Jamais le rap n'a été aussi changeant et fragmenté. En 2011, faire la rétrospective d'une semaine de rap était difficile. Alors forcément, quand vient l'heure du bilan annuel, il faut faire des choix (et commettre quelques oublis rageants). Rassurez-vous, on aime beaucoup trop l'exercice pour ne pas se prêter au jeu : voici donc notre résumé de l'année rap, avec ses révélations, ses déceptions et ses consécrations. Vous en voulez plus ? Rendez-vous en 2012.

La constance

The Roots

Ils font partie du paysage rap depuis plus de vingt ans. Une éternité. A tel point qu’on oublierait parfois de se pencher sur leurs dernières sorties. Comme on ne regarde plus vraiment les lieux qui font tellement partie de notre quotidien qu’ils en deviennent invisibles. La roue continue de tourner et Undun – le dernier né – est un modèle de cohérence. Renforcé par quelques invités de premier choix – Dice Raw, Phonte, Big K.R.I.T – porté une direction artistique claire, il trace l’histoire de Redford Stephens. Un personnage fictif empreint de réalité dont la vie bascule... Une injection massive de sens et de maturité, sans enfoncer des portes ouvertes. En 2011, ça reste sacrément jouissif. — Nicobbl

The Roots - "Undun"

L'ogre camerounais

Lalcko

Avec sa voix et sa silouhette imposantes, Lalcko a prouvé cette année qu'il était bien l'un des personnages les plus intéressants du rap français. L'homme échappe aux définitions lapidaires, il tient à la fois du sage, du révolté et du gangsta. S'il fallait faire une comparaison improbable, c'est un peu de l'esprit d'Ice Cube qui plane sur cet album. L'Eau lave mais l'argent rend propre est un diamant brut, aux contours rugueux. Lalcko y déploie un rap adulte, bourré de références inattendues, convoquant à tour de rôle Mandela et Napoléon. Les productions gonflées aux synthés et aux basses puissantes alternent avec les boucles poignantes. Classe, autoritaire, sentencieux, le rappeur a su frapper avec justesse tout au long de cet opus. — David

Lalcko - "L'Argent du Vatican"

Le crew

Outdoorsmen

Parler de "relève du rap new-yorkais", c'est un peu comme évoquer le "nouveau Michael Jordan" en basketball ou le "futur Zidane" en foot : une expression tellement utilisée à mauvais escient qu'il vaut mieux éviter de l'employer. Toutefois là, quand même, de grands espoirs sont permis. Les contours du crew The Outdoorsmen restent un peu obscurs. Mais dans la line-up se trouvent Meyhem Lauren, Action Bronson et Shaz Illyork, ce qui rend forcément le collectif et chacun de ses mouvements éminemment intéressants. Si le premier cité avait brillé ces deux dernières années, en 2011 c'est surtout les deux suivants qui se sont illustrés. Bronsonelli avec son plaisant premier solo (Dr. Lecter) et sa collaboration avec Statik Selektah (Well Done), Shaz Illyork avec ses nombreuses mixtapes toujours efficaces. Pour imposer le blaze "The Outdoorsmen", un EP de l'équipe (The Great Outdoors) a également vu le jour, reprennant les titres les plus marquants de ses membres. Une année prolifique en sorties et en matériel de qualité donc, qui n'augure que le meilleur, tant au niveau des projets individuels que collectifs. — Kiko

Meyhem Lauren feat. Shaz Illyork & Action Bronson - "Glacierz"

Les rappeuses pâles au pouvoir

White Girl Mob

2011 aura aussi été l'année des buzzs fulgurants. A côté d'A$AP Rocky et sa signature mirobolante après seulement deux vidéos, il y aussi Kreayshawn qui a ravagé l'été avec son hit à la basse vombrissante, "Gucci Gucci". Et un contrat d'un million à la clé. Tout droit sorti d'Oakland, Bay Area, cette jeune fille tatouée, blanche et maigrichonne est vite devenue la coqueluche d'Internet. Moitié héroïne de manga coloré, moitié pin-up retro-futuriste, elle développe son style avec V-Nasty et Lil Debbie dans le trio des White Girl Mob. Plus efficaces dans leurs habits flashy que dans leur rap à proprement parler, ces trois petites pilules hallucinogènes continuent de défrayer les chroniques rap de la toile. Pendant que V-Nasty sort un album commun avec Gucci Mane, BAYTL, produit par Zaytoven, Kreayshawn multiplie les apparitions avec tout type de rappeurs en vue. Cette mode de Cali-Suicide Girls en casquette passera-t-elle l'hiver ? Attendons un disque avant de juger. — Lecaptainnemo

Kreayshawn - "Gucci Gucci"

Tyler, The Creator
"Goblin"

Faire une synthèse de soi-même pour mieux se présenter au monde. C'est précisément ce qu'a accompli Tyler, The Creator au moment où le buzz Odd Future atteignait son point de bascule. Réalisé par Tyler lui-même, le clip de "Yonkers" est décomposable en trois éléments-clés : la mentalité Jackass (le cafard mangé tout cru), l'exigence formelle (le faux plan séquence) et la psyché morbide (la pendaison finale). Un résumé parfait de l'esprit Odd Future, récompensé par 32 millions de vues sur YouTube. — JB

Gangsta Rap Is Not Dead

Jay Rock

Quand Complex a demandé à Game une liste de ses vingt-cinq albums favoris, il a ouvert avec Follow Me Home de Jay Rock, une oeuvre aux antipodes de son dernier et bancal R.E.D. Album. Sous les bonnes grâces du Strange Records de Tech N9ne, Jay Rock a pu sortir un premier album complet et homogène, suivant la tradition du gangsta rap mais résolument moderne dans le son. Jay a simplement suivi la formule qui faisait la force de ses mixtapes : entouré de sa famillle, celle de Top Dawg Entertainment (Kendrick Lamar, School Boy Q et Ab Soul), de valeurs sûres de la prod californienne (Focus..., Terrace Martin) et de quelques gros noms (Lil Wayne, Rick Ross, Tech N9ne), Jay raconte son quotidien dans le quartier de Watts, sans concession, sans complainte et sans fantasme. Peut-être moins éclatant qu'un bon album de Game, mais plus humain et attachant. — Raphaël

