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Alors que son pays célébrait le 4 juillet dernier sa fête nationale, lui soufflait trois quarts de siècle d’existence, dont presque quinze années consacrées à une carrière aussi inattendue que fluctuante. Dire de Bill Withers que rien ne le prédestinait à devenir un des artistes les plus marquants de la soul n’est pas un euphémisme pour flatter sa bio. Benjamin d’une fratrie de six, Bill Withers nait en 1938 en Virginie-Occidentale, dans le petit bled minier de Slab Fork. Un village de deux cents âmes surtout habité par des blancs, mais où « tout le monde avait la gueule noire après une journée de travail à la mine », plaisantera-t-il en 2009 dans Still Bill, documentaire sur sa vie tranquille de retraité en survêtements. Enfant bègue (trouble qu’il n’arrivera pas à dompter avant la fin de sa vingtaine), orphelin d’un père mort à ses 12 ans, Bill s’engage dans la marine américaine peu avant sa majorité. Neuf ans plus tard, il est réformé, et s’installe ensuite à Los Angeles en 1967 dans l’espoir de poursuivre une carrière musicale. Pendant qu’il enregistre ses démos, il continue à bosser comme col bleu en assemblant à la chaîne des toilettes pour Boeing 747.
C’est par une rencontre cruciale avec Raymond Jackson que Bill parviendra à enregistrer son premier album. Grâce au claviériste du Watts 103rd Street Rhythm Band de Charles Wright, il arrange et peaufine ses démos auto-produites. Elles tomberont entre les mains de Clarence Avant, patron de Sussex Records, qui, convaincu du talent de Bill, le signe sur son label. Il assigne Booker T. Jones à la production de son premier album, Just As I Am. Sur ce premier opus sorti en 1971 (il a alors trente-deux ans), Bill apparaît dans sa tenue de travailleur, lunch box à la main. Il faut croire qu’elle contenait bien plus qu’un sandwich et un paquet de chips : le premier extrait de cet album sera son premier succès grand public, entré aujourd’hui au panthéon des plus grandes chansons de la soul : « Ain’t No Sunshine ». Une chanson déchirante sur le manque affectif, primée l’année suivante par un Grammy Awards. Dès ce premier album, le style Withers tranche avec la soul de l’époque, avec sa musique épurée aux influences blues et folk. Un style loin des arrangements grandiloquents des monuments de la Stax ou de la Motown de l’époque, qui épouse les textes simples de Bill. « J’écris et chante sur tout ce dont je suis capable de comprendre et ressentir, expliquait-il. Je pense que c’est plus sain de voir le monde à travers une fenêtre qu’à travers un miroir. Autrement, tu ne vois que toi-même et ce qu’il y a derrière toi. »
Suite à la sortie de cet album, il tourne alors avec Ray Jackson et ses collègues du Watts 103rd Street Rhythm Band et développe avec eux une réelle complicité musicale. Booker T. Jones étant très occupé, il convainc Clarence Avant d’enregistrer son deuxième album avec ses nouveaux compères. Une décision judicieuse : c’est en leur compagnie qu’il signe son œuvre la plus aboutie, Still Bill, mêlant ses racines rupestres au funk urbain de Ray et ses potes, avec des morceaux tels que « Use Me », « Who Is He (And What Is He to You) », « Kissing My Love ». Mais c’est encore avec une chanson touchante que Bill va cartonner : « Lean On Me », inspiré du gospel de son enfance, dans lequel ses mots sur l’amitié se lient parfaitement à ses accords simples sur le piano Wurlitzer. Suite à Still Bill, Withers signera deux autres disques chez Sussex : son excellent live au Carnegie Hall de New York, puis +’Justments, troisième album studio sous-estimé. C’est avec cet opus que se conclura la collaboration entre Bill et Sussex – la maison de disques mettra la clé sous la porte en 1975 pour fraude fiscale.
Après avoir signé deux chansons pour Gladys Knight sur son album I Feel a Song, Bill signera chez Columbia en 1975. Une période de sa carrière qui n’a pas été aussi foisonnante en chansons passées à la postérité, malgré quelques singles à succès, notamment « Lovely Day », ou plus tard, « Just The Two of Us ». La faute, peut-être, à des arrangements beaucoup plus léchés et travaillés, faisant perdre à la musique de Bill cette émotion claire et sincère qu’il avait trouvée sur ses premiers albums. De son expérience chez Columbia, il dira : « dès que je jouais quelque chose, on me disait « où sont les cuivres ? Combien de temps dure l’intro ? » Mon premier disque, « Ain’t No Sunshine », n’avait pas d’intro. Mais ces gars me balançaient toute sorte de suggestions – je les appelais des « blaxperts », des blancs censés être des experts en musique noire. Un de mes directeurs artistiques m’avait suggéré de reprendre « In The Ghetto » d’Elvis Presley… J’étais livide. Et à mesure que je devais gérer ce genre de situations, mon souhait de transmettre des émotions simples et vulnérables s’est complètement émoussé. »
Depuis son dernier album sorti 1985, Bill vit en Californie, où il gère avec sa femme et ses deux enfants ses droits d’auteurs, nourris en partie par le sampling de nombre de ses titres par des producteurs de rap. Paradoxalement, ce n’est pas de ses plus grands succès comme « Lean On Me » ou « Ain’t No Sunshine » qu’ils ont tiré leur meilleur boucle – la reprise quelconque de DMX de ce dernier titre en est l’exemple-même. Mais les dix samples ci-dessous tirés de son répertoire montrent un lien à la fois naturel et contradictoire entre l’humilité de sa musique et le caractère parfois expansif des instrumentaux qui l’ont repris.
« Grandma’s Hands » (Just As I Am, 1971)

Bill Withers « Grandma’s Hands »
C’est sans doute le sample le plus connu de Bill. Un simple fredonnement et quatre notes de guitare blues suffisent à planter instantanément le décor rural et pieux de son doux hommages à sa grand-mère. Une boucle courte mais suffisamment puissante pour attirer l’oreille de Teddy Riley, qui a composé l’incontournable et infectieux « No Diggity », sans doute le plus gros succès des Blackstreet. Une chanson sur une fille citadine futée et pleine d’assurance, loin du portrait de la femme maternelle et attentionnée dessiné par Withers.
Blackstreet ft. Dr. Dre and Queen Pen - « No Diggity »
« Kissing My Love » (Still Bill, 1972)

Bill Withers « Kissing My Love »
Pour accompagner sa voix chaude et ses accords de guitare, Bill Withers a su s’entourer de musiciens de qualité. Parmi eux, le batteur James Gadson tient incontestablement une place importante. Avec ses rythmiques sèches et son jeu funky, il a insufflé aux albums Still Bill et +’Justments un groove bien plus palpable à la musique de Bill que sur les autres albums de sa discographie. Au sommet de la collaboration entre les deux artistes se trouve sans doute l’enflammé « Kissing My Love ». Joué seul en introduction, le break de Gadson allait forcément devenir matière à instrumentaux rap une vingtaine d’années plus tard. Samplé une bonne trentaine de fois, c’est sans doute sur les titres « Let Me Ride » de Dr. Dre, « In The Ghetto » d’Eric B & Rakim et « Straight Out The Jungle » des Jungle Brothers qu’il est entré dans la liste des plus célèbres breakbeats du rap. A noter que sur le même album, seul un alien comme Timbaland pouvait reprendre le break de « Another Day to Run » pour composer un instrumental bounce comme lui seul savait en créer.
