Sidekicks

« Périphérique », « Hall 26 », « Métro ». Dans chacun de ses albums, Souffrance prend soin d’offrir un morceau en forme de « choses vues » et relatées. Sur son dernier album Eau de source, l’originalité du dernier en date, nommé « Métro », vient du passage de la deuxième personne à la première personne : les « choses vues » sont l’occasion pour le voyeur de s’interroger sur sa position, et pour Souffrance de réaffirmer sa place à part dans l’art de conter la vie d’en bas. Il campe donc trois personnages d’addicts au crack, merveilleusement incarnés par les dessins enfantins d’Antonin Dory et de Benjamin Brenier, qui réalisent l’un des plus beaux clips du rappeur.

Le métro, comme le périphérique ou le hall, est paradoxalement synonyme d’immobilité : rien ne change dans le spectacle de la misère extrême. La chute du premier personnage, à la fois dans la rame et dans la société, dépasse l’entendement (« tout est ratable, mais putain quelle chute ! »), mais ne fait pas bouger les lignes. Le spectateur de cette chute n’a donc plus qu’à rêver des « mondes parallèles où le beau gosse c’est Gargamel », et finir rattrapé par la réalité (« Merde je vais donner des voix au RN »). D’un flow précis mais tenu, au vu du reste de l’album, Souffrance incite peu à peu l’auditeur à entrer dans sa gamberge, familière, et affûtée ici à l’extrême.

Les saynètes dépeintes par le rappeur sur ce titre sont aussi d’une cruauté devenue rare dans le rap français. Cette cruauté est soulignée par le contraste entre l’instrumentale d’Itam, un très beau boom-bap sombre en pleine cohésion avec le reste de l’album, le ton désespéré sans être cynique du rappeur, et la candeur des dessins du clip. Tout cela en aboutissant à la même conclusion ironique : le Souffrance refuse de faire la charité et lance « sans rancune ! » aux trois addicts. Cette forme d’humour noir se retrouve plus loin dans le morceau, lorsque le rappeur pousse à fond la logique de l’absurde, pour démasquer le capitalisme sauvage responsable de l’état d’une crackhead enceinte : « Je me demande qui est le fils de pute qui lui vend sa dose / Est-ce qu’il double le prix ou est-ce que le bébé fume gratuit ? » – une punchline qui pourrait sortir tout droit d’un morceau de Despo Rutti. Comme chez ce dernier, c’est d’ailleurs la gamberge d’un esprit malade qui finit par énoncer, à cette même société qui l’a rendu malade, la vérité qu’elle ne veut pas entendre. Et comme chez Despo, Souffrance avoue qu’il est lui aussi une partie de ce système.

Même s’il y a « trop de monde à secourir » Souffrance confirme une nouvelle fois avec « Métro » son blase. Son inspiration vient d’en bas, des lieux qui ont été quasi-désertés par le rap français (si l’on croit tous les rappeurs qui ne traînent plus dans le hall et ne prennent plus, ni le périph’, ni le métro). En prenant ainsi une place vacante, qu’Orelsan pouvait ponctuellement occuper (« Métro » fait penser à un « Tout va bien » sous crack) Souffrance redonne finalement au rap une vocation très 9-3 : regarder ce que certains nomment la « sous-France » dans les yeux, et se voir dedans.

Depuis un soir d’avril 2022 au Badaboum, les soirées Intro s’appliquent à faire venir sur scène les nouveaux visages du rap français, entre application sur la rime, et expérimentations dans les sonorités. Une initiative qui a déjà vu des artistes comme Luther, J9ueve, Rounhaa, Mairo, Houdi, Winnterzuko ou HJeuneCrack apparaitre sur les affiches de leurs événements, faisant office de vrais panoramas de la nouvelle scène rap française.

Début décembre à Paris, c’est une nouvelle sélection d’artistes à mi-chemin entre les genres qui viendra présenter sa musique à la Gaîté Lyrique. Au programme le 6 décembre : le retour du rappeur Sean après plusieurs mois de travail qui ont déjà débouchés sur 3 nouveaux morceaux depuis septembre, l’artiste rap/hyperpop Wasting Shit (entendu sur un format court avec Abel31 cet été), et les espoirs expérimentaux Ptite Soeur ou Romsii, le tout accompagné dans la soirée de la productrice Meel B (dont on vous conseille d’ailleurs fortement le dernier morceau avec Maureen) en DJ Set. 

