Hommage Le Petit Robert est orphelin

Cela peut sembler assez décalé de rendre hommage à un linguiste dans une rétrospective consacrée à l’année rap. Ça doit le paraître encore plus à l’heure où une masse des productions parie sur des gimmicks destinés à rentrer dans le crâne comme des slogans publicitaires. Mais Alain Rey ne s’embarrassait pas de ce genre de considérations. Il était un allié du rap, quelle que soit la forme de cette musique. Il voyait en elle l’un des vecteurs qui empêchent la langue française de se “momifier” pour reprendre ses propres termes. Il a toujours été attentif à ce que la musique actuellement la plus écoutée par les Français dit de leur langue. Lucide sur son évolution (“Aujourd’hui, cette musique s’est popularisée et son langage correspond plus à une génération qu’à une classe sociale”), passionné par cet usage du langage aussi bien pour son lexique que pour sa rythmique (“Le langage va être aussi utilisé par les rappeurs comme un matériau”), le linguiste participait à apaiser les débats et à gommer le conservatisme dont se parent bien trop souvent les institutions chargées de documenter la langue de Molière. Alain Rey ne veillait pas sur la langue comme se garde jalousement un trésor. Non, il veillait le Français comme un parent considère son enfant : ne cessant jamais de grandir et de s’enrichir des expériences de la vie et du contact des autres, quelque soit son âge. On perd un lieutenant. — zo.