Jungle Brothers - « Straight Out the Jungle » (1988)
Eric B & Rakim - « In The Ghetto » (1990)
Dr. Dre - « Let Me Ride » (1992)
« Who Is He (And What Is He To You) » (Still Bill, 1972)

Bill Withers « Who Is He (And What Is He To You) »
Chanson sur la paranoïa sentimentale, « Who Is He (And What Is He To You) » est typique du style de Bill Withers de l’époque Sussex : une composition dépouillée mais subtile (le tambourin en appui de la batterie, les envolées de cordes suspicieuses) pour aborder un sujet universel et complexe. Lorsqu’ils ont été piocher dans ce titre, les producteurs rap ont évidemment surtout repris le gimmick entraînant joués par la guitare de Bill Withers et le clavinet de Ray Jackson. Des plusieurs sampling de cette boucle, on pourrait retenir deux visions diamétralement opposées du rap à la sauce new-yorkaise. D’un côté, le beat à contre-temps du « Horse & Carriage » de Cam’ron et Mase, où les Trackmasters ont accentué l’aspect funky de la guitare de Withers, pour un titre que l’on imagine spécialement conçu pour les grands clubs hip-hop de l’époque comme The Tunnel. De l’autre, le « Desperados » des Perverted Monks d’Afu-Ra, sur lequel la mise en boucle rugueuse de Curt Cazal sur une rythmique bélier joue sur le côté pistolero des accords de la gratte.
Cam’ron ft. Ma$e - « Horse & Carriage » (1998)
Perverted Monks - « Desperados » (2001)
« Lonely Town, Lonely Street » (Still Bill, 1972)

Bill Withers « Lonely Town, Lonely Street »
Deux époques, deux styles de musique, mais une filiation aujourd’hui évidente. Si Bill Withers représentait un versant plus rural de la grande époque de la soul, les pionniers du rap texan U.G.K. et les Geto Boys ont porté le fanion du country rap tunes avec leur musique moite et crapuleuse hors de la ligne NY/LA. C’est presque naturellement que l’on retrouve dans deux titres respectifs de ces groupes deux samples de Bill Withers assez proches, extraits de son album Still Bill. Pour les Geto Boys, il s’agit de « Lonely Town, Lonely Street », que N.O. Joe a repris sur le brulant « It Ain’t ». Pimp C, lui, a pioché la boucle de « Use Me » pour son titre solo « Use Me Up ». Si Chad Butler a modernisé l’esprit de la chanson de Withers, avec son histoire de maquereau complètement accroc à une gonzesse, Scarface de son côté applique la froideur urbaine décrite de manière globale par la chanson de Withers dans un panorama sombre de Houston, finissant par un récit de vengeance meurtrière. Si les traitements des samples sont différents (éclatant chez Pimp C, étouffant pour N.O. Joe), leur rendu est typique du son texan, à la fois funky, énergique et farouche.
U.G.K. - « Use Me Up » (1992)
Geto Boys - « It Ain’t » (1993)
« I Can’t Write Left-Handed » (Live At Carnegie Hall, 1973)

Bill Withers « I Can’t Write Left-Handed »
Jusqu’ici, on a beaucoup évoqué le talent de Withers pour les mélodies entêtantes et les textes touchants, mais assez peu la force de sa voix bienveillante, parfois plaintive, parfois joviale. Pour « I Can’t Write Left-Handed », chanson inédite qu’il joua lors de son concert de 1973 au Carnegie Hall de New York, Bill mit dans sa voix toute cette incompréhension, cette angoisse et ce sentiment d’injustice portés par le récit épistolaire d’un soldat coincé au Vietnam. « Tell the Reverend Harris to pray for me, Lord. I ain’t gonna live, I don’t believe I’m going to live to get much older », clame-t-il avec ferveur sur une composition élégiaque entre blues et gospel. C’est cette même impuissance face à la mort qu’a repris Kno, grand amateur de samples vocaux, pour introduire « The Gates », ponctuant l’aspect dramatique du passage dans l’au-delà du personnage principal d’A Piece Of Strange des CunninLynguists.
CunninLynguists ft. Tonedeff - « The Gates » (2006)
« Don’t You Want To Stay » (Making Music, 1975)

Bill Withers « Don’t You Want To Stay »
Débutant sur une ritournelle aux accents médiévaux, « Don’t You Want to Stay » est sans doute l’une des plus belles balades du répertoire de Bill, avec sa ligne de basse languissante et son ensemble de cordes chagrinées. Des arrangements quasi-motowniens, qui ne sont pas dus au hasard, puisqu’ils ont été dirigés par Paul Riser, ancien membre des Funk Brothers, célèbres musiciens de studio ayant fait la gloire du label de Berry Gordy entre 1959 et 1972. C’est sans doute l’aspect majestueux des violons associé à la mélodie désenchantée de la basse qui a séduit de nombreux producteurs quelques années plus tard : Dub-B pour l’egotrip aigre-doux « The Future » de Joe Budden, DJ Burn One pour les confessions de salopards sur « Fulla Shit » de Rittz, Yelawolf et Big K.R.I.T., ou Davy Done pour l’angoissé « What The Future Holds » d’Outerspace.
Joe Budden - « The Future » (2005)
Outerspace - « What The Future Holds » (2008)
Rittz ft. Yelawolf and Big K.R.I.T. - « Fulla Shit » (2011)
« Lovely Day » (Menagerie, 1977)

Bill Withers « Lovely Day »
De sa période passée chez Columbia, Withers n’a pas réussi à produire des titres aussi mémorables que les plus grands hits tirés de ses albums chez Sussex. Il y a pourtant une de ses chansons qui est devenue aujourd’hui incontournable lorsque l’on évoque sa discographie : l’estival et coeur-léger « Lovely Day ». Grâce à sa ligne de basse quasi-disco et les envolées de cordes dirigées par Charles Veal, « Lovely Day » reste encore aujourd’hui un titre immédiatement reconnaissable. Des beatmakers aux styles bien distincts ont cherché cet instantané de sveltesse en mettant en boucle le thème musical du morceau de Withers : le californien Ant Banks pour « Player’s Holiday » de son groupe T.D.W.Y. avec les parrains de la Bay Area Mac Mall et Too $hort, Swizz Beatz pour son narcissique « Take a Picture », ou encore Red Spyda pour l’enjoué « Sunshine » de Twista et Anthony Hamilton.
