Dix ans après, Casey & Tcho clippent un chef d’œuvre
Il y a dix ans sortait le teaser du deuxième album studio de la meilleure rappeuse de France, Libérez la bête. « Ilot de tendresse au milieu d’un océan de verre pilé », comme le décrit l’Abcdr à sa sortie, « Rêves illimités » constitue paradoxalement un sommet et une exception de son art. Classique, certainement, et retour introspectif rare sur une trajectoire – pas seulement tragique : « Rêves illimités », c’est aussi la goutte d’espoir au sein d’une discographie d’horizons bouchés et de décors bâclés. Casey a donc décidé de clôturer la décennie en donnant une identité visuelle à ce morceau iconique, à partir d’images et de vidéos d’archives agencées par la patte claire-obscure de Tcho. Parmi ces archives : le teaser de Libérez la bête , où l’image d’une jeune Casey seule dans une salle de classe résonne parfaitement avec le « dissipée, mal dans ma peau », les verdicts scolaires empruntés par sa voix sans nuancer ni douleur ni rébellion ; extraits de clips mythiques (« Pas à vendre », « Apprends à t’taire », « Chez moi », etc.) ; de lives et concerts marquants (comme à la Miroiterie en 2013). Et aussi, prises de parole à la pertinence redoutable, dans des contextes aussi différents que Streelive (où elle parle entre autre des révoltes de 2005), séminaire de l’Ecole Normale Supérieure, interview pendant un rassemblement contre Exhibit B, mise en scène horriblement réifiante de « zoo humain » par un artiste blanc, fortement critiquée en 2014. Le résultat touche : si l’esthétique est toujours aussi sombre, le clip dévoile dix ans plus tard à quel point les rêves d’une rappeuse pourtant cynique et sans illusions ont trimballé loin, très loin, sa timidité et son intransigeance, désormais légendaires.