L’Abcdr fait gagner 2 places pour la soirée sur ses réseaux sociaux, il suffit juste d’aller commenter sur Facebook, Instagram, ou repartager sur X pour participer. 

Billetterie

Après une première soirée (bouillante) ensemble au début du printemps, Aelpéacha, Driver et Stomy Bugsy remontent sur scène ensemble pour emboîter le pas à l’hiver. C’est sur la scène du Cabaret Sauvage, à Paris, le 16 décembre prochain que les trois compères vont cette fois venir interpréter leurs standards accompagnés de nouveau d’un live band, dans une soirée qui réservera sûrement quelques invités surprises. Ride, esprit fédérateur et son funky seront donc à nouveau invoqués le temps d’un concert sans nul doute festif. La billetterie est ouverte.

Alors que le deuxième livre de l’Abcdr se prépare à arriver dans toutes les bonnes librairies, Le Magazine rap décide de faire la fête. Le thème ?  Les années 1990 du rap français, puisque c’est bien de ça qu’il s’agit dans l’ouvrage qui s’apprête à être mis avec amour en rayon. Mais attention, revisiter une époque ne veut pas dire tourner le dos au présent. Table ronde, présence d’un libraire, rencontres avec la rédaction et set de l’un de nos DJs maisons favoris, Slurg, rythmeront la soirée. Puis ce sera le temps de plus de deux heures de cypher, cette fois sous la houlette de DJ Blaiz’. Des rappeurs de différentes générations se succéderont au micro, dans un esprit freestyle que le temps n’a jamais usé. Ce sera ce mercredi 29 novembre au Dock B à Pantin, et que ceux qui avaient 20 ans en 1998 autant que celles et ceux qui les ont en 2023 se préparent : le mic’ va s’attaquer à l’histoire. Et fidèle à sa ligne depuis plus de deux décennies, l’Abcdr continuera à l’écrire.

Rendez-vous sur Dice pour prendre votre entrée.

Les clips de Veust sont rares, il s’était d’ailleurs fendu d’une belle ironie à ce sujet quelques années en arrière, rappelant que ses textes étaient suffisamment imagés pour que chacun puisse visualiser une vidéo sans exploser le budget. Le 1er novembre 2023 est donc à marquer d’une pierre blanche puisque a été dévoilé ce jour le clip « Eau de parfum », pour l’EP GrandBazaar(01). Tournée à Belgrade et réalisée par IvanLaVague et M.A.M, la vidéo laisse voir un manstr tout à son aise au pied des austères tours de Serbie. L’environnement est grisâtre, on y met de la couleur par un beau survêtement, une montre scintillante, un sourire d’enfant et de splendides lignes de rap. Veuveu éclabousse de style l’instru concocté par GrandBazaar et Zek ; il construit ses rimes comme les architectes soviétiques faisaient édifier leurs interminables bâtiments, et il faut lever haut la tête pour voir le sommet de ses enchaînements… « Le moindre euro faut le grapiller, ‘sont en chien à force de gaspiller / nos têtes frôlent les avions, leurs têtes frôlent le gravier / tu veux test ? fuck un clavier, ça part en tête devant ton pavillon / on a pris les billets par milliers, ‘sont envolés comme des papillons… » Certes impressionnant à la lecture, ce genre de bloc se fait carrément menaçant à l’écoute, lorsqu’à la puissance lyricale s’ajoute la voix rocailleuse et le flow martial du niçois.

