Sidekicks

Dans le milieu des années quatre-vingt-dix, quand une artiste apparaissait dans les sphères de Q-Tip et Busta Rhymes, il fallait forcément y accorder de l’intérêt. Car l’alchimie entre l’auteur du mythique The Coming et le leader de A Tribe Called Quest ne concernait pas que le duo qu’ils formaient à l’occasion, croisant l’esprit Native Tongue à la virtuosité brutale façon « Woo Hah!! Got You All in Check. » Leur bon goût bon pour repérer des artistes de talents a également et toujours été une évidence. Parmi ceux ayant croisé leur route, Rah Digga n’est pas des moindres. Membre à part entière du Flipmode Squad, elle a retourné durant vingt ans quelques pelletés d’instrumentaux, aussi bien dans l’esprit Lyricst Lounge que dans celui typiquement new-yorkais qui consiste à découper des beats, qu’ils soient signés Pete Rock, DJ Premier ou Nottz. Et si les derniers sons de la MC sont restés dans un relatif anonymat, force est de constater que même en 2018, « Rashia rocks (toujours) the battles » comme le disait Lauryn Hill lors d’un featuring sur le mythique The Score des Fugees. Il ne le restera plus qu’à le prouver au public parisien, ce 9 mars, sur la scène du New Morning à Paris. Des places sont à gagner sur nos réseaux pour voir Dirty Harriet et se sentir un peu membre du Flipmode Squad une heure durant.

Prince Waly continue de défendre son EP BO Y Z sorti en janvier et vient d’en dévoiler un nouveau visuel : « Doggy Bag ». Comme à l’accoutumée, le rappeur a travaillé avec Valentin Petit, réalisateur à propos duquel il ne tarit jamais d’éloge. De la même façon que pour « Marsellus Wallace » précédemment, Waly préfère l’appellation « film » à celle de « clip », plus restrictive. Le dernier en date prend place dans les rues de Londres, ambiance Top Boy. On y retrouve un jeune Prince toujours frais, Avirex sur le dos, bijoux dans la bouche et flingue à la main.

Le morceau, produit par Timothée Joly, est un des rares titres solo figurant au tracklisting de BO Y Z, projet sur lequel se croisent Alpha Wann, Enchantée Julia et Feu! Chatterton notamment. Prince Waly y brille littéralement par ses aptitudes au micro et par une maîtrise croissante de sa proposition, alors que le rap constitue désormais son activité principale au quotidien. Si cet EP n’a pas fini d’être savouré, tout permet en tous cas d’être impatient d’entendre la suite, puisque le Montreuillois est déjà dessus.

Sur son solide EP Blacklist, sorti en fin d’année dernière, Ron Brice fait le bilan. De ses trente premières années. De sa carrière dans le rap, résumée en 2011 dans une Reality Tape avec DJ Stresh et jalonnée par des morceaux avec Céhashi, les Soulchildren, Casey et Pejmaxx. Mais cet inventaire a moins les airs d’un décompte finale que d’un coup d’oeil dans le rétro dans une caisse avec le boitier de vitesse encore en prise – en 1e ou en 5e, peu importe, tant qu’elle avance. Le rappeur du label 12 Monkeys Records prévient : « aujourd’hui, c’est la faim qui m’anime et dans c’monde, j’vais laisser l’empreinte de mes canines ». Et comme les actes valent plus que les mots, il le prouve en ayant produit (avec brio) l’intégralité des instrus de son EP, et en réalisant ses clips. Le dernier en date, « Chrysanthèmes », est une mise en image sobre et austère de son texte sur la mort, qu’il observe avec distance mais sans résistance.

Si Atlanta a actuellement la cote, une autre ville brille par ses nouveaux talents : de la drill la plus sombre en passant par l’emo-rap de Juice WRLD jusqu’aux nombreux artistes faisant des beaux pas de côté (on pense notamment à la brillante NoName) Chicago vit actuellement un véritable renouveau dans son vivier de jeunes talents. Parmi eux, Mick Jenkins fait définitivement figure de cas à part : déjà actif depuis plusieurs années, le jeune rappeur de 27 ans a finalement pris son envol l’an dernier avec son second album Pieces Of A Man, vraie oeuvre d’introspection entre rap, influences jazz, et sensibilité plus électronique. Un disque à part dans le rap américain que les amateurs pourront découvrir lors d’un concert organisé par Free Your Funk au Trabendo à Paris le 14 mars 2019. Et si vous ne l’avez pas déjà vu, on vous invite à découvrir la session Colors du jeune homme sur une production de Kaytranada aussi simple que fantastique.

Depuis 2015, Brav a entamé l’une des mues les plus singulières du rap français. L’ancien membre de Bouchées Doubles, le duo qu’il formait avec Tiers Monde, a transformé en deux albums et un EP son rap gris et amer en une musique hybride, cherchant des influences vers le rock et la chanson – bien avant que cela devienne la mode dans certains cercles médiatiques l’an dernier. Une évolution accompagnée par une démarche collective, entre concerts en appartements et le projet collaboratif et participatif Nous sommes, sorti fin février 2018. Pour fêter la première bougie de cet EP, Brav sera en concert à La Bellevilloise le 25 février prochain, et on est partenaires de l’événement pour l’occasion. De mémoire, la dernière fois que Brav s’est produit (brillamment) dans la salle de Belleville en 2016, il y a eu quelques invités notables. On mise donc sans trop se tromper sur une nouvelle belle soirée.