T.D.W.Y. ft. Mac Mall & Too $hort - « Player’s Holiday » (1999)
Twista ft. Anthony Hamilton - « Sunshine » (2004)
Swizz Beatz - « Take A Picture » (2007)
« Memories Are That Way » (‘Bout love, 1979)

Bill Withers « Memories Are That Way »
Cela aurait pu être un autre de ces moments passés avec Diddy. Certes, celui-ci est beaucoup plus confidentiel : « Nothing’s Gonna Stop Me Now » n’est qu’un interlude coincé au milieu du massif The Saga Continues. Mais il est particulièrement révélateur : Sean Combs, accompagné par les vocalises appuyées de Mario Winans et Faith Evans, y raconte que rien ne pourra l’arrêter dans sa route vers la réussite. Un grand moment d’auto-célébration sur un sample de piano suave et mélancolique, tirée de « Memories Are That Way », belle chanson nostalgique moins connue du répertoire de Withers. Ironie du sort : dans les crédits de The Saga Continues, c’est « Grandma’s Hands » qui est crédité comme sample de cette chanson. Oui : rien n’arrête Diddy, même pas les problèmes de mémoire ou de déclaration de sample.
P.Diddy ft. Mario Winans and Faith Evans - « Nothing’s Gonna Stop Me Now »
« Just The Two Of Us » (Winelight, 1981)

Bill Withers « Just The Two Of Us »
Arrivé aux années 80, du fait de ses problèmes avec Columbia et d’une envie de se consacrer à sa femme et ses deux enfants, Bill ne sortit qu’un seul et dernier album en 1985, Watching You Watching Me. Il a, en revanche, collaboré avec de nombreux artistes à mi-chemin entre le jazz et le funk, comme les Crusaders en 1980 pour « Soul Shadows », samplé plus tard par Big D The Impossible pour le « Papa’z Song » de 2Pac. Mais c’est surtout avec le saxophoniste Grover Washington Jr. qu’il a signé, l’année suivante, le dernier grand succès de sa discographie : le fleur bleue « Just The Two Of Us ». Repris par Sauce pour l’ode à la paternité de Will Smith, chez nous, c’est Chimiste qui sampla les quelques notes cristallines ouvrant le titre de l’originale pour le « Freaky Flow » de Daddy Lord C. Les deux reprises sont assez basiques, mais il paraît difficile de troubler la mélodie légère de Withers et Washington.
Daddy Lord C - « Freaky Flow » (1994)
Will Smith - « Just The Two Of Us » (1998)
« RIP GSH… and we do what we do and how we do because of you. » Cet hommage posthume à Gil Scott-Heron n’a rien d’anodin quand il vient de Chuck D, rappeur et tête pensante de Public Enemy. De son vrai prénom Gilbert, né un 1er Avril 1949 à Chicago, Scott-Heron fut un artiste protéiforme, musicien, poète, écrivain, « slameur » avant le mot. Disparu vendredi 27 mai, il est l’une des figures de la musique noire américaine qui a sans doute le plus influencé la naissance du rap, par sa posture contestataire assumée et certains de ses textes déclamés sur des musiques brutes.
Mais avant d’être « le parrain du rap », comme le répètent ad nauseam les articles de la presse généraliste, Gil Scott-Heron était un chanteur de soul talentueux. Sa voix, aussi douce qu’elle pouvait être emplie de verve, servait sa plume sans n’être qu’un simple outil. L’émotion qu’il mettait dans ses performances prouve qu’elle était un vrai instrument, se mêlant aux productions de son ami, le pianiste et claviériste Brian Jackson. Tous deux passionnés par le jazz, les œuvres musicalement riches de leur discographie ont accueilli la participation d’artistes comme le contre-bassiste Ron Carter ou le flutiste Hubert Laws. Et si « The Revolution Will Not Be Televised » fut l’un des premiers morceaux proto-raps, d’autres de leurs compositions plus ou moins connues ont inspiré rappeurs et producteurs. En voici cinq, manière à nous de rendre hommage à un grand artiste. « Peace Go With You, Brother ».
« We Almost Lost Detroit » (Bridges, 1977)

Gil Scott-Heron « We Almost Lost Detroit »
En mars dernier, lorsqu’il alluma sa télé ouvrit son journal et lut qu’un nuage radioactif menaçait le Japon, Gilbert a du se dire « bande de cons, je vous avais prévenu ». Quand en 1977, sur son huitième album Bridges, il critiquait le manque de moyens mis en œuvre à la sécurité autour du développement de l’énergie nucléaire sur le sublime « We Almost Lost Detroit ». Inspiré d’un livre traitant du même problème, le propos de la chanson se révéla d’autant plus pertinent deux ans plus tard après l’accident de Three Miles Island, et davantage une vingtaine d’années plus tard après celui de Fukushima au Japon. Pourtant, sur cette chanson mid-tempo, point de rage ni de hargne, mais un chant presque murmuré, des claviers galactiques et une guitare atmosphérique. En 1998, J.Rawls reprenait la douce mélodie de l’originale de Scott-Heron pour le romantique « Brown Skin Lady » de Mos Def et Talib Kweli, tandis que Kanye West, en 2007, le découpait superbement pour l’optimiste « The People » de Common. Ce n’est d’ailleurs pas la seule fois où Mos et Common ont rappé sur un sample de Gil : « Mr. Nigga » reprenait le jazzy « Legend in His Own Mind », et « My Way Home » l’enflammé « Home Is Where The Hatred Is ».
Black Star - « Brown Skin Lady » (1998)
Common ft. Dwele - « The People » (2007)
« 1980 » (1980, 1980)

Gil Scott-Heron « 1980″
Gil Scott-Heron et Brian Jackson ont toujours su capter l’air du temps sans changer l’esprit de leur musique. A l’aube des années 1980 et de leurs transformations musicales, les deux compères se sont essayés à des morceaux plus funky, comme ce bien nommé « 1980 », chronique d’un monde robotisé et déshumanisé. Démarrant sur un délire spatial et futuriste, le morceau est appuyé par une ligne de basse groovy et une batterie entraînante. Il n’en fallait pas plus pour que Johnny « J », collaborateur récurrent de 2Pac disparu en 2008, sorte un beat G-funk délicieux pour le défunt rappeur et son pote Big Syke.
2Pac ft. Big Syke - « Ready 4 Whatever » (1997)
« Did You Hear What They Said ? » (Free Will, 1972)

Gil Scott-Heron « Did You Hear What They Said ? »
Au coeur de Free Will, son troisième album, « Did You Hear What They Said ? » est probablement l’une des chansons les plus tristes et amères de Scott-Heron. Le piano aigre-doux et la flûte mélancolique qui s’expriment tout au long du morceau y sont sans doute pour beaucoup. MadIzm a été déniché cette boucle en 2001 pour conclure sur une note plus douce le premier album, pourtant frontal, de Salif, Tous Ensemble – Chacun Pour Soi. Quelques années plus tard, Freeway ouvrait son second opus, Free At Last, sur le même échantillon, pour raconter son histoire, des rues de Philadelphie aux studios de Roc-A-Fella. Avec une seule impression, « this can’t be real », reprenant l’affirmation pleine de dépit de GSH dans l’originale.
