De cette mixtape produite par Gizzle lui-même, il se dégage une forme de légèreté printanière. En seize pistes, le beatmaker bordelais et ses amis rappeurs Fealdean et Riche Cunning proposent une promenade sur la côte Atlantique française, et celle-ci prend parfois des airs de côte Pacifique américaine, comme sur « R.M.F.Giffle », sirènes et talkbox étant de la partie. Dans le même ordre d’idée, le Californien Mibbs de Pac Div figure au tracklisting de $ale&Clean vol.1, ode à la ride cool, à la vie extérieure et à la liberté d’aller et venir sous le soleil aquitain : « On n’a besoin de rien, on est capables de tout. Paraît qu’demain c’est loin… On ride, on cruise. On veut pas mourir vieux mais vivre libres et fous, la fureur dans les yeux l’avenir dans les couilles. »
Pour que leur petite fête soit réussie, Gizzle et ses gars se sont entourés de convives de qualité parmi lesquels Éloquence, Eff Gee, Grems, La Prune ou encore Perso (Le Turf) qui tous font honneur à l’invitation, dans une ambiance qui n’est pas sans rappeler le son Jet Life. Parfaite ouverture de la saison des barbecues, $ale&Clean vol.1 (Bud & Terrence edition) est sortie ce 29 mars via Salt In Bank, et est à écouter ci-dessous.
Sidekicks
Suite de « Mississippi » paru sur le précédent projet de Pumpkin & Vin’S da Cuero et consacré à l’art (très en vogue) de parler pour ne rien dire, « Longue histoire courte » explore l’autre versant de la parole. Il est désormais question de savoir dire ce qui doit l’être, de ne pas rester seul(e) avec ses mots. Et différencier la parole utile à celle inutile, choisir ce qui doit être dit sans faire de compromis, n’est-ce pas finalement l’une des missions première du MC ? Alors si sur une production – toujours aussi admirablement séquencée – de Vin’s da Cuero, Pumpkin évoque avant tout les pensées qu’il faut savoir adresser à ses proches, elle en profite pour confirmer son élégante technique. Celle d’une rappeuse à part qui s’offre le luxe de poser aussi bien en français qu’en espagnol, tout en offrant à sa « Longue histoire courte » un feat. avec le plus anglo-saxon des rappeurs de l’hexagone : Miscellaneous de Chill Bump. Un morceau trilingue pour une association qui touche autant à l’adresse verbale qu’à l’art de la verve. De l’art lyrique à l’art lyrical, avec comme écrin le décor de l’opéra de Nantes. « Deux personnes qui font les cons dans un lieu magnifique ? De la ringardise assumée » dit Pumpkin’ en rigolant. Ou quand le geste traduit la parole libérée. Le tout est dévoilé en exclusivité dans un clip, qui est en plus l’occasion de rappeler que s’il est déjà très bon mis en image à l’opéra, le duo établit à Nantes l’est encore plus sur scène. Ça tombe bien, ils se baladeront dans toute la France ces prochaines semaines.
Veust avait annoncé une série de quatre projets à l’automne dernier, à raison d’un par saison. Les mauvaises langues y voyaient là une promesse jetée en l’air parmi les billets, mais à mi-chemin le Lyricist tient son engagement et les sceptiques sont confondus. Le deuxième de ses chapitres est né sous la dernière lune hivernale. La sortie s’est donc tenue dans les temps, comme Veust sur les sept titres de cet EP. Sept pistes pour autant de solos du Manstr qui crache son feu en toute démesure à chaque mesure. Des flingues, du Curtis Mayfield, toutes sortes de drogues, des raclures urbaines, des sacs à damier, moult billets, des Bugatti, tout se passe sur la Côte. Voix grave, plume tranchante, rimes à rallonge, les traits d’esprit sont à l’honneur : « Zin j’me fais rare comme le calme dans Bethléem mais j’me cale sur le BPM », « J’crois en Dieu mais ces pétasses adorent plusieurs créateurs (Gucci, Louis V) », « Moitié blanc moitié noir zin donc je mets le maillot d’la Juve / Faut qu’je parte très loin d’ici zin craque les crabes avec le marteau d’la juge ». Deux décennies de rap dans les jambes, la moitié de Mic Forcing n’a rien perdu de sa forme , le Veustyle est encore éblouissant à l’hiver 2019.
