai. On va essayer de sortir pas mal de choses dans les mois qui viennent.
A : J’ai retenu certaines paroles et j’aimerais te faire réagir dessus. Sur « Paroles et musiques », tu dis : « Le disque est mort, 50 000 pour avoir l’or mais de qui se moque-t-on ? »
Z : [Rires] J’ai connu la grande époque du disque d’or. Où il fallait faire 100 000 pour en avoir un. Après, il est descendu à 75 000. Puis 50 000. C’était une petite phase pour rappeler combien ça a été dévalué. Ce que je veux dire aussi par là, c’est que tout se passe sur scène aujourd’hui. Il n’y a plus uniquement l’aspect album et studio. Un artiste aujourd’hui, il doit vraiment défendre sa musique sur scène. Auprès du public. On a grandi avec un support physique et on est content de sortir un disque physique et pas uniquement du digital. Mais on est dans le 360. Avec le merchandising, la scène, l’album, le digital. Être un artiste complet, c’est maîtriser l’ensemble de ces paramètres.
A : Tu dis aussi : « la plupart ont glorifié la cocaïne et le shit, tout ça pour avoir un public immature… »
Z : Quand j’ai commencé à écrire de tête, je ne me suis pas embarrassé des fioritures. C’était suffisamment difficile comme ça. L’avantage de ne pas coucher sur feuille, c’était aussi de ne pas revenir sur chaque bout de texte en me disant : « il manque une assonance ici, une allitération là. » Ça sortait directement de ma tête, avec tout mon background. Par exemple, sur « Showtime », je parle de la langue du « Ze », ça fait pleinement partie de mon background. Pour en revenir à cette phrase, à un moment donné tout le monde parlait de ça. Et, a priori, ça plaît.
A : Tu évoques sur « Boulogne tristesse » ta mise en retrait du milieu rap pendant quelques temps. En disant que tu avais été extrêmement déçu. Tu as quand même eu envie de revenir fort.
Z : Oui, rester déçu dans mon coin, à ne rien faire, c’est mourir un peu. Celui qui glorifie des trucs auxquels je ne crois pas, il sort quand même des projets. À un moment donné, il faut donner ta vision, une contrepartie. Sur certains morceaux, j’ai failli partir moi aussi un peu dans ce délire là. Ça se joue parfois à pas grand-chose, à quelques mots. Du coup, j’ai viré ces quelques mots pour que ça colle plus avec ce que je suis.
A : Ne pas coucher ton texte sur papier, est-ce que ça a changé la façon dont tu interprètes tes textes sur scène ?
Z : En fait, ça a changé mon interprétation dès l’enregistrement, derrière le micro. Quand tu écris, tu pourrais être tenté de lire un peu. Mais là, du coup, tout venait en même temps. Dans un sens, on se rapprochait d’une forme d’improvisation. En impro’, soit tu mises tout sur le contenu, soit tu y mets beaucoup de flow et de technique. Quand j’improvise, j’ai toujours essayé de mêler les deux aspects. J’ai l’impression d’être un peu dans cette démarche là…
« Aujourd’hui, on est dans le 360. Avec le merchandising, la scène, l’album, le digital. Être un artiste complet, c’est maîtriser l’ensemble de ces paramètres. »
A : « Oui, je l’aimais » est un morceau assez mystérieux…
Z : [Rires] Ah, « Oui, je l’aimais »… Ça va être difficile de t’expliquer, je dis beaucoup de choses dessus. Tu sais, même Busta qui est un ami de longue date, il m’a posé des questions à propos de ce titre. Il y a une partie de vécu dans « Oui, je l’aimais »… À la fin du morceau, je dis : « mon histoire est soit fictive, soit prémonitoire. » J’ajoute après « à toi de voir mais sache qu’en chaque homme se cache une bête féroce. » Ce qui fait flipper les gens aussi, c’est le côté « est-ce que j’ai tué ou je vais tuer quelqu’un ? » Un peu comme quand tu entends les gens dire « on savait qu’il était dangereux mais on n’a rien fait. » Je sais que cet aspect-là torture pas mal les gens aussi.
A : Il y a un côté crime passionnel dans ce morceau…
Z : Crime passionnel, c’était le titre à l’origine. Ça l’a été jusqu’au mastering. Je l’ai changé un peu au dernier moment. Le titre « Oui, je l’aimais » intriguait d’avantage. Même Tachi qui a fait la pochette et nous suit depuis toujours, se demandait ce qu’il y avait derrière ce titre. Il craignait un truc un peu à l’eau de rose. Avec un titre comme Crime passionnel, tout était déjà grillé.
A : « Je crois que j’ai fait une grosse connerie » ?
Z : Oui, en fait je dis « oh maman, je crois que j’ai fait une grosse connerie. » c’est comme si j’avais tué la personne que j’aimais. La première personne à laquelle j’irais me confier dans un cas pareil, ce serait ma mère. On est extrêmement complices.
A : Pour évoquer l’aspect visuel de l’album, parlons du clip de « Showtime ». Quand je l’ai vu, j’ai pensé tout de suite à celui d’Evidence : « To be continued ». C’est une forme de clin d’œil ou un pur hasard ?
Z : En fait on avait tourné le clip de « Showtime » pendant l’été. On a mis pas mal de temps pour le monter. Le mec qui devait gérer ça était très occupé. Du coup, ça a pris plus de temps que prévu. Entre temps, Melopheelo qui est pas mal dans les réseaux sociaux, a vu ça. On a eu la même idée, voilà. Après, on ne l’a pas tourné du tout de la même manière. Lui a utilisé un steadycam qu’il avait accroché à lui, il était dans des grands-huit. Nous, on a été plus soft, et on a fait ça avec un iPod.
A : Comment est-ce que vous avez choisi les trois singles sortis en amont de l’album ?
Z : Le premier « Boulogne tristesse » est venu d’une volonté de revenir, moi, seul, avec un morceau très personnel. « Comme un Lion », c’est avant tout le rapport entre moi et le public. C’est pour cette raison qu’on a tourné le clip en mode un peu « happening. » Le troisième, « Showtime » c’est moi avec ma famille de Boulogne. Le prochain, « C’est nous les reustas », avec Busta fait le pont avec ma famille IV My People. Il sortira dans les jours qui viennent [NDLR : interview menée le 26 mars, il est effectivement sorti depuis].
A : On retrouve de nouveau Busta. C’est une vraie continuité dans ton parcours depuis IV My People.
Z : Busta c’est le premier nom qui m’est venu quand j’ai commencé à penser aux invités. Dans la conception, je voulais faire un album qui ressemble à À mon tour d’briller. J’avais reçu beaucoup de très bons retours sur cet album. Il avait été considéré comme un vrai classique. Sans le copier, je me suis demandé ce qui avait fait son succès. J’ai réfléchi aux différents ingrédients utilisés. Un peu comme quand tu fais un plat réussi. Tu ne vas jamais faire deux fois le même, mais tu regardes tous les ingrédients. Et Busta fait partie des ingrédients dont j’avais besoin pour réaliser un bel album.
A : Vous avez toujours un projet d’album en cours avec les Sages Po’ ?
Z : Oui, on en parlait encore ce week-end avec Dany. On a besoin de se retrouver pendant un certain laps de temps et être à fond dedans. C’est comme ça qu’on fera une bête d’album. Pas autrement. Il y avait bien une autre solution que Dany avait évoqué pas mal de fois et qui était louable : enregistrer chacun de notre côté et s’envoyer ce qu’on pouvait faire. Mais pour Sages Po’, on a besoin de façonner le truc ensemble, de retrouver un côté compétition.
On a la chance de partir onze jours au Brésil tout début avril pour une série de concerts. Onze encore ! [Rires] On aura un studio à disposition et on va pouvoir se retrouver pour faire de bons morceaux. On a déjà pas mal de sons à disposition.
