Sidekicks

Il y a des morceaux qui fonctionnent parfois simplement parce que leur interprète arrive sur la prod’ comme si elle prenait une vague. Mandyspie entre clairement dans cette catégorie : active sur la scène Souncloud française depuis trois ans, la rappeuse franco-canadienne de 23 ans (elle est née à Montréal puis a grandi dans le 93) revenait mi-septembre avec La Vie En Rose / Vision deux morceaux aussi simples qu’hypnotisants, tant elle donnait l’impression de glisser sans difficulté – et tout en nonchalance – sur les mélodies de ses producteurs.

Depuis qu’elle sort ses morceaux en 2020, la francilienne inscrit petit à petit son nom dans la nouvelle scène underground actuelle, avide d’expérimentations, et rejetant les étiquettes. À l’écoute de ses morceaux, il est en effet compliqué de poser un cadre sur la musique que Mandyspie publie régulièrement en ligne. Au printemps dernier, Polar Escape, son premier vrai format long, se baladait ainsi entre jersey atmosphérique (« Winter »), electro pensive (« Yu Gi Oh ») et plug rêveuse (« Fall in luv ») tandis que plus récemment à la rentrée, c’est du côté d’une trap synthétique bondissante et à la fois onirique que la jeune femme s’essayait. 

Conçu comme deux faces très différentes d’une même pièce, La Vie en Rose / Vision laisse d’abord entendre une Mandyspie rappeuse, arrogante et laidback sur « La Vie en Rose », un morceau bien ancré dans les codes de la scène Soundcloud actuelle (les bruits d’épées ne trompent pas) avant de la voir ensuite s’essayer avec succès au chant et à quelques moments plus personnels sur « Vision » deuxième morceau dont les synthés et les voix oniriques dédoublées n’auraient sans doute pas déplu à un Clams Casino. 

Sans avoir l’air de faire un seul effort (une impression fausse, évidemment) Mandyspie montre avec La Vie en Rose / Vision que le travail et les tests qu’elle réalise depuis plusieurs années finissent par payer. Plus sûre d’elle, agile dans son écriture mais aussi dans sa manière de poser sur des sonorités pas forcément évidentes à appréhender, la rappeuse semble maintenant prête à affronter de nouvelles vagues. Ne reste plus qu’à attendre la prochaine marée.

2023, semble être une année de confirmation pour The Hoodies, duo originaire du nord de l’État de New-York, formé au milieu des années 2010. Eben « E-Class » Nettles et Umar « Young Poppa » Abrams, ont choisi ce nom pour renverser le stigmate que le sweatshirt à capuche représente pour les hommes afro-américains, en particulier depuis le meurtre du jeune Trayvon Martin en 2012. Les deux frères se sont fait connaître à travers des vidéos de freestyles intitulées In The Whip, produites depuis la voiture de leur mère, et devenues virales sur les réseaux sociaux. Un joli début de notoriété pour ces flows découpés au rasoir (celui de E-Class n’est pas sans rappeler les grandes heures de Meek Mill) qui ont aussi bien attiré l’attention de Funkmaster Flex, que celle de l’animatrice de télévision Ellen DeGeneres. Un premier EP plutôt solide et réussi, What Pressure Makes, est disponible depuis le printemps dernier, et puisque rien ne semble arrêter le duo, leur single intitulé « I’m Hot », avec rien de moins que Kid Capri à la production, est sorti début octobre, juste avant un album complet également produit par le DJ du Bronx. Si cette légende du hip-hop est plus connue pour ses talents aux platines que dans le beatmaking, cette sortie résolument boom bap n’en reste pas moins efficace dans l’ensemble, et représente une étape importante dans le parcours de The Hoodies. Affaire à suivre.

