Sidekicks

Juin 2020, la rappeuse de Lagos Aunty Rayzor, sort « Kuku Corona », produit par le français Mathieu Insa (actuellement directeur de l’Institut Français du Soudan) via le label lyonnais Blanc Manioc. À cette période, le Nigeria est en déconfinement, autant dire que ce titre très accrocheur arrive à point nommé, à tel point qu’il en devient un tube national. Cette première sortie est aussi une bonne introduction à l’univers de l’artiste : une voix quelque peu nasillarde et une diction toute en assurance, dans un mélange de pidgin nigérian (aussi appelé broken english) et de langue yoruba, sur une production plutôt épurée et engageante. 

L’été dernier, alors que le président de la république recevait le sinistre Narendra Modi, pour le défilé militaire du 14 Juillet, la scène du Fort d’Aubervilliers en Seine-Saint Denis faisait fête grâce au festival ougandais Nyege Nyege, soutenu par le média Pan African Music. Une édition qui accueillait entre autre Aunty Rayzor, dont la prestation restera parmi les temps fort de la soirée : charismatique, en connexion avec son public, et accompagnée d’une danseuse dotée d’une énergie folle, la rappeuse propose un show de haute volée, plus que convaincant. 

Pas de quoi perdre la cadence, avec la sortie en septembre dernier, de son premier album, Viral Wreckage, solide proposition, sur laquelle Aunty Rayzor alterne flow incisif et partie de voix chantés sur des instrumentaux trap, des rythmes ouest-africains, des couleurs afro-electro, et des titres mélodieux, comme le très enjoué « Sise », accompagné du congolais Titi Bakorta.

Bonne nouvelle pour les franciliens, l’artiste sera en concert ce samedi 14 octobre au Mazette, 69 Port de la Rapée, 75012 Paris, pour un nouvel épisode du festival Nyege Nyege. 

Il y a des matins où vous vous réveillez et un père Noël a glissé un colis sous la porte. Et même si cela reste de la musique dématérialisée, la magie opère. Après deux volumes de Soul Food, Madizm troque la soul par le blues, change le flacon mais garde l’ivresse. Album instrumental, comme ceux précités, Blues Food poursuit une même ligne directrice : celle d’un héritage instauré par le procédé du sample et la volonté de faire revivre, par petites doses savamment découpées, de vieilles pépites. On y entend un vocal de Long Red, une ligne de basse de The New Birth, une autre de Little Junior Parker ou encore un accord de cordes soulful de Luther Ingram, tous utilisés maintes fois dans la production hip-hop. Alors, à la vue de ces noms, il n’y a pas que du blues, il y a bel et bien de la soul, peut-être même un peu de funk, mais dans le fond cela reste la même musique qui s’est transformée au fil du temps. L’occasion pour Madizm de remontrer ses skills de producteur et « remercier les grands génies de cette musique et mesurer l’importance et l’apport du Blues au rap et au beatmaking », comme il le rappelle sur la description de cette ogive disponible sur son bandcamp. Pour preuve, le titre « Dont let me fade away » qui n’a besoin d’aucun rappeur pour vous faire bouger la nuque.

Il en est fini du petit prodige intrigant, ça y est, H JeuneCrack  est un rappeur qui compte pour ses pairs autant que pour le public. Un public qui s’élargit de sortie en sortie depuis l’EP 1er cycle en 2021 et dont les rangs devraient encore s’épaissir à la suite de La Pieuvre, une co-production Opale Système et Don Dada, le label du H et celui d’Hologram Lo’. C’est à l’occasion d’un concert à la Gaîté Lyrique qu’a été annoncée l’arrivée de cet EP  trois titres, une petite semaine en amont.