A : Pour clore le sujet concert, j’étais surpris de voir qu’une bonne partie du public de La Scène Bastille semblait connaître toutes les paroles de « Qu’est-ce qui fait marcher les sages ? » Les années passant, ça te surprend toujours ?
Z : Ce morceau est vraiment intemporel à mes yeux. À chaque fois qu’on le joue, c’est l’explosion. « Qu’est-ce qui fait marcher les Sages ? » c’est notre hymne. On a deux-trois titres comme ça. « Un noir tue un noir » ou « Amoureux d’une énigme » qui marche quand même un peu moins bien maintenant. On voyait même des jeunes qui reprenaient les paroles. Je ne sais même pas s’ils étaient nés quand on a sorti le morceau. A priori, il y avait aussi des darons dans le public. Ce côté transgénérationnel est assez mortel. C’est toujours ce qu’on a voulu : que les plus grands transmettent aux enfants. Avoir une continuité sans suivre une démarche putassière.
« Les Mo’vez Lang, Sir Doum’s, I2S, Booba, Ali… Malgré les aléas de la vie, ça reste ma famille. »
A : Justement, qu’est-ce qui fait marcher les sages aujourd’hui ?
Z : C’est toujours la passion du son. Je kiffe toujours écouter ce qui peut sortir en rap français. Dany, lui aussi, est toujours à la pointe. À notre âge, pour continuer comme ça, il faut vraiment avoir conservé cette passion. Ces derniers temps, je me suis surpris à écouter moins de rap cainri.
A : Quel regard tu portes sur le caractère très productif des artistes aujourd’hui ? On est arrivé à un tel rythme qu’à un moment on pourrait avoir l’impression que si tu ne sors pas quelque chose tous les six mois tu es « has-been. »
Z : Moi, je suis de l’ancienne génération. Après je pourrais, honnêtement, te sortir un album par mois. Je vais vite dans l’écriture et dans la production. Mais moi, je préfère prendre mon temps. Je vois quand même ce qui peut se faire aujourd’hui. Des gars comme Rick Ross sortir très régulièrement des projets. Et ça marche. Il a trouvé sa formule, son public. Il sait quel type de beat son public attend, même chose pour les rimes. Il va appliquer son savoir-faire.
A : Tu sais qui compose ton public aujourd’hui ?
Z : Je le sais de plus en plus. J’ai un public changeant. Avec des anciens – dont certains qui n’écoutaient plus de rap – des nouveaux aussi. C’est un public qui est en train de se former. Avec un grand mélange de cultures, de générations…
A : Tu évoquais tout à l’heure ton envie de jouer avec des musiciens sur scène. Tu as d’autres envies fortes que tu voudrais partager ?
Z : Je veux faire l’Olympia. Et je te dis ça on ne l’a dit à personne jusque là. On voudrait avoir un beau plateau avec des invités qui ont été là tout au long de ma carrière. On va commencer à discuter avec quelques partenaires qui voudraient entrer dans l’aventure. En terme de symbolique ça me semblerait très bien. Si j’arrive à rassembler ceux qui ont été autour de moi… ça pourrait être un bel événement. Avec les Sages Po’, IV My People, mais aussi mes gars de Boulogne.
Je ne perds pas l’espoir de refaire des projets avec Boulogne. Au fur et à mesure des écoutes, les gens se rendent compte que le titre « Boulogne tristesse » ce n’est pas un morceau aigri. Ce n’est pas un truc où je dis que je suis le meilleur et tout. Non, on était une bande avec du talent. On a merdé. Aussi bien vous que moi. La question c’est : qu’est-ce qu’on fait pour les générations futures ? Est-ce qu’il y a quelque chose à faire ? Je suis toujours tout ce qu’ils peuvent faire. Les Mo’vez Lang, Sir Doum’s, I2S, Booba, Ali… Malgré les aléas de la vie, ça reste ma famille.
Abcdr : On va débuter très simplement: quels ont été tes premiers contacts avec le Hip-Hop ?
Zoxea : J’ai commencé le Hip-Hop avec la danse, le smurf à l’époque de Sidney et de l’émission H.I.P. H.O.P. A cette époque là, je dansais beaucoup, j’étais connu en tant que smurfeur. Pas breaker. Smurfeur. A chaque soirée, où plus intimement quand il y avait des mariages dans ma famille, il y avait toujours un moment où il fallait faire le spectacle. J’étais toujours désigné pour ça. C’était pas évident vu que j’étais un peu timide mais au final j’y allais, je smurfais.
Après, y’a eu le tag avec le côté plus vandale qu’artistique. C’était déjà le délire où il fallait cartonner la ville, Paris, les métros…
A : T’étais déjà avec Dan à l’époque ?
Z : Oulah, c’est flou là. Je sais plus…enfin, ouais, je crois qu’on a commencé à se voir aux débuts du tag.
A : Et après tu t’es mis au rap ?
Z : On parlait de danse et de tag mais pour moi le Hip-Hop c’est large. Je m’y suis vraiment impliqué avec la musique. J’avais un oncle et une tante qui faisaient des soirées africaines et invitaient pas mal d’artistes africains. Mes parents leur donnaient parfois un coup de main pour l’organisation. Nous, on était petits, et on évoluait là-dedans, avec des artistes de la scène ivoirienne et d’autres pays. On a baigné vraiment tôt dans la musique. Mes parents n’étaient pas musiciens mais ils aimaient beaucoup la musique. Pendant les trajets en voiture, on écoutait Bob Marley, de la musique africaine et antillaise.
A: T’étais déjà à Boulogne ?
Z: Ouais, j’ai toujours été là-bas. Je suis né à Sèvres, à côté, et j’ai grandi à Boulogne, entre les deux y’a le Pont de Sèvres.
A : Tu es régulièrement cité comme une des personnes à l’origine de cette émulation autour du rap à Boulogne, tu as quelque part montré la voie…
Z : Ouais, c’est vrai mais en même temps il y avait d’autres grands de la cité qu’on ne cite jamais. Des mecs comme Kamel. On l’appelait Ben-K. Il faisait partie du groupe LST, Les Sans Tiep’. Eux, c’étaient les grands de la cité qui faisaient partie de la génération de Melopheelo. Ils allaient souvent en Angleterre et ils ramenaient plein de sapes, des Troops, les survets peau de pèche déjà, les baskets, les sons, les disques. A l’époque, c’était vachement le rap anglais qui cartonnait, Overlord X, Silver Bullet. Avec les BPM super accélérés, et puis Public Enemy. Bref, on a grandi là-dedans, et ces mecs là, non médiatisés, ont beaucoup contribué à l’essor du rap à Boulogne. Après, derrière, mon frère et moi on a apporté aussi un truc.
A : Tu ressens une fierté particulière de ce côté très fondateur ?
Z : Ouais, carrément, et je le revendique aussi. Même si je ne vais pas le crier sur tous les toits. Avec les Sages Poètes de la Rue, et moi, à titre personnel, on a fait beaucoup. J’ai été à l’initiative de tout ce qu’on a pu développer avec différents groupes, j’ai vachement engrainé et motivé les gars. Comme au foot où tu ramènes tous tes potes dans le même club. Moi, j’ai étendu cette démarche au rap.
A : Petit aparté, t’as joué au foot pendant des années, t’as même failli rentrer en centre de formation, non ?
Z : Ouais, carrément, j’avais fait des essais. J’étais en équipe d’Ile de France. Mon premier amour, d’ailleurs je vais écrire un morceau là-dessus, c’était le foot. Mon père était joueur professionnel, international béninois. Et moi, à la base, c’était ma vocation. J’ai baigné dans le foot, le Brésil, Pelé, Garrincha,… J’ai beaucoup joué mais après deux-trois désillusions, quelques blessures et le rap venant, j’ai lâché.
A : Dans une interview récente, Salif expliquait qu’à une époque, genre fin des années quatre-vingt dix, il galérait pas mal et que si un mec lui avait donné envie de rapper, ben c’était toi. Tu avais quels contacts avec lui à ce moment là ?