Jay Rock feat. Kendrick Lamar - "Hood Gone Love It"

Le buzz français

1995

En 2010, ils étaient complètement inconnus du grand public. Un an après, ils sont en tournée dans la France entière et les rumeurs les plus folles circulent autour d'eux. Eux, c'est bien évidemment 1995, ce collectif parisien dont il aurait été difficile de passer à côté cette année. Produits de cette génération de rappeurs révélés par les Rap Contenders et ultra-prolifiques sur YouTube, le groupe est parvenu à solidifier une impressionnante base de fans en un temps record. Si La Source, leur premier EP officiel, n'a pas totalement convaincu, le projet gratuit sorti par Nekfeu et Alpha Wann, En sous-marin, nous a rassuré sur les qualités microphoniques d'une partie des garnements. Assurément, les décisions qu'ils auront à prendre dans les mois à venir seront déterminantes pour la suite de leur carrière. — Mehdi

1995 - "La Source"

L'album beatbox

Under Kontrol

Parmi les expériences notables de 2010, on comptait le big band alliant le turntablism au jazz concocté à l'initiative de DJ Grazzhoppa et Aka Moon. Parmi celles de 2011, cette fois sans les mains, il y a 1, du groupe Under Kontrol, sous-titré Strictly from the mouth : un album 100% beatbox. Les quatre protagonistes (Fayabraz, Mic Flow, Mister Lips et Tiko) sont les champions du monde 2009 du genre. Les Temptations, les Four Tops du beatbox – c'est Maseo alias plug 3 de De La Soul qui vous le dit – avec l'humour en plus. — Greg

Under Kontrol - Concert à Marsatac

Le buzz de l'année

A$AP Rocky

Le parallèle peut faire sourire ou grincer des dents. Le producteur dont le style personnifie le mieux le style new yorkais dans l'histoire du rap est natif de Houston. La nouvelle sensation hype de la Grosse Pomme est un jeune mec qui vient de Harlem, dont le vrai prénom est Rakim, et qui est fasciné par H-Town. Tout est allé très vite pour A$AP Rocky : en juillet, il sort deux vidéos sous psychotropes, lourdes en basse et pourtant en pleine lévitation, "Pe$o" et "Purple Swag". Ces deux titres font grimper son buzz estival, avant de se transformer en un contrat à six zéros avec Sony/RCA. La hype est-elle justifiée ? Sa mixtape LiveLoveA$ap est en tout cas un concentré cohérent de ce qui explique l'engouement autour du bonhomme : une sorte d'attitude fly et arrogante héritée des Diplomats passée sous codéine, et des ambiances texanes qui semblent sortir d'un mixage façon 36 Chambers. Derrière le micro, A$AP Rocky ne brille pas forcément, mais hypnotise et enivre par son charisme. Du swag-rap en forme de plaisir coupable, qui, souhaitons-le à son auteur, lui permettra un destin à la So Far Gone plus qu'à la... n'importe quelle mixtape d'un rappeur new-yorkais. — Raphaël

A$AP Rocky - "Pe$o"

Pharoahe Monch
"Clap (One Day)"

Duck Down Records a l'habitude de mettre les petits plats dans les grands quand il s'agit de vidéos. Une nouvelle étape est ici franchie : pour "Clap" de Pharoahe Monch, c'est plus un court-métrage qu'un simple clip musical qui est proposé. — Kiko

La déception

Yelawolf

Après des années à avoir traîné dans l'industrie musicale sa dégaine longiligne, quelque part entre le white trash, le skateboardeur et le punk, l'année 2011 pouvait être celle de la consécration de Yelawolf. Fort du succès d'estime l'an dernier de son premier album chez Interscope, le supersonique et sombre Trunk Muzik 0-60 (voir notre chronique), Michael Wayne Atha était attendu pour Radioactive, son premier album chez Shady Records. Hélas, à part quelques fulgurances dignes de ses premières sorties (le single "Hard White", "Growin' Up In The Gutter") et quelques jolies surprises ("Get Away", "Throw It Up"), Yela a mis de l'eau dans le gasoil de sa chevy. Le grand défaut de Catfish Billy (ou de sa maison de disque ?) a peut-être été d'avoir pris le terme "radioactif" au pied de la lettre : au lieu d'un album explosif et irradiant, il a sorti un opus potentiellement actif pour la radio. — Raphaël

Yelawolf feat. Lil Jon - "Hard White (Up In The Club)"

La trilogie

Vîrus

Encre caustique et acide, univers noir fluo, la trilogie calendaire de Vîrus a occupé une bonne partie de l'année la partie la plus sombre de notre cerveau (voir nos chroniques). Compilé dans un seul album intitulé Le choix dans la date, et  accompagné de quatre clips ténébreux signés Tcho, il est le reflet de miroirs scindés en mille morceaux. Un vrai concentré de Tranxène. Ironie absolue, le meilleur album de rap français de l'année écoulée était disponible gratuitement en ligne. Le Vîrus continue de proliférer. — Nicobbl

Vîrus - "Faites entrer l'accusé..."

Le retour du Philly Rap

Meek Mill

L'année 2011 a marqué le retour du rap de Philadelphie, explosant à la face du monde avec la signature de Meek Mill chez Ricky Rozay. Agressif, technique et énergétique, ce jeune loup très ancré dans sa ville a su s'imposer dans l'équipe Maybach Music pour en devenir la seconde star derrière le Boss. Après plusieurs passages en prison, le temps est venu pour lui de briller, survolant la compilation de son crew, Self Made Volume 1, se plaçant dans la rue comme dans les clubs avec des hits comme "I'm a Boss" ou "House Party" et synthétisant le tout dans une mixtape rondement menée, Dreamchasers. Entouré des ruines du State Property, à l'aise avec son producteur attitré Jahlil Beats comme sur les syncopes grandiloquentes de Lex Luger, Meek Mill sait s'adapter à sa nouvelle situation et devrait être une de stars de l'année 2012 si le petit coeur du Ross tient le coup. — Lecaptainnemo

Meek Mill feat. Young Chris - "House Party"

