Sidekicks

Alors que son acolyte du 667 Freeze Corleone vient de sortir Projet Blue Beam, Lala &ce sera en concert ce 14 décembre au Winter Camp Festival, aux côtés de Lean Chihiro, Flohio et WWWater. Une soirée entre électro, rap et grime, entre Paris et Londres aussi. L’occasion de voir sur scène ce mumble rap à l’ésotérisme accentué par les anglicismes joueurs, à l’érotisme sous substance, de ressentir en live la langueur d’une voix qui préfère le désir à sa réalisation. Les sons sont ralentis comme on ralentit pour mieux sentir. À écouter les yeux mi-clos, « plus petits que la pilule »…

Mercredi, au FGO Barbara, au plein milieu d’un mythique arrondissement du rap français, s’est tenue la release party de la rappeuse franco-péruvienne Billie Brelok pour Gare de l’Ouest volet 2. Ryaam, la voisine du vingtième, s’est chargée de la première partie, entre interludes pleins d’amour pour l’Anglais Skepta et déroulés boom-bap engagés, sur prods soul et samples aux voix aiguës chers à Première Ligne. Puis Billie débarque tout droit de Nanterre, un guitariste et un bassiste en cagoules de pabluchas de chaque côté de la scène, dont on verra les visages fendus d’immenses sourires à la fin du concert. Elle démontrera à chaque seconde qu’elle est une rappeuse de scène, pas de studio : son énergie, lyrique, frappe au cœur pour monter à la tête. Les images dissèquent la gentrification des corps et des villes, les références à l’Amérique du sud ne sont jamais bêtement exotisantes. Pas de « musiques du monde » ici, du rap de bâtarde, entre deux langues et deux continents, unis sur l’entraînant et lugubre « Dia de los Muertos. » À noter aussi deux featurings de qualité : Marc Nammour sur « Fraulein » un morceau glaçant sur les tondues de la Libération, et Ryaam, backeuse et backée non sans émotion, dans un titre aux accents anfalshiens.

« Le studio c’est la chambre, l’installation c’est DIY. La prod c’est DIY, les mixes c’est DIY. » Débrouillardise et autoproduction caractérisent bien l’état d’esprit du Genevois Yung Tarpei, issu du collectif Rive Magenta. Logiquement intitulé DIY, son nouveau projet est disponible sur les plateformes habituelles et compte douze morceaux, pour une grosse demie heure de rap qui prend son temps. Le Henny coule doucement dans le lac Léman, l’ombre de Max B plane sur la ville, les bières sont au frais et les filles se font l’amour elles-même. C’est une tape faite de soleil brillant et de réveils brumeux, d’argent qui vole et d’oiseaux qui dépensent. Parmi les temps forts d’un projet globalement réussi, citons « Void » et « Fortie » introduit par une réplique de Gabin dans Un singe en hiver… À noter également, le nom de ConanLeGrosBarbare parmi les huit beatmakers présents sur DIY, lui qui cette année était déjà derrière quelques prods de l’excellente WavySummer, vol.0 d’Abi2spee, autre jeune étoile de Genève. Bien des blases à retenir… et sur lesquels l’Abcdr aura l’occasion de revenir.

Chynna Rogers n’est pas une fille joyeuse, et elle le vit parfaitement bien. Protégée du clan A$AP Mob depuis quelques années, la jeune femme originaire de Philadelphie vit depuis quelques années entre deux mondes, le rap et le mannequinat. Et malgré une activité musicale plutôt sporadique ces derniers temps (quelques morceaux balancés ici et là), la jeune femme continue encore d’impressionner lorsqu’elle rentre pleinement dans l’univers qui est le sien : celui d’un rap sombre et étouffant, où ses angoisses se retrouvent expulsées dans ses textes. C’est exactement ce qui fait la réussite de « Dough », titre lugubre où des pianos graves croisent le flow nonchalant de la jeune femme, qui affiche une confiance en elle insolente à l’écran. Ce n’est certainement pas la musique des grandes fêtes, mais c’est parfait pour une cérémonie funeste.

Le 30 mars 1998, IPM (pour Impact Par les Mots) arrivait avec son premier album, La Galerie des glaces, paru sur son propre label La Lyonnaise des flows. Un petit évènement en soi : à l’époque, aucun groupe de rap de Lyon n’avait réussi à se faire entendre au-delà des frontières rhonalpines. Pour y parvenir, IPM avait mis le paquet : La Galerie des glaces est un disque solide, très bien produit, qui n’a rien à envier à la majorité des sorties parisiennes ou marseillaises de l’époque. Vingt ans après, il fallait donc marquer le coup. Ce qu’IPM a décidé de faire en deux temps : tout d’abord, il y a la réédition de La Galerie des glaces en vinyle et en version digitale, ainsi que de l’album suivant du groupe (Un pied dans l’biz) et de la compilation La Lyonnaise des Flows. Ensuite il y aura le 29 janvier un grand concert gratuit au Ninkasi Gerland de Lyon, où l’équipe se reformera pour une soirée. En attendant, nous vous proposons de gagner un exemplaire du vinyle de La Galerie des glaces. Pour ça, rendez-vous sur notre page Facebook.

