“My Type of Party”. Avec un seul titre, Dom Kennedy a réussi à sortir son épingle du jeu, à adapter sa formule sur un format plus large, à standardiser un lifestyle qui lui est propre. Avec son Yellow Album, il a atteint son point culminant, son tipping point. Le plus dur était de lui trouver une suite et Dom le fait de la plus belle des manières, avec un cinquième album très compact et cohérent. En confiant la production de Get Home Safely au duo The Futuristiks, il rend encore plus fort son concept, son quasi non-rap, cette nonchalance ultime qui réduit sa musique au strict essentiel où chaque détail a son importance. Le style de vie californien est décliné avec goût et esthétisme, rapprochant encore un peu plus le Dom des meilleurs designers sonores actuels. Moins flamboyant que son prédécesseur, ce cru 2013 est pourtant son meilleur millésime, le plus sincère et réfléchi, débarrassé de tout artifice. Fer de lance d’un artisanat du rap, Dom Kennedy se place désormais comme une figure incontournable, un modèle à part.
Il fallait s'accrocher pour suivre Kanye West en 2013. Voilà un jeune papa qui a écrit les propos les plus crasses de sa carrière, et un adorateur du minimalisme qui a fini l'année dans un clip beau comme un t-shirt de camionneur. Kanye a mis la Tension au coeur de son oeuvre, et Yeezus, son sixième album, en est le nouveau point névralgique. L'artwork est minimal, les effets distordus, le ton provocateur. Pourtant, Yeezus reste un vrai disque pop, avec ses solos de guitare et ses mélodies entêtantes malgré les cris. L'album commence comme une électrocution, finit sur un sourire, et constitue ainsi un autoportrait très juste de son auteur : bruyant, parfois confus, mais animé d'un infatigable désir de grandeur. Génie coincé dans la lampe, Kanye West a convoqué en 2013 religion, médias, sexe, design, racisme et haute couture. La finalité ? Attirer un mécène, puis changer le monde, ou autre chose. Ce magma créatif se transformera peut-être demain en diamant ou en caillou, mais peu importe. C'est déjà, en son état actuel, une matière fascinante.
Un jour, John Carpenter donnera peut-être une suite à Los Angeles 2013. S’il réalise cette prophétie, il pourra s’appuyer sur cet album pour illustrer l’apocalypse. Revenu des îles Samoa, la face la plus mortuaire d’Odd Future a pris ses quartiers dans un ossuaire. Et Doris se déroule comme une plongée brute dans la salière salement agitée d’un gosse perclus de névroses. Un franc-tireur dépressif qui dévoile ses plaies ouvertes sans artifices. Lugubre, couvert d'une texture crade au possible, il sert un authentique linceul sonore. Un linceul où Earl endosse le rôle du fossoyeur, posant sa voix gutturale sur des squelettes de breakbeats. Non content de broyer du noir, il paraît ronger peu à peu nos neurones, jusqu’à laisser un os sans moelle. Pas franchement porté sur l'autocélébration, Doris est une version ralentie de Temples of boom (Cypress Hill), une prolongation toute personnelle de Six Feet Deep (Gravediggaz). Un excellent palliatif quand le stock de Tranxène sonne creux.
En 2012, il y avait déjà eu 10 day, sympathique introduction dans l’univers d’un rappeur qui dégageait déjà une vraie personnalité tout en assumant des références évidentes (Kanye et Eminem pour les plus notables). Début 2013, Chance The Rapper laissait exploser sa folie dans le clip de "Juice" et amorçait une ascension qui rappelait un peu celle de Kendrick Lamar un an auparavant. Réfléchi sans être moralisateur, parfois nostalgique tout en restant dans l’air du temps, le Chicagoan devait réaliser, avec Acid Rap, son Section.80. S’il est encore trop tôt pour mesurer l’impact de la mixtape, Chance a en tout cas transformé l’essai avec un projet bien mieux produit dans lequel il a réuni un casting all stars (Ab-Soul, Vic Mensa, Action Bronson, Twista…). A deux doigts de tenir le morceau en mesure de rentrer dans toutes les chaumières (l’imparable "Favorite song"), capable de tenir la dragée haute aux meilleurs invités ou de faire un bilan touchant de sa jeune existence ("Acid Rain"), Chance est un rappeur étonnant et sera assurément une des principales têtes d'affiche des prochaines années.
S'ils prêtent parfois à sourire, les noms de groupe de rap témoignent généralement assez bien des traits de caractère des membres les composant. Ambitieux en est l'exemple parfait. Lexxcoop est une grande gueule qui assume sur le terrain. Celle qui montre d'un hochement l'endroit où la balle va se loger avant de frapper. Et, en vrai numéro neuf, le rappeur assure la finition pour honorer l'équipe entière. Capocannoniere est autant un projet collectif qu'individuel, conviant à la fois le coup de main de vieux briscards (Netik, Grems...) et le coup de rein de jeunes feux follets (Priceless, Twinztrack...). Résultat : un EP "rap total", bien plus proche de la Hollande de Cruijff que du Catenaccio italien. Son match charnière parfaitement maîtrisé, Lexxcoop peut désormais viser plus haut, encore, en Ambitieux qu'il est.
