Emo rap Lil Uzi Vert, le dernier survivant
Juice Wrld, Lil Peep, xxxtentacion. En l’espace de quelques années, ces jeunes icônes de l’emo rap contemporain ont eu des carrières éclair et des morts tragiques, rattrapées par leur toxicomanie ou leur attrait pour l’autodestruction et la violence. Le genre est adoré ou détesté, mais cette hybridation de tropisme rock avec la trap chantonnée héritée de Future, mêlant nihilisme désenchanté et romantisme toxique (voire violent) sur des mélodies entêtantes, est devenue une ramification du rap à la force incontestable. À tel point que l’industrie du disque américaine s’est empressée de porter son attention et ses billets sur des nouvelles têtes plus édulcorées et lisses, à l’image du succès de 24kgoldn et The Kid LAROI. Pourtant, cette année, un artiste de la même génération SoundCloud que ses défunts anciens collègues a montré qu’on pouvait survivre aux travers liés à ce sous-genre sans en altérer sa formule : Lil Uzi Vert. Après le succès de son Luv Is Rage 2 en 2017, porté par l’incontournable « XO Tour Llif3 », le rappeur de Philadelphie a profité de ses trois ans de hiatus forcé (un différent avec son label) pour affiner sa direction musicale. Toujours le cœur en peine mais le menton crânement levé, Lil Uzi Vert passe de productions bruitistes et agressives (« POP », « You Better Move », « Homecoming ») à des titres plus fleur bleue, oniriques et fluorescents, où des bouts de voix féminines rencontrent parfois des chorales gospel (« Celebration Station », « Bigger Than Life », « Bust Me »). Comparé à Playboi Carti, qui a choisi avec son Whole Lotta Red de pousser le curseur vers une trajectoire plus anarchique quitte à être souvent poussif, Lil Uzi Vert a, lui, peaufiné et affiné sa musique, gommant son image de diva exubérante pour présenter un album qui semble mûrement réfléchi derrière son flegme parfois agaçant de fuckboy. C’est ce qu’on appelle grandir. — Raphaël