Ce format court fait suite à d’autres projets collaboratifs dans la discographie de H JeuneCrack, qui, s’il est lui-même beatmaker, aime s’octroyer le soutien d’autrui : Beamer (Mauvaise musique), Bricksy & 3G (Cactus Musique) et désormais Lo’. D’une durée inférieure à la dizaine de minutes, La Pieuvre laisse au Cracken le temps de montrer une seule de ses tentacules, celle du performeur. Trois morceaux, quatre instrus, un invité, et roulez jeunesse !  La démarche n’est pas introspective, même si heureusement, le rappeur met des morceaux de lui dans ses morceaux. Il se présente comme casanier, intelligent, pudique et fragile. Drôle aussi.  Sur « La preuve » et son instrumental minimaliste, H JeuneCrack joue comme il aime le faire sur le contraste entre un égotrip démesuré (« J’rappe pour pas qu’on entende le bruit d’ton corps dans la baignoire avec l’acide », une ligne que n’auraient pas renié Escobar Macson ou B.James) et une pureté candide (« Bon vivant : thé glacé, tartelettes framboise et cassis à l’heure du goûter »). Ce jeu de clair-obscur, il le maîtrise et ce n’est pas nouveau ; aussi ne surprend il pas comme il put le faire par le passé.

De fait, les ingrédients de la H JeuneCrack-recette commencent à être connus et aucun ne manque au poulpe qu’il vient de servir. Et il y a fort à parier qu’il est conscient de cela lorsqu’il dit « J’lâcherai la vraie pure quand vous serez assez à l’écoute ! » Un risque demeure : celui de se répéter, en se reposant sur des mécanismes d’écriture trop bien rôdés. Les skills du H JeuneCrackinho s’inscrivent néanmoins dans une vision globale du jeu, vision en laquelle la confiance est permise. Il a les références rap qu’il faut, n’a pas à rougir face aux meilleurs kickeurs de son temps (Mairo ou ici Infinit’), et ne cesse de répéter qu’il travaille pour réussir dans le domaine.

Après le très bon Matière Première, plus dense et qui laissera une empreinte plus durable dans les mémoires, La Pieuvre constitue une agréable dragée pour les initiés, et il faut l’espérer, elle servira de lucarne aux autres. Une petite fenêtre donnant sur un brillant rappeur polymorphe, apte à user de chacune de ses tentacules pour tenir un micro sur scène, taper sur une machine à faire des beats, écrire sur un cahier d’écolier, et gifler les prouveurs.

Quelques heures se sont écoulées entre le moment où Jeune LC annonça la sortie prochaine d’un nouvel EP et la libération de celui-là. Le 14 septembre, fin d’été, presque début d’automne, il dévoilait Fin de jeu. Quatre titres pour une douzaine de minutes de « réel gangsta rap, enregistré à l’arrache » tel que le Parisien en offre de temps à autre depuis deux décennies. La monnaie unique européenne était tout juste mise en circulation que le très jeune Mehdi LC posait déjà sa voix sur des instrumentaux, avec son copain Rafcha notamment. Leur groupe s’appelait Grands Boulevards et leur rap avait attrait à l’indépendance, à la course à la maille, à la capitale française et à la réalité brute du monde. Des années et des années plus tard, le toujours Jeune LC n’a pas tellement dilué sa liqueur ; il retranscrit encore son environnement urbain et décline en musique sa quête de liberté, de quiétude. Reconnaissable entre tous, le rappeur a définitivement son style propre, inimitable.

Il n’y a donc pas de franche surprise avec Jeune LC, hormis celle d’avoir le droit de l’entendre rapper à l’occasion. Et alors s’ouvre un chemin éclairé d’une lumière jaune, qui mène aléatoirement aux pavés de Strasbourg Saint-Denis, aux galets d’une calanque phocéenne, à des cailloux de crack. N’ornant ni son écriture ni son flow d’effets vides de sens, LC pose un buvard absorbant sur le monde puis se le colle à la langue avant d’entrer en cabine. Sans filtre, il évacue la réalité en rap, comme le faisaient en leurs temps Tupac ou Pimp C, qu’il cite au détour d’un couplet. Et en dehors du dehors, Mehdi trouve l’inspiration au loin, au fond de son âme et de ses plaies.

Sur Fin de jeu en 2023 comme sur Croyance et perdition en 2019 puis comme dans tous « ses raps » (Jeune LC est de ces rares O.G qui emploient ce pluriel sans se couvrir de ridicule), il dévoile beaucoup de lui et de ses tourments. Au rythme des prières et à celui des repas, au fil des silences et à celui des lectures, selon les allers de l’amour et les retours du chagrin, la musique du Jeune se fait souriante, éplorée, aimante, triste, grise, solaire, violente, douce, et tout cela cumulé. Comme quelques lignes de poudre peuvent faire provoquer tant de sensations contraires, quelques lignes d’encre suffisent ici à passer par cent émotions. C’est à nouveau la réalité, rien que la pathétique réalité, toute la splendide réalité.