Salif - « O…o » (2001)
Freeway feat. Marsha Ambrosius - « This Can’t Be Real » (2007)
« Angel Dust » (Secrets, 1978)

Gil Scott-Heron « Angel Dust »
Malgré son thème grave et son récit émouvant (et probablement un peu autobiographique), « Angel Dust », chanson sur les ravages de la drogue, est portée par un funk doux et laid-back grâce aux claviers de Brian Jackson. Loin de la gravité de l’original présent sur … De La Planète Mars, le remix par Easy Mo Bee du « Tam Tam de l’Afrique » d’IAM repose sur le même principe que « Angel Dust » : faire passer un message sur une musique accrocheuse, grâce à l’utilisation de la boucle de Scott-Heron. Du côté de The Game et Common, l’addiction est assumée, contrairement au message de la chanson de Gil. Sauf qu’ici l’ange n’est pas de la poudre, mais de la musique. Et de la bonne.
IAM - « Tam Tam de l’Afrique (Easy Mo Bee Mix) » (1992)
The Game feat. Common - « Angel » (2008)
« Delta Man (Where I’m Coming From) » (Bridges, 1977)

Gil Scott-Heron « Delta Man (Where I’m Coming From) » (1977)
Triste ironie du calendrier, le « boss » du Texas, Slim Thug, a sorti trois jours avant la mort du chanteur le clip de « Coming From », virée dans le vieux Sud en compagnie de son acolyte J-Dawg et du nouveau héraut du Mississippi, Big K.R.I.T.. Le producteur du morceau, KC, y reprend le « Delta Man » de Scott-Heron, chanson au groove moite et poisseux narrant l’histoire d’un homme noir à différent moment de l’histoire des États-Unis. Sur un instrumental bluesy au style texan inimitable, les trois rappeurs rouvrent le livre écrit par GSH, et perpétuent ainsi son héritage en y ajoutant leur propre histoire.
Slim Thug ft. J-Dawg & Big K.R.I.T. - « Coming From » (2010)
Parmi les grands noms de la production qui ont émergé entre la fin des années 90 et le passage au nouveau millénaire, Rockwilder était l’égal des Timbaland, Swizz Beatz et autres Neptunes. De son vrai nom Dana Stinson, son pseudo était une valeur sûre dans les crédits des albums mainstream. Il avait une marque : un son immédiatement efficace, synthétique, clinquant, électrique, appuyé par des rythmiques basées sur des hi-hat joués tous les quarts de mesure (en noire) plutôt que tous les huitièmes (en croche).
Si son nom apparaissait déjà sur les premiers Redman, les deux albums d’Organized Konfusion ou encore le When Disaster Strikes de Busta Rhymes, c’est à partir de 1999 et « Da Rockwilder » pour Meth et Red que Rock est devenu l’un des hommes forts de la production U.S.. Une bonne cote qui l’amènera à produire des gros cartons pop, dont l’incontournable reprise du « Lady Marmalade » de LaBelle par Mya, Pink, Lil Kim et Christina Aguilera, pour lequel il a même remporté un Grammy Award.
Pourtant, contrairement à ses collègues précités, Rock a disparu du radar. Depuis 2005, il réapparait ici et là, sur des albums de Redman bien sûr, mais aussi Kelis, Beanie Sigel, ou 50 Cent. Il a également ouvert un marché virtuel de beats ou a pensé un temps à passer au rap chrétien (il a été élevé par une mère ministre). Peut-être a-t-il été emporté par le lent déclin des scènes du Nord Est. Peut-être n’a-t-il pas réussi à faire évoluer son son assez significativement pour survivre aux nouvelles modes et tendances. Quoi qu’il en soit, il aura marqué la production rap en l’espace de quelques années d’intense activité. Voici une flopée de ses instrumentaux les plus marquants.
25. Big Pun – Super Lyrical (ft. Black Thought) Capital Punishment, 1998
Des prods pré-« Da Rockwilder », « Super Lyrical » pour Big Pun représente en quelque sorte un pont entre les deux sons qu’a développé Rock dans sa carrière. L’instru renvoie à ses premières œuvres, avec son beat classique et ses nombreux samples. Mais sa rythmique sèche et surtout sa basse électrique annoncent le changement de son qu’il allait proposer pour les années à venir.
24. Redman – « How U Like Dat » (ft. Gov Mattic) Red Gone Wild, 2007
Même si sa participation était minime comparée à celle d’Erick Sermon, de Dare Iz A Darkside à Reggie, Rockwilder a toujours été présent sur les albums du patron du New Jersey. Et il a souvent servi des compositions sur-mesure pour Red. La preuve avec ce « How U Like Dat » et sa basse grasse et poisseuse, digne de Bootsy Collins.
23. Nate Dogg – « I Got Game » (ft. Snoop Dogg et Armed Robbery) Nate Dogg, 2003
Une autre particularité de Rockwilder a été son affection pour les cordes jouées pizzicato. Habituellement placées en détail mélodique sur ses instrus, il en a fait la base du « I Got Game » de Nate Dogg. Le résultat est excellent, tout en nonchalance et en musicalité, résumant le caractère du crooner de l’ouest.
22. Ice Cube – « $100 Dollar Bill Y’All » Greatest Hits, 2001
Inédit placé sur son Greatest Hits, « $100 Dollar Bill Y’All » fut le dernier single de Ice Cube avant son retour en 2006 avec Laugh Now, Cry Later. Quoi de mieux pour garder la forme que de poser sur une composition d’un producteur à la mode de l’époque. Rock a livré pour O’Shea Jackson un beat moins clinquant que d’accoutumée mais tout aussi percutant grâce à l’alliance entre une basse bourdonnante et des sons de claves.
21. Method Man & Redman – « Cisco Kid » (feat. Cypress Hill) How High O.S.T., 2001
C’est sans doute avec Redman et Method Man que Rockwilder a le plus expérimenté. Sur la bande originale de leur film déjanté et enfumé How High, il a sorti ce « Cisco Kid » reprenant un sample du groupe de latin-funk War. Un instru plutôt laidback et à part dans la carrière de Rock, quand sur la même B.O. son pote DJ Twinz copiait son style avec son « America’s Most ».
20. Fabolous – « Get Right » Ghetto Fabolous, 2001
Le premier album de Loso était symptomatique de l’air du temps du début des années 90, avec ses singles produits par les Neptunes et Timbaland… et sa livraison de Rockwilder. Une prod de club épileptique et bouncy à souhait, dont Sulee B. Wax avait repris l’esprit en 2002 pour le « Monsieur Qui ? » de Lino, en la transformant en égotrip musclé et violent.
19. LL Cool J – « Imagine That » The G.O.A.T. (Greatest Of All Times), 2000
Premier single du dernier très bon album de James Todd Smith (merci DJ Scratch), « Imagine That » détonne au premier abord en ouverture d’un album aussi musclé. Mais smooth et virile à la fois, mélangeant gémissement féminin, roulette de revolver et gimmick de guitare funky, la composition de Rock était idéale pour que Cool James roule encore des mécaniques devant la gente féminine. Irrécupérable, mais ça marche à tous les coups.
18. The Outsidaz – « Keep On » The Bricks, 2000
S’il fallait trouver une filiation au style de Rockwilder, on pourrait le définir comme une évolution du son d’Erick Sermon. Et s’il fallait le démontrer, « Keep On » des Outsidaz en serait une preuve irréfutable, tant cette prod aurait pu se retrouver sur Blackout!, Malpractice ou Music. Une atmosphère idéale pour kicker comme le faisait si bien le crew de Brick City, ou certains rappeurs hexagonaux invités chez Cut Killer.