Z : Salif, c’était un petit du quartier. Il venait à la maison vu qu’à l’époque on avait des jeux vidéos et il venait faire des copies. Je lui faisais des petites cassettes et il commençait à rapper dans son coin. J’avais déjà décelé en lui une bonne écriture. Je voyais qu’il était vif dans le quartier, il était petit mais c’était déjà un bonhomme.
Je l’ai pris en quelque sorte sous mon aile un peu avant mon album « A mon tour d’briller ». On avait même fait un morceau qui n’est jamais sorti. Le morceau s’appelle ‘Groupie’, on avait pris un sample de Charles Aznavour et on a pas eu les droits. Donc, bref, ouais, Salif c’était un des petits, un petit bien prometteur.
A : Depuis tes débuts, tu as beaucoup bossé avec ton frère Melopheelo, que ce soit pour les Sages Po’ ou en tant qu’artiste solo. Bosser avec son frère, ça ne complique pas trop les choses ? Vous ne vous êtes jamais pris la tête ?
Z: Non, honnêtement, jamais. Je ne dis pas ça parce que c’est mon frère mais Melopheelo est vraiment un gars formidable. Dans le Hip-Hop c’est rare un mec aussi humble, positif et gentil. La vraie gentillesse. C’est ce qui m’importe avant tout. J’ai bossé à un moment avec beaucoup de gens différents et si on a arrêté c’est parce que humainement parlant ça n’allait plus. Après, c’est peut-être ce qui me fait défaut vu qu’on est dans un business.
Bosser avec mon frère, c’est un plaisir. Je pense qu’il a une très bonne oreille et qu’il est très bon. Après, il s’est peut-être pas assez mis en avant. Moi, il me fait écouter des sons… je trouve qu’il est en avance sur pas mal de trucs. Je dis souvent que je trouve que Melopheelo a un truc de Dre. J’ai écouté l’album d’Eminem et le morceau ‘Crack the bottle’ avec le sample de Mike Brant. Melopheelo il m’avait fait un son comme ça, avec le même genre de rythme, il y a cinq ans, à l’époque de « Dans la lumière ». Je sais que la comparaison peut paraître prétentieuse vu qu’il a pas une discographie avec plein de disques d’or et de platine. Mais moi, je suis à fond dans la musique et je considère que la comparaison est justifiée.
A: T’as une discographie solo bien riche, comme Dany Dan, mais Melopheelo il n’a jamais eu envie de sortir des trucs aussi dans son coin ?
Z: Ouais, il est trop humble, ou faudrait le pousser. Mais je sais que le jour où je vais le pousser à fond [rires]….Là, j’ai plein de trucs sur le feu mais à un moment je vais stopper. L’énergie que j’ai pu mettre à une époque sur des gens qui ne le méritaient pas… enfin, bref ce qui est fait, est fait. Quand je vois mon frère, un mec humble et patient, le jour où je vais me mettre avec lui, attention, on va faire un truc de dingue.
A : On a l’impression que Melopheelo aujourd’hui il est producteur avant tout. Alors que j’ai encore l’image du mec qui était aussi rappeur…
Z : Ouais, mais Melopheelo il est humain. Faut pas se mentir, il a reçu beaucoup de critiques. On dit souvent Dany Dan, Zoxea… et on délaisse beaucoup Melopheelo. Alors que si vous réécoutez « Qu’est-ce qui fait marcher les sages ? » ou « Jusqu’à l’amour », la magie Sages Po’ elle est dans la combinaison de nous trois, dans cette alchimie.
Après tout ça dépend de la personnalité de chacun. Certains, plus ils vont prendre des coups, plus ça va les motiver. Tu en as d’autres, plus réservés, à qui les coups font mal et qui vont se tenir en retrait. Et ceux-là, si tu les regonfles pas après, ils perdent un peu le truc. Mais vraiment les Sages Po’ c’est la voix de Melopheelo, les métaphores de Dany et mon côté un peu plus rue ou hargneux. Les Sages Po’ à la base c’est mon grand frère. C’est limite lui qui m’a mis dans le rap, lui qui écrivait, lui qui a formé le groupe…
A : SPR !
Z : Ouais, tu connais, SPR, Soul Pop Rock MCs ! Et plus ça va aller, plus on veut le restreindre un rôle de producteur ? Nan, c’est un MC, il a des choses à dire. Après, peut-être que ce n’est pas sa vocation. Là, on prépare le concert Retour aux sources [NDLR : l’interview a eu lieu le 1er juin], il s’investit à fond, on revisite les anciens morceaux où on sent qu’il s’éclatait quand il posait. Après, c’est un déclic. Aujourd’hui, il se sent plus à l’aise derrière les manettes, très bien.
« J’ai été à l’initiative de tout ce qu’on a pu développer avec différents groupes, j’ai vachement engrainé et motivé les gars. Comme au foot où tu ramènes tous tes potes dans le même club. Moi, j’ai étendu cette démarche au rap. »
A : On voulait aussi te parler d’une autre époque, en l’occurrence de IV My People. Tu peux nous redire comment t’as rejoint IV My People et nous commenter aussi comment le label a évolué…
Z: Je vais bien tout vous expliquer. Pendant l’album de Busta, j’ai produit le single ‘J’fais mon job à plein temps’. J’ai aussi fait le morceau ‘Un pour la basse’, morceau sur lequel j’étais aussi en featuring. Dans le studio, y’avait une grosse dynamique. Kool Shen qui réalise l’album de Busta est impressionné par la façon dont j’opère en studio.
Or à l’époque avec les Sages, on s’était dit qu’on allait partir en solo. Faut savoir qu’on est très influencés Wu-Tang, et c’est l’époque où les mecs du Wu sortent des albums solo. On s’est dit qu’on allait faire pareil, en se disant qu’on allait déployer nos forces pour revenir plus fort après. Moi, entre temps, j’avais fait mes maquettes et enregistré pas mal de trucs avec mon ingénieur Patson. A un moment, j’fais écouter mes maquettes à Kool Shen, à Busta et à Charbonnier le D.A. de l’époque chez Warner, et ça leur plait à tous. A partir de là, on me propose de signer. Ah, et y’a aussi Spank, on l’oublie souvent. A l’époque il avait son petit magasin aux Halles et il jouait souvent ‘Beat de Boul est dans la sono’. Ca a contribué au buzz de l’époque, au fait que les gens s’intéressent à moi. Big up à lui.
Suite à ça, ça se passe bien en studio et Kool décide de créer un collectif qui s’appellera IV My People. Dans ce collectif, il y a Busta, lui et moi. La création de ce collectif donnera naissance au morceau ‘This is 4 my peeps’ produit par Madizm avec Lord Kossity. Y’a une grosse dynamique, on fait la 93 Party, le clip du morceau avec Joey, ambiance de dingue, il y avait même Dany… mais moi, je suis signé chez Warner à l’époque, Busta aussi. IV my People n’est pas encore un label déposé, juste une marque. C’est devenu un label plus tard, mais moi je suis juste dans le collectif.
A : A l’époque, on ressentait une putain d’alchimie avec Busta, notamment avec le morceau ‘Un pour la basse’. Vous avez jamais eu envie de la pousser plus loin cette alchimie ?
Z : Honnêtement, si, on aurait aimé. Déjà, avec tout cet engouement, la logique aurait voulu qu’on commence par sortir l’album IV My People avec Kool Shen, Busta et moi. Plus les invités qui se devaient d’être là. Mais ça c’est jamais fait. A cette époque, y’avait une grosse vibe, une bonne compétition qui te pousse, de l’adrénaline, tout ce que j’aime. On aurait pu sortir des très bons trucs… Ca se fera peut être bientôt…
A : L’album était vraiment prévu ?
Z : Ouais. On avait sorti le single et l’album était une suite logique.