Dans la carrière de Busta Flex, son deuxième album Sexe, violence rap & flooze, sorti en 2000, tient une place particulière. C’est avec ce disque que Stabeu a marqué son envol du mentorat de Kool Shen, à la réalisation de son premier opus éponyme. Sur ce deuxième disque, le rappeur d’Épinay-sur-Seine proposait une musique plus sombre par moments, plus sérieuse, en comparaison à l’exaltation de jeunesse de Busta Flex. Sexe, violence rap & flooze n’a pour autant pas manqué de ces petits hymnes dont Busta a le secret, à l’instar de « Hip-Hop Forever ». Ce deuxième album a été réédité en vinyle cette année. Pour fêter cette réédition, Flex remonte sur scène, au théâtre Les Étoiles, à Paris, le samedi 30 septembre prochain. La billetterie est toujours ouverte, mais l’Abcdr du Son vous fait gagner des places, au tirage au sort, via nos réseaux sociaux.

Au tout début de l’année 2022, Okis se présentait discrètement à travers les huit titres composant OK, sa première sortie officielle. Quelles que fussent ses ambitions du moment, le Lyonnais se révéla être d’une part un bon rappeur, et d’autre part un auteur atypique. Par des titres comme « PELO2VILLE » ou « ARRIERE PLAN », par ses références aussi puis par son lexique en général et son argot en particulier, Okis posait efficacement le décor de son rap. Pour reprendre l’expression usuelle et quelque peu galvaudée, il introduisait son univers. Le vaste monde d’Okis semblait s’étendre au moins dans toute la capitale des Gaules, peut-être même au delà, jusqu’au bout du Rhône (le département, pas le fleuve, n’exagérons rien). Il paraissait écrire et rapper pour son secteur, pour les banaveurs et les rouilleurs qui l’arpentent, et probablement ne songeait il pas que cette mixtape, OK, trouverait un bel auditoire en dehors de la ville des Lumières. Lorsque l’Abcdr l’avait contacté, au printemps suivant, Okis confiait d’ailleurs son étonnement quant à l’accueil reçu par sa jeune musique. Elle allait contre la volonté des algorithmes, conquérant les cœurs des curieux sans autre critère que le talent d’écriture.

De fait, après l’excellente surprise OK, le premier album de l’autoproclamé « Roi des banaveurs » est attendu. Maintenant qu’il s’est mis à partager son rap, Okis continue à se dévoiler, certainement contre sa nature, puisqu’il confie au détour de son nouveau morceau : « C’est ma vraie passion, j’apprends l’métier l’pied à l’étrier, j’vais m’rétamer t’façon parce que j’écris, j’me sens épié… » ou encore « Il y a quelques gens qui m’écoutent, faut croire, merci mais c’est hyper space… » Visiblement, il ne goûte qu’à moitié la relative notoriété de son art, intimidante.

Sur une production de Mani Deïz, avec qui il s’est parfaitement trouvé ces derniers temps, il rappe pendant cinq minutes, sur lui, sa routine, et ses tragédies. Intitulé « J’arrive », le morceau laisse à nouveau entendre toute la singularité d’Okis, enfant échappé des traboules du Vieux Lyon et des parkings de Bron. Portant fièrement l’étendard d’une ville d’art et d’histoire(s) , il mêle les mythes de sa zone aux considérations plus personnelles, même intimes. À l’entendre se confier ainsi, on s’imagine partager un tacos braisé Chez Hugon ou des ris de veau aux 5 Sens, sans plus trop savoir ni le lieu ni la date, si ce n’est un jour, à Lyon, qu’il « verse sur [ses] maquettes comme l’architecture d’Garnier version gaucho. » 

Début novembre, Okis dévoilera donc Rêve d’un rouilleur. Compte tenu de la qualité de cet extrait, tous les espoirs sont permis quant à ce premier album.  Intitulé « J’arrive », il est mis en images avec justesse et sobriété par Maxime Boudehane, Sandra Gomes (photographe bien connue de ces pages, auxquelles elle contribue régulièrement) et Rémi Clauss. Et d’ici au 03 novembre, il n’est certainement pas trop tard pour découvrir ses titres précédents et apprécier d’autant plus la prise de masse musicale d’Okis, qui partage un quotidien ordinairement beau, fait de cendriers, d’errances urbaines et de trente-deuxièmes de finale de Coupe de France.

