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Franchement, on était partis pour faire l’impasse cette année. Parce que l’eau qui coule sous les ponts en douze mois avait été particulièrement abondante. Parce que les mauvais souvenirs de l’an passé aussi. Mais quand le staff du Royal Arena est entré en contact avec nous pour renouveler notre partenariat, après un examen attentif du programme de l’édition 2015, on s’est dit qu’on ne pouvait pas rater ça. Non Phixion rabiboché, Jurassic 5, Busta Rhymes, Apathy & Celph Titled, etc., etc., etc. N’en jetez plus, on arrive. Mais cette fois on loue un appartement au centre de Bienne et on vient avec la navette du festival.

L’occasion donc de découvrir l’ambiance du shuttle bus (et les compétences en binge drinking des passagers). A côté de l’arrêt une énorme bagnole sponsorisée par Red Bull plonge dans l’ambiance en passant du son très fort. « Roc Boys » de Jay-Z succède ironiquement à « Everything is Heltah Skeltah »… Shawn Carter is nice but Sean Price is the Best. R.I.P. Le fantôme de Ruck planera d’ailleurs tout le weekend sur Orpund, chacun y allant de son hommage à P, décédé une quinzaine de jours plus tôt.

 

Ressortez vos lunettes spéciales éclipse.

Jour 1 Veteran’s day

Parce qu’apparemment aucune ville d’Europe n’est épargnée par les bouchons du vendredi soir, l’arrivée à Bienne s’est faite bien plus tard que prévue. Les hostilités sont donc déjà bien entamées une fois sur les lieux du festival. On a juste le temps de voir 1995 quitter la scène après avoir visiblement conquis le public. A l’affiche de ce vendredi, ou plutôt de ce qu’il en reste, pas mal de vieilles gloires : Non Phixion, Prhyme, et Busta Rhymes mais aussi T.I et les Allemands de Genetikk.

L’opportunité pour nous de voir Busta pour la première fois, après l’avoir raté à plusieurs reprises lors d’autres festivals. D’assister à la prestation de Non Phixion également, dont on ne connaîtra jamais les coulisses de la reformation (tant mieux d’ailleurs), mais que ça fait plaisir de revoir au complet. Le set de Genetikk a servi de pause pipi-bouffe-bière (il en fallait une) et pour celui de T.I., la fatigue l’a clairement emporté sur la curiosité. Voici le déroulé de cette soirée.



20h05-20h15 : 1995 (enfin les deux derniers morceaux)

20h12, Un pyromane dans la forêt : à la fin du concert de 1995 se termine, on découvre que Freestyle (ex-Arsonists) est une nouvelle fois host du festival. Le mec doit vivre dans les bois attenants le reste de l’année.


20h15-21h30 : Non Phixion

20h15, Frère ennemi : Non Phixion monte sur scène. Au fait, il devient quoi Necro ?

20h22, Fêlé en étoile : Goretex a un énorme pentacle cousu sur sa veste. Ça doit quand même être un sacré bordel dans le crâne de ce garçon.

20h53, Retournement de veste : ça peut paraître bizarre aujourd’hui mais quand The Future Is Now de Non Phixion était sorti en 2002, on avait été déçus.

21h11, Vil conducteur : Electric Lucifer de Gore Elohim (ou Goretex) est l’un des albums les plus sous-estimés de ces dernières années.

N.B.1, White rapper chaud : c’était une question rhétorique, mais on a des éléments de réponse quant à l’actualité de Necro. Concert qui part en vrille, détention, expulsion, interdiction de territoire suisse. La crise de la pré-quarantaine chez les rappeurs dans toute sa splendeur.

N.B.2, The Future is No : la première information quant à la programmation du Royal Arena Festival 2016, c’est donc que Necro n’en sera pas. Idem pour 2017 et 2018.

« A une heure et une proportion d’alcool dans le sang avancées, le costume porté par Busta Rhymes pouvait provoquer des crises d’épilepsie. »

21h30-22h30 : Genetikk

21h32, Fatal Bazooka : quand même, ça fait pas très sérieux les cagoules au mois d’août.

22h04, Passés à l’as : on a cru rater The Underachievers parce qu’on était arrivés trop tard. En fait on a raté Masta Ace apprend-on, qui les avait remplacés à la dernière minute.


22h30-23h30 : Prhyme (DJ Premier et Royce da 5’9″)

22h41, Pas Premier pour rien : gros contraste entre l’énergie de DJ Premier et celle de Royce da 5’9″.