Classer la musique de Coucou Chloe n’est pas une chose aisée. Il faut dire que depuis sept ans maintenant, cette productrice et interprète française basée à Londres ne cesse de brouiller les pistes sur les délimitations sonores de ce qu’elle sort à intervalles réguliers. Révélée en 2017 avec son morceau « FLIP U » et son étrange clip dans une patinoire, Erika Jane n’a depuis jamais cessé d’explorer les frontières existant entre le monde de l’electronique et du rap, accompagnée de sa voix susurrée. En solo sur plusieurs EPs, mais aussi aux côtés de NUXXE, un des labels musicaux les plus excitants de ces dernières années pour ses réactions chimiques sonores, qu’elle a cofondé avec le producteur Sega Bodega, la chanteuse (aussi française) Oklou et la rappeuse Shygirl depuis Londres. Malgré tout ça, les sorties de Coucou Chloé se limitaient jusque-là à des (nombreux) singles et quatre EPs à la durée en dessous des vingt minutes. Dévoilé au début du mois d’octobre, le premier vrai « long » format de la Française (25 minutes) vient finalement parfaitement remédier à cette frustration. 

Long de dix morceaux, FEVER DREAM vient solidement ancrer toute l’inventivité de la musique de Coucou Chloe, déjà saluée de l’autre côté de la Manche, à l’image du magazine Mixmag qui lui offrait sa couverture dans le pays en mai dernier. Entre sonorités club, influences de la bass music anglaise, et productions trap étouffantes, la productrice montre ici toute l’étendue de ses capacités et de ses influences entraperçues ces dernières années. D’un titre dansant aux basses martelées (« DRIFT ») on passe à des morceaux trap synthétiques et décharnés en compagnie de Brodinski (« IDK », « BEEF IT UP ») avant d’aller vers du rap blindé de basses saturées (« WEDDING CAKE » avec la rappeuse japonaise NENE) ou lancinant et menaçant sur « ICE CASTLES » avec le jeune rappeur américain Matt Ox. En jouant encore plus avec les genres, Coucou Chloe confirme finalement sur FEVER DREAM ce que l’on sentait déjà dans tout ce qu’elle faisait ces dernières années : un véritable désir de faire ce que bon lui semble, sans se soucier d’être catégorisée. À l’écoute de ces nouveaux morceaux, la mission devient – et c’est une qualité – encore plus compliquée.

Après son album Parachute sorti en 2021 et la création de son propre label Apresminuit en 2022, le rappeur havrais BRAV remet de l’huile sur le feu avec « Plus d’amour » produit par Matthieu Mendès (producteur français ayant travaillé avec Matt Pokora entre autres).

Véritable destructeur de codes traditionnels, BRAV traite en trois minutes dix-sept secondes la majorité de ses maux et ceux du monde actuel. Avec une plume reconnaissable qui fourmille de figures de styles complexes, le rappeur jongle avec les mots et joue avec leur sens sans les détourner de leur définition. Habitudes de consommation, amitié et traîtrise, amour, politique, chaque domaine a le droit à sa gifle. Si bien que BRAV ne voit le bout du tunnel que quand il fixe le bout de son canon. Compliqué de vivre dans une société où parler de Bolloré et Lafarge est plus risqué que de « tabasser sa gonzesse. » Une tendance suicidaire qui le rend quelquefois iconoclaste tant il casse les modèles orthodoxes de la société (« On sait tous que les couples durent moins longtemps que les crédits immobiliers »). Même s’il évoque la possibilité d’être peut-être devenu fou à lier, BRAV ne perd pas son humour. Il l’utilise en tournant en dérision les chiffres de sa carrière (« J’ai vu des photos avec des poneys faire plus de vues que toute ma carrière ») et en réalisant un constat de son audimat (« Des gens pas foutus de se révolter qui m’écoutent que quand ils ont besoin d’être en colère »).

« Plus d’amour » imprègne la musique de l’artiste d’une mélancolie qui ne lasse pas. La différence de ton et d’écriture est ce qui fait la spécificité de son art et n’en fait pas du rap conscient sans âme, tant BRAV y voue l’entièreté de sa vie.

Juin 2020, la rappeuse de Lagos Aunty Rayzor, sort « Kuku Corona », produit par le français Mathieu Insa (actuellement directeur de l’Institut Français du Soudan) via le label lyonnais Blanc Manioc. À cette période, le Nigeria est en déconfinement, autant dire que ce titre très accrocheur arrive à point nommé, à tel point qu’il en devient un tube national. Cette première sortie est aussi une bonne introduction à l’univers de l’artiste : une voix quelque peu nasillarde et une diction toute en assurance, dans un mélange de pidgin nigérian (aussi appelé broken english) et de langue yoruba, sur une production plutôt épurée et engageante. 