Si Tree était un vrai arbre, il pourrait être un hêtre tortillard : couleur noire tachetée de gris, écorce rugueuse, forme tortueuse. Des caractéristiques qui rappellent le MC-producteur de Chicago et sa musique. Sur Sunday School II, suite d'un premier volume sorti l'an dernier, Tree enracine son style funambule entre culture religieuse et vie profane. Un tiraillement illustré par cette voix papier-de-verre, dévote quand il se confesse ("Devotion"), espiègle quand il lève le menton ("TRYNAWIN"). S'il délègue d'avantage à la production (Bink!, Frank Dukes et Tye Hill ne balaient pas les feuilles mortes), c'est surtout en chef d'orchestre que Tree impressionne. Il développe sur ce second volet une esthétique plus poussée de sa soul trap. Les samples y sont savamment triturés, et ses rythmiques sautillantes semblent avoir été traînées dans la poussière soulevée par celles de la drill music voisine. L'univers de Tree synthétise plusieurs ramifications : la nouvelle scène de Chicago, les productions soulful de feu Roc-A-Fella, un certain son sudiste moite et un rap au rendu lo-fi. Les roseaux peuvent se coucher quand le vent de Chi-City se lève : la musique de Tree tient solidement à ses racines sans jouer les girouettes.
Si Pharrell n’avait contribué qu'à ces deux chansons-là, ça aurait suffi. "Get Lucky" et "Blurred Lines", à elles seules, lui assuraient déjà le statut de producteur porte-bonheur de 2013. Mais ce n’est presque que la partie émergée de l’iceberg. 2013, pour lui, n'a pas été une année, mais plutôt une carrière miniature, synthétisée en douze mois.
Pour ses quarante ans, Pharrell a été partout : là où on l’attendait, là où on ne l’imaginait pas, et là où on l’espérait. Des blockbusters ? Comptez toujours Jay Z parmi ses grands potes. Un peu de nostalgie ? Il a fourgué des singles à N.O.R.E. et Nelly comme si c’était 2002. Le soutien aux jeunes ? Il s’est fondu discrètement dans les très bons albums de Earl Sweatshirt et Mac Miller. La liste inclut aussi 2Chainz, Mayer Hawthorne et Beyoncé, et elle n'est toujours pas exhaustive. Plus que jamais au diapason de son époque, Pharrell a même offert à l’artiste la plus cliquable de 2013, Miley Cyrus, la grande chanson que Kelis ne fera plus jamais.
C’est tout ? Non. Fin novembre, au moment où on commençait à se dire qu’il allait bien finir par prendre un coup de vieux, voilà que sort "Happy", l'expérience musico-digitale qui mettra fin à toutes les guerres. Pendant que Kanye West râle et que Timbaland se rachète une conduite, Pharrell semble plus inspiré que jamais, et sautille tranquillement vers les portes du Panthéon pop. Pour couronner le tout, il a peut-être bien donné l’interview de l’année. Le perfectionnisme, l’enthousiasme et – oui – l’innocence qui s’en dégagent nous donnent assez d'indices pour espérer un jour, peut-être, décrypter sa formule secrète. – JB
Écouter la playlist : A Year in the Life of Pharrell Williams
Son année 2013 :
Tout juste remis de l'implosion de son groupe Kids These Days, le jeune de Chicago a pris le taureau par les cornes pour se lancer dans une carrière solo. Le rapprochement avec son pote Chance The Rapper est inévitable mais le résultat final est presque plus réussi. Là où Chance fredonne à tout bout de champ quitte à agacer, Vic propose un panel plus large, maîtrisé et inspirant, une musique globale. D’une positivité à toute épreuve, INNANETAPE est bien plus qu’une démonstration de style mais un disque prenant qui devrait durer dans le temps.
Ce qu'on espère pour 2014 :
Vic Mensa devrait capitaliser sur l’exposition exponentielle de son acolyte de Chicago et leur clique Save Money. Vu la qualité de son premier disque et des collaborations qui ont suivi, il ne devrait pas rester longtemps dans l’ombre de Chance. Chicago va encore gagner ce rap jeu. – LecaptainNemo
Son année 2013 :
Un seul morceau (à moins que...) aura suffit à retenir notre attention. Depuis qu’il a atteint sa vitesse de croisière sur "Mon Polo", on guette avec beaucoup d’attention chaque nouvelle apparition d’Ahmad. Nonchalant, délicieusement smooth et milliardaire de références, "Drago" s’inscrit dans la tradition du montpelliérain : celle de l’élucubration du mot et de la piraterie de la tournure. Un crochet de fer pour un knock-out de velours.
Ce qu'on espère pour 2014 :
Sortir des morceaux, c’est bien. Mais en 2014, c’est un projet complet qu’Ahmad doit sortir. Pour donner suite au déjà très bon Justin Herman Plaza, et confirmer l’envergure impressionnante qui est la sienne depuis maintenant deux ans. Reste à savoir comment il va rebondir suite à son récent départ du label LZO. "Qui vivra verra #Ray Charles". – David²
Leur année 2013 :
Gianni Versace n’est malheureusement plus là pour le voir mais son nom n'aura jamais été scandé aussi fièrement qu’en 2013. À côté des inévitables "Get Lucky" et "Blurred Lines", Migos, le trio d’Atlanta, a littéralement braqué l’été avec "Versace", morceau étendard devenu immédiatement un tube quand Drake a décidé de poser un couplet dessus.