23h07, Moment of Truth : la partie du set de Prhyme où Preemo joue avec les samples de morceaux mythiques est géniale.


23h30-01h00 : Busta Rhymes

23h35, Fake sapeur congolais : à une heure et une proportion d’alcool dans le sang avancées, la vue du costume porté par Busta pouvait provoquer des crises d’épilepsie.

00h09, Drunken Dragon : faudrait arrêter de passer le Courvoisier à Busta Rhymes, même s’il le demande avec insistance.

00h43, Top of the Pops : le mec a quand même posé sa voix sur un nombre incalculable de morceaux marquants…


01h00-? : T.I.

01h02, Joue la comme Gourcuff : on déclare forfait.

Comme les armes et la cocaïne.

Jour 2 Agent Orange, gargouillis et dinosaures

La journée commence par la dure expérience des courses dans un supermarché suisse, et l’impression que la France est un peu le tiers-monde du pays d’Henri Dès. Heureusement, il fait beau et pas trop chaud, soit le climat idéal pour un samedi au programme chargé : Apathy et Celph Titled, Termanology et Statik Selektah, Hopsin, Joey Bada$$, Youssoupha, l’Allemand SSIO, Swiss Rap All-Stars (on reviendra sur le concept) et Jurassic 5.

On mentirait en disant qu’on attendait beaucoup d’Apathy et de Celph, pas vraiment réputés pour la qualité de leurs concerts. Tout l’inverse de Jurassic 5, habilement choisis pour clôturer le festival, et réunis, à l’instar de Non Phixion, après quelques années de séparation. Termanology et Statik Selektah s’avèrent étonnamment bons, et Youssoupha confirme que les sets de rap français ne déçoivent que rarement. De façon apparemment fort peu judicieuse, la pause ravitaillement a lieu pendant le créneau d’Hopsin. Pour le reste, on n’en a (presque) pas manqué une miette.

 



17h00-18h00 : Apathy & Celph Titled

17h17, L’ubiquiste : après Onyx l’an dernier, R.A. The Rugged Man en 2013 et PMD en 2011, DJ Illegal (Snowgoons) était cette fois derrière les platines pour Apathy et Celph Titled, tout en tenant son stand de merchandising par ailleurs. Le mec est un sacré charbonneur. Et doit habiter en colocation avec Freestyle.

17h30, The Godz Must Be Lazy : plutôt cool de voir Apathy et Celph Titled en vrai… Mais niveau concert, c’est le minimum syndical.

17h53, Cerise sans gâteau : un peu relou les concerts où les mecs ne lâchent que des couplets et jamais de morceaux entiers…


18h00-19h00 : SSIO

18h01, Rappeur de proximité : non, le mec monté sur scène avec des habits orange fluo n’a pas été réquisitionné pour nettoyer la scène. Il s’agit de SSIO, un MC allemand, qui cultive son image d’homme du peuple en rappant dans des habits de travail.

18h24, Orange is the new Schwarz : une fois qu’on s’est habitué à l’orange pétaradant de son futal et à la langue allemande, SSIO n’est vraiment pas mauvais du tout.


19h00-20h00 : Termanology & Statik Selektah

19h06, Sbires potes  Termanology et Statik Selektah ont des dégaines à jouer les sous-fifres de Tony Soprano.

19h38, Still infamous : pas moins de trois fois en deux jours, l’instru de « Shook Ones pt.II » a été utilisé pour un freestyle sur la scène principale… Le morceau de Mobb Deep est officieusement le banger préféré des rappeurs (de trente ans ou plus).


20h00-21h00 : Hopsin

20h01, Borborygmes et châtiments : si on avait eu plus de courage on aurait attendu le set de Joey Bada$$ pour aller bouffer. Tant pis pour nous.


21h00-22h00 : Swiss Rap All-Stars

21h17, Contents Suisses : forcément on n’est pas cœur de cible, mais l’idée des « Swiss Rap All-Stars », réunissant plusieurs générations de rappeurs helvètes au cours d’un set d’une heure, est vraiment bonne et doit ravir les locaux.

21h48, MVP : on ne connaissait pas les rappeurs suisses francophones de La Base & Tru Comers, mais ce qu’on a vu nous a donné envie d’en savoir plus sur eux.


22h00-23h30 : Joey Bada$$

22h15, Déontologie : ça fait un quart d’heure, franchement c’est bon, on a essayé.