L’été dernier, alors que le président de la république recevait le sinistre Narendra Modi, pour le défilé militaire du 14 Juillet, la scène du Fort d’Aubervilliers en Seine-Saint Denis faisait fête grâce au festival ougandais Nyege Nyege, soutenu par le média Pan African Music. Une édition qui accueillait entre autre Aunty Rayzor, dont la prestation restera parmi les temps fort de la soirée : charismatique, en connexion avec son public, et accompagnée d’une danseuse dotée d’une énergie folle, la rappeuse propose un show de haute volée, plus que convaincant. 

Pas de quoi perdre la cadence, avec la sortie en septembre dernier, de son premier album, Viral Wreckage, solide proposition, sur laquelle Aunty Rayzor alterne flow incisif et partie de voix chantés sur des instrumentaux trap, des rythmes ouest-africains, des couleurs afro-electro, et des titres mélodieux, comme le très enjoué « Sise », accompagné du congolais Titi Bakorta.

Bonne nouvelle pour les franciliens, l’artiste sera en concert ce samedi 14 octobre au Mazette, 69 Port de la Rapée, 75012 Paris, pour un nouvel épisode du festival Nyege Nyege. 

Il y a des matins où vous vous réveillez et un père Noël a glissé un colis sous la porte. Et même si cela reste de la musique dématérialisée, la magie opère. Après deux volumes de Soul Food, Madizm troque la soul par le blues, change le flacon mais garde l’ivresse. Album instrumental, comme ceux précités, Blues Food poursuit une même ligne directrice : celle d’un héritage instauré par le procédé du sample et la volonté de faire revivre, par petites doses savamment découpées, de vieilles pépites. On y entend un vocal de Long Red, une ligne de basse de The New Birth, une autre de Little Junior Parker ou encore un accord de cordes soulful de Luther Ingram, tous utilisés maintes fois dans la production hip-hop. Alors, à la vue de ces noms, il n’y a pas que du blues, il y a bel et bien de la soul, peut-être même un peu de funk, mais dans le fond cela reste la même musique qui s’est transformée au fil du temps. L’occasion pour Madizm de remontrer ses skills de producteur et « remercier les grands génies de cette musique et mesurer l’importance et l’apport du Blues au rap et au beatmaking », comme il le rappelle sur la description de cette ogive disponible sur son bandcamp. Pour preuve, le titre « Dont let me fade away » qui n’a besoin d’aucun rappeur pour vous faire bouger la nuque.

Il en est fini du petit prodige intrigant, ça y est, H JeuneCrack  est un rappeur qui compte pour ses pairs autant que pour le public. Un public qui s’élargit de sortie en sortie depuis l’EP 1er cycle en 2021 et dont les rangs devraient encore s’épaissir à la suite de La Pieuvre, une co-production Opale Système et Don Dada, le label du H et celui d’Hologram Lo’. C’est à l’occasion d’un concert à la Gaîté Lyrique qu’a été annoncée l’arrivée de cet EP  trois titres, une petite semaine en amont.

Ce format court fait suite à d’autres projets collaboratifs dans la discographie de H JeuneCrack, qui, s’il est lui-même beatmaker, aime s’octroyer le soutien d’autrui : Beamer (Mauvaise musique), Bricksy & 3G (Cactus Musique) et désormais Lo’. D’une durée inférieure à la dizaine de minutes, La Pieuvre laisse au Cracken le temps de montrer une seule de ses tentacules, celle du performeur. Trois morceaux, quatre instrus, un invité, et roulez jeunesse !  La démarche n’est pas introspective, même si heureusement, le rappeur met des morceaux de lui dans ses morceaux. Il se présente comme casanier, intelligent, pudique et fragile. Drôle aussi.  Sur « La preuve » et son instrumental minimaliste, H JeuneCrack joue comme il aime le faire sur le contraste entre un égotrip démesuré (« J’rappe pour pas qu’on entende le bruit d’ton corps dans la baignoire avec l’acide », une ligne que n’auraient pas renié Escobar Macson ou B.James) et une pureté candide (« Bon vivant : thé glacé, tartelettes framboise et cassis à l’heure du goûter »). Ce jeu de clair-obscur, il le maîtrise et ce n’est pas nouveau ; aussi ne surprend il pas comme il put le faire par le passé.

