Drapeau haïtien pour masquer le bas de son visage comme à son habitude, Mach-Hommy n’a pourtant jamais été aussi près du portrait brut sur l’artwork simple, digne d’un gros plan de western spaghetti, de #RICHAXXHAITIAN. Sa propension à se découvrir un peu plus en cette année 2024, dans quelques rares interviews filmées, confirme la place que veut donner le rappeur à son dernier opus : celle d’un album majeur dans sa carrière. Un album qui devient désormais la porte d’entrée la plus accessible d’une discographie cryptique, souvent exigeante dans sa digestion.

#RICHAXXHAITIAN fait penser à un nouveau western tourné dans la torpeur humide et tropicale de son pays d’origine, prenant soin de brouiller l’auditeur entre broken English ingénieux (« ANTONOMASIA »), créole (« LON LON »), ou encore français et arabe (« SUR LE PONT d’AVIGNON (Reparation #1) »). Dans ce décor où jungle et béton se confondent dans des fumées et des cendres, Mach-Hommy semble se dresser presque seul – l’apparition de Black Thought parmi toutes les autres est prestigieuse – contre les limites d’un système corrompu avec une verve prompte à inséminer des images dans le crâne de l’auditeur. Des allusions aux guerres persistantes en Haïti ou au Moyen-Orient, ainsi que des extraits de journaux télévisés, s’emboîtent aux rimes engagées du MC, donnant un corps et une portée politique à l’ensemble du disque.

Un ensemble trempé dans une production brillante où se côtoient un côté faste et un côté sobre que le rappeur semble unir dans une même direction artistique. Sur « SAME 24 » et « COPY COLD », des pianos amples donnent l’impression de déambuler dans des palais majestueux ornés d’artefacts historiques. Sur « EMPTY SPACES », un chant et des percussions indiennes rappellent l’esprit des Natifs américains. Sur « LON LON », un sample de flûte envoûte et perd l’auditeur dans une brume qui dévoile à peine l’horizon. Sur « THE SERPENT AND THE RAINBOW » (titre inspiré du film de Wes Craven), un harmonica et un refrain chanté – sans artifices – ajoutent du blues à ce qui semble être un voyage sous psychotrope. Mach-Hommy et sa petite armée de producteurs (Sadhu Gold, Conductor Williams, Fortes, Kaytranada, Quelle Chris, entre autres) réussissent à hisser cette suite au même niveau, voire au-dessus de ses prédécesseurs : HBO, Pray For Haiti et Balens Cho.

Dans le fond de ses textes mais aussi dans le timbre de voix, Mach-Hommy rappelle parfois le Mos Def de Black On Both Sides. Dans la forme, les productions digitales sonnant pourtant très organiques s’inscrivent dans la lignée d’un Madvillainy. Avec une démarche artistique féroce quant à la retranscription de ses lyrics (aucune trace d’eux sur Internet) et une stratégie marketing extra-exclusive bien qu’alignée à la « gratuité » des plateformes de streaming, Mach-Hommy poursuit une route ultra-spécifique et continue de faire de sa musique, en version physique, une rareté. Au micro de Noah Callahan-Bever pour le webzine Complex en novembre 2024, il déclare parallèlement que « le message est plus important que le messager ». De par ses choix, propres à sa vision artistique, il faudra cependant encore se creuser les méninges pour en saisir toutes les subtilités. Mais l’alchimie bouillonnante qui émane de #RICHAXXHAITIAN suffit d’ores et déjà à en faire un album redoutable. – JulDeLaVirgule