23h25, Le bon grain et les vrais : en deux jours, le terme « Real Hip-Hop » a tellement été prononcé, par des gens tellement différents les uns des autres, qu’on vient à se demander si le « False Hip-Hop » existe à quelque part. Serait-il temps de passer à autre chose ?


23h30-00h45 : Youssoupha

00h08, Aveux : même sans être fan de Youssoupha et encore moins des concerts de rap avec musiciens, avouons que le set est agréable.

00h31, Malek saoule tant : 17 000 spectateurs, beaucoup d’alcool, de la drogue, et pas d’embrouilles à déplorer. Comme quoi le rap n’est pas le problème. Sus à Malek Boutih.


00h45-02h15 : Jurassic 5

00h48, Élever le thon : mais de quoi a-t-on bien pu nourrir Chali 2na quand il était môme ?

01h05, Bêtes de scène : Jurassic 5, Termanology, Youssoupha… Les artistes les plus convaincants sur scène le sont souvent moins sur disque. Et inversement (voir Wu-Tang Clan, Mobb Deep ou MF Doom).

01h27, Hors format : ils font comment Nu-Mark et Cut Chemist quand ils prennent l’avion avec tout ce matos ? Entre les platines de toutes les dimensions imaginables et les samplers divers et variés, l’excédent de bagages doit sacrément douiller.

02h11, That’s Golden : difficile de résumer la prestation de Jurassic 5 en quelques mots… Mais si vous aimez le rap, la musique, la vie, ne les manquez pas quand ils passeront près de chez vous. En attendant, et s’il est nécessaire de vous convaincre, voici un résumé plutôt fidèle du concert.

Visiblement le DJ craint les chutes de projo.

Épilogue The Next Episode

Autre rendez-vous incontournable : en 2016, le Royal Arena aura lieu le 19 et le 20 août, pour sa dix-septième édition. Comme chaque année, saluons le parti-pris d’inviter à la fois des grands noms et des artistes qu’on a peu l’occasion de voir par ailleurs, et apprécions l’opportunité d’être associés à une telle manifestation. Longue vie au Royal !

 

Merci à zo. pour son aide.

« Nique la musique de France » clamait la FF comme un cri de guerre. Un credo souvent partagé par le microcosme du rap français, pressé de tuer les figures consacrées de la variété hexagonale pour prendre leur place au panthéon de la musique française. Et pourtant, on l’oublie souvent, mais les rappeurs (enfin surtout les beatmakers) français ont souvent invoqué l’esprit des « légendes » (appellation certifiée par Nostalgie) de la musique française des 30 glorieuses pour créer la bande son des 20 et plus piteuses. En ces temps de débat sur l’identité nationale et la culture d’analphabète des M.C.’s gaulois, on peut penser qu’il est de bon ton de créer des ponts plutôt que de les bombarder.

MC Solaar et Serge Gainsbourg

MC Solaar - « Nouveau Western »

Serge Gainsbourg et Brigitte Bardot - « Bonnie and Clyde »

Inévitable. Parce que sample archi-grillé, reprenant la pesanteur noire du « Bonnie & Clyde » de Gainsbourg et Bardot. Mais aussi parce que Solaar, en pleine force créative, a la bonne idée de retourner dans la chute finale le mythe de la violence américanisée et hollywoodisée, sur laquelle jouait allègrement l’homme à la tête de chou dans l’originale. Tout en circonspection face au mimétisme récurrent sur les cainris, il sort avec Boom Bass un des premiers samples de variété française sur un beat so early 90’s.

Première Classe et Léo Ferré

Mystik, Pit Baccardi, Rohff et les Neg’Marrons - « On Fait Les Choses »

Léo Ferré - « Les Étrangers »

Djimi Finger n’a jamais rien laissé au hasard. Sampler les premières notes d’une chanson au doux nom de « Les Étrangers » n’a rien d’anodin. Surtout quand se combinent deux congolais, un cap-verdien, un comorien et un camerounais. Sauf que la mélancolie caressée d’embruns de la chanson de Ferré est assez loin de la nonchalance arrogante du morceau d’ouverture du premier volume de Première Classe, qui ne volait pas son nom. Une époque où Djimi Finger, depuis retourné dans l’ombre, était la valeur montante du beatmaking en France.

Khéops et Joe Dassin

Kheops feat. Ol’Kainry - « On ne triche pas »

Joe Dassin - « Et si tu n’existais pas »

Joe Dassin était sans nul doute le plus ricain des crooners hexagonaux (et pas seulement parce qu’il est natif de la grosse pomme et qu’il a loué « L’Amérique »). Quoi de plus normal que le DJ d’IAM l’aie samplé pour un beat sur lequel viendrait poser… Ol’Kainry. Sans doute l’un des meilleurs morceaux du mitigé Sad Street, « On Ne Triche Pas » reprend le thème du destin et du hasard sur le même ton dramatique que la chanson de Dassin, avec son lot de « si » et de phrases au conditionnel.