Cette prestation haut de gamme de Veust ne tombe pas du ciel et s’inscrit dans un très beau projet plus large : la série d’EPs GrandBazaar, construite par le duo suisse Dar & Luzi. À terme, les sorties consécutives produites par ces esthètes beatmakers, bousillés de rap jusqu’à la moelle, constitueront une compilation réunissant un casting de feu. Sans concession, focus sur le rap pur et dur, GrandBazaar a absolument confiance en sa vision et maîtrise son sujet. Sur cet EP (01), en plus du D’En Bas Fondateur, six brûleurs de micro croisent le fer et crachent le feu : Ice Crimi & Black P, OG Brax & Grödash, Zesau (impressionnant sur « Le flow en jette »), et Zek, qui ouvre l’EP comme d’autres ouvrent une carotide  : « J’aime pas quand mes fans me chantent mes phases… C’est gênant. J’ai aucun d’mes disques ma gueule, j’suis même pas dans ma playlist Apple. »  Elément notable, Zek est également à la co-production d’une bonne partie de l’EP.

Voici donc une sortie enthousiasmante à double titre, par sa qualité propre et par la série de morceaux qu’elle annonce. Avec l’aide logistique du label genevois Colors Records, GrandBazaar va enrichir les plateformes de streaming quelques temps, mais aussi les étagères des collectionneurs, puisque c’est au format vinyle que ce projet est édité. L’Abcdr gardera un œil des plus attentifs sur la suite, l’espérant riche et pourquoi pas surprenante.

Pendant que KRS-One fête les cinquante ans de la culture hip hop en freestylant pour divertir l’actuel maire de New York Eric Adams, ancien policier du département chargé notamment de “protéger” le métro des graffitis qui a déclaré l’année dernière vouloir bannir la drill, les rappeurs new yorkais vers qui il faut se tourner pour espérer recevoir une bonne dose d’authenticité sont rarement ceux que l’on verra fricoter avec une quelconque figure politique. Avec MIKE et Wiki, pas besoin de pratiquer professionnellement la gymnastique mentale, les termes sont prononcés lettre par lettre, syllabes par syllabes, mots par mots. 

“Mayors A Cop”, leur dernier single, arrive à l’occasion de la sortie d’un album commun intitulé Faith Is A Rock, et entièrement produit par The Alchemist. En chef d’orchestre inspiré, le producteur californien offre une caisse de résonance considérable au leader du label 10k et à l’ex-RATKING, qui de leur côté permettent par la même occasion au producteur d’ouvrir sa porte à de nouvelles voix, différentes de ses collaborateurs devenus trop réguliers. En plus de ce nouveau morceau, ce sont six autres inédits qui complétaient en septembre l’EP déjà très prometteur de novembre 2022, où le trio donnait déjà l’impression d’évoluer en symbiose. Ensemble, MIKE et Wiki n’en sont pourtant pas à leur premier coup d’essai, les deux ayant préalablement collaboré sur deux de leurs projets respectifs, MAY GOD BLESS YOUR HUSTLE en 2017 et Half God en 2021. 

Ancré dans le réel, au contact quotidien de l’environnement qu’il décrit habituellement dans ses morceaux, Wiki commence ici son premier couplet par un constat cinglant : la présence policière a quadruplé, le quartier est en feu, les pertes humaines sont considérables. Citoyen engagé comme un autre, il déplore une politique de dépense publique majoritairement investie dans la répression et non pour améliorer la vie de ses habitants (“This how they chose to use the guap, With this amount of human loss, Could’ve been for schools or parks, Coats in the winter and the summer, something to cool ’em off”). De Brooklyn jusqu’au Bronx, Wiki prend à bras-le-corps son rôle de MC, dévoué à sa mission de rallumer la flamme des cœurs gelés par l’hiver. 

Sans transition, MIKE déroule son rap marmonné et guérisseur. Brouillard d’émotion introspectif sur ses sorties en solo, il se prête cette fois-ci à un exercice plus direct, peut-être plus tourné vers l’extérieur. En se calant sur le discours fédérateur de son partenaire, il appuie un peu plus le caractère authentique de leur musique («Finna break the walls and free the chastised my n****, We really in this »). Ils sont en mission, et absolument personne ne doit être laissé sur le bord de la route. Comme Rick Ross et beaucoup d’autres avant lui, c’est plus profond que le rap. Et après deux couplets chacun à se renvoyer le micro, ils se livrent à un passe-passe comme on n’en entend que trop peu ces temps-ci. Ultime témoignage, s’il en fallait un, de cette complémentarité flamboyante. 