L'album rap conscient

Watch
The Throne

Jay-Z est dans une position intéressante pour une idole rap : il n'est ni mort, ni ringard. Et il le sait. Watch The Throne, sa collaboration exubérante avec Kanye West (voir notre chronique), explore ce territoire inconnu, au-delà de la rue (Reasonable Doubt), au delà des premières fortunes (In My Lifetime...) et au delà de la quarantaine (Kingdom Come). Une zone où plus rien n'est inaccessible, mais où l'auto-satisfaction la plus clinquante côtoie aussi de vieux démons tenaces. L'expérience est étonnante, parfois aussi douteuse qu'un T-shirt Occupy All Streets, mais derrière le mur doré, il y a peut-être une analyse sociologique qui ne demande qu'à être écrite. Il y a aussi "Niggas in Paris". — JB

Jay-Z & Kanye West - "Otis"

OrelSan
"Raelsan"

Après avoir (sur-)joué le personnage du loser drôle et attachant, comment OrelSan pouvait-il revenir sans un goût de déjà vu ? Simplement en exprimant l'ultime fantasme de nerd : être un super héros. Avec le clip de "Raelsan", Orel enfile le costume du justicier masqué façon Anonymous du rap. La réalisation épouse l'urgence crescendo et l'oppression du texte et de l'instru sans esbroufe, semant quelques détails malins au milieu de 24 images par seconde. Le message n'est toujours pas positif, mais le résultat saisissant. — Raphaël

La bonne recette

Hail Mary Mallon

La pochette glauque, au sens propre comme figuré, montre des mangeurs en voie de décomposition, terrassés par la tambouille peu ragoûtante d'une cuisinière insouciante. Et pour cause : ce groupe ponctuel tire son nom d'une sorte d'hommage à Mary Mallon (1869-1938), cordon-bleu un peu spéciale, et qui, sans le savoir (elle n'en présentait pas les symptômes), a agrémenté ses plats de la typhoïde, d'où quelques ravages autour d'elle, puis sur elle (elle passa une bonne partie de sa vie en quarantaine). Aesop Rock, Rob Sonic et DJ Big Wiz ne mangent visiblement pas de ce pain-là. En tout cas, ils sont en bonne forme. Même si certains passages sont un peu moins digestes que d'autres, Are you gonna eat that? mérite une réponse affirmative : on a déjà connu brouet moins comestible. — Greg

Hail Mary Mallon - "Meter Feeder"

L'hyperproductif

Curren$y

Il n'avait déjà pas chômé en 2010 avec ses deux Pilot Talk, il a encore intensifié le rythme cette année : Covert Coup avec Alchemist, Weekend at Burnie's, Verde Terrace avec Dj Drama, Jet World Order avec ses acolytes et l'imminent Muscle Car Chronicles. Le Jet produit beaucoup de fumée au décollage, mais c'est bon signe. Espérons seulement qu'il ne se perde pas en route à trop vouloir multiplier les projets. — David

Curren$y - "She Don't Want a Man"

Quand y en a plus...

Celph Titled & Buckwild

... y en a encore. Un an après l'exceptionnel Nineteen Ninety Now (voir notre chronique) et sa formule qui semblait interdire toute possibilité de suite, Celph Titled et Buckwild sont revenus avec l'EP Nineteen Ninety More. Alors, même si le projet sent légèrement la carotte (quatre inédits seulement), le seul fait de nous permettre de renouer avec la magie d'un des meilleurs albums sortis ces dernières années vaut déjà largement le détour. Puisque cette fois il est vraiment difficile d'imaginer un ultime prolongement, espérons que l'initiative, qui a visiblement rencontré un certain succès, débouchera sur d'autres collaborations du même type entre MCs et producteurs. — Kiko

Celph Titled & Buckwild - "Get Stupid"

L'album imparfait mais attachant

Frer200

Gystère, Kombo et Fibo, le trio qui forme Frer 200 (voire notre interview), ne sont pas des inconnus pour ceux qui suivaient l'actualité de la vague de rappeurs officiant sous le label “rap spé” au début des années 2000. Après Le fils du faucon et Andromède, les trois “trentenaires immatures” s'étaient pourtant fait relativement discrets. C'était sans aucun doute pour mieux revenir. Action vérité, leur troisième opus, n'a rien à voir avec leurs précédentes galettes : porté par des productions chaudes pensées pour l'été, le disque laisse toute la liberté aux MC's de parler de filles, de soirées, de Paris et... de filles. Un disque injustement passé sous silence qui s'avère pourtant parfait pour accompagner vos vendredis soir. — Mehdi

Frer 200 - Faut qu'j'me pose

Machine Gun Kelly & Waka Flocka Flame
"Wild Boy"

Machine Gun Kelly renouvelle la référence Jackass avec cascades, irrévérence et mongolitude extrême, accompagné du meilleur ambassadeur actuel du défoulement mondial, Waka Flocka Flame. Meilleur dialogue d'un clip de rap de tout le temps à 2 minutes 40 :

Flocka : "Hey Kel you think you a hard rapper?"
MGK : "Hell yeah! You think you a good rapper?"
Flocka : "Fuck no!"

— Lecaptainnemo

Prix d'interprétation (très) masculine

Joeystarr

Humanisé à jamais grâce aux fêlures grossies par l'effet loupe du film Polisse - dont son couplet dans "Laisse pas traîner ton fils" aurait pu constituer le sous-titre – Joeystarr ressort le tonfa en cet automne 2011, le temps d'un nouveau solo, Egomaniac. Si certains morceaux semblent davantage destinés au premier cercle qu'au grand public ("Faut s'lever" et sa mythique interrogation post-gueule de bois : "Où t'as mis les clefs du cheval ?"), d'autres valent un repeat, si ce n'est plusieurs. "Mamy…" feat. Nicoletta, bien sûr, pendant maternel au viscéral "Métèque" de 2006, mais aussi et surtout "Hip Hop" feat. Degom. Sur une prod de Kimfu aussi touffue qu'un coup de feu dans un film de James Cameron (où se mêleraient barrissements d'éléphants et feulements de tigres, entre autres), Jo le Balafré se fait plus Manimal que jamais ("J'ai le manche en main pendant que tu l'astiques par à-coups"), pond le refrain le plus entêtant du semestre ("Le hip-hop il est oùùùùù ? Là, pas ailleurs !") et livre un de ces conseils de Sioux que seuls les rares quadras du game savent aujourd'hui dispenser : "J'aime mon art et mon art m'aime, c'est la symbiose, je le pratique à l'humeur comme le font les virtuoses". — Anthokadi

Joeystarr - "Hip-Hop"

La fraîcheur californienne

Overdoz.