A : C’est ce que le public attendait en tout cas…
Z : Ouais, je sais [rires]. Pour Busta, on a fait la dernière tournée NTM ensemble, pas mal discuté sur plein de trucs. On s’entend bien, après, aujourd’hui, chacun a ses trucs, son actualité, mais pourquoi pas faire un jour un album ensemble.
A : On va continuer à remonter le temps. Quel regard tu portes aujourd’hui sur ton premier album solo, « A mon tour d’briller » ?
Z: Dix ans se sont écoulés, c’est difficile à dire. Honnêtement, j’le réécoute pas mais y’a des titres que je fais sur scène aujourd’hui et que je referais probablement dans dix ans, vingt ans. Genre ‘La ruée vers le roro’, seul ou avec Busta, ‘Rap musique que j’aime’, ‘L’hymne du Mozoezet’. Pour moi, c’est un bon premier album solo mais on peut toujours faire mieux. En tout cas, pour ma part, je m’arrête pas à ça.
A : Ton deuxième album solo, « Dans la lumière », n’a pas rencontré le succès que tu aurais pu espérer. A ton avis, pour quelles raisons ?
Z: J’sais pas. Honnêtement, j’pense que c’est un album qui avait un gros potentiel commercial. Y’avait un morceau comme ‘Esprit ghetto métèque’ qui a failli rentrer plusieurs fois en radio mais au final non, va savoir pourquoi… Des morceaux comme ‘Jamais oublié’, ‘Une fois que c’est terminé’, ‘Tout est écrit’. C’est un album que j’ai beaucoup axé sur la mélodie, le chant, qui est un truc qui fait vraiment partie de moi. Y’avait aussi des côtés techniques, comme sur ‘Bounce’. Même si l’album était autoproduit, il était distribué par une grosse maison de disques. Je pensais vraiment pouvoir bénéficier de l’appui des radios. Générations m’a suivi, Sky un peu sur les émissions spé’ mais j’ai pas eu les rotations escomptées.
Tu sais, un album comme « Jusqu’à l’amour » fait partie des classiques aujourd’hui, mais à l’époque il était assez critiqué. On disait qu’il y avait beaucoup de titres. Les double-albums dans le rap français ça se faisait quasiment pas….
A: Là, pour le coup, ça conforte un peu le mimétisme avec le Wu-Tang, un double album pour marquer le retour du groupe – comme « Wu-Tang Forever »…
Z: Ouais, à l’époque on était grave influencés par Wu-Tang. Et à ce moment là, on enregistrait constamment. Matin, midi et soir.
A : D’ailleurs, on s’en rend plus compte aujourd’hui avec la série des « Trésors enfouis ». Autant chaque groupe a toujours des morceaux de côté, autant là, y’en a un paquet….
Z : Et y’en a encore beaucoup. De quoi faire trois-quatre « Trésors enfouis » supplémentaires.
A : Et ces morceaux sont déjà finalisés ?
Z : Marrant que tu me dises ça, ça me rappelle l’époque où on démarchait les maisons de disques. On arrivait et certains D.A nous demandaient toujours si les morceaux étaient bouclés. Y’a toujours des petites retouches mais en général nos morceaux étaient structurés un minimum. Au niveau de la réal’ du titre, on essayait de sortir des trucs aboutis.
A : Quand on regarde aujourd’hui les gens qui ont composé le Beat de Boul on est habité par deux sentiments : une certaine admiration vu que la plupart ont sorti des albums, des projets mais aussi quelques regrets avec le sentiment qu’il aurait été possible de faire plus et mieux. Quels sentiments t’animent ?
Z : Je crois beaucoup en Dieu, et pour moi ce qui doit arriver, arrive. Si ça s’est passé comme ça, c’est qu’il y a une raison, que ça devait être comme ça. Dans la vie, tout est prédit. Après, les amoureux de la musique, et j’en suis un, peuvent se dire que ce collectif là, réuni aujourd’hui, avec toute cette expérience cumulée, ça donnerait un gros truc. Mais si ça ne se fait pas, c’est qu’il y a des raisons.
A : Avec le projet « Beat de Boul volume 3 », on avait le sentiment que tu avais essayé de fédérer une nouvelle équipe, une nouvelle génération.
Z: Non, le « Beat de Boul 3 », il ne s’est pas fait dans cet esprit. De toute façon, l’équipe originelle de Beat de Boul elle n’a pas été formée, elle s’est faite naturellement, on a grandi ensemble, marché ensemble, on a fait des conneries ensemble. Et ça, tu pourras jamais le remplacer. Quand j’ai fait « Beat de Boul 3 », c’était plus avec l’intention d’utiliser Beat de Boul comme une marque pour mettre quelques personnes en lumière, un délire pour l’utiliser comme un label découvreur de talents,
A : Tu regrettes la façon dont a été gérée la promo’ à l’époque ?
Z : Non, j’avais fait une interview à l’époque où j’expliquais tout ça. Aujourd’hui, à l’ère d’Internet, il faut faire bien attention à la façon dont tu gères ton image, à la façon dont tu la diffuses. Tout ça peut te servir comme te desservir. J’essaie tout le temps d’apprendre et d’évoluer. Après, y’a certains trucs que j’ai fait à l’époque et que je referais pas aujourd’hui. Mais si je l’ai fait, c’est que je devais le faire à ce moment là. Aujourd’hui, je ferais différemment, et d’ailleurs je fais différemment.
A : Est-ce que tu te rappelles de l’article qu’on avait publié à l’époque en réaction aux vidéos promos de « Beat de Boul 3 » ?
Z : Oui, bien sûr.
A : Tu avais réagi violemment à cet article dans une interview filmée. Avec le recul, as-tu conscience des critiques que nous faisions dans cet édito ?
Z : Il faudrait que je le relise cet édito.
A : En résumé, cet édito disait que ces vidéos ne collaient pas aux Sages Po’ qu’on pouvait aimer, on sentait trop que c’était pas spontané, que c’était très orienté, trop orienté promo…
Z : Ouais, je vois. Y’a un truc qui avait dû me choquer. Honnêtement, quand j’avais lu l’édito, j’avais rigolé. Moi ce qui m’a fait réagir, c’est une personne qui m’a dit « tu peux pas laisser faire ça ». Et c’est pour ça que j’ai réagi. [Silence de plusieurs secondes] Mais ça je l’ai fait pour le groupe et cette personne. J’en dirais pas plus.
A : Pour continuer sur le sujet Internet, aujourd’hui, c’est vraiment LE média majeur autour de la musique. Qu’est-ce que tu penses de ce nouvel environnement ? Tu as aussi participé à ce mouvement « Le rap c’était mieux avant ». Tu as même un morceau là-dessus. Est-ce que c’est uniquement par nostalgie ? Ou tu déplores l’état du rap ?
Z : Quand je dis que le rap c’était mieux avant, c’est déjà un peu par provocation. Maintenant, je trouve, personnellement, que la qualité de la musique a baissé. A l’époque, les sons étaient pas pareils, les raps et les rendus étaient différents. Et même au niveau de l’état d’esprit c’était autre chose. Même si ça a toujours été très dur dans le rap, et j’en ai vécu des époques… Après, ça n’engage que moi. Aujourd’hui, je suis encore dans le rap, j’ai un album qui va arriver, qui va être jugé et critiqué. Je prends surement des risques à dire ça mais on ne peut pas nier que c’est le reflet d’une certaine réalité.
A : Mais il y a des groupes qui te parlent dans le rap de maintenant ?
Z : Déjà, moi, j’écoute du rap français. Apparemment, personne n’écoute de rap français. Moi, j’écoute de tout et je peux apprécier certains trucs, mais je donnerai aucun nom. Très rares sont ceux qui nous citent, alors qu’on a grave marqué sur plein de trucs. Ce sont toujours les mêmes noms qui reviennent. Pourtant, nous aussi, on a contribués à la médiatisation du rap.
