« Y’a plus de respect comme une meuf qui attend d’s’faire ken pour dire qu’elle a une MST ». L’inanité de la comparaison prévient de ce qui suit. Onze titres tous plus pompeux les uns que les autres, dont les saillies obscènes semblent être écrites par un enfant de 13 ans. Le long des 33 minutes (ressenti 2h) que dure l’album, le Bruxellois se comporte comme s’il était infiniment supérieur au reste du monde, tout en ne faisant étalage que d’un nombrilisme fainéant et atrocement premier degré. Cette posture transparaît des instrumentaux, parfois réalisés à six, huit, dix mains (incluant souvent celles du rappeur), recherchant l’alambiqué pour l’alambiqué. Violons niais explicitement convoqués, beat-switch annoncé, flows affectés, variations maniérées. Originalité feinte et jamais atteinte. Pourtant, l’opus contient quelques idées – faire rapper Kalash Criminel sur de l’amapiano. Le résultat reste étrange, décalé. Tout comme « Alpha », futur tube aux inspirations shatta, où Damso a l’air d’imiter plus que d’interpréter. Et souffre ainsi de la comparaison avec Kalash, avec lequel il avait fait preuve d’une belle synergie sur « Mwaka Moon ».

Au niveau des thèmes, ce qui était compréhensible ou pardonnable dans la vingtaine devient pitoyable voire alarmant passé 30 ans. Damso ressasse, en moins bien. Parler de sa bite aux côtés de la voix cristalline d’Angèle (pour la troisième fois, donc) parce que c’est censé dire quelque chose sur la masculinité hétérosexuelle, un truc du genre. Ou être drôle, mais l’emphase des prods, l’interprétation compassée, rappellent avec la sévérité risible d’une documentaliste pincée, que rire est interdit. Chaque moment qui aurait pu être sauvé par l’autodérision (« Docteur vous refaites des culs (…) refaites mon cœur car il ne va pas très bien ») est plombé par un sérieux lourdissime. Ces répétitions diminuées des techniques qui l’ont fait connaître sont parfois franchement pénibles à l’écoute. La première partie de « 24h plus tôt », tentative de storytelling conté avec la voix d’un stand-upper raciste, fait souhaiter un prolongement à vie de ses jeûnes de paroles. Bref, le chantonnement plaintif de « Schéma » livre la seule parole juste du disque : « c’est toujours la même chose. »

Enfin, « DAMSAUTISTE » constitue un pic dans cette incapacité à voir le ridicule caricatural et le devenir-procédé de son art. Quelle confiance faut-il avoir en l’intérêt de ses moindres mouvements d’âme pour feindre avoir laissé ses commentaires en studio ? Pour garder ce jeu de mots ? Si personne n’a à juger les troubles d’un individu qui a connu la guerre enfant, l’évocation de ces sujets mérite mieux qu’un mot-valise douteux, une interprétation en question-réponse forcée, et un spoken-word d’une banalité aussi ampoulée qu’affligeante. Ce traitement catastrophique des troubles mentaux et politiques, qui aurait pu trouver, dans la varietrap mélodique du rappeur belge, un écrin adapté, rappelle plus largement qu’il ne suffit pas de se sentir torturé pour être un artiste. Il faut travailler, sortir de soi, revenir. Travailler encore.

Il arrive à tous les grands de connaître des creux. Cela dit, J’AI MENTI. a quelque chose de plus grave qu’un simple raté : il amène insidieusement à réévaluer jusqu’aux premiers albums. À moins d’être une sorte de performance ironique, qui se fout de la gueule de son public, des journalistes qui se démerdent pour y voir du génie, et surtout : de lui-même. Dans ce cas-là, il faudra peut-être lui reconnaître l’audace qu’il semble persuadé d’avoir. Et encore. Manue