De fait, les ingrédients de la H JeuneCrack-recette commencent à être connus et aucun ne manque au poulpe qu’il vient de servir. Et il y a fort à parier qu’il est conscient de cela lorsqu’il dit « J’lâcherai la vraie pure quand vous serez assez à l’écoute ! » Un risque demeure : celui de se répéter, en se reposant sur des mécanismes d’écriture trop bien rôdés. Les skills du H JeuneCrackinho s’inscrivent néanmoins dans une vision globale du jeu, vision en laquelle la confiance est permise. Il a les références rap qu’il faut, n’a pas à rougir face aux meilleurs kickeurs de son temps (Mairo ou ici Infinit’), et ne cesse de répéter qu’il travaille pour réussir dans le domaine.

Après le très bon Matière Première, plus dense et qui laissera une empreinte plus durable dans les mémoires, La Pieuvre constitue une agréable dragée pour les initiés, et il faut l’espérer, elle servira de lucarne aux autres. Une petite fenêtre donnant sur un brillant rappeur polymorphe, apte à user de chacune de ses tentacules pour tenir un micro sur scène, taper sur une machine à faire des beats, écrire sur un cahier d’écolier, et gifler les prouveurs.

Quelques heures se sont écoulées entre le moment où Jeune LC annonça la sortie prochaine d’un nouvel EP et la libération de celui-là. Le 14 septembre, fin d’été, presque début d’automne, il dévoilait Fin de jeu. Quatre titres pour une douzaine de minutes de « réel gangsta rap, enregistré à l’arrache » tel que le Parisien en offre de temps à autre depuis deux décennies. La monnaie unique européenne était tout juste mise en circulation que le très jeune Mehdi LC posait déjà sa voix sur des instrumentaux, avec son copain Rafcha notamment. Leur groupe s’appelait Grands Boulevards et leur rap avait attrait à l’indépendance, à la course à la maille, à la capitale française et à la réalité brute du monde. Des années et des années plus tard, le toujours Jeune LC n’a pas tellement dilué sa liqueur ; il retranscrit encore son environnement urbain et décline en musique sa quête de liberté, de quiétude. Reconnaissable entre tous, le rappeur a définitivement son style propre, inimitable.

Il n’y a donc pas de franche surprise avec Jeune LC, hormis celle d’avoir le droit de l’entendre rapper à l’occasion. Et alors s’ouvre un chemin éclairé d’une lumière jaune, qui mène aléatoirement aux pavés de Strasbourg Saint-Denis, aux galets d’une calanque phocéenne, à des cailloux de crack. N’ornant ni son écriture ni son flow d’effets vides de sens, LC pose un buvard absorbant sur le monde puis se le colle à la langue avant d’entrer en cabine. Sans filtre, il évacue la réalité en rap, comme le faisaient en leurs temps Tupac ou Pimp C, qu’il cite au détour d’un couplet. Et en dehors du dehors, Mehdi trouve l’inspiration au loin, au fond de son âme et de ses plaies.

Sur Fin de jeu en 2023 comme sur Croyance et perdition en 2019 puis comme dans tous « ses raps » (Jeune LC est de ces rares O.G qui emploient ce pluriel sans se couvrir de ridicule), il dévoile beaucoup de lui et de ses tourments. Au rythme des prières et à celui des repas, au fil des silences et à celui des lectures, selon les allers de l’amour et les retours du chagrin, la musique du Jeune se fait souriante, éplorée, aimante, triste, grise, solaire, violente, douce, et tout cela cumulé. Comme quelques lignes de poudre peuvent faire provoquer tant de sensations contraires, quelques lignes d’encre suffisent ici à passer par cent émotions. C’est à nouveau la réalité, rien que la pathétique réalité, toute la splendide réalité.