Ce qu'on espère pour 2014 :
Incarcéré en février dernier, Offset avait laissé ses deux compères quand le groupe commençait tout juste à faire vibrer les voitures avec "Bando". Désormais reconstitué, le trio devrait retrouver la dynamique créative derrière les fumants "Chinatown" ou "R.I.P". Même s’ils vont fatalement commencer à faire appel à des producteurs stars, espérons qu’ils ne perdront pas la bonne idée de collaborer avec l'excellent Zaytoven.– Mehdi
Son année 2013 :
Croisement improbable entre Eminem et Paul Gascoigne, Dirty Dike n'a pas chômé en 2013. L'Anglais a en effet sorti un EP (The Sloshpot EP) et son troisième album (Return of the Twat). Cette actualité foisonnante lui a ensuite permis de tourner un peu partout dans le monde, de Perth à Montchavon-les-Coches (Savoie), lors de pérégrinations qui rappellent autant Jackass que The Up in Smoke Tour.
Ce qu'on espère pour 2014 :
On attend de Dike qu'il contribue à installer un peu plus son équipe (Smoke My Beef), composée de personnalités aussi fortes que complémentaires, et pourquoi pas qu'il sorte l'album solo qui mettra tout le monde d'accord quant à son immense talent. Avec beaucoup de charisme et un label sérieux derrière lui (High Focus Records), le MC de Cambridge a en tout cas mis pas mal d'atouts de son côté. – Kiko
Son année 2013 :
Le Jeune Thug paraît sorti des tréfonds marins, fraîchement échappé d’une faille temporelle entre deux mondes. Il débarque sur chaque morceau comme un Kaiju, dévastant absolument tout sur son passage. Aucun format, aucune mesure. Avec 1017 Thug, une mixtape bordélique et ultra créative, il réinvente les schémas d’Atlanta entre rap, chant, gimmicks et gremlins. Il se fraye un chemin vers les plus grands buildings de la ville. Pour la destruction. Pour le fun.
Ce qu'on espère pour 2014 :
Un album à la hauteur avec une armada de titres aussi puissants que “Stoner” ou “Danny Glover”. Et aussi de reprendre le flambeau de Gucci Mane, tombé sur le champs de bataille, flingué par ses méchants Jaegers. Avec Young Scooter au coin de la bicrave émo et son alter ego Pee Wee dans le secteur, tout est réuni pour offrir le divertissement ultime dans la ville d'Atlanta l’année prochaine. – LecaptainNemo
Son année 2013 :
L’alliance YG / Dj Mustard a été complètement infernale cette année. Les tubes se sont enchaînés à la vitesse de la lumière, d'une efficacité pure. Le tout est compilé sur la très bonne mixtape, Just Re’d Up 2, qui paraît tourner à l’infini sans jamais s'essouffler. S’en sont ensuivis le rapprochement avec Jeezy et sa signature chez CTE. Et un des sommets de 2013 : “My Nigga”, parfaite symbiose des énergies de Los Angeles et Atlanta, deux scènes extrêmement actives dans la musique de clubs. Décollage imminent.
Ce qu'on espère pour 2014 :
Les signatures de Young Jeezy n’ont jamais été fameuses mais YG pourrait bien renverser la tendance. Alors que Roc Nation entre dans la partie, un premier album explosif finirait de placer Dj Mustard au top des producteurs bankables du moment. – LecaptainNemo
Son année 2013 :
Un Faire-Part écrit à la bile jaune et à l’humour noir, entre quatre planches de bois, en guise d’invitation à une inoubliable cérémonie. Et une inscription à l’Asocial Club, avec quelques autres (lourdes) plumes du rap français. Pour Vîrus, 2013 est l’année des sommets – artistiques et conceptuels – et des montagnes qui se rencontrent.
Ce qu'on espère pour 2014 :
Un jour, peut-être, Vîrus passera le cap de l’album. En attendant, le format EP lui va comme un gant, et on espère forcément un cinquième volet de ses (més)aventures. D’autant qu’après un projet aussi définitif que Faire-Part (dont la version physique devrait arriver tôt ou tard), on ne peut qu’être curieux de la façon dont il va aborder la suite. Évidemment, une sortie collective avec l’Asocial Club serait la bienvenue, histoire de donner un bon coup de pied dans la fourmilière du rap français. – David²
Son année 2013 :
Travis $cott a participé à la mutation de Kanye West à tous les niveaux, de Cruel Summer à Yeezus. Est-il complètement influencé par le dieu auto-proclamé ou en est-il, à l’inverse, l’inspiration première ? Sûrement un peu des deux, Kanye a su trouver son présent à travers ce jeune de Houston à grands retours de Dancehall, basses assassines, délires mystiques et noirceur adéquate. Via son premier disque encore imparfait, Owl Pharaoh, on assiste à la naissance d’un rappeur / producteur / réalisateur quasi vaudou qui devrait peser sur le futur du rap. Surtout à l’écoute d’"Upper Echelon", un avion de chasse à la puissance de feu imparable.
Ce qu'on espère pour 2014 :
Finalement signé chez le Grand Hustle de T.I., l’impact de Kanye devrait moins se faire sentir sur les projets futurs. Mais aux vues de ses dernières vidéos, l’avenir ne semble pas s’assombrir pour autant. Peut être faut-il tuer le père pour mieux s’envoler ? Attention de ne pas trop s'approcher du soleil, la cire est toute fraîche. – LecaptainNemo
Leur année 2013 :
Issa et AK ont pris des drogues. Beaucoup de drogues. Tellement de drogues qu’ils s’embarquent dans des concepts obscurs d’enfants indigo, de quête spirituelle éternelle et autres illuminations pour chakras bien ouverts. Derrière cette complexité d’arrière-plan, il y a une rythmique plutôt facile d’accès doublée d’une surexcitation constante. Deux traits forts qui font d’Indigoism une première mixtape aussi atypique qu’attachante.