A Los Angeles, Californie, une nouvelle scène émerge doucement, diffuse comme un nuage de fumée blanche, illuminée de soleil, de moments simples, de jolies filles et de tout ce style de vie qui lui colle à la peau. Parmi ces jeunes têtes rêveuses se dessine un groupe, Overdoz. Plus qu'une bande de quatre potes, un mouvement, une façon de voir, un choix. Leur album, Live for, Die for est parfaitement produit, laissant beaucoup de place à la musique, aux mélodies, dans une légèreté pesante, subtil mélange d'opiacés sonores. Un voyage initiatique, une énergie communicative retrouvée aussi dans leurs vidéos réalisées par Calmatic, des petits court métrages ingénieux qui terminent d'installer un univers complet. Juste le temps d'un album, déplacer LA à nos pieds, sentir ce vent de liberté souffler contre sa nuque, ça n'a pas de prix. Surtout que Live for, Die for est gratuit donc laissez vous tenter. — Lecaptainnemo

Overdoz. - "Pasadena"

Le vétéran sous influence

Juicy J

Le co-fondateur de Three 6 Mafia a été très actif en 2011. Ses apparitions aux côtés des jeunots qui ont la cote lui ont assuré une bonne visibilité. Pote avec Wiz Khalifa (chez qui il vient tout juste de signer), il était présent sur le remix officiel de "Black and Yellow" en début d'année. Il a ensuite sorti deux mixtapes pléthoriques avec Lex Luger, le producteur que tout le monde s'arrache et copie à qui mieux mieux. Les années passent et l'esprit intoxiqué de Juicy J est toujours aussi fou et malsain. La formule n'a pas changé : des rimes simples, des chansons très répétitives, de préférence immorales, et qui parlent de ses addictions multiples. "You say no to drugs ? Juicy J can't". Un style qui s'associe parfaitement à la musique agressive du jeune Lex. Le résultat est sauvage et hypnotique, éprouvant aussi. — David

Juicy J - "A Zip & a Double Cup"

L'Eldorado

Midwest

Après la déferlante sudiste de la dernière décennie, le Middle West va-t-il devenir le nouvel épicentre du rap U.S. ? La région n'est pas absente de l'histoire du genre : des Bone Thugs-n-Harmony à Nelly, en passant par Twista, Hi-Tek, Kanye West, Common et Eminem, elle a fait naitre parmi les artistes les plus intéressants et les plus populaires du rap. Mais ces dernières années, le Midwest bénéficie d'une belle cote, grâce à des figures au profil varié, et pourvues d'un point commun : des flows à la vélocité athlétique et un véritable sens de la mélodie accrocheuse. Aux avant-postes, il y a Tech N9ne, rappeur surproductif de Kansas City (Missouri) et son armée de Strange Music Records. Freddie Gibbs, tout comme Machine Gun Kelly, sale gosse de Cleveland (Ohio) nouvellement signé sur Bad Boy, portent eux aussi cette esthétique dans leur musique. Dans des styles moins électriques, Stalley, les L.E.P. Bogus Boyz, The Cool Kids, Chip Tha Ripper et bien d'autres pourraient se révéler être les nouveaux fers de lance de la région. Il ne faudra que quelques identités en plus pour former un véritable mouvement égalant l'influence méridionale des années 2000. — Raphaël

Tech N9ne - "He's a Mental Giant"

Notes To Self
"Nobody"

A shot in the dark, l'album de Notes to Self dans lequel se trouve le morceau, date de 2009, mais le clip ne déboule que fin 2011, avec visiblement la mort prématurée de Guru comme déclencheur. Il faut dire que, mine de rien, réaliser ce collage ventriloque géant, hommage futé et habile au golden age, a dû prendre pas mal de temps à ses concepteurs. C'est ludique, et puis ça peut servir de test : dis-moi combien de clips tu reconnais, je te dirai quel connaisseur de rap tu es... — Greg

Le sample

Jamie xx et...

Cela aurait pu être Curtis Mayfield, repris sur "Rob Me A Nigga" de Freddie Gibbs, à la résonance particulière après le décès de DJ Mehdi. Cela aurait pu aussi être le sample de "Predormitum" des CunninLynguists. Mais comme Kno n'était pas très content qu'on dévoile ses sources, on ne s'étalera pas d'avantage sur ce beat (même si on en a très envie) puisqu'il repose sur un échantillon de prog-rock français (pas un mot de plus, on vous dit !). Cela aurait pu être cette boucle mystérieuse et guignolesque qui revient sur Watch The Throne, mais ce serait peut-être un poil capilo-tracté. Ce sera finalement la présence de Gil Scott-Heron sur le Take Care de Drake. Certes, c'est quasiment un non-sample : l'instru de Drake est une reprise du remix par Jamie xx de "I'll Take Care Of You" du chanteur disparu cette année. Mais c'est peut-être l'hommage le plus inattendu rendu à Gilbert. La chanson de Drake n'aurait pu être qu'une vulgaire reprise plus soyeuse si le canadien n'avait pas gardé le passage reconstruisant les paroles de GSH. La rupture avec l'harmonie du début marque un peu plus l'idée de fêlures personnelles, ce qui s'avère finalement être un choix risqué mais remarquable. — Raphaël

Gil Scott-Heron - "I'll Take Care Of You"

Le livre

Def Jam, 25 ans d'histoire

Le genre de pavé qu'on parcourt en se demandant si la page suivante réussira à être plus monumentale que la précédente. Tout est dans le titre : Def Jam Recordings, The First 25 Years Of The Last Great Record Label. Assemblé par Bill Adler, ancien attaché de presse du label à l'époque Beastie Boys, ce beau livre épais compile témoignages et analyses, mais offre surtout à voir l'incroyable puissance visuelle du marketing Def Jam. De LL Cool J à Redman, de Public Enemy à Foxy Brown : les artistes du label, même les moins marquants, prennent tous sur papier glacé une dimension mythologique. On espère que les comptables qui ont décidé de lancer Def Jam France (oxymore) feuillettent ce livre tous les soirs avant de s'endormir. Et qu'ils pleurent un peu. — JB