Disponible sur toutes les plateformes habituelles, La Saison de Veust : Chapitre hiver est sortie via D’En Bas Fondation et est intégralement produite par Dojo The Plug. Quant à savoir s’il sera mis en images, Veust avait touché deux mots à ce propos il y a quelques mois : « Les clips, faites-les dans vos têtes, j’écris assez imagé pour ça… » Ça se tient.
Après deux EP sortis l’année passée (on ne saurait que trop vous recommander l’écoute de Donuts réalisé avec Didaï à la prod), Rimcash a mis en ligne le clip du premier extrait de son prochain EP, Système polaire, qui devrait trouver sa place sur les plateformes de téléchargement et de streaming ce printemps. Le MC originaire de Montreuil annonce de la « trap glaciale » comme avec ce « Trop tôt » produit par Gizzle et dont le clip est réalisé par Mouky. Interview à venir.
Un an après la sortie de l’album 137 Avenue Kaniama, Baloji continue d’explorer les multiples univers visuels de son projet. Habitué des longs clips depuis le début de sa carrière solo, l’artiste belge revient avec un court-métrage de presque quinze minutes pour lequel il est auteur, acteur, réalisateur, directeur artistique, producteur et styliste ! Après le très envoûtant clip de « Peau de chagrin / Bleu de nuit », cette nouvelle réalisation intitulée « Zombies » illustre les morceaux « Spotlight » et « Glossine », avant de terminer avec un extrait du titre « Ciel d’encre ».
Visuellement, « Zombies » est une explosion de couleurs, de références, de styles, de danses, de rythmes… dans un Kinshasa dynamique et pétillant. Ce voyage arc-en-ciel détient un message, ou plutôt une inquiétude : le rapport maladif voire charnel que l’on peut entretenir avec nos téléphones ; « servitude volontaire, tu dors les yeux ouverts », tel un zombie.
« .Raw-Z est un laboratoire, où Laylow assemble les pièces de sa propre machine, en jouant à la fois le Dr Frankenstein et sa créature. » C’est en ces termes que l’Abcdr décrivait le projet sorti par Laylow en décembre dernier. .Raw-Z constitue un pallier nouveau dans la discographie de l’artiste, laissant entendre une maîtrise certaine de sa musique et de son esthétique. Le Digital Lova s’apprête maintenant à le présenter sur scène, au long de son Z-Tour qui compte une douzaine de dates. La première ville à accueillir cette tournée est Bordeaux, où Laylow jouera le samedi 23 mars, à la Rock School Barbey sur l’initiative de l’association étudiante Start It. L’Abcdr vous propose d’en être et met en jeu deux places, à gagner sur Facebook.
Janvier et février sont certainement les plus mauvais mois pour profiter des sorties musicales. Dans cette période creuse, son temps peut être mis à profit pour poser une oreille sur de nouveaux projets. Dans les valeurs sûres montantes de la scène new-yorkaise crapuleuse : Eto. Le jeune rappeur originaire de Rochester s’inscrit dans une filiation évidente : une scène musicale dans les bas fonds des charts des plateformes de streaming, tournée vers le minimalisme, les boucles poussiéreuses, les histoires avec beaucoup de vices avec en filigrane, le fantôme de Roc Marciano et des frères de Buffalo.
Mais pour se démarquer, Eto a pris la tangente. L’intéressé s’associe à des noms de producteurs talentueux pour conduire ses projets du début jusqu’à la fin et leur donner du corps et de la chair. Il y a deux mois, le producteur V Don lui prêtait main forte pour bâtir Heather Grey EP. Un peu avant, sa fin d’année 2018 a été marquée d’une pierre blanche avec le Valenti & Rizzuto construit par le canadien Nicholas Craven, un acteur discret dont la patte s’est déjà faite entendre sur les bribes de Roc Marciano, WestSide Gunn, Tha God Fahim, Conway ou encore Planet Asia.
En ce mois de mars Eto débarque à nouveau avec un nom encore plus clinquant : DJ Muggs. L’odeur du soufre émane de Hell’s Roof. Un voyage au bout de l’enfer avec un hôte à la voix éraillée par le trop plein d’alcool ou de cigarettes et une manière singulière de conter la ville et ses endroits malfamés. Mis en images la semaine dernière, le titre “What You Sayin” incarne parfaitement ce sentiment.