Ce qu'on espère pour 2014 :
Après avoir mis La Bellevilloise à feu et à sang, les Underachievers nous avaient fait une promesse : celle d’avoir gardé leurs meilleurs cartouches pour leur premier album. The Cellar Door devrait voir le jour courant 2014, avec la bienveillance de Flying Lotus. On garde le troisième œil et les écoutilles grandes ouvertes : la famille Beast Coast compte allumer un grand incendie. Et on compte sur Issa et AK pour danser sur les flammes comme des sorciers vaudou. – Nicobbl
Son année 2013 :
Quand l'ami d'un artiste "confidentiel" vous le décrit de façon dithyrambique, vous avez naturellement tendance à douter de son objectivité. Mais vous écoutez, par curiosité et par courtoisie. Et vous faites bien. UnSaleNoir est un rappeur dont on ne sait plus trop bien si la création relève davantage du génie ou de la folie, tant il vous perd et vous captive à la fois. Pourriture Noble, premier EP du bonhomme, est la confirmation qu'à Rouen plus qu'ailleurs, les artistes à part poussent comme des champignons.
Ce qu'on espère pour 2014 :
UnSaleNoir aura trente-trois ans en 2014. Un âge où le rappeur français essaie habituellement de ressusciter (ça marche rarement). Lui arrive frais comme le chewing-gum un lendemain de cuite et ça risque de se voir. – Diamantaire
"Et vous, vous vous souvenez de la première fois que vous avez entendu le couplet de Kaaris sur "Kalash'"?" Dans quelques années, on pourra se poser la question tant Kaaris et son gros doigt de pied auront marqué les esprits, faisant immédiatement de l’auteur de Z.E.R.O la nouvelle égérie d’un rap français qui se cherchait cruellement une nouvelle tête d’affiche. Les épaules assez larges pour endosser ce rôle, Kaaris a enchaîné très rapidement avec le clip de "Zoo", premier extrait d’Or Noir, dont les images de Chris Macari présentaient un personnage inédit, entre le super-héros et la créature effrayante. "Zoo", c’était surtout le point de départ d’une déferlante d’extraits, tous plus efficaces les uns que les autres, et d’une flopée de rimes qui ont tout doucement envahi les esprits du public rap. Il fallait voir son concert à la Boule Noire le jour de la sortie de l’album où la quasi-totalité de la salle semblait déjà capable de réciter l’ensemble du disque par cœur. La force du rappeur de Sevran, c’est aussi d’être parvenu à faire ses premiers pas dans la pop culture en un temps record : accès aux gros médias généralistes, hallucinante prestation sur Canal + dans le Before du Grand Journal, échange de bons mots avec Sébastien Patoche, présence au générique de Clique…Ce que Booba, éternel point de comparaison, n’a finalement approché qu’avec la sortie de 0.9, voire de Lunatic.
Les Tumblr et autres comptes parodiques sur Twitter prouvent en tout cas que Kaaris est devenu la personnalité rap qu’il faut désormais observer à la loupe. Reste désormais à voir comment la suite sera négociée. On pense, par exemple, au syndrome Sefyu qui avait décroché une Victoire de la Musique avec un deuxième album qui reproduisait peu ou prou les recettes du premier et qui peine terriblement à se renouveler et à susciter l’intérêt des auditeurs depuis. Toutes ces questions, Kaaris et son producteur Therapy, avec qui il forme un vrai duo, devront se les poser dans les mois qui viennent. Avec Or Noir, Kaaris a-t-il atteint prématurément son zénith où n’est-il qu’au début de son ascension ? Pari risqué mais on penche plutôt pour la deuxième proposition. – Mehdi
A : "Je me suis mis à écouter de la trap au fait."
B : "Putain, il était temps ! T'écoutes quoi ?"
A : "TNGHT, Baauer, ces trucs-là."
B : "Mais c'est pas de la vraie trap ça !"
Vous avez peut-être été témoin ou acteur d'un dialogue du même genre. Cette année, la trap EDM s'est vulgarisée au point de perméabiliser la définition originelle de la trap music. Encore confidentiel il y a dix ans lorsque sortait Trap Muzik de T.I., le genre a muté pour devenir le mètre-étalon du rap moderne, avec ses rythmiques lentes et appuyées, et ses ambiances terrifiantes ou sautillantes. Des DJs (A-Trak) et compositeurs (Hudson Mohawke) ont été assez malins et doués pour transposer son énergie des gros SUV d'East Atlanta aux clubs branchouilles. Et même de produire, avec "Harlem Shake" de Baauer, la matière du meme vidéo le plus populaire de 2013. Des ambiances infernales de Shawty Redd aux sursauts nocturnes de TNGHT, il y a à la fois une filiation indéniable, mais aussi la sensation peut-être injustifiée d'une "elvisation" de la trap. Pourtant, les incursions d'un Danny Brown sur la trap-électro sauce Glasgow de Rustie prouve qu'il n'engage qu'à certains rappeurs de se réapproprier cette version plus exubérante et criarde de la trap. Alors qu'il y a encore deux ans le rap faisait du pied à l'eurodance, c'est aujourd'hui la musique électronique qui tente d'adapter les codes d'un style de rap qui brille lorsqu'il est intrinsèquement violent, viscéral et brut. C'est peut-être la plus belle preuve de vitalité et d'inventivité du rap. – Raphaël
Kevin Gates, c’est l’équilibre fragile entre un rap rugueux et un chant captivant, mais jamais sirupeux. C’est une voix profonde qui dérape sans prévenir dans les aigus avant de replonger dans les intonations rocailleuses. Le prodige de Bâton-Rouge combine un sens de la mélodie affolant et une technique irréprochable. Avec beaucoup de charisme et cette arrogance méprisante de celui qui est un peu trop conscient de son talent, il développe dans cette mixtape son style si reconnaissable, débordant de hargne sans avoir à lever la voix et atténuant son énergie brute par des refrains imparables. Vingt-deux titres, bien sûr c’est trop long (à la différence de Stranger Than Fiction, beaucoup plus condensé, sorti également en 2013), mais la qualité constante et les innombrables temps forts compensent facilement ce défaut. Violent, entraînant, intimiste parfois, The Luca Brasi Story prouve toute l’étendue des capacités de Gates, qui n’a pas fini de faire parler de lui.