A : Dany Dan nous disait qu’un nouvel album des Sages Po’ arriverait probablement en 2009, peux-tu nous en dire un peu plus ?
Z : Oui, en préparation dans nos têtes ! [rires] A l’époque où Dany avait fait cette interview, je m’en souviens bien, on devait commencer à enregistrer, un titre par mois. Je disais à Dany qu’on allait le faire. Mais pour moi, on peut pas faire un album Sages Po’ comme ça, enregistrer un titre un mois, puis le mois suivant un autre… Non, pour cet album il faut qu’on se remette dans les conditions d’avant. Qu’on soit tous les trois, ensemble, qu’on mette la science. On peut pas faire un album avec un titre là, un autre plus tard. Non, les plus gros succès qu’on a fait, c’est quand on était à la maison ou dans le studio en vase clos. Dans ces conditions, on pousse la compétition. On écoute du son, Melopheelo met un truc, moi un autre. Dany balance un couplet qui tue, faut que je brule le micro, Melo se surpasse parce qu’il y a du level. C’est comme ça que moi je conçois un album Sages Po’.
Aujourd’hui, on a la chance de bénéficier d’un endroit comme le Cent-Quatre, on peut faire nos répétitions pour les concerts. Si je dis que c’est dans la tête, c’est qu’à l’intérieur ça bouillonne. On a vraiment envie de le faire cet album mais on va pas le faire n’importe comment.
« Tu sais, un album comme « Jusqu’à l’amour » fait partie des classiques aujourd’hui, mais à l’époque il était assez critiqué… »
A : On a l’impression que depuis toujours tu adores le freestyle, et ce que ce soit en concert ou sur disque. Est-ce que c’est un truc que tu as cherché à bosser à un moment ou c’est venu naturellement ?
Z : Ça fait partie de ma personnalité ça, ça vient de mon goût pour le danger. J’ai besoin de quelque chose qui me pousse pour me surpasser. T’arrives sur scène, t’as plein de MCs qui oseraient pas faire deux rimes d’impros par peur de s’afficher. Le disque il va sauter, t’as des mecs qui vont demander au DJ de remettre le truc. Moi je m’en fous, ces moments là, on est danger, et c’est là que je vais être le meilleur. Il y a quelque chose de magique qui va se passer. Quelque chose de pas explicable.
On va en revenir au foot. Quand je jouais au foot, on rencontrait parfois des équipes et on leur mettait des 10-0, des 15-0. C’était marrant, mais quand c’était comme ça j’aurais limite préféré rester chez moi ou jouer avec mes potes. Par contre quand on était en coupe de Gambardella et qu’on jouait des équipes comme Versailles ou le PSG, là fallait sortir toutes les techniques que t’avais apprises à l’entrainement, fallait tout donner.
A : Tu supportes une équipe de foot en particulier ?
Z : Non, je vais te dire le foot c’était mieux avant ! [rires] Je te jure, c’est bizarre. Quelqu’un qui me connait bien et lit que je ne suis plus le foot, il va se dire mais c’est un truc de malade ! Parce que pour moi le foot c’était tout, j’étais incollable sur tout. Mais après, voilà… C’est la musique que j’aime le plus et que j’ai jamais lâchée.
A : T’as participé à beaucoup de projets, fait beaucoup de collaborations. Parmi toutes ces collaborations, quelles sont celles qui t’ont le plus marqué ?
Z : [Il laisse passer plusieurs secondes] ATK par exemple. J’ai de bons souvenirs en studio. IV My People bien sûr, Beat de Boul, O.S.F.A. aussi. Toutes en fait.
A : Comment vous aviez atterri sur le deuxième album de MC Solaar, « Prose Combat » ? Via Jimmy Jay, ou autrement ?
Z : A cette époque là, on était sur notre premier album « Qu’est-ce qui fait marcher les Sages ? » En fait Solaar kiffait grave ce qu’on faisait. Et être sur son album, c’était un bon coup de buzz pour nous alors on a fait ce morceau ‘L’NMIACCd’HTCK72KPDP’ dans l’esprit du freestyle de fin comme ça se faisait sur chaque album à l’époque. On avait déjà fait ‘Obsolète’ qui avait eu beaucoup de succès alors on a réitéré là-dessus.
A : Depuis plus d’un an, un an et demi, y’a le live que vous aviez fait à Taratata qui tourne sur le net. C’est un bon souvenir ça j’imagine ?
Z : [enthousiaste] Ouais, grave ! Toute cette époque, avec tous ces groupes, le 501 Possee, Jimmy Jay. Quand tu regardes, toutes les collaborations qui m’ont fait vraiment kiffer c’était avec des groupes. Y’avait ce côté adrénaline et compétition.
A : T’es encore en contact avec Solaar ?
Z : Ouais, on se croise de temps en temps. Il y a toujours un grand respect entre nous.
A : Dany Dan nous disait la dernière fois que tu avais un projet d’album commun avec Kossity, il est toujours d’actualité ?
Z : Ouais, l’album avec Lord Ko’ il est fini. On a fait deux clips, un moyen métrage qu’on a fait à Los Angeles. C’est un album qu’on a fait de façon très impulsive. Après pour ce qui est de la sortie, j’ai mes projets, il a les siens. Mais quand ce sera plus calme, ce sera le bon moment pour le balancer.
A : Quand tu parles de moyen métrage, c’est un documentaire ?
Z : Non même pas, c’est un film de quarante minutes, on a écrit un petit scénar’. C’est l’histoire de deux espèces de losers qui arrivent à Los Angeles, veulent fricoter avec le milieu et se mettent dans des histoires pas possible. Au final, ils se font un peu banane. C’est plus burlesque qu’autre chose.
A : Vous avez rencontré du monde là-bas pour faire ça ?
Z : Ouais mais à l’arrache. On a trouvé des acteurs qui jouent dans des grosses séries, genre « Weeds ».
A : Le projet c’est de le mettre en complément de l’album ? A part ?
Z : On sait pas, on n’en a pas encore parlé. Maintenant, on va peut-être faire quelques petites retouches, ajouter des morceaux… enfin le rap français, il évolue pas si vite que ça, faut arrêter de se branler.
A : Dans le clip de ‘Y’a que ça à faire’, il y avait aussi ce côté un peu marrant.
Z : Ouais, c’est vrai. Ce clip là, je l’avais réalisé avec Biggs qui a fait beaucoup de trucs depuis. Je voulais vraiment faire un truc fendard. On l’avait fait aux Etats-Unis ce clip, c’était cool.A : Pour revenir à ton actualité, comment tu t’es retrouvé en contact avec le Cent-Quatre ? Tout ça c’est dans le cadre de ton nouvel album à venir ? Aujourd’hui, on est dans des supers locaux, on a vu ton espace…
Z : C’est grâce à Dieu. A l’époque où je suis venu ici, je voulais faire mon album. Et pour mon album ou pour un album Sages Po’, j’voulais pas faire ça à l’arrache. Tu dois pouvoir être posé quelque part, prendre ton temps. Les gros classiques qu’on a pu faire avec Beat de Boul ou avec les Sages Po’ c’était à la maison, posé et tranquille. Pour mon album, il me fallait un endroit. J’ai entendu parler du Centre-Quatre. Etre ici, c’est aussi donner un autre statut au rap. Il y a ici un côté très artiste. Tu côtoies des plasticiens, des metteurs en scène. Et nous sommes des artistes, nous avons notre place ici. Alors, j’ai fait la demande et quand j’ai expliqué mon projet, l’album Tout dans la tête, écrit sans feuille ni stylo, ça a intéressé le Cent-Quatre et ils ont accepté direct. Depuis, je suis là.
A : J’ai entendu que ton nouvel album serait en deux parties. La première intitulée « L’esquisse » et la seconde « Le chef d’œuvre »…
Z : Pour cet album, je veux m’affirmer en tant que compositeur. Idéalement, je voudrais faire toutes les prods. Dans cet esprit, les prods sont les esquisses des morceaux. L’écriture vient ensuite. L’Esquisse ce sera donc la version instrumentale de l’album.