Série de freestyles pour Sidouh
Dans l’interview qu’il avait donné à l’Abcdr il y a un an, YL avait parlé de « Sidouh, que vous ne connaissez pas, mais que vous connaîtrez bientôt ». Et voilà presque deux mois que le « DZ jamaïcain » d’Air Bel sort des freestyles à échéance espacée, après un EP de 17 minutes en décembre. Avec une voix singulière – décidément, c’est le propre de l’écurie 11.43 – une capacité à alterner chant, dancehall et découpage d’instrus, Sidouh attend son heure sans forcer, et toujours « lève son verre aux enfants de la misère » (« 4-4-2 »). Une préférence pour le freestyle numéro trois, le plus rappé, avec un clip en bonne compagnie dans un studio aux allures de Faucon Millenium au sein des locaux de Beat Bounce : Ladjoint, derrière chacune des productions, récemment créateur du « Skenawin Label » chez Universal, Oussagaza et Marteau la star discrète de Chouf.
Et tant qu’à faire, c’est l’occasion de regarder son passage aux côtés d’Oussagaza au Planète Rap de YL sur un featuring de Aether et Hemera, le genre de bordel organisé qui donne envie de backer en braillant joyeusement avec tout le monde.
La sortie du premier album de Triplego était devenue une arlésienne, ou presque. Pour preuve, lorsque dans son podcast du premier trimestre 2018, l’Abcdr recensait quelques projets particulièrement attendus par la rédaction dans les mois qui suivraient, Machakil était cité. De cet opus il ne fut rien en 2018, et libre à Momo Spazz et Sanguee de juger si cette attente est malheureuse ou non. Peut-être est-elle due à un perfectionnisme bienvenu, peut-être est-ce simplement la vie, l’industrie et la vie de l’industrie qui auront causé ce retard… Toujours est-il que Machakil a été libéré tout récemment, et la qualité de l’album annule rapidement l’intérêt de telles interrogations.
Le son synthétique et lent du duo est toujours identifiable sans peine, le rap de Sanguee n’a pas non plus changé du tout au tout. Mais lui et Spazz ont cependant insufflé un vent neuf à leur musique. Au long des seize titres qui composent Machakil, des sonorités inédites chez Triplego se font jour, et réduire le groupe à des métaphores aquatiques serait maintenant une faute. Les rythmiques sont plus percutantes, les basses s’expriment davantage et la douceur n’est pas la caractéristique première de l’album, comme en attestent les morceaux « Trou noir » ou « Iris ». Certaines notes trouveraient leurs places sur l’OST d’un western (« Die »), d’autres semblent sorties tout droit d’un jeu vidéo sci-fi (les distorsions de « Socios »). Un peu d’espagnol par ci, pas mal d’arabe par là, un lexique montreuillois pur jus, des influences de tous horizons, Machakil est un voyage et surtout un bien bel album que le temps a peu de chances d’abîmer. Il est en écoute partout, sorti en indé sur le label Twareg, fondé par le groupe.
Si Salaam est pour ainsi dire inconnu dans les contrées françaises, sa petite réputation s’est faite en Suisse alors qu’il appartenait au collectif 13 Sarkastick sous le nom de Jack’. Voilà qu’il sort son premier EP via l’écurie Milfranc Suisse et propose une ride en cinq titres dans sa ville, Genève. « Wavy, j’marche sur l’eau comme mec sur croix, j’suis dans une Lexus noire, elle a son kweh sur moi et j’ai ma teille sur moi ! » C’est dans cette ambiance de surf urbain que la visite se fait, dans un coin où l’argent et le crack se tirent dessus pour régner. En l’écoutant sans trop d’attention, l’EP de Salaam peut sembler cool, mais au fond du gobelet se dessine un univers sombre, plus violent et triste qu’il n’y paraît de prime abord : « un pied sur terre, les deux dans l’vice » comme il le chantonne sur « Fran666 ». Les rythmiques des morceaux sont bien plus douces que le propos du rappeur qui reprend à son compte un morceau de Curren$y, convoque Pimp C et Nipsey Hussle au détour d’un titre, et laisse apparaître Max B dans le clip de « Curaçao ». Le projet s’intitule CHF VI, et est disponible sur toutes les plateformes habituelles.