Fidèles à des valeurs personnelles qu’ils placent au-dessus de tout et conscient des responsabilités qui pèsent sur leurs épaules, MIKE et Wiki ne rappent pas pour remporter des titres imaginaires, mais pour autre chose : faire valoir l’amour du maillot. En mettant, si possible, quelques lucarnes au Maire.

Il y a des morceaux qui fonctionnent parfois simplement parce que leur interprète arrive sur la prod’ comme si elle prenait une vague. Mandyspie entre clairement dans cette catégorie : active sur la scène Souncloud française depuis trois ans, la rappeuse franco-canadienne de 23 ans (elle est née à Montréal puis a grandi dans le 93) revenait mi-septembre avec La Vie En Rose / Vision deux morceaux aussi simples qu’hypnotisants, tant elle donnait l’impression de glisser sans difficulté – et tout en nonchalance – sur les mélodies de ses producteurs.

Depuis qu’elle sort ses morceaux en 2020, la francilienne inscrit petit à petit son nom dans la nouvelle scène underground actuelle, avide d’expérimentations, et rejetant les étiquettes. À l’écoute de ses morceaux, il est en effet compliqué de poser un cadre sur la musique que Mandyspie publie régulièrement en ligne. Au printemps dernier, Polar Escape, son premier vrai format long, se baladait ainsi entre jersey atmosphérique (« Winter »), electro pensive (« Yu Gi Oh ») et plug rêveuse (« Fall in luv ») tandis que plus récemment à la rentrée, c’est du côté d’une trap synthétique bondissante et à la fois onirique que la jeune femme s’essayait. 

Conçu comme deux faces très différentes d’une même pièce, La Vie en Rose / Vision laisse d’abord entendre une Mandyspie rappeuse, arrogante et laidback sur « La Vie en Rose », un morceau bien ancré dans les codes de la scène Soundcloud actuelle (les bruits d’épées ne trompent pas) avant de la voir ensuite s’essayer avec succès au chant et à quelques moments plus personnels sur « Vision » deuxième morceau dont les synthés et les voix oniriques dédoublées n’auraient sans doute pas déplu à un Clams Casino. 

Sans avoir l’air de faire un seul effort (une impression fausse, évidemment) Mandyspie montre avec La Vie en Rose / Vision que le travail et les tests qu’elle réalise depuis plusieurs années finissent par payer. Plus sûre d’elle, agile dans son écriture mais aussi dans sa manière de poser sur des sonorités pas forcément évidentes à appréhender, la rappeuse semble maintenant prête à affronter de nouvelles vagues. Ne reste plus qu’à attendre la prochaine marée.

2023, semble être une année de confirmation pour The Hoodies, duo originaire du nord de l’État de New-York, formé au milieu des années 2010. Eben « E-Class » Nettles et Umar « Young Poppa » Abrams, ont choisi ce nom pour renverser le stigmate que le sweatshirt à capuche représente pour les hommes afro-américains, en particulier depuis le meurtre du jeune Trayvon Martin en 2012. Les deux frères se sont fait connaître à travers des vidéos de freestyles intitulées In The Whip, produites depuis la voiture de leur mère, et devenues virales sur les réseaux sociaux. Un joli début de notoriété pour ces flows découpés au rasoir (celui de E-Class n’est pas sans rappeler les grandes heures de Meek Mill) qui ont aussi bien attiré l’attention de Funkmaster Flex, que celle de l’animatrice de télévision Ellen DeGeneres. Un premier EP plutôt solide et réussi, What Pressure Makes, est disponible depuis le printemps dernier, et puisque rien ne semble arrêter le duo, leur single intitulé « I’m Hot », avec rien de moins que Kid Capri à la production, est sorti début octobre, juste avant un album complet également produit par le DJ du Bronx. Si cette légende du hip-hop est plus connue pour ses talents aux platines que dans le beatmaking, cette sortie résolument boom bap n’en reste pas moins efficace dans l’ensemble, et représente une étape importante dans le parcours de The Hoodies. Affaire à suivre.