Casey et Mike Brant

Casey - « Tragédie d’une trajectoire »

Mike Brant - « Parce que je t’aime plus que moi »

« I don’t love me, how the fuck I’mma love you ? ». Cette apostrophe de Scarface aurait très bien pu jaillir de la plume de Casey, et encore davantage sur ce morceau tendu comme un claustrophobe dans un ascenseur. Casey rumine ses douleurs d’adolescence pour expliquer pourquoi elle hait tant le monde qui l’entoure, et peut-être surtout elle même. Une magnifique ironie quand on pense à l’intitulé du sample de Mike Brant : « Parce que je t’aime plus que moi ». Le rapport entre le morceau de la martiniquaise et celui de l’israélien est aussi distordu que les cuivres originaux sous les mains de Hery.

Koma, Ol’Kainry et Jacques Brel

Koma feat. Rocé et Kohndo - « Un parmi des millions »

Ol’Kainry feat. Buckshot - « Smatch Ca »

Jacques Brel - Les marquises

La force des orchestrations de certains morceaux de Brel est un bonheur pour beatmakers, appréciée même outreatlantique. Prenez « Les Marquises ». Tableau impressionniste de ces iles du Pacifique, les quelques cordes graves jouées en pizzicato en ouverture suffise de base mélodique à la suite du morceau. Une vingtaine d’années plus tard, passées par la magie d’une MPC, elles deviendraient forcément matière à quelques bons instrus : tendance force tranquille pour le kata de Koma, Rocé et Kohndo, plutot fatality pour le croisement de fer entre Ol’Kainry et Buckshot.

Flynt et Alain Souchon

Flynt feat. Sidi Omar - « La Gueule de l’Emploi »

Alain Souchon - « Qu’est-ce qu’ils ont les hommes ? »

La connerie humaine, du macro au micro. La filiation entre « Qu’Est-Ce Qu’Ils Ont Les Hommes ? » et « La Gueule de l’Emploi » est évidente. D’autant que les Soulchildren ont su bien mettre en avant la gravité psychédélique des premières mesures de la chanson de Souchon pour souligner l’absurdité de la situation dénoncée par les deux rappeurs de Paris Nord. Une bonne pioche du duo de producteurs alto-séquanais, qui ont été trouvé cette face B méconnue du pote de Voulzy.

Youssoupha et Michel Sardou

Youssoupha - « Éternel Recommencement »

Michel Sardou - Tuez moi

Nul besoin de s’étaler : tout a été dit sur le morceau-étendard du lyriciste bantou, classé 85e au top 100 de l’Abcdr. Et c’est d’ailleurs lui-même qui en parle le mieux. Si le résultat tue toujours autant (des lyrics à la boucle de piano hypnotisante de Sardou), on se dit que le concept original de mise en cloque de la conseillère municipale d’Hénin-Beaumont aurait pu avoir l’effet d’une petite bombe. Et retourner le concept du « Tuez-Moi » de Sardou en « Huez-Moi » au Congrès du FN.

Tandem et Véronique Sanson

Tandem - « Un jour comme un autre »

Véronique Sanson - « Je serai là »

Au coeur d’un album monolithique, le triptyque « Un Jour Comme Un Autre »/ »Frères Ennemis »/ »Le Jugement » a donné toute son âme au deuxième opus du duo d’Aubervilliers. Et a prouvé que malgré quelques égarements faciles, l’autre duo, celui de Kilomaitre Prod, savait faire preuve de flair et de finesse. Comme fouiller dans le répertoire de Véronique Sanson pour souligner toute la détresse d’une personne perdue, et le cisailler avec talent.

Rohff et Gérard Lenorman

Rohff - « Pleure pas »

Gérard Lenorman - Un ami

Le rappeur de Vitry n’est jamais aussi bon que lorsqu’il combine bombage de torse et espièglerie. Deux preuves :

  1. Lancer des lyrics cinglants et sanglants pendant plus de 5 minutes, pour finir, hilare, sur un « on s’en bat les couilles, c’est qu’du rap, haha !« .
  2. Tancer les autres rappeurs, avec l’aide du producteur muriautin, d’un « pleure pas… j’ai pas d’mouchoir sur moi » chanté par Gérard Lenorman, avec pour résultat de changer l’intention amicale du chanteur-rêveur en moquerie cynique.

