Dans les régions équatoriales, le climat est chaud et humide et la végétation dense et luxuriante. Situées à des milliers de kilomètres, les ruelles pavées de Ménilmontant ont un point commun avec ces terres sauvages. Un homme qui traverse la canopée, de liane en liane, du bassin amazonien au sommet de la colline du 20eme arrondissement : Jungle Jack. La terre sauvage qu’il surplombe, lui, est urbaine et faite d’illusions. Il est « L’ÉQUILIBRISTE », agile, tout en haut de la chaîne alimentaire et bien entouré par son armée de jaguars (Souffrance, Mairo et Alpha Wann, entre autres).

L’univers de Jungle Jack ne se limite pas aux quelques images relatives à son pseudonyme. Le rappeur joue avec ses acquis et ses références (à la pop culture principalement) pour décrire son environnement et ses perspectives d’avenir. Sans prétention, mais toujours avec justesse. Comme lorsqu’il écrit « Parle pas mal de ceux qui lavent les chiottes et qui balayent, respecte le travail des fourmis et des abeilles » quelques dizaines de secondes après « Son cul m’hypnotise comme un poulet qui tourne sur la broche » (« CHARBON ET DÉVOUEMENT »). Nul besoin d’artifices : ce qui compte, ce sont les images et les punchlines. Sans pour autant tomber dans l’écueil de la simplicité.

En vérité, chaque son de JUNGLE DES ILLUSIONS VOL 2 est quasi un épigramme. Comment survivre, sans végéter, dans un écosystème capitaliste et castrateur pour les plus précaires ? Ce que Jungle Jack transmet, c’est un message d’espoir et d’amour face à une souffrance profonde et en partie générationnelle. Prendre son temps, « vivre mieux » pour « vivre vieux ». « Le chemin est déjà assez long comme ça sans qu’on s’mette des bâtons dans les rotules » (« LA GRAINE »). Bien sûr, pas question de joindre à sa démarche un quelconque refrain. « L’HOMME AU PLAN » est un kickeur, un donneur de leçon. Et si son flow est – il faut le reconnaître – assez monolithique sur les 16 titres de la tape (de l’album ?), il n’empêche qu’aucun de ces derniers ne se ressemble.

Parce que JUNGLE DES ILLUSIONS VOL 2 peut compter sur sa plume, donc, mais aussi sur sa production, entièrement assurée par Kamal Bagdadi (comme pour le VOL 1 sorti en décembre 2021). Un paradis pour les amateurs de samples : blues, jazz, gospel, chanson italienne, beaucoup d’instruments (piano, guitare ou saxophone par exemple), ou encore – sur « LE CHEMIN » – des drums qui ressemblent étrangement à celles de « La lettre » de Lunatic. Sans compter les nombreux extraits de films, de discours ou de documentaires, qui font largement écho aux références de Jack : l’alchimie entre le rappeur et le producteur est frappante et couronnée de réussite. Un disque riche et impressionnant de cohérence. – Juliette Bujko