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Il y a un peu plus d’un an, Rap Contenders commençait tout juste à cartonner et à doucement chambouler le paysage rapologique français. Si la majorité des participants avaient déjà un bout de carrière derrière eux, leur nom restera intimement lié à la ligue de battle de Dony S. C’est bien sûr le cas du collectif l’Entourage, dont les représentants les plus populaires sont sans conteste les membres de 1995, mais également de Meksa Peal qui s’était fait remarqué face à Pand’or à coups de vannes ouvertement misogynes. Hasard du calendrier, deux des membres de 1995 et Meksa Peal sortaient tous les trois un premier projet solo ce lundi 13 février. Bref retour sur trois disques aux succès inégaux.
Areno Jaz – Alias Darryl Zeuja (2012)
Il y a eu plusieurs vagues dans le rap français. Le rap jazzy du milieu des années 90, le rap spé du début des années 2000, l’époque ultra-racailleuse qui s’est étendue de 2001 à 2005… Et puis, environ entre 2001 et 2006, il y eut tout une frange de rappeurs bien décidés à remettre le boom bap au goût du jour. On peut citer, sans être exhaustif, Daz Ini, Enz, Dernier Pro, Reel Carter, Fisto. Bref, autant d’activistes ayant eu des succès divers mais tous auteurs de projets de qualité à un moment. Non seulement il semble évident qu’Areno Jaz a écouté ces rappeurs mais Alias Darryl Zeuja, son premier projet solo, leur emboîte directement le pas.
Plutôt en retrait au sein de 1995, Areno semblait se contenter jusque là de livrer quelques couplets impersonnels débités sans grande conviction. Au regard de ce premier EP, il semblait plutôt que celui qu’on appelle aussi Jupiter Jaz avait besoin de la liberté nécessaire pour qu’il puisse réellement s’en donner à coeur joie. Musicalement, le EP se situe dans la lignée de La Source, entre réminiscences boom bap et refrains scratchés. Seulement, alors que les productions de Juliano ne permettaient pas au disque de 1995 de s’emballer, DJ Lo, H-O-Time et surtout Mario, à l’origine de l’hypnotique « Je marche seul », rendent des copies irréprochables et fournissent le parfait terrain de jeu pour le MC.
Derrière le micro, Areno développe son propre univers. Si son flow lancinant, faussement paresseux, peut rebuter à la première écoute, il fait un parfait contrepoids avec des couplets très chargés qui, prononcés avec un autre débit, pourraient passer à la trappe. A l’arrivée, et même si peu de gens auraient parié sur lui au départ, Areno Jaz nous gratifie ici du meilleur projet estampillé 1995 et ravive l’intérêt pour le deuxième EP de 1995, La Suite, annoncé pour le 5 mars.
Meksa Peal – Eternal Kid (2012)
Jusqu’à la sortie d’Eternal Kid, les principaux fait d’armes de Meksa Peal restaient donc ce fameux clash lors d’une draft des Rap Contenders et une apparition sur l’excellent « Quitte ou double » présent sur le EP de Djunz. Les quelques morceaux solo qui tournaient sur le net ne nous avaient pas franchement convaincu, de même que les punchlines un peu forcées régulièrement publiées sur le compte facebook de Meksa. Fatalement, l’annonce d’un premier EP ne nous avait donc pas transcendés même si le fait qu’il sorte via la structure Palace Prod, dont fait partie l’excellent A2H, pouvait être pris comme un gage de qualité.
A l’arrivée, Meksa Peal surprend tout le monde avec 10 pistes (8 morceaux + 2 interludes) remarquablement bien construits et portés par des instrumentaux de haute volée tous concoctés par des beatmakers qui se sont mis au diapason. En effet, si on retrouve aussi bien Didai, Chileas, Spazz ou Krangteam derrière les machines, Eternal Kid parvient à conserver la même couleur tout le long. Cette couleur, justement, n’est pas nouvelle : on sent Meksa très influencé par les sorties de Curren$y, le Kush and Orange Juice de Wiz où le Live.Love.A$AP et son envie de coller au plus près de cette atmosphère planante et sirupeuse est assumée. Seulement, et c’est assez rare pour le souligner, ces références sont largement maîtrisées et Meksa a assez de personnalité pour que Eternal Kid ne lui échappe pas.
S’il gagnerait à épurer parfois ses couplets, Meksa assure le divertissement et se montre autant à l’aise sur les morceaux thématiques que sur les purs egotrips (voir pour cela le « #Niaaah » final qui se conclut par une rime à l’encontre de Sneazzy, on y reviendra). Pour vous faire votre propre avis, il suffit de télécharger gratuitement (et légalement) le projet ici.
Sneazzy West – Etes-vous prêts ? (2012)
Il faut reconnaître quelque chose à Sneazzy : quand tout le monde lui reproche d’être un petit con insupportable, le rappeur affiche un large sourire, histoire de nous dire qu’il assume totalement ce rôle. Rien de dérangeant là-dedans, après tout, le rap compte des milliers d’exemples de MC’s dont la carrière repose uniquement sur l’attitude et le roulement de mécaniques. Lors de ses premières sorties, les quelques phases arrogantes distillées ici et là n’étaient d’ailleurs jamais dénuées d’un second degré bien senti ( » grillé comme un Roumain qui roule en Cadillac »). Le véritable problème de Sneazzy c’est qu’il a l’air de se prendre –déjà- trop au sérieux et que l’humour des débuts l’a totalement abandonné.
Pire, plutôt que de chercher à faire ses preuves et à balancer un premier projet présentant avant tout ses qualités de rappeur, Sneazzy veut franchir les étapes beaucoup trop vite. Au menu, peu de démonstrations de flow ou de technique mais des tentatives de crossover trop prétentieuses tant il n’en a pas encore les moyens. Et si les samples archi-grillés utilisés par Basement Beats ne posaient pas de problèmes sur En sous-marin, ils freinent ici plus l’écoute qu’autre chose et ne suffisent pas à porter des morceaux qui, par ailleurs, dépassent rarement les deux minutes. Des morceaux souvent entâchés par un curieux goût pour la polémique. Bien que la pochette aux airs d’Illuminati pouvait faire sourire, les couplets de Sneazzy ne manqueront pas d’agacer bon nombre d’auditeurs. Passe encore le coming-out sur son absence de sexualité (« Je resterai puceau à vie, les filles êtes-vous prêtes ? ») qui, faute d’intérêt, a au moins le mérite de l’originalité mais la phrase sur ses potes blancs qui en feraient « plus pour les noirs que les Black panthers » franchit une limite dont il sera probablement difficile de revenir.
Même si on avait envie d’apprécier le projet d’un rappeur dont on était curieux d’observer l’évolution, on ne retient pas grand chose de ce Etes-vous prêts ? qui aurait presque dû subir le même sort que le précédent projet mort-né de Sneazzy, le tristement intitulé #Nothing. #Nothing qui avait été annoncé par le clip de “Dead” montrant un Sneazzy au bout du rouleau et se concluant sur une sombre épitaphe. Peut-être que la vidéo était plus visionnaire qu’elle n’y paraissait à l’époque tant la carrière solo de Sneazzy a terriblement perdu en intérêt lors des derniers mois.