17. Prodigy – « Gun Play » (ft. Big Noyd) H.N.I.C., 2000
Même s’il n’avait pas son pareil pour sortir des headbangers juteux, Dana Stinson était avant tout un natif du Queensbridge. Quoi de plus normal qu’il s’essaie à l’essence sombre du Q.B. pour Prodigy sur son premier album solo. On retrouve sur ce « Gun Play » la signature de Rock, avec cette rythmique minimaliste et cette basse futuriste, mais adaptée façon Infamous avec une nappe de violon en fond sonore et un sample inquiétant.
16. Nas – « Everybody’s Crazy » The Lost Tapes, 2002
Bonus track de la version japonaise de Stillmatic, « Everybody’s Crazy » est la énième preuve que Nasir Jones a un énorme problème dans son choix d’instrumentaux. Car la production de Rockwilder aurait mérité une bien meilleure place que certains autres morceaux sur l’album du retour de Nas. Heureusement, il a eu la bonne idée de le replacer sur son catalogue de trésors retrouvés, The Lost Tapes. Bouncy et rugueux, sa rythmique est redoutablement efficace, appuyée par une ligne de basse ronde et quelques claviers discrets, parfaits pour laisser de la place pour le flow de Nas.
15. Rah Digga – « Break Fool » Dirty Harriet,1999
Aujourd’hui dissous, le Flipmode Squad de Busta Rhymes avait une bonne cote à la fin des années 90. Et pas seulement du fait de la popularité de son Général : que ce soit Rampage, Lord Have Mercy ou Rah Digga, les membres de son équipe étaient tous des rappeurs de talent. Party anthem typique de la fin des années 90 (à la « Party Up » de DMX), « Break Fool » de Rah Digga est un morceau à l’énergie incendiaire grâce aux synthés distordus de Rock et ses cordes au refrain.
14. Mystikal – « Oooh Yeah » / « I Get It Started » (ft. Method Man & Redman) Tarantula, 2001
Dernière œuvre en date de Mystikal avant son incarcération, Tarantula est un album sous-estimé et pourtant monstrueux. Au milieu de prods inventives et explosives (dont le génial « Bouncin Back » des Neptunes), Rockwilder a apporté de la matière à la toile du MC le plus fou de la Nouvelle-Orléans avec deux livraisons radicalement opposée mais complémentaire. Si « I Get It Started » (co-produit avec DJ Twinz) est une nouvelle démonstration de son talent pour électriser l’atmosphère, « Oooh Yeah » montre une toute autre facette de Rock, un poil enfumée et détendue mais aussi addictive, avec sa basse chaude, ses claviers étranges et ce gimmick de trompette.
13. 50 Cent – « Like My Style » (ft. Tony Yayo) Get Rich Or Die Tryin’, 2003
Passée l’année 2002 et son Grammy pour la B.O. de Moulin Rouge, Stinson s’est fait plus discret. Mais la discrétion n’empêche pas le flair. En plaçant une excellente prod sur l’album rap de l’année 2003, il s’est assuré de garder un peu de visibilité. Et de quelle manière : son instru pour « Like My Style » est l’un des grands moments de l’album, avec sa rythmique saccadée, et sa composition proche du style d’un autre Rock, Rick Rock.
12. Styles P – « Daddy Get That Cash » (feat. Lil Mo) A Gangster And A Gentleman, 2002
Rockwilder a été l’un des premiers producteurs de la côte Est a totalement laissé de côté le sampling pour passer à la composition pure. Pourtant, il le sait mieux que personne : lorsque l’on trouve un sample qui tue, mieux vaut ne pas le laisser passer. C’est le cas avec cet inspiré « Daddy Get That Cash » pour Styles, rejouant les premières mesures d’un titre du groupe Side Effect. Au passage, admirez l’intro crescendo de l’instru de Rock.
11. Redman – « I’ll Bee Dat! » Doc’s Da Name 2000, 1998
Le capital de sympathie de Redman repose sur des éléments simples : son sens de l’auto-dérision, son humour gras et débile, et son don pour sortir des titres joviaux. « I’ll Be Dat ! », premier single de son Doc’s Da Name 2000, en est l’exemple type, notamment grâce à son clip bordélique. L’instru de Rockwilder épousait à merveille le délire de Reggie Noble, avec sa basse crasseuse, ses tonalités de téléphone toutes les huit mesures, ses discrètes percussions et ce petit son indéfinissable au refrain. Un peu en avance dans la chronologie de Stinson, « I’ll Bee Dat ! » a déjà toutes les caractéristiques du Rock hitmaker de l’après Blackout!.
10. Busta Rhymes – « Make Noise » (feat. Lenny Kravitz) Anarchy, 2000
L’énergie du son de Rock offrait un espace de créativité idéal pour un rappeur comme Busta. Placé en dernière partie d’un album déjà costaud niveau prods, « Make Noise » est probablement l’un des instrus les plus énervés du producteur. Mélangeant sons imitant les riffs d’une guitare électrique à ceux, bien réels, de la gratte de Lenny Kravitz invité pour l’occasion, le résultat est supersonique.
9. Jay-Z – « Guilty Until Proven Innocent » (feat. R.Kelly) The Dynasty : Roc La Familia, 2000
Sacré Jay-Z. Faire tout un foin autour de son procès pour agression sur Lance Rivera en clamant qu’il est innocent, pour ensuite plaider coupable et être condamné à trois ans de conditionnelle… Le tout avec un bon morceau et un clip mémorable. La prod de Rockwilder est sans doute l’une de ses plus épurées, mais aussi une des plus classes : un beat minimal, une ligne de basse entêtante qui s’affole toutes les huit mesures, et des violons épiques au refrain pour accentuer l’abnégation de Jigga face à tant d’infamie.
8. Tha Liks – « Run Wild » (feat. Shae Fiol) X.O. Experience, 2001
Le style enjoué de Rockwilder était fait pour rencontrer le rap hédoniste et joyeusement barré (ou bourré, ça marche aussi) des plus célèbres alcooliques de Los Angeles. Après avoir livré quelques prods sur l’album solo de Tash, les Alkaholiks ont refait appel à Rock pour leur quatrième album, X.O. Experience, plus mainstream que les précédents. Deuxième single de l’album, « Run Wild » est porté par un instrumental entrainant, en dépit d’un beat assez simple. La science de Rock fait encore des merveilles grâce à sa composition ensoleillée et légère, appuyée par le rythme saccadé de ses charlestons.
7. Xzibit – « Front 2 Back » Restless, 2000
D’après Rockwilder, Dre aurait été hors de lui quand il a entendu les bruits d’amortisseurs de l’intro de 2001 utilisé en appui du beat de « Front 2 Back ». Pourtant, ce petit sample rend encore plus évident la filiation entre l’album de Dre et le troisième opus de Alvin Joiner. Placé en ouverture de Restless, « Front 2 Back » donne le ton et constitue plus qu’un hymne west coast, un véritable hommage de Rockwilder au genre.