Début 2013 il était difficile d'attendre encore monts et merveilles de la carrière d'Ill Bill. La Coka Nostra avait visé trop large, les sorties solo les plus récentes s'étaient révélées assez anodines et l'album commun avec DJ Muggs n'avait pas convaincu. Seul Heavy Metal Kings, duo percutant avec Vinnie Paz, était parvenu à susciter quelque espoir deux ans plus tôt. Sortant de cette torpeur, le gros Bill a opté pour une formule infaillible pour quiconque a les moyens et le talent de l'appliquer : rassembler une line-up clinquante de beatmakers et foutre ses tripes sur la table. DJ Premier, Large Pro ou El-P ont notamment été invités à assister l'autoproclamé Cult Leader, revenu au meilleur de sa forme. De ce casting all-star résulte une mosaïque d'ambiances, d'où émergent quelques morceaux marquants ("Acid Reflux" , "Severed Heads of State", "Canarsie High") et une ribambelle de moments plaisants. Ceux-là font la réussite de The Grimy Awards, album finalement plus "Bill" que "Ill", le frangin de Necro ayant clairement mis la pédale douce sur l'hémoglobine au profit de sujets plus personnels.
Le miracle de The Night’s Gambit, c’est d’arriver à faire, à partir de courtes boucles, de la véritable musique d’ambiance. L’atmosphère est urbaine, nocturne et pernicieuse. Du haut de son minimalisme simple mais jamais simpliste, le troisième opus de Ka happe et envoûte comme rarement. Entre rue, religion et mysticisme guerrier, le rappeur de Brownsville est cavalier de son propre échiquier. Au four et au moulin, il maintient la cohérence de son projet au même niveau de fascination onze pistes durant - du moins pour peu que l’on accepte de s’abandonner à sa torpeur. Onze cases d’asphalte, des extraits dialogués en guise de mortier, pour une pièce maîtresse de bitume, concise, cintrée. The Night’s Gambit est une œuvre confidentielle. Avec la consistance et l’affinage des grands albums, et Liquid Swords pour illustre ascendant. Alors forcément, face à une telle comparaison, un titre comme "Off the Record" semblera un brin convenu. C’est pourtant le morceau que certains ont rêvé de faire toute leur vie.
On pourrait croire que c'est le rookie de l'année, que c'est son premier disque. Son nom est revenu régulièrement sur notre page facebook, notre fil twitter. Mais n'allez pas croire que Faycal est l'enfant du lobbying de quelques puristes et apôtres d'un rap conscient qui se devrait d'être au-dessus de la mêlée. Non, d'ailleurs, ce ne sont ni des puristes, ni des apôtres, mais juste le commun des mortels qui a été cherché son disque or du commun. Car ici, tout est dans le titre de l'album. Faycal, rappeur bordelais que l'on aurait très bien pu croiser dans les méandres du XVIIIème arrondissement de la capitale, transforme les noms communs en pépites, orpaille le quotidien de ses rimes et met de la poésie dans le gris sans faire du rap Benetton. L'Or du Commun a finalement tout du disque de chevet : celui qui s'écoute seul, qui permet de faire le point, qui établit une proximité avec la journée qui vient de se finir et permet de mieux aborder celle qui fera office de lendemain. La routine autopsiée dans tes enceintes.
Les repères géographiques s’affolent : l’un des meilleurs albums de rap anglophone de l’année nous vient de... Tours, France. Il se trouve que le rappeur du duo, Miscellaneous, born and raised outre-Manche, n’a déboulé en France qu’à l’adolescence. C’est alors qu’il a rencontré son compère DJ, Bankal, nom trompeur pour celui qui fut notamment vice-champion de France DMC en 2010. Ce LP est en fait une sorte de compilation, regroupant les morceaux des quatre EP Starting from Scratch, Back to the Grain, Hidden Strings et The Loop, tous disponibles ici à prix libre. Que dire, à part que c’est une réussite totale, dans le fond comme dans la forme, dans la lettre comme dans l’esprit ? La complémentarité entre les beats, les boucles, le flow, les textes et les scratches s’impose comme une évidence, ce qui n'empêche pas l’ensemble d'emprunter plusieurs directions. Vingt-deux pistes, soixante-cinq minutes, que du bon.
2013, subjectivement. "Des fins…" de Vîrus en climax textuel, une veillée à Rennes entre Psykick et Ancrages pour mesurer que le feu reste intact, et les concerts de L’Animalerie comme une promesse d’ISF pour baby-sitter. Et puis il y a Le C.Sen. Trois ans après Correspondances, deux ans après Kick’n Run, l’artiste peintre parachève avec Le Tunnel son Three-peat personnel. Des jambes qui crient juillet, un crâne qui trie les doutes et ce XXIe siècle au démarrage moins spirituel que spiritueux – "Depuis la nuit des temps on se détend la nuit, on s’abîme la santé quand on veut tuer l’ennui". En mode autoreverse sur "A l’envers", autoflagellation sur "De retour" et Otto Preminger sur "Dure est belle", le Mont Chauve signe un opus cohérent, massif, porté par une saudade latente et une acuité désarmante. "Peut-être que je n’ai blanchi que mes cheveux et mes nuits, j’ai noirci mon manuscrit, trouvé une branche et fait mon nid…" Hauteur, auteur et Tunnel. Puisse-t-il en voir le bout.
