Embrasement La fin d’année énervée de Nekfeu
En 2019, Nekfeu sortait du silence avec Les Étoiles Vagabondes, un album concrétisant le summum de son hypersensibilité. Celle qui agace ou fait mouche, selon les gens. Après avoir exprimé de la compassion pour les pigeons ignorés dans le titre éponyme, comment ne pas devenir une caricature ? Premièrement, avec un sérieux retour sur lui-même, une suppression de tous ses réseaux sociaux. Deuxièmement, en relativisant – opération amorcée avec la fin des Étoiles Vagabondes : « faut que j’arrête de me plaindre, y a tellement pire en ce bas monde… » (« Όλα Καλά ») Face à une pandémie mondiale, en pouvant souffler et retourner traîner dans Paris grâce au masque obligatoire, les pressions du succès et de l’argent paraissent quand même bien peu de choses. Troisièmement, en insultant son public, celui offusqué par le fait qu’il soutienne les Gilets Jaunes ou celui qui ne jure que par Lomepal et lui car « ça c’est de la vraie poésie, pas comme Kalash Criminel ». Raté. Kalash Criminel, justement, raconte que pour « Turn up », leur featuring sur Sélection naturelle, le choix de la prod s’est fait en harmonie avec l’humeur colérique du jeune Grec – certaines notes ressemblent même à « Fuck le 17 ». Quatrièmement, avec des featurings de qualité : un en compagnie d’un rappeur prometteur de la capitale (Lesram) et un autre avec Alpha Wann. Les passe-passe remettent toujours les pendules à l’heure. Enfin, cerise sur le gâteau, en insultant Skyrock. Dans « san andreas », Nekfeu se lâche complètement : « Skyrock, pédophile FM chez nous y a personne qui les aime ». La phase arrive peut-être une poignée d’années trop tard, mais elle fait plaisir et sert au moins de piqûre de rappel. Nekfeu se radicalise – nos ministres ajouteraient certainement, « sous l’influence des black blocks de son entourage », cf. « les casseurs je les comprends si tu veux savoir je les fréquente même » dans son featuring avec Népal. Et promet de ne pas devenir la parodie de rappeur poète-dépressif qu’il abhorre. Reste à voir si ce virage est tenable sur la durée ou si les torpeurs creuses de la variété française l’attireront du mauvais côté. Peu de chances que cela arrive, si, comme annoncé, il se lance dans un album commun avec Alpha Wann. Voilà la réponse au dégoût de la vie : l’amour pur du rap pur. Les années à venir feront office de test pour le Fennec. S’il le réussit, il sera placé dans la catégorie, non des épiphénomènes ou des gros vendeurs, mais définitivement celle des grands rappeurs de sa génération. — Manue