Salif et Claude François

Salif - « A La Muerte »

Claude François - « C’est de l’eau, c’est du vent »

Test flash : essayez d’associer dans votre esprit « Claude François » et « rap ». Vous penserez forcément à Yannick. Les soirées de Salif, elles, sont bien différentes : « On reste jusqu’à 4 du mat à s’raconter de la merde, on rêve d’une baraque à coté de la mer« . DJ Demo a repris les quelques notes de cette chanson peu connue de Cloclo pour en faire avec Salif un hymne d’une vie décousue, départ du renouveau du M.C. de Boulogne.

Explicit Samouraï et Pascal Danel

Explicit Samouraï - « 3 Minutes »

Pascal Danel - « Les trois dernières minutes »

Passé relativement inaperçu, le premier et unique album d’un tiers de feu le Saïan Supa Crew contenait d’excellents passages, notamment ce « 3 Minutes » étouffant de paranoïa. Pour cette plongée hallucinée dans l’esprit d’un homme au bord de la sociopathie, Leeroy et Specta ont finement retravaillé « Les Trois Dernières Minutes » de Pascal Danel, narrant les derniers instants d’un condamné. Et ont, du coup, un peu ressorti de l’oubli ce chanteur, qui a connu ses heures de gloire avec le « Kilimandjaro ».

Rocca et Michel Berger

Rocca - « Les jeunes de l’univers »

Michel Berger - « Chanter Pour Ceux Qui Sont Loin De Chez Eux »

Lancer pour premier single un morceau soutenu par un échantillon de variet’, alors que l’on vient d’un groupe qui a fait ses marques dans un hip-hop authentique et sans concession : plus d’un rappeur se serait casser les dents dans un tel exercice. Surtout en plein milieu des 90′s, âge du “real”, “hardcore”, et autre adjectif certifiant l’origine contrôlée. Mais le M.C. franco-colombien fut assez intelligent pour réussir un équilibre parfait entre rêves de lascar, faim d’espérance et posture tiers-mondiste un poil naïve mais sincère, se positionnant parfaitement dans la thématique de l’original de Berger. Et Lumumba de produire un titre boom-bap radio friendly, un peu facile, mais irrésistible.

Lino et Jacques Higelin

Lino & Janik - « Chant libre »

Jacques Higelin - « Pars »

Au cœur d’un album plutôt sombre et tendu (en somme, fidèle à son auteur), “Chant Libre” était une petite bouffée d’oxygène. Les lyrics pleins d’espoir de Lino et le chant volontaire et optimiste de Janik y jouaient beaucoup, mais la prod de Mad.Izm donnait le souffle à cette envolée de positivité. Plus prompt d’ordinaire à fouiner dans les vinyles U.S., il a été déniché une chanson de Jacques Higelin aux sonorités 100% hexagonale dans ce “Pars” léger et aérien.

Sheryo et Daniel Balavoine

Sheryo & Ekoué - « Je reste underground »

Daniel Balavoine - « La porte est close »

Rappeur talentueux et authentique pour certains, opportuniste cachant sa linéarité par la recherche frontale debeef pour d’autres, Sheryo a créé un petit séisme en 2002 avec “Je Reste Underground”, diss-track à l’attention du pharaon marseillais. Un morceau à double tranchant : si le temps de la polémique, la lumière s’est un peu plus braqué sur le MC du 93, il est retourné peu d’années plus tard dans l’ombre après son départ du collectif Anfalsh. Ironie du sort, Hery fut prémonitoire dans son digging : la porte fut bien close pour Sheryo après ce morceau. Reste un bon instrumental grâce au travail de découpe de Hery, une nouvelle fois inspiré, sur l’original de Daniel Balavoine.

La Cliqua et Georges Brassens

La Cliqua - « Les quartiers chauffent »

Georges Brassens - « Le petit joueur de flûteau »

Le style musical de Brassens est à l’antipode des différents artistes samplés présentés jusque là : épuré, classique, plus chansonnier que variété. Il fallait tout le talent de Gallegos pour faire de cette ritournelle simili-médiévale de guitare un sample de tueur, poussiéreux et addictif. L’écoute des paroles de la chanson de Brassens offre même une nouvelle perspective : le petit joueur de flûte est l’archétype de l’artiste qui reste vrai. Du pain bénit pour les rappeurs.