Derrière ce hashtag prétentieux et tapageur se cachent plusieurs nouveautés dans la façon de développer la musique rap. Initiés par Jay-Z et son entourage, ces nouveaux codes sont placés sous le signe de la surprise, de la productivité et du changement de format. Ainsi Hova sort son Magna Carta... Holy Grail en avant première via une application Samsung sur mobile, ce qui lui permet d’atteindre le disque de platine dès la première journée de lancement. Est-ce que cette distinction veut toujours dire quelque chose ? De son côté, Kanye West sort Yeezus presque du jour au lendemain, sans promotion, sans pochette et sans véritable stratégie de vidéo clips. Déjà amorcée par Death Grips, cette technique de No Marketing devient justement le marketing parfait maintenant que la terre entière est abreuvée quotidiennement d’une vague déferlante d’informations de toute sorte. Et ça marche. Dernière en date, l’épouse du H to the Izzo elle-même sort son nouvel album sans prévenir avec quinze vidéoclips disponibles le même jour. La pochette : un simple Beyoncé sur fond noir. Résultat : Plus de 800 000 albums vendus en 3 jours et un crash de iTunes en prime. Less n’a jamais été aussi More. Cette année où Netflix a fait la différence en proposant tous les épisodes de House of Cards le même jour est définitivement une transition au niveau communication du divertissement, accès aux créations et développement artistique.
A côté des nouvelles techniques de ses mastodontes, certains modèles indépendants se font une place. Ainsi Nipsey Hussle fait l’actualité en proposant 1000 exemplaires de son Crenshaw à $100 pièce. En remettant ainsi en cause le prix d’une oeuvre musicale, il teste un changement de mentalité sur le produit et l’art. Il entrera d’ailleurs ensuite dans une guerre sainte contre Complex autour de l’impact d’un artiste dans le monde d’aujourd’hui. Le nombre de ventes ou la signature en major n’est plus un indicateur sûr. Il prêche pour son propre cas bien sûr mais les cartes ont clairement été redistribuées, aux médias aussi de s’adapter. Forbes l’a bien compris en consacrant un article sur le modèle économique de Dom Kennedy ou comment faire un million de dollars indépendamment. Les nouvelles règles sont donc globales, chez les puissants comme chez les artisans. Tout reste encore à inventer. – LecaptainNemo
Tricks of the Shade est ce genre d’album méconnu, pas forcément attirant de prime abord, duquel on peut passer à côté durant toute sa vie. Une critique lue avec intérêt dans le passionnant Rap, Hip-Hop, 30 années en 150 albums de Sylvain Bertot, "Les Chèvres" entendu au détour d’un hommage... Finalement, il aura fallu le trouver pour trois pépettes, à l'occasion de la braderie d’un fin connaisseur, pour que l’auteur de ces lignes daigne lui prêter une oreille. Et se rende compte que cet album, riche de sens et de son, était déjà chroniqué sur ton site préféré depuis belle lurette. – David²
A la fin des années 90, la Dungeon Family a failli devenir, sous l’impulsion d’OutKast et Goodie Mob, un équivalent sudiste de la nébuleuse Wu-Tang. Une opportunité manquée, mais les disques demeurent. Sorti en 1999, l’album de Cool Breeze n’a peut-être pas l’aura d’Aquemini, mais il contient tout l’ADN du style “DF” : des beats à la fois droits et excentriques, des guitares ensorcelées, des voix emblématiques (Sleepy Brown, Big Rube...). Et puis ce grand moment : “Watch for the Hook”, passe d’armes mémorable pour une génération surdouée. – JB
Jeunes protégés d'Ice Cube, les trois membres de Kausion n'auront malheureusement laissé comme traces discographiques que quelques maxis et un album, South Central Los Skanless. Mais quitte à avoir une carrière éphémère, autant qu'elle ressemble à celle-ci. South Central Los Skanless est un sacré bon disque, fait de flows percutants, de prods funky et très fidèle à l'esthétique West Coast des années 1990. Kausion a par ailleurs connu un semblant de retour en grâce en 2013, What You Wanna Do ? figurant sur la bande-son de GTA V. – Kiko
De DMX, la postérité générale ne garde qu'un fameux battle contre Jay Z et son monumental premier album. Mais sur ce troisième opus, il y raconte encore ses blessures avec sa dévotion intacte d'écorché-vif. L'album rappelle aussi que la musique des RR n'était pas qu'un amas de bruits de Casio bons-marchés. Avec des mises en boucle simples et efficaces, Swizz Beatz, P.Killer et les autres ont produit un univers sonore qui passe bien le cap des années (si si) et a imposé le style d'Earl autant que son attitude. Le rap, c'était mieux avant ? Pas grave, ensuite il y a eu X. – Raphaël
Le duo de producteurs le plus mystique du Rap US subit une véritable révolution sonore. En se confrontant à la scène de Seattle, ils expérimentent dans l'ambiant rap, une musique transcendantale de plus en plus aérienne. Avec Glaciers, ils franchissent un nouveau cap en proposant une symphonie à l’orchestration complexe et variée, parfaite musique pour la prochaine trilogie de Peter Jackson sous sirop : Heroic Fantasy New Age. Très ambitieux, ce projet est aux croisement de tous les chemins et présage de nouvelles révolutions à venir chez les Blue Sky Black Death. – LecaptainNemo
Après Jo Vitterbo en 2012, c’est à Lex (de Kalhex) de porter haut les couleurs du hip-hop instrumental français cette année. Son Full Cycle, sorti en deux fois — d’abord en vinyl, puis dans une version CD nippone — est une petite pépite du genre. La recette est classique : beats down- et mid-tempo, sampling, inserts vocaux ça et là... Mais Full Cycle est particulièrement bien ciselé, avec des modulations sonores tout au long d’un voyage des plus agréables, au cours duquel on croise feu Gil Scott-Heron et le rappeur japonais Shing02. - Greg
Beats pour villes hypertrophiées, claviers et routines rebouclés sous les pluies acides, cyborg à faucher sous les néons, v'là de quoi faire hocher la tête à quelques réplicants. Les portes de la ville deviennent portes de l'enfer. Les banlieues-dortoirs ne dorment plus tranquilles, Balavoine ne repose plus en paix, et ça fait bien longtemps que les boulevards sont déserts. HLLSGSTR holographie le futur. – Zo.
