SUMMUM KLAN, projet Blue Flame
Voilà au moins cinq ans qu’un collectif – au sens fort du terme – indépendant, calé entre Marseille et Paris nord propose une musique singulière en France, notamment sur la plateforme préférée des diggers de moins de trente-cinq ans, SoundCloud. C’est le SUMMUM KLAN. Les blazes des uns et des autres suffisent à indiquer les influences : le K du Raider Klan, les $ de A$ap… La trap undergroud états-unienne parfois mâtinée de punk-rock et surtout de basses saturées, l’imaginaire et le style qui vont avec. Le titre, Blue Flame, convoque-t-il la flamme des drogues conçues au même endroit que ces musiques ? Le nom d’un stripclub sudiste ? Peut-être aussi, un feu différent des autres, à la couleur froide mais paradoxalement le plus chaud : les superlatifs font partie de l’imaginaire du Klan, le « 8848 » accolé à leurs pseudonymes, titre de leur première mixtape – suivant le goût pour les symboles et les chiffres ésotériques qui caractérise un pan de notre rap français souterrain – désigne la hauteur en mètres du plus haut sommet du monde, l’Everest. Mais n’y voir qu’un calque francisé de ces tendances outre-atlantique serait injuste, même si la fascination wannabe des rappeurs français pour l’attitude et la musicalité états-uniennes fait partie du jeu – ce n’est pas le fils d’Akhenaton qui dirait le contraire. Ce serait encore plus faux pour ce deuxième EP, sorti après SSR en 2018, celui-ci entièrement produit par Rolla (également à l’œuvre, entre autre, dans le très bon Le son d’après de Lala &ce). Blue Flame laisse place à plusieurs producteurs proches ou appartenant au groupe ; la première partie surtout, choque par sa douceur capitonnée, propre, l’usage « cloud » impeccable de l’auto-tune, des ritournelles en refrain qui restent gravées en tête dès la première écoute (« Dans le Koeur » particulièrement) et qui sonnent plutôt « rap français ». La deuxième renoue davantage avec la noirceur saturée des projets précédents. SUMMUM KLAN condense donc une connaissance pointue d’un des pans les plus originaux de l’indépendance états-unienne – et pas que, son goût pour l’insolence stylisée, avec une exigence de sonner unique qui pointe le bout du nez. Il a d’ailleurs fallu un an de travail pour que ce deuxième projet voit le jour. Là où les cousins de Lyonzon sur En attendant la popance (dont deux des membres, Azur et Jolly, « celui qui rappe en italien » pour les nouveaux, sont en featuring) s’affichaient résolument comme tenants du no-melody, le Klan fait coexister mélodies, chantonnements nerveusement chuchotés et certains titres plus fidèles à l’esprit banger, tels que « Klap Klap ». Etrangement, Blue Flame donne la sensation d’une musique innovante et familière à la fois, exigeante et accessible, souterraine et, par moments, faite pour briller.