Le coup de pression

Les contes
du chaos

La suite de L'angle mort (voir notre chronique) est une authentique nécropole. Noire, portée par une intensité scénique rare, elle rappelle que Serge Teyssot-Gay reste une figure ombrageuse de l'alternatif. Même (surtout ?) sans Noir Désir. Quant à Casey, même tressée, elle reste la figure punk la plus visible de l'année écoulée. Vision nocturne : et si "Carnet de ma cage" était la bande originale futuriste du Birdy d'Alan Parker ?— Nicobbl

Zone Libre - "Carnet de ma cage"

Le retour

Freestyle Fellowship

Un peu comme celui d'Antipop Consortium en 2010, le retour de l'année, c'est sans doute celui des innercity griots californiens. Et plutôt deux fois qu'une, puisque l'album The Promise s'est accompagné d'une mixtape, Power Plant, vouée à devenir un collector. Un retour qu'il serait exagéré de dire fracassant mais qui n'en demeure pas moins de bonne facture, deux décennies après For whom it may concern - et c'est toujours ça de pris. Sur des productions moins originales que par le passé, tirant plus vers le synthétique et moins vers le jazz trafiqué, mais parfois bien accrocheuses, les Freestyle Fellowship savent toujours dérouler un flow en rafale. — Greg

Freestyle Fellowship - Album Release Party

Karmin
"6 Foot 7 Foot (cover)"

Karmin, c'est un duo d'amoureux tout mignon qui offre ses reprises sur le net. C'est aussi mine de rien plus de 100 millions de clics sur Youtube pour leur vidéos maisons. Et une bonne partie grâce à une incroyable reprise de "6 Foot 7 Foot" à mettre à genou Bangladesh. La petite brune tirée à quatre épingles s'envoie les couplets du Weezy et Cory Gunz avec une facilité et un style déconcertants... Et avec le sourire, la grande classe. — shadok

Le duo céleste

The Risk Takers

Les meilleurs astronautes hip-hop de 2011 sont sans conteste Count Bass D & Insight avec un Risktakers qui, sans être stratosphérique (si le décollage est tonitruant, force est reconnaître que la vitesse de croisière est régulièrement freinée par des baisses de régime, notamment quand le MC/producteur bostonien quitte un instant le poste de commande), n'en plane pas moins bien au-dessus du rap terre-à-terre de bien des manchots moins habiles au pilotage. Comme l'annonçait la pochette, ça, c'est de la combinaison. — Greg

Vidéo, pavanage et humour

LOLrap

Si Internet a tué l'industrie musicale (c'est ce qui se dit), il a aussi obligé les artistes à produire autre chose que leur musique pour créer du lien avec l'auditeur, notamment à travers les vidéos. Certains, comme Rick Ross ou Wiz Khalifa, jouent la continuité des shows à la "MTV Cribs" pour faire démonstration de leur mode de vie de pachas, et du coup créent davantage de distance que de proximité. D'autres, en revanche (les fauchés, ironiseront certains), ont plutôt choisi la carte de l'humour pour communiquer avec leurs fans. De l'autre côté de l'Atlantique, la palme revient sans doute cette année au label Duck Down, avec cette séance de coaching par Sean Price de Dru Ha pour le marathon de New York. Du côté de chez nous, on penche plutôt pour la série En Attendant Les Sirènes d'OrelSan, entre problèmes capillaires et freestyle informatisé, et les teasers pour l'album Soyons Fous de Jango Jack et Ol' Kainry. — Raphaël

Mieux vaut tard...

Nick Wiz

Nick Wiz a été un producteur diablement prolifique dans les années 90, avant de se faire plus rare depuis le tournant des siècles. Pour éviter de tomber définitivement dans l'oubli, Nicholas C. Loizides a joué sa dernière carte : il a sorti une anthologie de ses productions en trois volumes (série en cours ?), les Cellar Sounds. Huit heures de musique, plus de 120 morceaux, une ribambelle de bangers impressionnante. Et une mine d'or pour les amateurs du sous-genre nommé par certains random rap, sur lequel l'Abcdr s'est largement penché en 2011. Nick Wiz en sort bien évidemment grandi, et s'impose de fait comme l'un des beatmakers les plus mésestimés de la musique hip-hop. — Kiko

Cella Dwellas & Ran Reed - "The Definition"

Trophée Country Rap Tunes 2011

Burn One

Déjà hyper prolifique en 2010, le DJ/producteur d'Atlanta a carrément cassé la baraque cette année. En posant ses réalisations sur les albums/mixtapes très en vue de G-Side, A$AP Rocky, Freddie Gibbs, Starlito ou Rittz mais aussi en défendant haut et fort les nouveaux talents de son coin comme KD, Scotty, P-Watts, Indeed ou Mouse, Burn One défriche à tour de bras, s'imposant comme dj incontournable et producteur hors normes. Tout l'esprit du Country Rap Tunes de Pimp C est parfaitement recomposé, remis au goût du jour. Afin de faire éclater cette vérité au grand jour, Dj Burn One prend le temps de réaliser Joints, une excellente compilation de toutes ses productions récentes construite quasiment comme un album de producteur, et Ashtray, un album instrumental planant, parfait pour se poser dans un gros canapé en cuir, sirotant brandy un blunt à la main. — Lecaptainnemo

G-Side - "No Radio"

Kohndo
"Mon ghetto (Remix Flip)"

Un portrait urbain composé d’une mosaïque d’instantanés. Remixé par Flip, mis en image par Matyas Vertesi, "Mon ghetto" mêle élans nostalgiques et déclarations amoureuses. Pour le Hip-Hop, ses acteurs et son esthétique. One love. — Nicobbl