Ces dernières années, Duke a été plus identifié pour ses productions avec des rappeurs américains. Lui qui sur ses derniers projets a invité successivement Alchemist, Sean Price (RIP), Keith Murray ou encore Conway convoque cette fois une légende du rap français. C’est en effet à Akhenaton que Duke a proposé deux productions. La première signe la suite du « Théorème d’Archimerde », plus de vingt ans après la première élaboration du morceau. La seconde est encore un peu plus du Duke pur jus dans l’intention, puisque Chill croise le fer avec l’un des membres de Griselda Records : Benny the Butcher. Deux titres inédits qui sont disponibles en numérique mais aussi et surtout en physique dans un magnifique écrin 45 tours avec sa pochette mi-futuriste mi-cubique signée par Gumo. Un essentiel pour les fans d’AKH, mais aussi celui qui sait que Duke s’est notamment fait connaître lors de ses débuts avec ce remix de « La Saga » et qui en 1998, avait un album prêt contenant de nombreux inédits, dont un avec IAM. Un disque qui n’est malheureusement jamais sorti, comme il l’expliquait il y a deux ans à L’Abcdr. L’Histoire est enfin suturée.

« Je voulais faire une mixtape autour du rap français, celui à texte, où il y a des scratchs, assez proche du boom bap, moderne, parce qu’on n’est pas toujours obligés d’écouter des textes légers, des formats radio, même si je n’ai rien contre. (…) Je voulais mettre en avant du rap avec des flows hallucinants, des tournures de phrases, avec du travail » Voilà ce que déclarait DJ Djel il y a quelques jours à nos confrères de Le Bon Son. Épaulé par son tourneur, Alban d’Otaké Productions, le DJ de la FF a retenu vingt-cinq titres de rap français mettant en avant des figures aussi bien que des acteurs moins connus de la scène indépendante. Une anthologie de quatre-vingt minutes à la tracklist longue comme le bras, brassant aussi bien des sons de Demi-Portion que de Lord Esperanza, où R.Can croise Faf Larage, en passant par Don Choa ou Davodka. Quant à Djel il renoue avec l’art de la mixtape, trop délaissé ces dernières années au point que le format est devenu un objet de collectionneur plus que d’auditeur. Ce sont pourtant ces mêmes mixtapes qui ont lancé les rappeurs qui influencent aujourd’hui ceux que Djel a sélectionné pour ce projet au titre un brin provocateur : Qui prétend faire du rap français ? L’une des professions de foi d’un DJ qui encore aujourd’hui mène une carrière où l’art de faire la fête est aussi sacré que l’art de rue.

 

Cela fait un moment que Scoop & J.Keuz sèment quelques cailloux dans le rap français. Le duo, formé dans la diagonale du vide et défendant une musique pleine d’influences, revient dix-huit mois après son troisième album. Cette fois ce sera un EP. Publié il y a une trentaine de jours Homo Cynicus balade sans laisse une philosophie désabusée mais sans renoncement ni concessions inutiles. L’air du temps y est humé le long de huit pistes, porté par le flow syncopé de J.Keuz qui multiplie quelques schémas rythmiques admirables au sein de mêmes morceaux. Quant à la production, même si elle n’est pas assurée que par son acolyte Scoop, elle mélange parfaitement les sauts d’humeur d’une époque où l’indignation en est réduit à un concours de bruit. Entre soliloques d’un démissionnaire et résilience acide de l’intérimaire touchant sa paie, tels sont ces vingt-six minutes de rap intelligible où se côtoient fracas d’influence électroniques et industrielles, temporisations du dub et les nappes ouatées accompagnées d’un piano. « Qui m’a pris pour son foutu rappeur local ou engagé ? » demande J.Keuz. Plus personne, tant il s’agit ici d’à tout prix faire le vide autour de soi. Les diagonales ne sont pas toujours des ratures.

Pour un mec qui rappe sur la pluie et le beau temps, Evidence s’est installé cette semaine sur la France comme un anti-cyclone. Michael Perretta a inscrit six villes françaises sur le périple de sa tournée européenne pour défendre Weather or Not, troisième album qui alterne grisaille et éclaircies, comme une belle journée d’automne. Après Toulouse, Lyon et Strasbourg, il passera sa fin de semaine à Rennes et Reims, pour conclure dimanche soir à Paris, sur les planches de la Bellevilloise. Avec déjà plus de quatre-vingt saisons de carrière à son compteur (vingt ans, quoi), nul doute que la soirée devrait être maîtrisée, entre les classiques de son groupe Dilated Peoples, et la maestria de ses escapades en solo. On vous fait gagner pour l’occasion 2 x 2 places, ça se passe sur nos pages Facebook et Twitter.

Le meilleur rappeur du label Dreamville, de J. Cole, est parisien. On exagère à peine : Bas est né en 1987 à Paris, de parents soudanais, avant de traverser l’Atlantique et s’installer à New York. Avec trois albums au compteur depuis 2014, Last Winter, Too High to Riot et Milky Way sorti fin août, Bas s’est installé en pilier de la maison bâtie par Jermaine, avec son rap lumineux et terre-à-terre, et parfois presque plus enthousiasmant que celui de Cole. Après une date fin 2016 avec Cozz, autre tête forte de Dreamville, Bas repasse dans la capitale, à la Bellevilloise le 11 mars 2019, en solo cette fois. Histoire de vous laisser le temps de découvrir ou redécouvrir sa belle discographie.