Un aboutissement. C’est sans doute comme cela que l’on pourrait résumer Dire je t’aime, le premier « vrai »  album de BEN plg (dans sa tête aujourd’hui en tout cas) après avoir passé cinq années à griffonner ses pensées et surligner ses émotions. Repéré au début des années 2020 avec Dans Nos Yeux et Parcours Accidenté, avant de se faire plus largement connaître à travers une apparition (parfaitement exploitée) de quelques minutes sur Netflix, le rappeur nordiste devait passer un nouveau cap au moment de livrer son premier long format post-Nouvelle École. Un challenge d’autant plus grand qu’en seulement quatre années, le rappeur avait sorti une quantité particulièrement importante de musique à un rythme soutenu, notamment sur sa trilogie Réalité Rap Musique.

Alors, mi-2023, le rappeur dunkerquois s’est mis (un peu) en retrait. Une période de relatif silence qui a fini par stopper en novembre de l’année dernière avec « Le goût du sel »  : un morceau plein d’émotions dans ses textes et sa musicalité qui allait annoncer la suite à venir. Après avoir raconté son environnement et ses sensations au cœur du Nord de la France, BEN plg a décidé de prendre du recul. Une décision salutaire, qui l’aura empêché de tomber dans le piège du « rap de PMU » dans lequel il aurait pu s’enfermer, pour finalement toucher du doigt ce qui fait le sel de sa musique : l’émotion et l’honnêteté.

Le temps de quinze titres, le Nordiste semble ainsi regarder un album photo de sa vie, avec ses joies, ses peines, et surtout ses proches, pour mieux en tirer des leçons de vie. Un rap généreux et empathique, où les relations humaines, qu’elle soient familiales (« On a pris l’habitude » ) amicales (« Dire je t’aime » ) ou amoureuses (« Tu parles d’une blague » ) reviennent au cœur des pensées d’un BEN plg qui semble regarder dans le rétro tout au long de l’album, pour ensuite mieux envisager son futur. Une sensation de nostalgie accompagnée d’une pointe de mélancolie renforcée par le travail musical du trio Lucci/Murer/Le Cameleon, présent sur l’intégralité des quinze titres – qui mélangent ici sonorités organiques à base de claviers/guitares/batterie et envolées électroniques, pour renforcer l’intensité des confessions du rappeur.

En se replongeant dans ses souvenirs de jeunesse et en auscultant ses relations aux autres, BEN plg réussit finalement avec Dire je t’aime à encapsuler ce qui fait sa force depuis cinq années. Sans tomber dans le larmoyant ni dans la surenchère d’émotions, le rappeur témoigne de qui il est et de l’importance de son entourage, pour mieux avancer. Une capacité à raconter son histoire et celle des autres qui lui permet de traiter ce qui devrait toujours être le plus essentiel dans le rap français : des histoires d’humains dans leur entièreté, en toute honnêteté. – Brice Bossavie