Le producteur électrique

araabMUZIK

Architecte attitré du renouveau Dipset et par la même d'une bonne partie de la Grosse Pomme, AraabMuzik s'est forgé une réputation monolithe de virtuose de la MPC. Avec ses interprétations froides et stroboscopiques, il développe une musique complètement inédite emprunte de claviers tonitruants et guitares rock FM 80's, de dance européenne honteuse et de mouvements technoïdes très populaires dans les clubs de Belgique et Hollande. Entre ses vidéos toujours impressionnantes de maitrise, ses productions placées avec Camron, Vado, Lloyd Banks, The Bing Pink, il prend le temps de présenter son univers sur un album instrumental, Electronic Dream, futuriste et oppressant, la parfaite bande son pour un remake de Blade Runner mixé à Escape From New York. La révolution de la capitale du rap prendra-t-elle un tournant électronique ? AraabMuzik sera-t-il le leader d'un renouveau de NYC ? En tout cas, l'année 2011 a démontré qu'il en avait encore un paquet sous le pied. — Lecaptainnemo

araabMUZIK - "Golden Touch"

Musical Genius Award

Chilly Gonzales

Compositeur, rappeur, journaliste dilettante, égocentrique malin : le Canadien Chilly Gonzales est aussi fascinant qu'insaisissable. Il a produit des albums pour Tekilatex, Abd Al Malik (voir notre chronique) et Arielle Dombasle. Il a réalisé le concert le plus long de l'Histoire. En 2011, il a été le pianiste attitré de Drake. Et il a aussi sorti un album de "rap symphonique" : The Unspeakable Chilly Gonzales. Court mais ambitieux, le disque résume tous les paradoxes du personnage : esthète hyper-capitaliste, grande gueule complexée, Américain à Paris... Gonzales fait son introspection, titille son public, analyse le rap à haute voix et se demande, au final, s'il ne ferait pas mieux de la fermer et jouer du piano. On a la réponse : surtout pas. — JB

Chilly Gonzales - "Supervillain Music"

Monsieur Météo

Evidence

Personnage attachant, à la fois nonchalant et productif, Evidence a suivi à la lettre les dernières recettes marketing pour faire de son dernier album un évènement ET un succès. Multiplier les projets annexes en amont (I Don't Need Love avec les Beatles, le Layover EP), enchainer les clips et les diffuser sur Internet, s'entourer avec un panel de producteurs et rappeurs/chanteurs couvrant à peu-près tout les États-Unis (Aloe Blacc, Raekwon, Ras Kass, Slug, Termanology, Prodigy). Au final, Cats and Dogs n'a pas (encore ?) explosé les compteurs. Il reste néanmoins un portrait assez juste de son auteur. Entre éclectisme et fidélité à un certain sillon. A l'image de "It wasn't me". — Nicobbl

Evidence - "It wasn't me"

Les marginaux inspirés

Grems & Aelpéacha

A priori, on les imagine difficilement côte à côte. Pourtant, le statut occupé par Grems et Aelpéacha dans le rap français n'est pas loin d'être similaire. Gravitant autour du microcosme sans jamais vraiment l'intégrer, ils possèdent chacun un public de fidèles et font preuve d'une productivité exceptionnelle, venant alimenter une discographie qui n'en finit plus de s'allonger. 2011 ne déroge pas à la règle : ils ont chacun donné une suite à un de leurs anciens classiques (les excellents Val de marne Rider II et Algèbre 2.0) et continué à expérimenter avec brio (Gangsta Music et Les Valcheuzes). Deux rappeurs qui prouvent qu'on peut avoir la trentaine et conserver toute sa pertinence. — Mehdi

Starlion et Grems - Toast
Aelpéacha - String Volant

Greg Frite
"Marche Arrière "

Black' Boul' en peignoir qui lâche un morceau pour Le Gouffre, c'est le probable sommet d'un projet qui a tout pour marquer 2012. C'est aussi la quintessence de l'idée que chacun se fait ici d'avoir LA classe. — zo.

Le blog

Egotripland

Déjà auteurs de l'indispensable Egotrip's Book of Rap Lists, les journalistes vétérans du défunt magazine new-yorkais Egotrip ont lancé en début d'année leur blog. Toujours aussi fétichiste, l'équipe ne court pas après le clic facile, mais se fait (et nous fait) marrer avec un humour ultra-référencé, des rubriques bien pensées et des exhumations de trésors YouTube. A voir absolument : la série des "gens qui ne font pas de rap mais qui ont un nom de rappeur", les parodies hilarantes de la pochette de Take Care ou les idées de noms alternatifs pour le Maybach Music Group. Ludique, concis et reconnaissable entre mille, le style Egotripland redonne un grand coup de fraîcheur au blogging rap. Et encore, ce ne serait qu'une version bêta. — JB

Les héritiers de Kanye West

Big Sean/J. Cole

L'un est un rappeur-producteur appliqué de Caroline du Nord, l'autre un rappeur-hipster branché du Michigan. J. Cole et Big Sean sont à leur manière des héritiers de Kanye West. Comme Ye en 2004 et son College Dropout, l'auteur de Cole World: The Sideline Story a sorti un album porté par ce sentiment de réussite avec, comme il le dit, seulement "a dollar and a dream", et Jay-Z en figure tutélaire. Avec Already Famous, Big Sean représente lui l'extension fashion et un poil arrogante de West, avec cette imagerie de jeune riche à la formule ludique. Au point que son parrainage par le Louis Vuitton Versace Don est parfois trop prégnant, surtout dans ses clips. Pourtant, la superposition des deux calques laissés par ces deux nouveaux ne produit pas une reproduction fidèle de Ye. Ils sont assez singuliers pour ne pas sonner comme des demi-clones de la moitié de The Throne. Selon les humeurs, on appréciera l'introspection et la cohésion de l'album de J. Cole, et le côté fantasque et opulent de celui de Big Sean. — Raphaël