Dans le bilan que l’Abcdr dressait du rap en 2018, un paragraphe racontait les balbutiements de l’aventure 387 Digi : un collectif parrainé par Gizo Evoracci rassemblant de jeunes artistes, rappeurs, beatmakers, réalisateurs ou photographes. Parmi tous les résidents de La Maison Blanch, le lieu qui les réunit physiquement, il y a le brillant Retro X que Gizo compte épauler au maximum. Ensemble, ils viennent de mettre en images leur morceau « AF1 », issu du EP Drug Designer et produit par The Hash Clique. La vidéo est réalisée par Mouky et Cyka Vizion et c’est à l’Abcdr du Son que revient l’honneur de la diffuser en exclusivité.

Mais ce n’est pas tout, Gizo profite aussi de l’occasion pour dévoiler un petit documentaire, réalisé par les mêmes jeunes talents. Il retrace brièvement l’année écoulée depuis la rencontre entre Retro et Gizo, entre créations, concerts, et échanges en tous genres. Le rappeur grignois assure la voix off de cette vidéo, de sorte à expliciter ce qu’est le leitmotiv du 387 Digi et ce que sont les ambitieux de La Maison Blanch. L’aventure promet d’être belle, et l’Abcdr promet d’en écrire un épisode.

Avant, L’Abcdr proposait les mixes Underground Upload, plongées annuelles dans les tréfonds du rap anglophone. Faute de temps pour suivre des scènes de plus en plus prolifiques et éclatées, la série s’est arrêtée après le millésime 2016. L’admiration n’en est que plus grande quand nous prenons connaissance d’exercices de défrichage de pans obscurs de notre musique, qu’ils se fassent par le biais de sites (on pense à Swampdiggers), d’émissions de radio (comme Ghetto Blaster) ou de mixes. Et dans cette dernière catégorie, on a particulièrement apprécié le sobrement nommé 2018 Selected Underground Hip-Hop du DJ toulousain K-Tana : plus de deux heures de bon rap, une centaine de morceaux, un vrai taf de deejaying. Et bien sûr des blazes toujours bienvenus sur les tracklists : Conway, Westside Gunn, Big Twins ou encore Joell Ortiz. L’occasion idéale de se tourner une dernière fois vers 2018, de se rendre compte qu’on a raté plein de projets plutôt cool et de se dire qu’on fera mieux en 2019.

Dans la galaxie Bon Gamin, il est indéniablement le moins productif. À chacune de ses sorties, Loveni confirme pourtant une chose : pas besoin de s’agiter dans tous les sens quand on peut balancer ici et là quelques morceaux au dessus du lot. Le compagnon de Myth Syzer et Ichon aura en effet distillé quelques belles perles ces derniers mois, de la trap menaçante du « Piège » en compagnie d’Ikaz Boi, aux mélodies Pharrelliennes du solaire « Relance », jusqu’à la langueur romantique de ce nouveau titre « Stop, Encore » en compagnie de Feujai. Porté par les longues nappes synthétiques du producteur Brody, Loveni tape une nouvelle fois dans le mille en faisant simple et efficace puisque l’ambiance et l’attitude priment parfaitement sur la technique tout en transportant l’auditeur dans un mood nocturne et romantique que l’on aime ressentir les soirs d’hiver. Une belle leçon de style qui devrait avoir une suite : « Une nuit avec un Bon Gamin », nouveau projet de Loveni, est attendu pour le 8 février.

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Depuis quelques temps déjà, il est la nouvelle lubie du rap américain et de la pop en général. Kendrick Lamar, Travis Scott, Frank Ocean ou Beyoncé… tous ont fait appel ces dernières années à l’anglais James Blake et à sa voix sur le fil. Avec ses productions aériennes et sa sensibilité électronique, le Britannique semble même être sur le point d’éclater aux yeux du grand public, tout en affirmant une énième fois son statut de référence sur la scène alternative. C’est en tout cas ce que laisse entendre « Mile High », titre doux comme du coton co-produit avec Metro Boomin et interprété en compagnie d’un Travis Scott au ton de voix bien plus fragile que d’habitude. Un mélange des univers réussi qui laisse de belles attentes pour le prochain album de Blake prévu ce vendredi. Surtout lorsque l’on sait qu’un certain André 3000 est au casting.

Définir l’alchimie entre le rap technique de Pumpkin et les productions lumineuses de Vin’s da Cuero ne peut pas se résumer à un slogan dont le groupe use pourtant sans retenue : Make boom bap great again. Derrière une réalisation impeccable, aussi bien dans les placements que dans le mixage de boucles soyeuses, le duo de Mentalow Records parle d’abord du monde qui l’entoure. Et il le fait bien. Les thèmes sont fédérateurs, parfois même un peu convenus sur le papier. Mais ils sont traités avec brio pour une simple et bonne raison : ils évoquent les fragilités du monde avec une force rare. C’est en tous cas ce que transmet Astronaute, dernier album en date de Pumpkin et Vin’s da Cuero. Que ce soit la question du genre, celle de l’éducation, la place du rap, les villes qui avalent tout jusqu’aux espoirs les plus modestes, il y a une puissance à découvrir dans ce disque sorti l’automne dernier. Laquelle ? Celle de l’art de déconstruire les mythes en suivant du doigt les fissures d’un monde fébrile et parfois autant à bout de souffle que les gens qu’il épuise. Ne vous méprenez pas pour autant : ce n’est pas du rap triste ni bien élevé, c’est du rap lucide qui a été poli sur des instrumentaux de haute-facture et un niveau redoutable de emceeing. Cc’est l’envie d’un monde meilleur que cache la baseline Make boom bap great again. Et ça c’est bien plus qu’un slogan, c’est une belle ambition qui commence par le partage sur scène, là où la musique de Pumpkin & Vin’s da Cuero prend d’ailleurs toute sa dimension. Pour vous le prouver, L’Abcdr vous invite à le découvrir ce 24 janvier à Paris. Ce sera le lancement de la tournée Astronaute et des places sont à gagner sur nos réseaux sociaux.