Globalement instrumental mais distillant aussi quelques apparitions microphoniques, américaines (The Moliqule) comme françaises (Sept, Arm des Psykick Lyrikah), My Mind Travels Far s’apparente à un véritable délire psychédélique. On percute des abysses sans fond, on s’envole vers les cieux d’un souterrain rocheux, engourdis, étourdis par tant de divagations sonores. Un pur trip sensoriel, réellement fascinant. – David²
De Broadway au G-Funk, du disco au rock progressif, Daft Punk partent explorer quarante ans de musique, et reviennent avec un album hors du temps. Porté par un amour infini pour le beau son, le duo signe une fresque flamboyante, hédoniste, mais aussi marquée par une profonde mélancolie. Derrière le titre informatique, Random Access Memories cache une malle aux trésors. A l’intérieur : quelques 33 tours, des jouets futuristes, et assez de recoins pour que chacun puisse y ranger ses propres souvenirs. – JB
Les jeunes frères anglais ont sorti un premier album majeur en 2013. Mélangeant allègrement UK Garage, House et RnB, ils atteignent la formule parfaite qui transforme le plomb en or. Alimentée par de nombreux codes dont ceux du Hip Hop, la musique du duo est assez explosive pour brûler les dancefloor, assez éthérée et subtile pour devenir la bande-son indispensable à votre quotidien. A mi-chemin entre pop et dance, global sans être putassier, Disclosure défriche un champ laissé en jachère depuis plusieurs années. Et ils n'ont que vingt ans. - LecaptainNemo
Si l’alchimie entre Aaliyah et Timbaland vous manque, il y a des chances pour que ce duo anglais vous séduise. Aluna Francis, avec sa voix frêle et sensuelle, enchante les productions aériennes et syncopées de George Reid, de toute évidence élevé au son des Neptunes et de Timbo. Porté par deux tubes monstrueux ("Attracting Flies" et "Your Drums, Your Love"), l’album est une bouffée de RnB électro qui lorgne sans complexe vers la pop. Le tout est encore un peu timide par moments, mais quand Aluna murmure ses cajoleries entêtantes sur les compositions les plus inspirées de George, la magie est bien là. – David
N’importe quel amateur de rap a toutes les raisons du monde d’apprécier la bande originale de Django. Vous aimez Rick Ross, rappant le cul posé sur le siège en cuir d’une grosse 250 ch ? Vous l’aimerez tout autant le cul posé sur la selle en cuir d’un petit canasson. Vous aimez IAM et les vestiges morriconiens de leurs deux derniers albums ? Vous appréciez John Legend et ses collaborations avec la scène hip-hop ? Vous avez rêvé toute votre vie d’un featuring James Brown/Tupac ? Ou, plus simple, vous avez adoré Django, preuve ultime de la maîtrise de Tarantino dans la mise en musique de ses images ? Voilà bien assez de bonnes raisons pour trouver la vôtre. – David²
Des fenêtres d'affichage, un "troisième lieu", une ode aux fripes. L'informatique pour tous, le cappuccino branchouille, le rap progressiste. Macklemore et Ryan Lewis sont-ils au rap ce que Microsoft fut aux nouvelles technologies et Starbucks à la pause café ? Il y a un point commun entre ces trois entités de l’État de Washington : une bonne idée transformée en réussite commerciale. En six mois, Macklemore et son producteur sont passés d'artistes connus d'un public web restreint à l'un des plus gros succès rap en indépendant de ses dernières années et à un phénomène type "je-n'écoute-pas-de-rap-mais-ça-j'aime-bien". Leur musique ne répond ni à des racines régionales, ni à aucune mode du rap des années 2010.