6. Mos Def, Pharoahe Monch et Nate Dogg – « Oh No » Lyricist Lounge Vol. 2, 2000
Quand Rockwilder fait du RZA version Ghost Dog, ça donne « Oh No », kata exécuté de main de maître par Mos Def, Pharoahe Monch et Nate Dogg. L’association entre le crooner californien et les deux fines plumes de la grande époque Rawkus aurait pu sonner forcée. Mais Rock a livré l’instru parfait pour ce crossover. Moins évidente que d’autres de ses livraisons, la prod de « Oh No » est un petit bijou parce qu’elle seyait parfaitement à la musicalité du chanteur tout en collant à l’esprit new-yorkais des deux rappeurs. Sûrement l’une des dernières percées grand public de Rawkus.
5. De La Soul – « I.C. Y’All » (feat. Busta Rhymes) Art Official Intelligence Vol. 1 : Mosaic Thump, 2000
Pour composer un bon instru, il suffit parfois de trouver la boucle qui tue. En réinterprétant la tuerie funky « Galaxy » du groupe War (encore eux) et en la déposant sur un beat mécanique et brise-nuque, Rockwilder n’a peut-être jamais fait plus minimaliste dans une de ses productions. Mais ce « I.C. Y’All » est d’une efficacité redoutable grâce à ce synthé grésillant, ces cordes pizzicato et ces petits bruitages issus directement du titre des War.
4. Jay-Z – « Do It Again (Put Ya Hands Up) » (feat. Beanie Sigel et Amil) Vol. 3… Life and Times of S.Carter, 1999
Dans la discographie de Jay-Z, Life and Times of S.Carter tient une place toute particulière. Celui de l’album où il prend de l’avance sur la concurrence en se risquant à des choix artistiques plus audacieux. Si on le compare à « Guilty Until Proven Innocent », « Do It Again », premier single de l’album, est un morceau plus difficile d’accès, car sans véritable mélodie. Mais deux détails le rendent plus remarquable dans la carrière de Rockwilder. D’une part, comme le soulignait Cipha Sounds sur le site de Complex, c’est la première véritable club song de Jay-Z. Pourtant, et c’est là le deuxième détail d’importance, l’instru de Rock ne respecte pas le format traditionnel des morceaux de rap. Il est construit sur trois mesures au lieu de quatre, un choix surprenant et sacrément accrocheur.
3. Xzibit – « Release Date » Man vs. Machine, 2002
« Front 2 Back » était un single bélier, adaptation réussie du style de Rockwilder aux normes musicales de la côte ouest redéfinit par le 2001 de Dre. Mais la meilleure production de Rock pour Xzibit (et l’une de ses meilleures tout simplement) est bien moins tape à l’œil. Placé en intro du quatrième album de « Mister X to tha Z », « Release Date » est un instru cinématographique et sombre comme jamais Rock n’en a réalisé auparavant, ni après. Synthés glaçants et riffs de guitare grinçants ont inspiré Xzibit à écrire un de ses meilleurs morceaux.
2. Method Man & Redman – « Da Rockwilder » Blackout!, 1999
C’est avec ce morceau que tout a commencé. « Da Rockwilder » n’aurait dû être qu’un interlude sur le Blackout! de Meth et Red. Il est devenu le meilleur single de l’album. Un peu plus de deux minutes de sons futuristes, de court-circuits mélodiques et de basses lourdes suffisent à comprendre pourquoi « Da Rockwilder » fut un carton. Rock a bien fait d’insister auprès de Redman pour que son instrumental atterrisse sur cet album : tout le monde connaît son nom grâce a ce titre.
1. Redman – « Let’s Get Dirty » (feat. DJ Kool) Malpractice, 2001
La force de Rockwilder est qu’il a toujours su donner un côté accessible à l’énergie du rap dans la composition de ses hits. Si l’on compare son travail à celui de Swizz Beatz à la même époque, le son du producteur des Ruff Ryderz avait une brutalité qu’il n’y a jamais eu chez Rock. A une seule reprise, Rockwilder a lâché toute sa sauvagerie dans un instrumental, son meilleur : « Let’s Get Dirty » de Redman. Intro chaotique, beat minimaliste et tamponneur, synthés joués en deux temps aiguës et graves, pont annonçant la déflagration du refrain : « Let’s Get Dirty » est un condensé de puissance sonique sans aucune véritable mélodie que l’on puisse fredonner, mais que l’on retient immédiatement. En toute démesure, il contient tout ce qui définit le son de Rockwilder. Et le plus formidable c’est qu’il a réussi à produire un autre succès pour Christina en gardant l’essence de ce titre. Jamais son nom n’a pris autant de sens : dur et sauvage.
Sorti en 1997, The Psycho-Social, Chemical, Biological, and Electro-Magnetic Manipulation of Human Consciousness (plus communément appellé The Psycho-Social LP) de Jedi Mind Tricks est, comme son nom l’indiquerait presque, un OVNI sonore et textuel. Stoupe y propose des beats lents et étranges, plantant une atmosphère oppressante et lugubre à souhait. Ikon the Verbal Hologram, lui, jongle avec conviction entre toute une panoplie de sujets ésotériques, paraissant totalement habité par ses délires hallucinés et hallucinants.
Dans le livret de la réédition CD de l’album, les différentes influences du groupe sont citées (de Mao à EPMD en passant par Charles Bukowski), et on apprend que le disque a été enregistré sous l’influence d’immenses quantités d’alcool. Les principaux acteurs rechignant aujourd’hui à revenir sur la conception de cette œuvre et sur cette époque, il est dur d’en savoir plus sur la genèse de ce véritable classique de la scène Hip-Hop indépendante. On aurait pourtant aimé en savoir plus sur le processus de création de morceaux aussi atypiques, et, par rebond, sur la mutation qui s’opérera dans le groupe à la fin des années 1990, avant la sortie de « Violent By Design ».
.A défaut de disposer de la parole des protagonistes, l’analyse d’un élément mésestimé du travail du groupe peut fournir un nouvel éclairage. On a beaucoup dit sur les paroles brumeuses d’Ikon et sur les productions baroques de Stoupe. Les scratchs de l’album et de ses bonus tracks ont en revanche été bien moins évoqués. Pourtant, ils s’avèrent révélateurs et constituent de véritables actes de filiation. Avec les ténors du rap hardcore new-yorkais d’alors (Wu-Tang Clan, Boot Camp Click), les aînés de Philadelphie (The Roots, Bahamadia), et les tenants d’un rap plus complexe (Organized Konfusion, The Pharcyde). Ce tryptique résume parfaitement l’essence du « Pyscho-Social LP » et des morceaux du groupe antérieurs à celui-ci, baladant l’auditeur entre les rues glaciales de Philadelphie et l’esprit mystique torturé de Vinnie Paz. Retour donc sur les titres d’où sont tirées les phrases scratchées.