 

À deux, c’est mieux. Si parmi toute la nouvelle génération du rap français actuel il fallait attribuer cette expression à un artiste, le mérite reviendrait très probablement à Zoomy. Depuis son éclosion au sein de l’ambitieux collectif Nava l’année dernière, le jeune rappeur, à mi-chemin entre sonorités radicales et influences hyperpop ne cesse en effet de montrer le meilleur de ses capacités lorsqu’il s’allie avec les autres. Il y a évidemment eu le très bon OBLiV!ON à l’été 2022 avec le producteur abel31, mais aussi l’EP SEXY TURBO SPEED en compagnie de Realo. Et aujourd’hui, GATE : un nouvel EP de dix titres dévoilé au milieu de l’été en compagnie d’un autre nom émérite des producteurs aux sonorités à mi-chemin entre rap et musique électronique, Vilhelm. Déjà entendu aux côté d’autres artistes de cette même génération comme Winnterzuko, Lili Castiglioni, abel31 ou Realo, le compositeur méritait, de par la qualité de ses travaux au service des autres ces derniers mois, une carte de visite : Zoomy lui offre avec GATE (et la lumière qu’il avait déjà prise grâce à son dernier projet avec abel31) une vraie mise en avant salutaire. Pensé comme une vraie composition musicale à quatre mains, GATE laisse voir le temps de 20 minutes, les qualités d’adaptation de Zoomy à la musique aventureuse de Vilhelm. La voix fait corps avec les productions, les productions s’adaptent à la voix, tout en slalomant entre les différents genres musicaux que le duo explore, avec leurs différents invités. De la trap futuriste (“WDYM”) à la bass music aérienne (“monte-carlo”) en passant par la drum’n’bass urgente en compagnie de Winnterzuko (“bastille”) GATE réussit finalement à retranscrire les nombreuses émotions contrastées d’un Zoomy toujours porté par son instinct, tout en étant ambitieux musicalement. Une preuve de plus que la nouvelle génération du rap français ne se soucie plus des genres. Et compte même bien les enfoncer à grands coups de pied. 

Plus haut que la tour Eiffel, c’est le titre du concept-album de Kohndo, sorti à l’hiver dernier. C’est aussi une formule pour symboliser les tribulations et la détermination d’un personnage de migrant béninois, nommé Manga, au cœur de ce récit, mis en musique aux côtés du guitariste de jazz Laurent Colombani et de plus d’une vingtaine de musiciens. Un album qui s’inspire de la vie de Kohndo, mais également de témoignages de réfugiés et qui permet de creuser avec talent et adresse des sujets bien précis, comme le sort des migrants subsahariens et la négrophobie au Maghreb. Un disque que le rappeur originaire de Boulogne viendra défendre sur la scène du New Morning ce vendredi 15 septembre. Lors de cette soirée, on retrouvera également Kyo Itachi, producteur et auteur de l’album Solide, et E.Blaze, disquaire et new-yorkais de cœur, pour une session live beatmaking prometteuse. Une mise en jambe digne de ce nom, en première partie, sera assurée par The Selenites Band, formation aux influences ethio-jazz. Début des concerts à 19h45. La billetterie est toujours ouverte.