Lunatic et Serge Lama

Lunatic - « B.O. (Banlieue Ouest) »

Serge Lama - « La serveuse de bar »

Portée par une ambiance tango romancée à l’européenne, “La Serveuse” de Serge Lama est une chanson peu connue du répertoire du bordelais. Samplée par le metteur en son du 45 Scientific, la lascive ballade devient danse avec la mort dans ce morceau rare de Lunatic sorti en maxi, et présent sur la réédition du sanctifié Mauvais Œil. Une ambiance oppressante et minimaliste, pour des lyrics qui feraient frémir n’importe quel élu de droite (et peut-être même de gauche).

La Fonky Family et Martin Circus

Fonky Family - « Verset V »

Martin Circus - « Tout tremblant de fièvre »

Le premier album de la FF est un patchwork de samples hétéroclites. Pone y a aussi bien pioché de la soul, de la chanson française, de la musique de film. Pour le “Verset V”, interprété par le Rat, il a même déniché le premier succès du groupe de rock français Martin Circus (mais si, vous savez, “Marylène”), “Tout Tremblant De Fièvre”. Véritable morceau prog-rock, ses cuivres hallucinés deviennent sous la main de Pone presque menaçants, avec ce ralentissement lancinant collant au style de Luciano.

Les X-Men et Maxime Le Forestier

X-Men - « Bla Bla Bla »

Maxime Le Forestier - « Si tu étais né en mai »

“Si Tu Étais Né en Mai” de Maxime Le Forestier a quelques ressemblances dans le thème avec l’une de ses plus grandes chansons, “Mon Frère”. Musicalement, par contre, c’est autre chose : plus intimiste, moins dramatique, et plus jazzy. C’est d’ailleurs les premières mesures remarquables de ce morceau que Geraldo, époque pré-45 Scientific, a samplé pour le “Bla Bla Bla” des X, à la saveur proche des productions du DITC de l’époque.

OFX et Jean-Claude Annoux

OFX - « Jeunes loups »

Jean-Claude Annoux - « Les jeunes loups »

Dans un album aux sonorités plutôt inspirées par l’Afrique, trouver un sample de variété aurait de quoi surprendre. Pourtant, tout le talent de producteur de Feniski explose sur l’utilisation de l’échantillon de Jean-Claude Annoux : passé par son sampler, la guitare, le clavier et la voix de soie du chanteur (disparu l’année de la sortie de Roots) prend une dimension quasi-tribale, retranscrivant toute l’impulsivité de cette jeunesse, chantée aussi bien par le beauvaisien que par “Féfé” et Vicelow.

Ideal J et Charles Aznavour

Ideal J & Daddy Mory - « Evitez »

Charles Aznavour - « Les deux pigeons »

De toutes les figures de la chanson française, Charly est l’intouchable aux yeux des M.C.’s français. Il n’y a qu’à se baisser pour trouver des chansons d’Aznavour samplées, de “Qui ?” à “Désormais” en passant par“Comme Ils Disent”. En fait, le vrai défi est de trouver une de ses chansons samplées qu’à une seule reprise. C’est le cas de “Les Deux Pigeons”, repris par Le Gand du Lyonnais pour le “Evitez” d’Ideal J, message aux puissants dans lequel Kery leur affirme, sans sourciller, que lui et les siens ne veulent pas être pris pour … des pigeons.

Pejmaxx et Dalida

Pejmaxx - « Les jaloux savent qu’on avance »

Dalida - « Pour qui, Pour quoi »

Deuxième apparition des Soulchildren dans ce diptyque de billet. S’ils avaient repris la boucle de Souchon telle quelle pour le coup de gueule de Flynt contre la discrimination, leur découpage de la complainte amoureuse de Dalida est un travail d’orfèvre. Utilisant sa voix chaude et mystérieuse comme des séquences mélodiques saccadées, le résultat cartonne, et crée une alchimie avec le flow haché du rappeur de Créteil, auteur avec les deux beatmakers du 92 d’un premier album sous-estimé.

Rocca et Daniel Balavoine

Rocca & Lino - « Jour de paie »

Daniel Balavoine - « Le pied par terre »

Petit plaisir final en bonus de ces vingt titres : la rencontre sur track de Rocca et Lino pour ce “Jour de Paie” imparable, grâce à la prod de Traffic samplant Daniel Balavoine. Une boucle hypnotisante magnifiée par ces voix plaintives au refrain et ce beat massif, parfait pour l’échange de rimes entre deux des rappeurs les plus charismatiques de France.