« I use Jedi mind tricks to find tricks »
Del The Funky Homosapien - « No More Worries » (1993)
Posse-cut tiré du second album de Del The Funky Homosapien, et l’une des premières apparitions du collectif Hieroglyphics en tant que tel. Le lien entre Del et Jedi Mind Tricks paraît relativement évident : le goût pour la science-fiction. La phrase scratchée et le blaze même de JMT ne laissent planer aucun doute. Le cousin d’Ice Cube associera d’ailleurs cette passion avec le rap, pour le fabuleux et futuriste « Deltron 3030 », en collaboration avec Dan The Automator et Kid Koala.
« Giving sight to the blind, the dumb are mostly intrigued by the drum »
Wu-Tang Clan - « Triumph » (1997)
Début 1997, le Wu sort d’un parcours sans faute, et veut bouffer la planète entière toute crue. RZA raconte à qui veut l’entendre qu’à terme, tous les groupes de rap se revendiqueront du Wu-Tang Clan. Symbole de cette époque dorée, ‘Triumph’ respire la démesure à plein nez : un clip magnifique, un instru monumental, des paroles grandiloquentes. Et l’un des meilleurs couplets de l’histoire du rap, posé par Inspectah Deck. JMT a pourtant fait le choix de s’arrêter sur des mots prononcés par Masta Killah, pleins d’un mysticisme parfaitement dans le prolongement des textes d’Ikon.
« And my basement’s an arrangement of different torture devices »
Street Smartz - « Metal Thangz » (1996)
Les aficionados de “Faites entrer l’Accusé” se redresseront dans leur fauteuil : la sample utilisé dans le morceau est également employé comme musique d’ambiance dans le show de Christophe Hondelatte. Du reste, on sait peu de chose de Street Smartz. Tout juste que F.T., son MC principal n’avait même pas 17 ans à l’époque de ‘Metal Thangz’, et qu’il poursuit aujourd’hui une carrière tout à fait décente. JMT s’attarde plutôt sur le couplet de Pharaohe Monch, influence visiblement importante pour le groupe, qui lâche une phrase tout à fait dans l’esprit du titre « Chinese Water Torture ».
« Suffer Chinese water torture, my word is water »
Jedi Mind Tricks - « Neva Antiquated » (1996)
On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même. Le scratché ici est Ikon lui-même, sur « The Amber Probe EP », toute première sortie du groupe. On y trouve la version originale de ‘Neva Antiquated’ : du Jedi Mind Tricks première époque, dans toute son étrangeté. Le sample ressemble un peu à la musique pour entrer en contact avec les extra-terrestres dans « Rencontre du troisième type », les backs sont déformés, et Ikon lâche un texte difficilement compréhensible, criblé de référence en tous genres : à « WarGames », à la mythologie égyptienne, à la physique nucléaire. Et donc à ce procédé de torture chinois, dont le principe était de laisser tomber de l’eau, une goutte à la fois et de façon régulière, sur le front d’un supplicié, conduisant lentement celui-ci à la folie.
« I am in fact lacking confusion as to what’s real, and what’s illusion »
DJ Krush ft. Black Thought - « Meiso » (1996)
‘Meiso’, un morceau comme on n’en fait plus vraiment. Un break de batterie, deux notes de piano et une ligne de basse. Finalement, une bonne prod ne tient pas à tant que ça. Avant de pencher vers une musique Hip-Hop beaucoup plus expérimentale, le Japonais DJ Krush l’avait parfaitement compris. Et puisqu’il ne s’entourait pas des plus mauvais, ses œuvres de l’époque méritent vraiment attention. Ici, ce sont Black Thought de The Roots et Malik B. qui sont conviés. Jedi Mind Tricks utilise ici une phrase obscure et mystique du premier, bien dans le ton de ‘The Three Immortals’.
« My perception of poetical injection is ejaculation, the Immaculate Conception »
Organized Konfusion - « Stress » (1994)
A l’écoute de « The Psycho-Social LP », Pharaohe Monch apparaît un peu comme l’aîné naturel et spirituel d’Ikon the Verbal Hologram. Par la richesse de son vocabulaire, la complexité des structures utilisées (dont la phrase scratchée ici est un exemple), les thématiques et les références audacieuses pour un rap des années 1990 finalement assez frileux dans ce domaine. Monch (époque Organized Konfusion) était également un adepte des allers-retours textuels entre la réalité de la rue et ses pensées les plus torturées ou profondes, point qui contribuera grandement au succès d’Ikon, puis de Vinnie Paz.
« Non-conceptional, non-exceptional (…) ya whole aura is plexi-glass »
O.C. - « Time’s Up » (1994)
A l’instar de ‘Shook Ones pt.II’, une part non-négligeable des rimes de ‘Time’s Up’ ont été scratchées, même si ce fut par des artistes moins célèbres que ceux ayant fait référence aux mots d’Havoc et de Prodigy. Les formules chocs se succèdent, et le discours, volontiers moralisateur, prend vite l’allure d’un manifeste underground. Le morceau peut à bien des égards être vu comme le point culminant de la carrière d’O.C., qui, de par la qualité de ses premiers albums et ses affiliations (Organized Konfusion, D.I.T.C.), reste considéré comme un artiste majeur des mid-1990’s. Pas étonnant à ce titre que JMT fasse référence à son travail.
« There comes a time in every man’s life, when he’s gotta handle shit up on his own »
The Pharcyde - « Runnin » (1995)
‘Runnin’ est un titre phare des années 1990, auquel beaucoup d’entre nous associent des souvenirs inoubliables. Si à l’époque c’était surtout la prod de Jay Dee qui retenait notre attention, le message du morceau a depuis pris tout son sens : arrivé à l’âge adulte, on se doit de faire face à ses problèmes et d’arrêter de fuir la réalité. Du grown-man rap avant l’heure. La phrase scratchée intervient au terme du morceau ‘I Who Have Nothing’, comme un conseil à Ikon pour affronter les démons évoqués dans son texte.
« 1-2-3, let me know if you’re ready for me, lawd »
Black Moon - « U da Man » (1993)
Le posse-cut légendaire qui clôt le classique de Black Moon, « Enta da Stage ». Un morceau purement dans le style de la future-Boot Camp Click : break de batterie lourdissime, ligne de basse à faire se fissurer les murs les plus épais, quelques petits effets ça et là. Et bien évidemment, des MCs efficaces et menaçants. Smif’n’Wessun apparaissent pour l’une des premières fois, Dru Ha lâche l’unique couplet de sa carrière de MC. Et Buckshot achève la démonstration par une prestation très empreinte de ragga, au sein de laquelle JMT piochera la phrase faisant office de refrain dans ‘Onetwothree’.
« Soul’s from the streets of the Ill-a-delphiadaic insane »
The Roots - « The Lesson Part I » (1995)
Au milieu des années 1990, Schoolly D avait ses plus belles années derrière lui, et Jazzy Jeff & The Fresh Prince étaient passés à d’autres activités, plus rémunératrices que le rap. The Roots constituaient donc plus que jamais la figure de proue du rap de Philadelphie. Pas étonnant donc que Jedi Mind Tricks, à l’époque de ses balbutiements, ait tant fait référence à la discographie de la bande à Black Thought. Celui-ci a même collaboré avec Jus Allah et Vinnie Paz, pour l’un des tous premiers titres de JMT, ‘Get This Low’.