Sur leur premier long format sorti l'an dernier, The Heist, les productions de Ryan Lewis trouvent régulièrement le juste milieu entre racines rap et ambition pop, sans tomber dans la facilité démagogique, au hasard, des Black Eyed Peas. Symétriquement, Macklemore est un rappeur à idées, qui parvient à compenser son manque de singularité (les fringues farfelues, ça ne compte pas) par un talent pour mener avec intelligence ses morceaux à thèmes. Au point d'en faire des singles redoutables, mais pas évidents (tous ont été des "sleeper hits"). C'est avec trois d'entre eux que le tandem s'est imposé comme incontournable sur les ondes et sur YouTube. "Thrift Shop" est un bras d'honneur roublard aux références systématiques des rappeurs aux marques de luxe (et qui a même amené des journaux sérieux à s'intéresser à un potentiel regain d'activité des friperies). "Can't Hold Us" a prouvé qu'on pouvait faire grimper le rap en BPM avec réussite et personnalité sans l'aide de David Guetta ou Afrojack. Et "Same Love" est un manifeste courageux dans un genre musical pour le moins suspicieux envers l'homosexualité. Macklemore a-t-il seattlisé le rap à message ? En l'espace de millions de vues, diffusions radio et albums vendus, il a au moins rappelé qu'on pouvait encore parler de sujet sérieux sans se prendre pour tel. Même dans le rap. – Raphaël
LA Weekly a tenté de retracer comment Horst Simco est devenu RiFF RAFF pour démêler la part de sincérité et de bouffonnerie chez le rappeur le plus improbable de ces dernières années.
Pitchfork convoque une poignée de spécialistes et revient en long, en large et en travers sur la carrière du duo le plus talentueux de l’Histoire. À lire avec le "Cooking by the Book Vol.1" de Purebakingsoda à proximité.
L’ex-égérie du rap potache fait sa mue en rappeur psychédélique. Le journaliste Andrew Noz, pourtant sceptique, vient l’observer dans son milieu naturel : une villa trop grande dont la pièce principale est un petit home studio sans fenêtres. Très beau portrait d’un homme-enfant qui veut juste faire du son.
En 2013, le magazine Complex a considérablement haussé son niveau. S’il n’a pas été avare en listes racoleuses, il a multiplié les articles de fonds et sollicité quelques-uns des meilleurs journalistes rap d’outre-Atlantique. L’exceptionnelle mise en page du portrait de Danny Brown synthétise bien ses nouvelles ambitions.
Passé des spots télé au tarmac, du statut de wack amuseur à celui de has-been, Benny B aurait pu devenir Benny Blanco, flingueur plein de rancune qui cherche encore à sortir de l'impasse dans laquelle lui et le rap se sont mis. Mais non. Benny savait que les autres étaient fous. Lui ne l'a finalement jamais été. Respect, comme on disait à l'époque.
Les artistes qui se racontent, cela donne parfois des choses passionnantes. Les artistes qui se racontent entre eux, aussi. Parler d’un album aussi complexe, aussi inabordable que Yeezus, est une tâche réellement ardue. Lou Reed, qu’il repose en paix, est parvenu à le disséquer avec les mots justes. Des mots qui ressemblent à fascination, passion et admiration.
"La musique permet de faire une phrase plus un rythme, de donner un sens plus une sensation" disait Ill. Rémi Wallon analyse la révolution prosodique amorcée – entre autres – par Ill et Booba au milieu des années 90. Brillant.
Pour les dix ans de Trap Muzik, T.I., DJ Toomp, David Banner et les autres reviennent sur chacun des morceaux de ce classique, conçu en grande partie dans l’arrière-boutique d’un salon de coiffure.
A quoi ressemble la vie d'artiste ? De la fumée, des foules tièdes, quelques potes pour tenir la baraque et un fucking brutish 29-year-old man en route vers la gloire. Difficile de savoir si c'est le bagne ou le bonheur, mais en tout cas ça donne envie d'aller au resto.
Il voulait regarder Le Majordome, il se retrouve devant une série Z produite par Roc-A-Fella. The Dissolve, nouvelle branche cinéma du magazine Pitchfork, redonne ses lettres de noblesse au pendant rap de la Blaxploitation, tout en rendant hommage au mogul déchu Damon Dash.
L’auteur David Dufresne revient sur Yo! Revolution Rap, l’un des premiers livres en français sur le rap. Inclus : une anecdote hilarante sur NTM et des contrôleurs de la SNCF.
Mois sombre : on dit adieu au trompettiste Donald Byrd, samplé par plusieurs générations de rappeurs, et au chien fou Tim Dog. Mais est-il vraiment mort ?
Bachir et SLurg célèbrent l’histoire d’amour compliquée entre le rap et les marques. Une mixtape sponsorisée par Mercedes, Fila, Nike et Rolex.
Le producteur Proof raconte l'histoire du label havrais Din Records, et décortique ses titres emblématiques. Quelques mois plus tard, nous rencontrerons son acolyte Médine.
Il ne nous dira pas qu'il a participé à Yeezus, mais Brodinski prend quand même le temps de nous témoigner son amour pour le rap, de Memphis à Toronto.
Yeezus, justement, divise notre rédaction. Alors, grand disque ou caprice narcissique ? On débriefe, à chaud, l'un des albums essentiels de l'année 2013.
Normandie toujours : pendant qu'il peaufine l'album des Casseurs Flowteurs, Skread revient sur ses dix années de production, marquée par l'explosion d'Orelsan.
Il a connu le succès de masse avec Sniper, il attaque désormais une carrière solo plus discrète : Aketo nous accorde une longue interview.
Hommage à un MC méconnu : Cadence, du groupe bostonien Raw Produce, mort au printemps dans l'indifférence générale.
On revient aux origines du hit "Started from the Bottom", Nothing was the Same nous met une grosse claque, et Jonathan Mannion confirme : "Drake est un roi."
Pilier du collectif ATK, puis homme de l'ombre en maison de disques, Cyanure nous raconte son histoire du rap français.
Un obscur morceau new-yorkais des années 80 devient la colonne vertébrale du rap sudiste. C'est l'histoire de "Drag Rap", en écoute sur notre page Soundcloud.