C’est comme ça que je vais vraiment faire du Zoxea. Pour trouver l’instru’ qui va coller exactement, faut que ce soit un truc qui sorte de ma tête. L’alchimie entre ces instrus et les lyrics va donner le Chef d’Oeuvre.
Un truc bien avec le Cent-Quatre, c’est que le dimanche mon atelier est ouvert et je fais découvrir au public l’avancement de mon travail. Ca me permet d’avoir un baromètre, de voir les réactions des gens, de voir ce qu’ils attendent de moi, ce qu’ils ont aimé. Je me nourris de tout ça, et ce même si au final c’est moi qui aurait le dernier mot. Ces ouvertures au public, c’est vraiment cool, y’a une séance micro ouvert à la fin, je mets mes instrus et celles de Melopheelo.
A : Quand tu prépares ton nouvel album, tu ressens le poids de ton héritage, de ce que ça t’as fait avant ? Quel rapport tu entretiens avec tes anciens disques ?
Z : Honnêtement, je peux me dire que certains sons me rappellent d’autres trucs que j’avais faits. Après, je peux avoir envie de le refaire, mais sans faire du copier-coller, juste choper la vibe. Moi, je suis pas le genre de mec qui arrive en studio et choisit tel thème, tel autre thème. Non, j’écris en fonction de la musique, de ce qu’elle va m’inspirer et de mon humeur.
T’écoutes un album Sages Po’-Zoxea, y’a aucun morceau qui se ressemble. Tu prends ‘Qu’est-ce qui fait marcher les Sages ?’ ça ressemble pas à ‘Un noir tue un noir’, ni à ‘Pas besoin d’apparaitre dur’ ou ‘Amoureux d’une énigme’. « Jusqu’à l’amour » c’est pareil, même chose pour « Dans la lumière ». Cette diversité c’est un truc auquel on a toujours tenu. Je sais que cette variété c’est un truc qu’on nous a reproché à une époque. A la grande époque de Mobb Deep, il fallait avoir la même couleur sur tout un album. Tout le monde suivait ça, les gens se bridaient du coup. Aujourd’hui, je suis de bonne humeur, on est là, bonne vibe, tout à l’heure, j’étais dans les bouchons c’était aut’chose. Si j’écris un truc maintenant, ça va pas être la même chose que si je l’avais fait tout à l’heure. Pour le son, c’est pareil.
Après, si je veux la jouer artistique, je peux faire un album d’une certaine couleur. Les gens ils aiment Zoxea comme ça, genre Mozoezet. OK, je peux m’alcooliser et faire un album de fou sur deux titres. Mais ça m’intéresse pas ça. Quand j’ai fait ‘L’hymne du Mozoezet’, ça allait avec le contexte. D’ailleurs, rien que le titre, Mozoezet, l’hymne du Moet, c’est mon langage ça avec les Z, celui que j’ai créé avec Dany Dan en tournée. Aujourd’hui, je vais pas m’amuser à faire quinze fois ‘L’hymne du Mozoezet’, déjà parce que d’un point de vue santé et forme ça m’intéresse pas, mais aussi parce que j’ai envie de voir transparaitre un côté naturel dans mes albums.
A : Est-ce que les années qui passent t’ont amenées à changer ta façon d’envisager le rap ? Tes projets précédents était très axé rap français, ici on sent une vraie mise en valeur de Zoxea l’artiste.
Z : Non, pour moi un album comme « Dans la lumière » c’était vraiment Zoxea l’artiste. Y’avait plein d’expériences qui me sont propres dans cet album. Elles ont peut-être été critiquées, mais elles étaient là. Si vous venez le dimanche, vous verrez y’a une première partie qui est peut-être plus artistique, avec des gens de tous les âges, de partout. Elargir le truc au maximum ça a toujours été ma démarche. Mon titre ’60 piges’, sans le prendre au premier degré, c’était vraiment pour dire que ma musique elle est pour tout le monde et elle est intemporelle. Passé cette première partie, t’as mon côté freestyle qui ressort, avec des gens de partout, des rappeurs qui viennent de toutes les banlieues, avec un côté plus brut.
A : Ces sessions Open Mic ça rappelle ce côté fédérateur dont on parlait au début.
Z : Mais grave. Moi, j’ai toujours été comme ça. Quand je faisais du foot, j’ai rencontré des gens du quartier qui avaient un truc, je les ai embarqués pour qu’ils signent leur licence dans le même club que moi. Ca a été pareil pour le rap, quand j’ai fait Beat de Boul. J’ai trouvé le nom du groupe, je voulais vraiment faire un gros truc, avec cet aspect fédérateur, cette idée que l’union fait la force.
A : Ce côté fédérateur parait bien moins présent aujourd’hui dans le rap français. C’est une des raisons qui t’amène à penser que le rap c’était mieux avant ?
Z : Quand on en parlait tout à l’heure, j’ai pas mal insisté sur l’état d’esprit. Moi, ce côté regroupement-compétition, ça va avec mon personnage. Quand je me suis mis à écrire de tête, c’est venu de quoi ? Pas parce que Jay-Z ou Notorious le faisaient, même si ce sont des gens dont j’apprécie la musique. Je sais qu’ils font ça depuis longtemps. Non, à un moment donné, je me suis dit qu’il fallait que je me surpasse. Et du coup, j’en suis venu à cette démarche. Même si c’est plus dur, je veux faire ça.
A : T’as pas eu envie d’essayer de relancer ce côté fédérateur, via une radio, une compilation ?
Z : Oui, c’est ce qui se passe là. Si t’avais vu quand on a commencé ici, on a débuté très timidement. Je voulais surtout pas communiquer là-dessus, mais me replonger comme à l’époque. On apprenait qu’il y avait des sessions de micro ouvert à Meudon, on y allait. A l’époque, y’avait pas Internet, pas de portables. Mais on était au courant. Par le bouche à oreille. Et c’est exactement ce que j’ai voulu faire.
J’ai pas voulu crier ça sur tous les toits. Mais le bouche à oreille a fait son travail. Tu regardes les sessions, tu as de plus en plus de monde. J’ai rencontré plein de bons rappeurs, des gens qui reviennent, et ramènent d’autres gens. Tout ça se fait naturellement.
A : L’époque est à la reformation, que ce soit en France (NTM, La Cliqua), ou aux Etats-Unis (EPMD, Pharcyde,….). Comment tu expliques cette vague de reformation ?
Z : Pourquoi j’ai fait un titre comme Le rap c’était mieux avant ? Parce que je rencontre des gens de la rue qui me demandent quand je vais sortir un nouveau truc et me dise « vas-y c’est pété maintenant ». C’est comme ça que ça parle. Y’a un amour des gens pour une certaine époque dont il reste encore des trucs. Mais beaucoup vont te dire qu’ils n’aiment plus. Ou ils vont aimer en cachette. C’est vraiment ce que j’entends.
Parfois, tu as des gens qui passent et qui voit Zoxea. Ca leur rappelle un truc un peu lointain. Ils n’écoutent plus de rap et sont passés à autre chose. Ils rentrent et me posent des questions. Moi, je leur fais écouter des trucs. Ca ne veut pas dire qu’ils vont acheter ou adhérer derrière, mais peu importe, je les remets un peu dans le bain. Tous ces groupes, ça doit être pareil, s’ils se sont reformés c’est parce qu’ils ont entendu que derrière il y a de la demande.
A : Justement, ces retrouvailles sur scène avec NTM, des années après la dernière tournée, ça s’est passé comment ?
Z : Pareil. Même mieux. Chaque soir sur scène on devait se surpasser. Y’avait un tel engouement…
A : Quels sont les prochaines étapes pour ton projet de nouvel album ?
