Ced Hugues ou le chef d'orchestre de Virginie
La Virginie a toujours été une terre d'expérimentation et d'excellence. Pharrell, Chad et Tim se sont rencontrés très jeunes dans ces contrées avant de devenir des producteurs hors normes. Ils évoluaient dans l'ombre d'une légende, Teddy Riley, déjà installé dans le coin depuis de nombreuses années. Un peu à l'écart de la folie de New York, de la dureté de Philly, DC ou Baltimore, Norfolk et Virginia Beach sont des bases arrières de la création artistique Rap et R&B. Après une génération exceptionnelle maintenant intouchable, la relève débarque avec déjà une tête de file : D.R.A.M.
Avec un talent de touche à tout singulier et une interprétation incroyable, Big Baby D.R.A.M. a réussi la meilleure année de sa jeune carrière, explosant les scores avec son "Broccoli", sublimant Young Thug et Erykha Badu sur son magnifique album éponyme. Entre positivisme radical, musicalité éprouvée et envolées de weirdo génial à la ODB, D.R.A.M. se place comme un ovni sensible qui devrait apparaître bientôt dans tous vos cieux étoilés. Très partageur, le rappeur/chanteur au sourire constant est l'arbre qui cache une forêt des plus denses, un ensemble d'artistes virginiesques très créatifs regroupés sous la bannière RBLE. Oui, en effet, des rebelles. Et à l'origine, il y a un fédérateur : Ced Hughes.
Cela fait déjà presque 10 ans que Ced Hughes écûme les réseaux underground du rap post-internet. Rappeur et producteur, le jeune loup a la bonne idée de créer un groupe d'artistes, rencontrés au fil d'open mics et autres soirées débridées de fraternité. Il se refait alors une deuxième santé il y a quelques années avec des plus jeunes que lui comme le très bon Max Fullard, le versatile Artel Carter et le producteur ingénieux Gabe Niles.
Gabe lui présente d'ailleurs son associé musical, un personnage alerte et hilare. Derrière une masse de long cheveux presque vivants se cache D.R.A.M., futur nominé aux Grammys. Justement, Gabe Niles est à l'origine de "Cha Cha", le propulseur de D.R.A.M., polémique Drake incluse. Le groupe se structure et chacun sort son projet avec ou sans ces acolytes. L'énergie est décupelée, testant dans toutes les directions, toujours très organiques, teintés de jazz et de soul, avec beaucoup d'instruments et d'originalité.
L'année 2016 est un grand tournant pour cette équipe grâce bien sûr à la sortie du deuxième album de D.R.A.M., comète virevoltante, même si les RBLE sont peu présents à part en co-productions de Gabe Niles et Ced Hughes. Mais c'est aussi avec deux albums réussis que le sauce prend : Nights of The Fourth de Max Fullard et surtout Life in Technicolor de Ced Hughes.
La trentaine passée, Ced le presque ancien démontre sur la longueur que toute cette énergie le maintient au dessus de la mêlée, entre mentor comblé et rassembleur unanime. La baguette levée, il attend le prochain mouvement pour lancer tout son ensemble d'une seule voix, d'un seul geste. Comme Karajan face à Beethoven, la symphonie est toujours héroïque. Et avec D.R.A.M. dans le coin, ça sera forcément une ode à la joie.
- LeCaptainNemo