Même s’il lui a fallu quelques années pour véritablement percer, la carrière de Megan The Stallion donnait l’impression d’avoir explosé presque trop vite. Après un bouche-à-oreilles fulgurant, une signature et une poignée de singles dévastateurs, la rappeuse texane se fait un nom auprès du grand public en 2020 en surfant entre autres sur les succès de « Savage » (en solo puis avec Beyoncé) et le raz-de-marée « WAP » avec Cardi B. Les collaborations à succès s’enchaînent, les compteurs s’affolent et Megan décline avec générosité son image de grande gueule à la sexualité débridée capable de mettre à l’amende n’importe qui au micro.

Pourtant son premier véritable long format, Good News, sonnait un peu convenu et nous avait laissés sur notre faim. Allait-elle s’enfermer dans cette image de rappeuse sulfureuse avec un vernis pop ? Allait-elle marcher dans les pas de Nicki Minaj et ne jamais livrer un album à la hauteur de son talent ? La suite allait être mouvementée avec Tory Lanez qui lui tire (littéralement) une balle dans le pied, des conflits de label et une querelle très publique avec Nicki, coutumière du fait. Au milieu de cette tourmente, Megan livrait pourtant un album plus convaincant en 2022, Traumazine. Elle s’y éparpillait encore entre tentatives ouvertes pour faire des hits et morceaux plus rentre-dedans et revanchards, mais malgré ce déséquilibre elle s’y montrait toujours très affûtée.

Deux ans plus tard, une période assez longue à son échelle, la Texane signe son retour en indépendance, libérée de ses contrats et du bruit indésirable des faits divers. Sobrement intitulé MEGAN, ce nouveau disque promettait, assez classiquement, de montrer une facette plus personnelle de la rappeuse. Et la promesse est en partie tenue, que ce soit sur les moments de vulnérabilité (comme le très réussi « Moody Girl ») et même sur les histoires de fesses, plus chaotiques, plus grises. L’énergie sexuelle débordante et les images grivoises en rafales sont toujours de rigueur, mais dans un contexte plus concret, plus mûr peut-être. Musicalement, la rappeuse retourne à ses racines, avec des clins d’œil appuyés au rap de Houston et même un couplet inédit de Pimp C sorti des coffres-forts. Le tout est parfois foutraque et compte quelques ratés, mais ne manque pas de personnalité. Et avec « Otaku Hot Girl » et « Mamushi » (outrageusement pensé pour les réseaux, mais très efficace, malgré son couplet de Yuki Chiba), elle se paie deux succès en explorant sa passion pour les animes et son affinité pour le Japon. Un bazar un peu inégal donc, quoique marqué de bons moments. 

Mais là où native de Houston a frappé fort, c’est avec MEGAN: ACT II. Fidèle à l’adage selon lequel tout est démesuré au Texas, ce second acte de treize titres, loin d’être une simple édition augmentée, est un deuxième disque à part entière qui se paie le luxe d’être supérieur au premier, avec un son plus brut et sudiste. La pochette annonce la couleur avec ce gros plan de grill qui fait à la fois penser au style Pen & Pixel et au The People’s Champ de Paul Wall. Ce second volet, en bonne partie produit par Bankroll Got It, renoue avec un public de la première heure parfois un peu frustré par sa direction artistique. La rappeuse avait quelque chose à prouver. Ici, elle atteint l’équilibre délicat entre son côté geek, son attrait pop et son énergie de kickeuse qui rappe depuis un parking de Houston. Surtout elle y apparaît plus libre, affranchie de tout cahier des charges. Et un morceau comme « Bigger In Texas » compte parmi les moments de rap les plus forts de l’année.

Entre ses multiples apparitions et ce double album qui ne dit pas son nom, Megan Thee Stallion s’impose comme la cheffe de file des rappeuses armées de bagout, d’une sexualité conquérante et d’un héritage de rap du Sud. Depuis quelques années, la concurrence se bouscule sur ce créneau, qui est devenu sans conteste l’un des courants dominants du rap américain. Avec ses quelques coups d’avance et sa technicité supérieure, la rappeuse a su asseoir sa place de grande sœur qui donne des coups de main – et parfois des leçons – en featuring. On l’a notamment vue cette année aux côtés de GloRilla, Latto et Flo Milli qui, si elles ont chacune leurs particularités, s’inscrivent dans une veine similaire. Megan Thee Stallion a de beaux jours devant elle, son règne semble conçu pour durer. – David