Z : Je suis très attaché au chiffre onze, un chiffre qui me suit depuis que je suis petit. J’aimerais sortir ce nouveau projet le 11/11, qui est aussi le jour de mon anniversaire. C’est un fantasme que j’ai depuis longtemps. Là, j’ai encore le temps pour embellir les choses. J’espère tenir cette date, vraiment. Normalement, on devait sortir « L’esquisse » en septembre, qui est très avancé. Après, on sait pas… Aujourd’hui, ma priorité c’est Tout dans la tête, le chef d’œuvre.
A : Pour conclure, on te laisse le mot de la fin.
Z : Beaucoup de respect et d’amour pour ceux qui me suivent. Je vois les gens qui viennent me voir, me donnent beaucoup de respect. Je reçois beaucoup de mails, des messages via Facebook ou Myspace. Ca fait vraiment plaisir. Rien que pour ces gens là qui t’encouragent, tu peux pas lâcher. Toutes ces forces qu’ils me donnent, je vais les rebalancer à travers mon groupe, à travers mes collectifs. Même la haine que j’ai pu recevoir ces trois dernières années, elle va être retransformée. Jusqu’à l’amour.
Abcdr : Comme vous le dites dans l’intro ça faisait un petit moment qu’on avait pas entendu parler des Sages poètes de la rue en tant que groupe, pourquoi un tel délai entre votre deuxième album Jusqu’à l’Amour et Après l’orage ?
Zoxea : On a réalisé pas mal de projets pendant cette période. J’ai fait mon album solo à ce moment là. Melopheelo a fait des productions. Dany Dan a fait différentes apparitions, des featurings. Et, le plus gros truc c’est qu’on a mis 1 an et demi pour faire cet album. On a pris notre temps. Au final ça fait beaucoup d’espace entre les deux albums, mais quand tu regardes y’a eu beaucoup de choses qui se sont passées.
A : Vos deux premiers albums étaient sortis chez des indépendants, pourquoi avez-vous décidé de sortir celui-ci en major ?
Z : C’est une expérience qu’on a toujours voulu tester, et on est assez curieux. On a connu la période où on s’est fait signer par un indépendant, ou on a signé. On voulait voir l’expérience d’être en major, avec des moyens de diffusion.
A : Qu’est-ce que ça vous a apporté cette signature, en tout cas par rapport à cet album là ?
Z : Dans un premier temps, on a produit des groupes. Nous, les Sages Po’, on a souvent mis en avant les autres avant de nous mettre nous en avant. Pourquoi ? parce qu’on est des passionnés, avant tout. On aime cette musique et on a pas, malheureusement, l’esprit business. Nous, même que lorsqu’on a montré notre boite, c’était avant tout pour mettre des gens à nous en avant, plus que pour faire du gen-ar, pour leur permettre de sortir des disques. Maintenant, une des raisons pour laquelle on a voulu aller en major, c’est qu’on voulait avoir le cerveau libre. On voulait pouvoir faire notre truc et avoir une structure derrière pour le soutenir. Tout ça bien sur avec notre regard. Le fait qu’on ait été en indépendant nous a apporté une certaine maturité, et nous a permis de mieux connaître et gérer notre business. Après, ok on s’est mis avec une major, mais c’est du 50-50. On peut de notre coté leur apporter l’expérience du terrain, de la rue, eux ils ont la logistique.
A : Ce nouvel album est particulièrement éclectique, avec un panel d’influences très large. C’était une volonté délibérée du groupe de mélanger un peu les genres ?
M : On a voulu donner sur cet album du relief, dans la façon d’aborder les sujets et aussi dans la musique. Cette impression d’éclectisme vient du fait qu’on est très ouverts, on écoute beaucoup de musique. Le rap c’est pour moi une des musiques les plus créatives, puisque t’as pas besoin d’être compositeur, il suffit d’écouter de la musique et d’assembler, c’est un peu de l’alchimie. Aujourd’hui, c’est une évolution, un album en plus, mais on a toujours essayé d’apporter quelque chose d’original dans la musique. Justement, de ne pas faire comme les autres.
Z : Il est peut-être plus accentué l’éclectisme sur cet album, mais quand tu regardes nos albums on a toujours développé plusieurs univers différents. Nous même on est différents. Dany Dan, Melopheelo, Zoxea ce sont trois personnalités bien différentes. Ce sont des gens qui certes écoutent la même chose au final, mais on a chacun nos vies et nos influences musicales, même si en général on a baigné dans la musique noire, Africaine, Américaine. Toutes ces influences, aujourd’hui, avec la maturité, prennent le dessus. Le rap c’est une musique évolutive, qui voyage et s’inspire de plusieurs univers.
« On a voulu donner sur cet album du relief, dans la façon d’aborder les sujets et aussi dans la musique. »
Melopheelo
A : Tu parlais tout à l’heure des productions, dans cet album vous avez fait appel à pas mal de gens extérieurs, ce qui n’était pas le cas lors des albums précédents, c’était aussi une façon d’avoir des influences plus larges ?
Z : Nan, pas vraiment. Quand tu regardes Madizm qui a fait un morceau comme ‘Oublie-moi’, les gens pensent que c’est Melopheelo ou moi qui l’avons fait parce que c’est un son Sages Po’. En fait on est allé chercher des gens avec qui on avait des affinités musicales, des gens dont on appréciait le travail. Madizm c’est pour moi un des cinq meilleurs producteurs en France. C’est un gars qui peut passer d’un univers à un autre. Gutsy a aussi produit un morceau sur l’album, lui c’est un mec de Boulogne qu’on connaît et dont on apprécie la touche depuis longtemps, mais on avait jamais eu l’occasion de vraiment collaborer. Akhenaton, pareil. C’est un des rares rappeurs et producteurs talentueux. Sec’Undo a aussi fait un son.
Toutes ces personnes sont des gens dont on apprécie la performance, et avec qui on avait toujours voulu travailler. On leur a demandé de nous faire écouter, et on a choisi après les sons qui nous plaisaient le plus.
A : J’étais personnellement étonné de la quantité d’apparitions extérieures, que ce soit à la production ou au emceeing’
M : On a fait pour la première fois appel à un réalisateur sur cet album. Les albums précédents on les avait toujours réalisés nous-même. Comme Zoxea disait, ça fait un an et demi qu’on est dessus, et quand t’es enfermé pendant 1 an et demi en studio, parfois t’as pas trop le recul nécessaire pour juger de la qualité des morceaux et du choix des titres. Là, c’était bénéfique de pouvoir faire appel à quelqu’un de neutre et d’externe qui puisse avoir justement ce recul et cette vision. C’est au final ce qui fait que l’album est aussi riche.
A : On retrouve beaucoup de refrains chantés sur Après l’orage, c’était pas forcément le cas lors des opus précédents.
Z : C’est une particularité Sages poètes, qu’on ne retrouve pas sur les albums, mais dans les projets annexes, comme le premier Beat de Boul, c’est des trucs qu’on aimait bien expérimenter. Moi, personnellement, j’aime bien le chant. En fait, c’est un truc qu’on fait depuis longtemps, sur des petits projets et qu’on a pas bien exploité. Et effectivement sur cet album, on retrouve des chants un peu ouf’, pas des trucs classiques. Ca fait aussi partie de l’esprit qu’on voulait ramener.
A : En tant que figures historiques du rap français, quel regard vous portez aujourd’hui sur cette musique, notamment sur son évolution ?
Z : Bonne et mauvaise évolution. Bonne parce que la scène s’est enrichie, et pas mal de groupes et de structures se sont développées. Mauvaise, malheureusement, en raison de l’état d’esprit, c’est devenu un peu chaotique. Le bon esprit que doit inculquer le Hip-Hop a un peu disparu.