J. Cole - "Lost Ones"
Big Sean feat. Nicki Minaj - "A$$ (Remix)"

De Profundis

Psykick Lyrikah

Il faudrait toujours tendre l'oreille lorsque la dernière piste d'un album porte le même titre que celui-ci. Dans Derrière moi (l'album), Arm met beaucoup de lui, de sa vie d'artiste et de sa vie d'homme – entre les lignes, certes, mais comme jamais à ce jour, sans doute. La page des trente premières piges se tourne et "pourtant tout commence", constate-t-il sobrement dans "Quelle langue"… Dans "Derrière moi" (le morceau), Psykick Lyrikah clôt bien plus qu'un disque. Précédé du sépulcral "Nos ombres", "Derrière moi" ressemble à l'un de ces voyages solitaires et silencieux en canot à rame sur un plan d'eau brumeux. Un rite de passage d'autant plus palpable que la genèse de l'oeuvre a notamment coïncidé avec l'adieu au père et la naissance imminente d'un fils. "J'ai même pas revu ton ombre, j'ai marché, marché, jusqu'à disparaître, j'ai même pas rêvé du monde ni des secondes rajoutées à ces lettres..." Sur scène, l'expérience "Derrière moi", ce son qui enfle et cet auteur debout, reste l'une des plus admirables de cette année 2011. — Anthokadi

Psykick Lyrikah - "Derrière moi"

Le retraité

J-Zone

La retraite rapologique de J-Zone il y a quelques années avait laissé un certain vide. C'est donc avec le plus grand des plaisirs que nous l'avons vu revenir ces derniers mois sur le devant de la scène, pour faire la promotion de son livre Root for the Villain: Rap, Bullshit and A Celebration of a Failure. Feu-Captain Back$lap a multiplié les interviews, distillant anecdotes hilarantes et parlant rap avec une passion qui le rend unique. Souhaitons que le bouquin rencontre un grand succès, pour que Zone continue à occuper le terrain médiatique et à nous offrir des moments qui nous éviteraient presque de regretter sa carrière en tant qu'artiste. — Kiko

J-Zone - "Just One Record"

Pusha T
"Alone in Vegas"

Les deux Fear of God sont loin d'être parfaits, mais il en est sorti ce morceau de bravoure parfaitement maîtrisé. Seul dans la nuit de Vegas avec ses liasses et son costume flambant neuf, Pusha T ne joue pas mais dresse le bilan, fier et mélancolique à la fois. Le clip est à la hauteur du morceau, et la réalisation aussi sobre que les images sont fastueuses. — David

Le freestyle

Can I Kick It?

Conçu comme accompagnement d'une soirée au Nouveau Casino, la série "Can I kick it ?" peut servir de présentation panoramique des têtes montantes (sans compter d'autres plus anciennes) du rap français à celles et ceux qui ne regardent ça que de loin. Le principe, inauguré par Dabaaz : un mini-freestyle de huit mesures, soit à peine trente secondes, sur un beat à l'ancienne de Drixxxé bien taillé pour évaluer les capacités de chacun à maîtriser la métrique. Il y en a pour tous les goûts, ou plutôt à boire et à manger : du très bon, du moyen et de l'embarrassant. Quoiqu'il en soit, fort du succès de la première série, la bande a récemment remis le couvert avec un #2. — Greg

A2H - "Can I Kick It? #1"

La valeur sûre

Big K.R.I.T.

En 2011 le natif du Mississippi a confirmé tout le bien que l'on pensait de lui. Il poursuit son ascension lentement mais sûrement, sans brûler d'étapes. Returnof4eva (voir notre chronique), sorti en début d'année, bien qu'un peu moins pêchu que K.R.I.T. Wuz Here, confirme qu'il faudra compter sur lui à l'avenir. Le country rap tunes s'est trouvé un ambassadeur de choix avec ce rappeur/producteur aussi doué aux machines qu'au micro. Son style est complexe : un rap qui oscille entre introspection, épicurisme et aspirations plus élevées, une musique composée de guitares bluesy, de mélancolie et de chromes de Cadillac bien lustrés. La bonne nouvelle, c'est que les têtes d'affiche du Sud (Ludacris, T.I., Chamillionaire, Slim Thug) ont pris conscience du talent du jeune homme et qu'ils le sollicitent de plus en plus pour insuffler l'esprit du bayou à leurs morceaux. 2012 pourrait bien être l'année de Big K.R.I.T. Le premier extrait de Live from the Underground, son album chez Def Jam, laisse en tout cas présager du meilleur. — David

Big K.R.I.T - Money On The Floor

La ville (déjà) has-been

Pittsburgh

Avec l'explosion de Wiz Khalifa et l'émergence de Mac Miller, Pittsburgh s'était incontestablement imposée comme la ville cool de 2010. Force est de constater que la situation est sensiblement différente aujourd'hui. Si l'auteur de "Black and Yellow" s'est imposé comme une star à part entière dans le paysage rapologique, Rollin' Papers, premier album en major, a incontestablement déçu. Pire encore, Wiz a davantage fait parler de lui pour ses frasques extra-musicales et sa nouvelle relation avec Amber Rose qu'il expose aujourd'hui à outrance. Rock-star avant même d'avoir confirmé, on a du mal à voir comment il pourrait désormais redresser la barre. Quant à Mac Miller, la fraicheur dont il avait fait preuve sur K.I.D.S est absente des dernières mixtapes sorties. Pour aboutir finalement à un Blue Slide Park parfois agréable, souvent répétitif qui semble trahir un cruel manque d'inspiration. — Mehdi

Mac Miller - "Smile back"

Mieux vaut tard que jamais

Nakk

Véritable arlésienne, annoncé depuis 2001, le premier album de Nakk semblait destiné à ne jamais atterrir dans les bacs. S'il avait finalement été mis en ligne à la fin 2010, il a fallu attendre le début de l'année pour voir la sortie physique d'un disque auquel plus personne n'osait croire. Malgré des productions parfois en deçà et un surnombre de pistes, Le Monde Est Mon Pays prouve, si besoin était, que Nakk reste un des tout meilleurs. Rien que pour cela, ça valait le coup d'attendre. — Mehdi

Nakk - "Mon Fils, Ce Héros"

Mr. Muthafuckin eXquire ft. Despot, Das Racist, Danny Brown, EL-P
"The Last Huzzah"

