Du vieux avec du neuf Roc Marciano – « Downtown ’81 »
Roc Marciano a régné comme personne sur les années 2010. Le clip de « Downtown ’81 », extrait de son dernier album Mt. Marci, apparaît comme le manifeste de ce règne. En voyage à Tokyo, Marciano y est présenté comme un pacha qui pue l’opulence : on le voit tailler des bonzaïs, jouer au croquet, errer en peignoir Versace dans la suite luxueuse de son manoir, ou au milieu de son immense domaine. Irrémédiablement seul, mais un doigt d’honneur levé vers les envieux. Comme un vieil alter ego apaisé de Tony Montana, il s’est assis sur des montagnes de coke, au point d’en voir partout (« The old white Alpha Romeo look like yayo ») mais sans jamais glisser dans le drame (« I’m baking coke, I made all this cake, I’m scraping the bowl like a eight year old »).
« Downtown ’81 », qui est aussi le nom d’un film consacré au peintre Basquiat, joue avec les chiffres : la vitesse en mph d’une Mercedes-Benz, la date du premier défilé Gucci, le nombre de points marqué par Kobe Bryant face aux Raptors de Toronto en 2006. Patchwork habile de prises de vue réelles et d’extraits de films ou de documentaires, la vidéo de Jason Goldwatch, avec son grain consistant et sa pellicule griffée, illustre idéalement ce jeu et résume la formule en place depuis Marcberg : non pas faire du neuf avec du vieux, mais faire du vieux avec du neuf. Au sommet depuis déjà quelques années, non seulement Roc Marciano n’a plus grand-chose à prouver et le sait (« I ain’t gotta have a pitch for this to sell, this shit sell itself »), mais il rend sa position tellement confortable qu’il y a de quoi en être décontenancé. — David²