A : Depuis vos débuts, vous avez toujours eu une attitude cool, je lisais que vous vous retrouviez dans l’esprit de la Native Tongue…
Z : Oui, on est des gens posés. Notre musique est le reflet de nos personnalités. On s’est toujours décrit comme Melopheelo le sage, Dany Dan le poète, moi plus la rue. On est des gens qui aimons quand même rire, plus que faire la gueule, malgré qu’on ait aussi nos problèmes, mais chacun a ses problèmes. Nous, on essaie de faire ressortir la positivité dans ce qu’on fait, au maximum. Le fil conducteur de cet album c’est la positivité qui s’en dégage.
A : Quel regard vous portez sur le rap très hardcore assez en vogue en ce moment, adoptant une attitude parfois irresponsable ?
Z : Il faut de tout. Mais on est pas pour ce qui est prôner la destruction, encore plus sans fondement, juste pour plaire. On a l’impression malheureusement que ces dernières années pour être crédible, il fallait obligatoirement venir avec un discours de rue, négatif. Or non, le rap à la base c’est du divertissement, faut pas l’oublier. Maintenant, faut de tout, y’a des groupes qui le font bien. A partir du moment où tout le monde va dans la même direction, ça devient du clonage et c’est pas intéressant. Le rap c’est une musique qui peut pas être enfermé, qui a plusieurs facettes. Le point négatif c’est le manque d’originalité de certains groupes, qui plagient ou copient.
A : Le morceau ‘Coup de gueule’ c’est une forme de réponse à cette dégradation de l’esprit Hip-Hop ?
Melopheelo : Du Hip-Hop, oui, et dans le monde en général. On a écrit ce morceau de manière impulsive. Chacun a mis ce qu’il avait sur le c’ur à ce moment là, et c’est comme ça que le morceau est venu. On avait besoin ce morceau sur l’album. On l’a écrit à une époque où on avait besoin de nous livrer, de dire quelque chose. Ce qui est frustrant, c’est qu’on est trois sur le titre et qu’on a pas pu développer autant qu’on l’aurait voulu.
A : Zoxea, aujourd’hui un morceau comme ‘Rap musique que j’aime’, tu peux toujours le faire ?
M: C’est marrant que tu dises ça, parce que dans notre concert, Zoxea fait le titre et à un moment il s’arrête, disant que le rap a trop changé…
A : Après l’orage est au regard des albums précédents, plus court que les deux premiers, c’était une volonté de condenser l’album pour ne garder que les meilleurs morceaux ?
M : Oui, c’est un choix artistique, on travaille comme ça. On avait le double des titres présents sur l’album.
Z : On s’est fait mal. Avec le recul on se dit que certains titres auraient pu être dedans. On s’est fait violence. 4 ans en arrière, on aurait fait comme pour Jusqu’à l’amour, où y’avait 24 titres sur le tracklisting et 40-45 de produits. On s’était dit à l’époque : on va en mettre un maximum. Aujourd’hui, on s’est dit on va trancher. On est trois, y’en a peut-être certains qui préfèrent certains morceaux, on s’est pris la tête grave. Au final on a gardé 13 titres pour faire un album condensé, compact, qui représentait bien l’état d’esprit dans lequel on avait travaillé ces dernières années.
M : Surtout un album qui s’écoute facilement. On a voulu faire en sorte cette fois-ci que ce soit plus compact, et que tu puisses bien analyser les titres, bien rentrer dedans. C’est clair que sur un double album, y’a des morceaux qui vont passer à la trappe.
A : Quel bilan faites-vous aujourd’hui de l’aventure Beat de Boul ?
Z : C’était une expérience pour nous, on était un peu novice dans le domaine de la production. Le bilan c’est que quand toi t’es pas encore au top niveau, c’est chaud de produire d’autres personnes. D’autres personnes qui ne comprennent pas spécialement, qui sont pressées. Nous, on fait tout par passion. Quand on a monté Beat de Boul, c’était pas une histoire de gen-ar, c’était une histoire de c’ur. Pour faire sortir des disques aux gens dont on était proches. Aujourd’hui avec la maturité, tout ce qu’on connaît du rap, on aurait pu mieux le faire. A l’époque, c’était peut-être un peu trop tôt. Aujourd’hui beaucoup sortent en indépendants, font ceci, cela.
« On a mis nos projets de coté, pour nous mettre au service du groupe. »
Zoxea
A : Quel regard justement vous portez sur ceux qui étaient chez Beat de Boul, et sont en train de se réaliser autre part ?
Z : Ils ont fait leur chemin et choisi leur voie. Nous quand on fait Beat de Boul, c’était pas pour enfermer les gars, mais pour les aider à voler de leurs propres ailes, comme nous. On a donné un coup de pouce, dans le sens ou on leur a permis de ne pas passer par certaines étapes, en leur apportant certaines facilitées. Maintenant, chacun a choisi son chemin, c’est pas plus mal, on verra au final.
A : On a entendu ces deux dernières années pas mal de rumeurs autour d’un projet solo de Dany Dan, je voulais savoir ce qu’il en était réellement.
Z : Dany bosse dessus, et moi aussi je prépare un second album solo. On a mis nos projets de coté, pour nous mettre au service du groupe. C’était primordial si on voulait que Sages Poètes existent encore, on se devait de revenir avec un album Sages Po’.
A : Et toi Melopheelo quelque chose de prévu ?
M : A l’époque où on parlait d’un solo de Dany Dan moi aussi je commençais à préparer un truc. Mais un solo, c’est vraiment quelque chose du travail et c’est quelque chose que tu fais quand tu le sens. Moi je me sens plus à l’aise dans la production. Si je fais un album solo, ce sera plus un album concept dans lequel j’inviterai des gens dont j’apprécie le travail, plus qu’un album que je vais défendre sur scène. Mais aujourd’hui la priorité c’est le groupe.
A : On est au lendemain du premier tour des élections présidentielles, j’aimerais avoir vos réactions’
Z : A froid, on va te dire c’est la merde. C’est une surprise, mais en même temps, c’est une surprise qui fait mal. Ça reflète bien le climat de tension, de parano, de manque de communication dans lequel on est en ce moment. Tout ça a laissé la place à un mec qui oeuvrait dans l’ombre en faisant sa propagande. Le paysage politique était pas attrayant, ces dernières années on a entendu que des magouilles, et y’a eu un désintéressement encore plus important. Y’a eu des gens qui ne sont pas allés voter, comme nous. On était en studio pendant la période d’inscription, mais c’est pas une excuse non plus, mais y’a un sentiment de ras le bol, « c’est la même merde tout le temps ». Cette négligence ça nous amène à ces résultats.
A : En tant qu’artistes populaires qu’est-ce que vous pensez faire par rapport à ça ?
Z : Nous on a jamais été un groupe politique, mais on a toujours ce coté social qui est propre au rap. Bizarrement, nous sur scène dans notre show, avant le morceau ‘Coup de gueule’ on a un interlude où on dit que notre ennemi principal c’est le Front National. Mais à ce moment, le Front National c’était pas la menace que ça peut être aujourd’hui. C’était un signe.
A : On arrive à la fin, vous avez quelque chose à rajouter ?
Z : On espère que politiquement, ce vote sera juste une erreur. Sinon ça va vraiment être chaud.
Au niveau de l’album, on espère qu’il rentrera dans un maximum de foyers, des gens qui sont dans le rap mais aussi d’autres personnes. C’est un album éclectique, durant ces dernières années, on a côtoyé des gens qui étaient dans le rap et d’autres qui n’y étaient pas forcément. C’est ça la grande richesse de cet album. On espère qu’il sera écouté par un maximum de gens. On va faire des tournées, on va aller vers les gens, on va leur faire découvrir cet album.
M : On espère que ce sera un classique comme le premier Qu’est ce qui fait marcher les sages ? Aujourd’hui, on en parle encore beaucoup, certains font le rapprochement par rapport à l’esprit de cet album, que ça ressemble à l’esprit du premier, à la sauce 2002. J’invite tous les gens à se poser au moins une heure pour écouter cet album.