« Rhyme be coming from an illadelph state of mind »
The Roots ft. Bahamadia - « Proceed III » (1994)
Un titre jazzy, laid-back et agréable, comme The Roots en ont tant produit au cours de leur brillante carrière. Y apparaît Bahamadia, autre citoyenne de Philly, alors en passe d’être adoubée par la Gang Starr Foundation, et devenir ainsi l’une des female MCs les plus respectées du milieu. Quelques années plus tard, une fois la vague du succès passée, Bahamadia intégrera le premier roster de Army of the Pharaohs, pour le premier single du crew créé par Vinnie Paz. Comme pour The Roots, Jedi Mind Tricks a cherché dans le répertoire de la BB Queen une référence à Philadelphie, pour constituer le refrain de ‘Souls from the Streets’, hymne à la ville de l’amour fraternel.
« Yes yes y’all and you don’t stop, to the beat y’all and ya don’t stop »
Common Sense - « I Used to Love H.E.R. » (1994)
Le titre par lequel le scandale arrive. Sous couvert d’une personnification du Hip-Hop, Common y dénonce de façon plutôt subtile les dérives du rap et attaque le gangsta-rap. Ce qui lui vaudra des réponses plus frontales, notamment de la part de la Westside Connection. Ce beef aura toutefois beaucoup fait pour la popularité et la suite de la carrière du rappeur de Chicago. Jedi Mind Tricks utilisera les phrases d’ambiance de début et de fin de morceau, pour le refrain de ‘Last Straw’.
« And I get busy over unknown traps »
Main Source - « Just Hangin’ Out » (1991)
L’ancien groupe de Large Pro’ reste surtout dans les mémoires pour avoir permis à Nas de faire sa première apparition sur disque. Mais avec son premier album, « Breaking Atoms », Main Source a également influencé une bonne partie de ceux qui allaient devenir les plus grands artistes Hip-Hop des années 1990. Jedi Mind Tricks pioche ici dans ‘Just Hangin’ Out’, l’un des singles de « Breaking Atoms », dont le sample principal (Sister Nancy – ‘Bam Bam’) sera également utilisé par NTM et Raggasonic (‘Aiguisé comme une lame’).
« Jacques Cousteau could never get this low »
Wu-Tang Clan - « Da Mystery of Chessboxin’ » (1993)
Les ambiances poisseuses et hypnotiques de « The Psycho-Social LP » rappellent inévitablement certains aspects du travail de RZA, en particulier sur des albums comme « Liquid Swords » ou « Ironman ». On peut affirmer sans prendre trop de risques que le Wu a été l’une des influences majeures de Jedi Mind Tricks. GZA collaborera d’ailleurs avec Vinnie Paz et Stoupe à l’occasion de « Legacy of Blood ». Là, la phrase est empruntée au regretté O.D.B., et donne son titre au morceau ‘Get This Low ‘, collaboration entre Black Thought et des MCs de Jedi Mind Tricks encore adolescents.
« And I’ma get mad deep like a threat »
Wu-Tang Clan - « Protect Ya Neck » (1993)
Le morceau qui lancera la carrière du Wu-Tang Clan. Instru nerveuse et lo-fi, flows déchaînés, paroles acérées. Un clip mythique en noir et blanc, complètement cheap, qui posera les bases de l’imagerie du crew de Staten Island. Le Wu époque rap des caves, dans toute sa splendeur. Il n’y avait vraiment que RZA pour voir en cette formule complètement archaïque la clé du succès commercial. En tout cas, près de vingt ans après, le pouvoir de fascination est intact.
Considérez qu’il s’agit d’une invasion. Après avoir déjà bouclé pas moins de six compilations dédiées aux producteurs les plus inspirées de ces quinze dernières années, un disque sur Oxnard et un autre dédié à ?uestlove et sa bande, Ameldabee continue à multiplier les sorties sur un rythme absolument frénétique. Le second volume d’Original samples vs Hip-Hop Beats à peine installé sur les étagères des magasins spécialisés, le DJ parisien poursuit son interminable quête des samples et donc de ces disques, parfois obscurs, judicieusement réutilisés. Entièrement consacré à New York et ses quartiers, ce nouvel épisode fait figure de vaste mosaïque, complètement démesurée puisque composée de pas moins de 250 disques. Un véritable manifeste rappelant que l’échantillonnage est loin d’être mort, contrairement à ce qui avait été prématurément répété. A vrai dire il n’est même pas back dans les bacs tout simplement parce qu’il n’est jamais parti. L’introduction composée d’extraits d’interviews de Diamond D, Lord Finesse ou Evil Dee le rappelle justement, tout en plaçant le DITC au cœur de l’histoire du crate-digging.
Débuté par une série d’inspirations du bien-nommé DJ Premier, Original samples vs Hip-Hop Beats 3, fait la part belle aux classiques, des envolées de Guru, Jeru The Damaja, Das EFX et autres KRS-One, aux rimes de l’ex-King de New York Notorious B.I.G, (‘Ten crack commandments’) précédé par un des héritiers de la couronne…un certain Jay-Z (‘Friend or Foe’, ‘A million and one questions’). Judicieusement et finement entremêlés aux morceaux passés dans le sampler de Primo, ces bangers prennent un sens nouveau, s’enchaînant avec une étonnante fluidité jusqu’à une nouvelle série de titres extraits cette fois de la discographie du DITC. Toujours en quête de nouvelles boucles explosives, Lord Finesse et Diamond D occupent une place de choix dans cette sélection prompte à faire résonner les ghetto blasters du monde entier. Les rimes de Fat Joe ou O.C. croisent ainsi les inspirations de Syl Johnson, Bobby Humphrey, Isaac Hayes et autres Meynard Ferguson. Après un bref passage du coté de Mount Vernon (banlieue de New York) pour revisiter quelques perles échappées du sampler du Soul Brother Number One Pete Rock, notre barque rejoint les rives de Queensbridge. Arrivé à hauteur des tours bétonnés de cet autre quartier New-Yorkais, partagé entre fascination et effroi, on se délecte des récits de Prodigy, Nas, Kool G Rap et consorts. Perdus entre légendes urbaines et froide réalité ces portraits du quotidien prompts à vous glacer le sang (‘Temperature’s rising’, ‘Usual suspects’, ‘Streets of New York’), côtoient différents morceaux plus légers (‘Yeah you got props’, ‘On the mic’) pour un mélange détonant entre égotrips et passages plus festifs. Adossée aux morceaux échantillonés, cette sélection conforte un peu plus les mythes urbains de QB, tout en s’écoulant simplement et tranquillement. Et à vrai dire peu importe si certains morceaux sont passés depuis à la prospérité, les classiques ne connaissent aucune date de péremption.
Encore un cran au-dessus de ses deux prédécesseurs, parfaitement indispensable pour tous les crate-diggers en herbes et confirmés, ce nouvel épisode d’Original Samples vs Hip-Hop Beats s’affirme comme une compilation de choix et une référence en la matière. A glisser dans les manuels scolaires des jeunes Hip-Hop headz.