Classer la musique de Coucou Chloe n’est pas une chose aisée. Il faut dire que depuis sept ans maintenant, cette productrice et interprète française basée à Londres ne cesse de brouiller les pistes sur les délimitations sonores de ce qu’elle sort à intervalles réguliers. Révélée en 2017 avec son morceau « FLIP U » et son étrange clip dans une patinoire, Erika Jane n’a depuis jamais cessé d’explorer les frontières existant entre le monde de l’electronique et du rap, accompagnée de sa voix susurrée. En solo sur plusieurs EPs, mais aussi aux côtés de NUXXE, un des labels musicaux les plus excitants de ces dernières années pour ses réactions chimiques sonores, qu’elle a cofondé avec le producteur Sega Bodega, la chanteuse (aussi française) Oklou et la rappeuse Shygirl depuis Londres. Malgré tout ça, les sorties de Coucou Chloé se limitaient jusque-là à des (nombreux) singles et quatre EPs à la durée en dessous des vingt minutes. Dévoilé au début du mois d’octobre, le premier vrai « long » format de la Française (25 minutes) vient finalement parfaitement remédier à cette frustration. 

Long de dix morceaux, FEVER DREAM vient solidement ancrer toute l’inventivité de la musique de Coucou Chloe, déjà saluée de l’autre côté de la Manche, à l’image du magazine Mixmag qui lui offrait sa couverture dans le pays en mai dernier. Entre sonorités club, influences de la bass music anglaise, et productions trap étouffantes, la productrice montre ici toute l’étendue de ses capacités et de ses influences entraperçues ces dernières années. D’un titre dansant aux basses martelées (« DRIFT ») on passe à des morceaux trap synthétiques et décharnés en compagnie de Brodinski (« IDK », « BEEF IT UP ») avant d’aller vers du rap blindé de basses saturées (« WEDDING CAKE » avec la rappeuse japonaise NENE) ou lancinant et menaçant sur « ICE CASTLES » avec le jeune rappeur américain Matt Ox. En jouant encore plus avec les genres, Coucou Chloe confirme finalement sur FEVER DREAM ce que l’on sentait déjà dans tout ce qu’elle faisait ces dernières années : un véritable désir de faire ce que bon lui semble, sans se soucier d’être catégorisée. À l’écoute de ces nouveaux morceaux, la mission devient – et c’est une qualité – encore plus compliquée.

Après son album Parachute sorti en 2021 et la création de son propre label Apresminuit en 2022, le rappeur havrais BRAV remet de l’huile sur le feu avec « Plus d’amour » produit par Matthieu Mendès (producteur français ayant travaillé avec Matt Pokora entre autres).

Véritable destructeur de codes traditionnels, BRAV traite en trois minutes dix-sept secondes la majorité de ses maux et ceux du monde actuel. Avec une plume reconnaissable qui fourmille de figures de styles complexes, le rappeur jongle avec les mots et joue avec leur sens sans les détourner de leur définition. Habitudes de consommation, amitié et traîtrise, amour, politique, chaque domaine a le droit à sa gifle. Si bien que BRAV ne voit le bout du tunnel que quand il fixe le bout de son canon. Compliqué de vivre dans une société où parler de Bolloré et Lafarge est plus risqué que de « tabasser sa gonzesse. » Une tendance suicidaire qui le rend quelquefois iconoclaste tant il casse les modèles orthodoxes de la société (« On sait tous que les couples durent moins longtemps que les crédits immobiliers »). Même s’il évoque la possibilité d’être peut-être devenu fou à lier, BRAV ne perd pas son humour. Il l’utilise en tournant en dérision les chiffres de sa carrière (« J’ai vu des photos avec des poneys faire plus de vues que toute ma carrière ») et en réalisant un constat de son audimat (« Des gens pas foutus de se révolter qui m’écoutent que quand ils ont besoin d’être en colère »).

« Plus d’amour » imprègne la musique de l’artiste d’une mélancolie qui ne lasse pas. La différence de ton et d’écriture est ce qui fait la spécificité de son art et n’en fait pas du rap conscient sans âme, tant BRAV y voue l’entièreté de sa vie.