Une énième variante autour de "Flava in ya ear", cela avait de quoi rebuter. Sauf que cette fois, l'hommage se transforme presque en pastiche sans que cela ne tourne à la mauvaise blague pour autant : posse cut aussi improbable que décoiffant (voir la mèche de Danny Brown pour s'en convaincre), "The Last Huzzah" mélange images subliminales et concepts saugrenus sans que l'on ne parvienne à détourner notre attention. — Mehdi

Trophée Trap 2011

2chainz

Avec deux mixtapes consistantes et des apparitions incessantes, on est en droit de se demander si 2chainz n'a pas acquis le don d'ubiquité cette année. Déjà connu en duo avec Dolla Boi sous le nom Playaz Circle, alors signé dans l'écurie de Ludacris, ce grand chevelu d'ATL a réussi le pari du grand écart musical, bien avec tout le monde, se plaçant sur tous les projets qui comptent, toujours avec brio. Alors que le terrain est déserté par des Jeezy ou T.I. en retrait, 2chainz a su prendre les bonnes initiatives au bon moment. Il reste surtout Codeine Cowboys, mixtape éclectique et excellente de bout en bout et TRU Realigion avec Dj Drama, la consécration de ce vrai travailleur à la chaîne du Trap. Définitivement le hold-up de l'année. — Lecaptainnemo

2chainz - Cowboy

Le reportage

AlKpote en Belgique

En un passage en Belgique suivi par une caméra, AlKpote a fait aussi bien que Striptease, l'émission TV mythique du plat pays. Et en plus, il distribue plein d'amour à ses "petites pommes frites". Pendant qu'on se rassure de sa médiocrité en se gargarisant de celle des autres, L'empereur reste digne devant les récifs d'un siècle qui marche de travers. A toutes "les horribles gargouilles belges" pour lesquelles on se prend d'affection quinze minutes durant, sans même savoir si ça relève de la condescendance ou de la fascination. Dire qu'il y a presque 15 ans, Koma rappait "Réalité Rap"... — zo.

Le nouveau roi de la côte ouest

Kendrick Lamar

Il semblerait que la côte ouest ait enfin trouver un prétendant légitime. Technicité, lyrics, reconnaissance de ses pairs et connexions prestigieuses, ce petit bonhomme a tout ce qu'il faut pour porter haut les couleurs de Los Angeles. Rappeur hors format, dépouillé de toute étiquette, il concilie perfomance et rimes réfléchies. Son album Section80 a été unanimement salué. Avec ce projet très personnel, Kendrick Lamar développe un univers riche, mélancolique, à l'ambiance posée et aux rythmes lents. Un travail d'orfèvre qui s'apprécie sur la longueur. Assurément l'une des sorties de l'année. — David

Kendrick Lamar - "Rigamortis"

Le survivant

Royce Da 5'9"

Le titre du cinquième album solo de Ryan Montgomery, Success Is Certain, sonne comme une évidence pour lui en cette année 2011. Les deux opus qu'il a enregistrés, son solo et celui du retour de son duo Bad Meets Evil avec Eminem, ont tous deux été ses plus gros succès auprès du public, permettant au rappeur de Detroit de soulever son premier disque d'or. Le succès était loin d'être gagné pour Royce, après un faux départ au début de la dernière décennie et des embrouilles avec ses potes Em et les autres membres de D12. Évidemment, l'aura de son pote Marshall a favorisé le succès de Hell: The Sequel. Mais voir Royce sortir la tête de l'eau après des années de galère, sans changer sa formule d'une goutte (de Hennessey, bien sûr) a quelque chose de réjouissant. Royce ne doit son retour qu'à son talent de parolier, ses rimes grinçantes et brutes, son flow de semi-automatique, et surtout son irréductible besoin de rapper, bien plus fort que son addiction à l'alcool, un de ses sujets favoris avec son pénis et l'humiliation des rappeurs fruités. "It's cool to be lyrical again" a-t-il déclaré au micro de BET. Royce peut s'en réjouir : il y est pour beaucoup. — Raphaël

Royce Da 5'9" feat. Eminem - "Writer's Block"

Le rappeur polyvalent

Freddie Gibbs

Entre polyvalence et opportunisme, il n'y a parfois qu'un pas. Il est dans l'affirmation suivante : Freddie Gibbs n'est pas opportuniste, mais un vrai rappeur tout terrain. S'il a célébré son contrat sur le CTE de Jeezy sur des beats plus glaciaux et épileptiques que jamais, Gibbs a été fidèle à son principe de rapper comme un chien de catégorie deux sevré et de dévorer n'importe quel instru. Sur Str8 Slammin et Cold Day In Hell, il continue de passer d'un style épuré ("It's All Cognac", "Anything To Survive") à un style sudiste pur jus ("Rob Me A Nigga", "Something New"), en passant par quelques incursions californiennes ("Menace II Society"), et rappe aussi bien avec le rookie néo-zélandais David Dallas qu'avec 2Chainz. Sur les EPs Lord Taketh, Lord Giveth Away et Thuggin', Freddie surprend même en ne rappant respectivement que sur le boom-bap rétro de Statik Selektah et le style enfumé de Madlib. A être si affamé, Gibbs mangerait-il à tous les râteliers ? Ses interviews prouvent au contraire que Fredrick Tipton est un type intègre, à cheval sur ses principes et sa conception du gangsta rap, probablement en décalage avec son époque, mais absolument fascinants. — Raphaël

Freddie Gibbs feat. Freeway - "Anything To Survive"

Le son

OVO

Pour le collectif canadien October's Very Own, la réussite artistique et commerciale de Take Care (voir notre chronique) aura été le point culminant d'une année 2011 en forme de consécration. Sous l'impulsion de Drake, Toronto est désormais un épicentre du rap mondial, et la production OVO (Noah Shebib, T-Minus, Boi1Da) est officiellement mainstream : on l'entend sur les Expendables de DJ Khaled, sur les singles de Lil Wayne, et même – idée de génie – sur un remix de Sade. Qui aurait cru qu'un jour, on ferait des tubes avec des beats étouffées, des mélodies lointaines et des nappes grisâtres ? Le rap et ses cycles n'ont vraiment pas fini de nous surprendre. — JB

DJ Khaled ft. Drake, Lil Wayne & Rick Ross - "I'm On One"

DJ Mehdi
(20/01/1977 - 13/09/2011)