Si les livres portant sur l’industrie du rap pullulent ces dernières années en France, ceux rédigés par des actrices du mouvement sont rares et n’obtiennent pas les relais escomptés. Pourtant, celui de Soraya Rhazel avait tout pour attirer l’attention : une vixen prend la plume pour évoquer sa vision de l’intérieur, expliquant un métier méconnu, des travers facilement imaginables (voire bien connus) et des horreurs malheureusement bien réelles. Mais où sont les médias spécialisés qui invitent chaque professionnel de l’industrie à dévoiler son quotidien ? Où sont ceux en recherche permanente de nouvelles anecdotes à mettre en lumière ? Préférant probablement se rincer l’œil sur leurs silhouettes, ou fermer les yeux sans les considérer, que lire les vérités des vixens.
Ces femmes, « les égéries oubliées du rap », sont celles qui posent et dansent lascivement en lingerie dans les clips de vos rappeurs préférés. Celle qui ne sont « jamais remerciées, très peu respectées. Quand on sait que la plupart des filles ont suivi des cursus de danse, des cours de théâtre, maîtrisent le pôle dance, le trapèze, la pyrotechnie, les arts du cabaret et du burlesque… » Elles ne restent que des paires de seins, de fesses, de jambes appelées pour être des accessoires. Mais dans le livre de Soraya Rhazel, elles possèdent un nom, un âge, une famille et des aspirations, autant que la pudeur et la peur leur permettent d’en dévoiler. Si la couverture mettant en scène des vixens sur un tournage évoque un récit collectif, c’est autour de l’histoire personnelle de Soraya Rhazel que le livre est construit. Sa trajectoire singulière est représentative de celle de chacune de ses « sœurs » : tout naît d’une volonté de se réapproprier un corps que la société patriarcale sexiste s’accapare bien trop tôt, pour le ranger dans une case. Tout le propos du livre est la quête effrénée d’une farouche liberté et d’une sécurité.
À peine adolescente, Soraya est sexualisée à cause de sa forte poitrine et grandit dans un corps qui ne lui appartient déjà plus. Elle tombe dans le mannequinat à 15 ans avant de se retrouver sur des clips de rap, sans que personne ne vérifie son âge. De clip en clip, la jeune femme accumule les bonnes et les mauvaises expériences professionnelles, assiste à des scènes de violences sexuelles et récolte les douloureux témoignages de celles qui l’entourent. Dans un milieu qui met les femmes en concurrence, la nouvelle venue propose rapidement à ses collègues de s’unir afin d’imposer des règles : grilles tarifaires, paiement en facture, créneaux horaires, taxis et chambres d’hôtels pour être en sécurité, etc. Par la force des choses, elle devient directrice de casting.
D’un clip de Nekfeu qui lui a permis de se faire un nom dans le microcosme du rap français, en passant par ceux de 13 Block, Vald, Gazo, Jok’Air ou les concerts à l’Accor Arena de Kaaris où elle a dirigé les danseuses, Soraya compte 1 000 clips à son actif depuis une douzaine d’années – 500 en tant que vixen, 500 en tant que productrice. Sa place dans l’industrie n’est plus à questionner, mais bel et bien à respecter. – Ouafae Mameche
Vixen, Édition Denoël
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Soraya Rhazel : l’art et la vie d’une vixen