Spécificités locales Muge Knight et Relo : une autre facette du rap marseillais
En 2020, plusieurs coups de projecteur ont été mis sur Marseille. Un médecin local, bateleur médiatique, charlatan pour les uns, sauveur au franc-parler pour les autres, a été imprimé sur des bougies, mis en scène dans un clip. Des élections ont mis fin au règne de Jean-Claude Gaudin Skywalker (en poste depuis 1995), plaçant durant quelques mois une militante d’EELV au pouvoir, avant un retournement de situation digne de Baron noir. Côté rap, Jul a sorti la compilation de la décennie, réunissant une cinquantaine de rappeurs marseillais de trois, quatre ou cinq générations différentes – selon le mode de comptage, tous crédités à égalité comme producteurs. Puis, Didier D. Daarwin et Gilles Rof ont réalisé et sorti, le mois suivant, un documentaire rétrospectif sur le rap de la ville (pour un compte rendu c’est ici et pour voir le très dynamique trailer, là)
Ce documentaire devait, à l’origine, donner la parole à beaucoup plus d’acteurs de la scène marseillaise, notamment moins connus. Relo (ex-Napo) en faisait partie. Ses dernières sorties, ainsi que celle du rappeur d’Endoume Muge Knight avec Mugeland, sont les manifestations récentes d’une autre facette du rap local. Si Paris a son Scred festival, Marseille n’a pas d’événement aussi visible visant à unifier temporairement (une partie de) cette scène chérissant l’indépendance – malgré l’existence de lieux comme Le Molotov, le Dar Lamifa ou les PMU du coin. Relo et Muge Knight ne sont absolument pas proches du son Jul (comme TK) mais ils ne sont pas non plus de stricts héritiers d’IAM. Ils appartiennent à cette nébuleuse de rap souterrain, à l’instar de R.E.D.K (lui, plutôt célèbre) ou Allen Akino, avec qui Relo a fait ses premières armes avant de rejoindre Néochrome. Les deux ont non seulement le goût de la punchline politico-sociale mais sont aussi investis dans la vie de leur ville, à l’initiative d’actions sociales, du concert pour les familles des victimes de l’effondrement de la rue d’Aubagne à l’animation d’ateliers dans son centre social. Pratiques reflétées dans les thématiques abordées par leur musique, que l’expression « rap de proximité » qualifierait sans doute plutôt bien. Autre point commun, les deux rappeurs effacent leur ego au profit d’un être collectif : les gens de chez eux. Rien ne semble plus leur importer. Les projecteurs mis sur la cité phocéenne ces dernières années peuvent aussi être l’occasion de s’intéresser à leur musique, qui plaira certainement à ceux que les tubes de Jul ont éloigné à jamais de la région. — Manue
Photo : ClementPRT3