Young Nudy, fin gourmet de la trap
Depuis la publication en 2017 de sa quatrième mixtape Nudy Land et son titre phare “Loaded Baked Potato”, c’est devenu une tradition : Young Nudy parsème à intervalles réguliers de sa discographie ce que l’on pourrait qualifier de food songs. Inscrite au panthéon du natif d’East Atlanta, cette série de morceaux aux intitulés toujours plus farfelus a fait naître dans l’esprit commun l’idée d’un album entièrement basé sur ce concept. Comme tout bon rappeur qui se respecte, Nudy saisit cette opportunité. Il rassemble les meilleurs ingrédients auxquels il n’a pas déjà pensé auparavant, — du canard le plus raffiné au classique fish & chips —, s’offre un festival d’accompagnements en tout genre et se permet même un dessert copieux et fruité. Toutes ces gourmandises sont à retrouver dans les 13 morceaux qui composent Gumbo, son dernier album en date sorti le 28 février. Évidemment, seules leurs appellations ont un quelconque rapport avec l’art culinaire. Premier single clippé, “Pancake” révèle un Young Nudy possédé par le fantôme d’un jeune Gucci Mane, l’un de ses pères spirituels, au point d’en adopter parfois les mêmes intonations. En totale maîtrise de son art, il multiplie les changements de rythmes et se joue de nos attentes comme un prédateur avec sa proie. La thématique principale reste la même que d’habitude : éliminer ses ennemis dans l’amusement le plus absurde (“All that clown shit/Gun you down quick/Laughing with the stick/Blast a lot of shit/And when I blast, I don’t miss”). Lui-même ne s’en cache pas, ses états d’âme ne sont pas à vendre. Seule la gangsta shit compte, alors autant la rendre fun et addictive. Une partie de cette magie se cache d’ailleurs entre les mains du producteur Coupe, architecte majeur de la musique de Nudy depuis son œuvre la plus aboutie à ce jour, Anyways. Les productions de Coupe n’ont pourtant rien de particulièrement innovantes, mais elles capturent subtilement une humeur, parfois un état d’esprit plus général, avec des sons souvent étranges que l’on croirait empruntés à un jeu vidéo ou un film d’horreur. Dans “Pancake”, ce son est sinistre, rappelant d’outre-tombe les sensations procurées par les premières cassettes de la Three 6 Mafia (“Playa Hataz” en particulier). Face à une trap mainstream bien trop sage et en perte de créativité, Young Nudy et Coupe forment un duo unique d’ores et déjà devenu indispensable pour le genre. Gumbo et “Pancake” en sont une nouvelle fois la preuve.