Dans la carrière de Busta Flex, son deuxième album Sexe, violence rap & flooze, sorti en 2000, tient une place particulière. C’est avec ce disque que Stabeu a marqué son envol du mentorat de Kool Shen, à la réalisation de son premier opus éponyme. Sur ce deuxième disque, le rappeur d’Épinay-sur-Seine proposait une musique plus sombre par moments, plus sérieuse, en comparaison à l’exaltation de jeunesse de Busta Flex. Sexe, violence rap & flooze n’a pour autant pas manqué de ces petits hymnes dont Busta a le secret, à l’instar de « Hip-Hop Forever ». Ce deuxième album a été réédité en vinyle cette année. Pour fêter cette réédition, Flex remonte sur scène, au théâtre Les Étoiles, à Paris, le samedi 30 septembre prochain. La billetterie est toujours ouverte, mais l’Abcdr du Son vous fait gagner des places, au tirage au sort, via nos réseaux sociaux.

Au tout début de l’année 2022, Okis se présentait discrètement à travers les huit titres composant OK, sa première sortie officielle. Quelles que fussent ses ambitions du moment, le Lyonnais se révéla être d’une part un bon rappeur, et d’autre part un auteur atypique. Par des titres comme « PELO2VILLE » ou « ARRIERE PLAN », par ses références aussi puis par son lexique en général et son argot en particulier, Okis posait efficacement le décor de son rap. Pour reprendre l’expression usuelle et quelque peu galvaudée, il introduisait son univers. Le vaste monde d’Okis semblait s’étendre au moins dans toute la capitale des Gaules, peut-être même au delà, jusqu’au bout du Rhône (le département, pas le fleuve, n’exagérons rien). Il paraissait écrire et rapper pour son secteur, pour les banaveurs et les rouilleurs qui l’arpentent, et probablement ne songeait il pas que cette mixtape, OK, trouverait un bel auditoire en dehors de la ville des Lumières. Lorsque l’Abcdr l’avait contacté, au printemps suivant, Okis confiait d’ailleurs son étonnement quant à l’accueil reçu par sa jeune musique. Elle allait contre la volonté des algorithmes, conquérant les cœurs des curieux sans autre critère que le talent d’écriture.

De fait, après l’excellente surprise OK, le premier album de l’autoproclamé « Roi des banaveurs » est attendu. Maintenant qu’il s’est mis à partager son rap, Okis continue à se dévoiler, certainement contre sa nature, puisqu’il confie au détour de son nouveau morceau : « C’est ma vraie passion, j’apprends l’métier l’pied à l’étrier, j’vais m’rétamer t’façon parce que j’écris, j’me sens épié… » ou encore « Il y a quelques gens qui m’écoutent, faut croire, merci mais c’est hyper space… » Visiblement, il ne goûte qu’à moitié la relative notoriété de son art, intimidante.

Sur une production de Mani Deïz, avec qui il s’est parfaitement trouvé ces derniers temps, il rappe pendant cinq minutes, sur lui, sa routine, et ses tragédies. Intitulé « J’arrive », le morceau laisse à nouveau entendre toute la singularité d’Okis, enfant échappé des traboules du Vieux Lyon et des parkings de Bron. Portant fièrement l’étendard d’une ville d’art et d’histoire(s) , il mêle les mythes de sa zone aux considérations plus personnelles, même intimes. À l’entendre se confier ainsi, on s’imagine partager un tacos braisé Chez Hugon ou des ris de veau aux 5 Sens, sans plus trop savoir ni le lieu ni la date, si ce n’est un jour, à Lyon, qu’il « verse sur [ses] maquettes comme l’architecture d’Garnier version gaucho. » 

Début novembre, Okis dévoilera donc Rêve d’un rouilleur. Compte tenu de la qualité de cet extrait, tous les espoirs sont permis quant à ce premier album.  Intitulé « J’arrive », il est mis en images avec justesse et sobriété par Maxime Boudehane, Sandra Gomes (photographe bien connue de ces pages, auxquelles elle contribue régulièrement) et Rémi Clauss. Et d’ici au 03 novembre, il n’est certainement pas trop tard pour découvrir ses titres précédents et apprécier d’autant plus la prise de masse musicale d’Okis, qui partage un quotidien ordinairement beau, fait de cendriers, d’errances urbaines et de trente-deuxièmes de finale de Coupe de France.