Dix ans après avoir lâché le pavé Or Noir dans la mare de la trap francophone, Kaaris a démontré que cet album n’a rien perdu de sa violence ni de sa symbolique. Les 17 et 29 février 2024, l’Accor Arena a été prise d’assaut pour un moment marquant les mémoires de ceux présents. Une célébration brute, qui ne faisait pas dans la dentelle, à l’instar des dix-sept titres sortis en octobre 2013. 

Avant que le K double A n’entre en scène, le public était d’ores et déjà en transe, de la fosse aux gradins, comme si une bataille se préparait. Tabliers et cuillères en bois en guise d’armements pour être en accord avec les premières mesures de « Dès Le Départ » :  « J’suis dans la cuisine tu bouffes ce que je te prépare. » Des fumigènes allumés dès le premier morceau joué, c’est dans une ambiance suffocante que le concert a alors commencé avec rien de moins que le refrain de « Zoo ». Ce dernier stoppé net pour faire place à l’intro “Bizon” qui a donné la marche à suivre pour tout le reste du spectacle : faire trembler l’Accor Arena. 

Attente rime parfois avec déception, mais il y a de ces rares moments où celle-ci se fait dépassée, laissant derrière elle une euphorie générée par l’effet de surprise. De fait, célébrer un album ayant débarqué comme un coup de poing dans le paysage rap des années 2010 n’était pas tâche aisée, au risque de le faire résonner de manière ringarde. Le public ne s’attendait néanmoins pas à baigner autant dans l’univers sombre et crapuleux de l’album. Voir arriver un AMG 63 sur scène pour le titre éponyme (« 63 »), ou encore toute une équipe de danseuses strip sur « Se-vrak » n’était pas dans les pronostics. Le tout plombé par des fumées épaisses et un climat obscur.

Au delà de rendre à Or Noir ce qui appartient à Or Noir, Kaaris a permis de créer une célébration de cette trap qui a façonné plusieurs générations. C’était comme si ce moment n’arriverait qu’une seule fois. La communion était totale, presque mystique, et l’énergie était viralement contagieuse lorsque chaque morceau sonnait ou qu’un artiste rejoignait le dozo sur scène. Un moment particulièrement fort lors de l’arrivée du groupe XVBARBAR pour interpréter le titre « C’est la base ». Peu de paillettes, pas de fioritures : des kicks lourds, des nappes de synthés inquiétantes et une bonne dose de paroles crues.

Pour sonner le glas, c’est l’hymne « Or Noir » qui fut joué deux fois, laissant ensuite couler la prod sur toute la fin, comme pour raccompagner son public de ce moment plongé dix ans en arrière. À la sortie, visages et corps en sueur comme témoins d’un événement qui puait le rap. Deux dates marquées au fer noir car dix ans après, Or Noir reste intact. – Inès