Lors d’un entretien [ensuite supprimé par l’artiste, ndlr] pour la promo de son album NI, Mehdi Maïzi demande à Ninho quel conseil il donnerait à son « lui » d’il y a dix ans. Le rappeur n’hésite pas une seconde et dégaine : « franchement : prends un avocat ». Une réponse presque froide de réalisme clinique, mais qui correspond bien à l’état d’esprit de l’artiste tel qu’on le devine aujourd’hui dans sa musique. Autrefois remarqué pour ses textes et son interprétation pleine de bonhommie et de tendresse sur des titres comme « Un poco » ou « Dis moi que tu m’aimes », le personnage Ninho s’est peu à peu refermé à mesure que l’artiste gravissait les échelons du rap français. Aujourd’hui au sommet, véritable alchimiste changeant n’importe quel single anecdotique en disque d’or par sa seule présence, NI semble pourtant plus distant que jamais, éprouvé on l’imagine par les aléas liés à la célébrité et la nécessité de se protéger derrière un visage fermé et des lunettes noires impénétrables. Même lors de ses récréations avec Naps ou Heuss l’enfoiré, l’artiste garde la même interprétation droite, le recul contrôlé d’un gangster-homme d’affaire toujours l’oeil ouvert et le nez dans les contrats. De l’autre côté de la Manche, son pendant s’appelle Central Cee, rappeur « drill » bien installé depuis quelques années dans le paysage rap britannique, qu’un banger-blague propulsé par la magie de l’algorithme Tik Tok a transformé en rappeur numéro un du royaume, et en ambassadeur du genre à l’étranger. Lourde tâche pour ce londonien qui voit, un peu par hasard, l’attention et les attentes à son sujet changer du tout au tout, et doit aujourd’hui se réinventer musicalement sans se trahir pour confirmer son succès international.

C’est pourtant une certaine sérénité qui se dégage de « Eurostar », collaboration événement entre les deux stars et tube étendard du dernier album de Ninho. Loin des sirènes de « Jefe » ou du sample cheesy de « Doja », le morceau s’appuie sur un saxophone nostalgique évoquant une ambiance de fin d’après-midi, soit le versant le plus mélancolique de l’été. A la production, on retrouve opportunément trois français parmi les plus « british » du vivier local, Boumidjal et le duo HoloMobb, dont le travail avec Kekra aura mis à jour leur compréhension organique du « style » britannique. Ainsi, la partie rythmique du morceau convoque sans surprise le UK Garage et la drill, avec toutefois un choix de preset et un décalage rythmique qui ne jurent pas avec les standards des tubes de rap français d’inspiration afro-pop ou Jul-esque. La collaboration dépasse l’écueil de l’exercice de style pour Ninho et sonne à la fois originale et naturelle, et ce d’autant plus que les deux rappeurs jouent le jeu du cross-over à travers quelques références ciblées à la culture de l’autre. Sur le refrain, comme si la perspective d’un ailleurs lui donnait du baume au coeur, le français semble enjoué et presque rieur. La tendresse enfouie sous la carapace réapparait même au détour d’une ligne clôturant le pont : « Un kilo d’zaza, smoke avec mes dits-ban, ça rigole, j’me sens léger ». Au micro de Fred sur Skyrock, le rappeur confiait que ce morceau était le dernier a avoir été enregistré pour l’album. Gageons que l’on reverra bientôt sourire Ninho.

C’est une mélodie qui demande un peu de dextérité pour être appréhendée. Le temps de deux minutes trente, sans jamais trop savoir sur quel pied – ni sur quel temps – danser, Miso Extra joue avec l’auditeur, comme elle ferait un crochet sur un rectangle vert. Il faut dire qu’en nommant son morceau « R10 » – en hommage à Ronaldinho – la musicienne avait de quoi s’amuser sur ce thème. Et elle le fait sans sourciller sur ce nouveau titre : rappeuse, chanteuse et productrice, cette compositrice anglo-japonaise basée à Londres fait lentement mais surement parler d’elle dans la presse musicale britannique ces derniers mois avec sa musique étrange et intime, entre productions rap inspirées de MF Doom, J Dilla ou des Neptunes, chant R&B puisé dans la musique de Aaliyah ou Jai Paul, et passages chantés et rappés en japonais. Un collage sonore que l’on retrouve particulièrement sur « R10 », nouveau titre annonciateur d’un second EP prévu le 18 août. Sur une mélodie froide et déstructurée, la musicienne anglo-japonaise joue ainsi avec les contretemps tout en rappant par dessus avec nonchalance – en anglais et en japonais – pour évoquer la fine frontière entre confiance en soi et arrogance. Ce n’est pas le morceau le plus simple pour sortir ses meilleurs pas de danse, mais l’harmonie sonore qui ressort de cette musique où rien ne semble tomber volontairement sur les temps a quelque chose d’hypnotisant. Comme un dribble dont on a – malgré les nombreux re-visionnages sur YouTube – bien du mal à comprendre tous les secrets. Et dont on n’a pas forcément envie de tout connaître, par simple amour du mystère.