Sidekicks

Au printemps 2018, Muun se faisait un petit nom au delà des rues de Montreuil en sortant son premier EP Dopamuun. Il posait alors son identité musicale : une voix grave nappée dans les brumes de l’autotune, des sonorités empruntées aux musiques maghrébines mêlées au son cloud de Momo Spazz, qui produisait l’essentiel du projet. Lors de son interview dans les colonnes de l’Abcdr, Muun disait s’essayer lui-même à la composition mais ne pas se sentir prêt pour rendre public son travail de beatmaker : « Cela fait longtemps que je compose, mais tant que ce n’est pas au niveau que j’attends, je garde ça pour moi.  Je préfère travailler en amont, entrer dans la salle du temps et revenir avec quelque chose de lourd. » Il semblerait que l’année écoulée fût profitable à l’artiste, puisqu’il est non seulement interprète mais également compositeur de son nouveau morceau, « 3afia Mafia ».

Le titre s’inscrit dans la lignée de ce que proposait Muun l’an passé, en plus organique peut être, de par des percussions omniprésentes. Doux titre, « 3afia Mafia » se distingue notamment par son refrain très plaisant, entraînant certes mais en rien racoleur. Le rythme n’est pas reposant mais demeure apaisant, délicat, c’est un beau cœur bleu qui bat fort, plein de vie. À l’image du clip d’ailleurs, réalisé par Ordell-B et accompagné d’une intro en dessin animé, due à Kitsuneken (dessin) et Rosrows (colorisation et montage).

Un après la sortie de son album Livingston, Iraka en propose quatre titres remixés. Ou plutôt trois plus un pour être exact, puisque « Le Gris » était issu d’un EP préalablement sorti et intitulé Satie. Diamétralement opposés aux originaux, ces remixes répercutent les textes de l’ancien membre d’Olympe Mountain dans des atmosphères interlopes (« Insul-X » feat. Grems), et parfois bien plus dures et violentes, à la hauteur du tourbillon de mots que propose l’artiste. Dépeint à la fois comme slameur et comme rappeur, à la verve sans complaisance et aux complaintes froissées dans le verbe (« au diable le pessimisme de cette musique sans espoir quand j’y pense »), Iraka a été chercher quatre réalisateurs sonores qui ont transformé en répliques dévastatrices les secousses émotionnelles de Livingston. Avec une mention spéciale pour « Le Gris » et son superbe final remis en musique par le fidèle Miosine, ainsi que « Soleil » et sa version revisitée par Zedrine, de feu le groupe Enterré sous X. Des remixes à écouter « fort, d’ici jusqu’aux Baumettes ».

Deux talents mis en valeur dans Le Rugissant, livre paru en cette fin de mois d’août aux Éditions Marchialy. Le premier est celui de son auteur Raphaël Malkin, cofondateur du feu magazine Snatch, opérant désormais pour Society. Déjà auteur de Musics Sounds Better with you chez Le Mot Et Le reste qui retraçait l’évolution de La French Touch, le Montmartrois retrace cette fois le parcours d’un personnage légendaire du rap français : Marc Gillias, plus connu sous le nom de RudLion ; notre deuxième talent donc. En tant que producteur, il a marqué la deuxième moitié des années 90 avec notamment deux-trois classiques d’Expression Direkt : « Mon Esprit part en Couilles », « Dealer pour Survivre » et le featuring avec Big Red « 78 » sur leur premier album Le Bout Du monde. Big Red pour qui il produira une belle moitié de son premier album, Big Red-emption, notamment l’enfumé et hypnotique « Spliff », le funeste et magnifique « El Dia de los muertos » en compagnie de Rocca ou encore le chaud-froid envoutant de « Riz-la ». Un album qui restera comme son dernier fait d’armes derrière les machines puisqu’il décédera d’une mort violente la même année. Ses productions étaient à l’image du personnage : complexes, rudes et brutales, teintées de funk et de basses grasses. « Le Boucan » se rapprochait d’un son californien avec la rudesse du son new-yorkais. Une tête brûlée à l’origine de tout un pan du rap français, d’Expression Direkt à la Mafia K’1 Fry, passant aussi par le reggae (Tonton David, Nuttea) et même la chanson française. Pour ne rien gâcher, la plume de Raphaël Malkin est délicieuse. Simple et sans esbroufe, elle décrit avec une justesse précieuse l’environnement du Rugissant. Entre milieu du banditisme parisien et industrie musicale française, Raphaël Malkin dresse un portrait sans-fard du Grand Paris des années 80-90 avec un souci du détail (David) Simon-esque.

Pour lire des extraits de Le Rugissant, rendez-vous sur  Google Books.

La filiation artistique entre le Roi Heenok et Freeze Corleone est évidente depuis les débuts de ce dernier, qui intitulait déjà un titre « Pute nègre » sur sa première mixtape et samplait le roi pour l’occasion. Il réitéra d’ailleurs en introduction de son morceau « 16 Pains », et plus récemment encore le chef de file du 667 offrait un hommage appuyé à Heenok avec « Sacrifice de masse », un titre faisant clairement écho à « Nibiru ».  Quand ,il y a quelques mois de cela une photo des deux artistes en studio apparaissait sur la toile, cela suffit à alimenter rêves et fantasmes quant à un éventuel morceau commun. Le suspens fut d’ailleurs de courte durée puisque le rappeur québécois montra rapidement son amour pour la musique de Freeze et annonça dans la foulée avoir enregistré deux titres avec.

Le premier vient de sortir en ce 11 septembre et s’intitule « 38 Spécial », sur une production de Flem et Congo Bill. Les deux rappeurs n’ont pas tellement d’effort à fournir pour réunir leurs univers, tant ceux-ci se rapprochent naturellement. Un pas vers l’adoration divine, un pas vers le blasphème, égotrip de rappeur et mépris de grand bandit, ils marchent sur un fil au dessus des loges occultes qui décorent toujours leur écriture. De quoi satisfaire les amateurs du genre, en attendant la sortie d’un nouvel album du Roi, et l’éventuel pressage physique de Projet Blue Beam, dernière sortie en date de Freeze.

“Ecrire sur les chansons revient à les ramener au sol” dit Arm dans le texte qui accompagne Codé, son futur album. Puis il ajoute : “Elles sont juste les lueurs d’espoir au bout des tunnels.” C’est le cas de “Deux”, premier extrait de ce disque qui sortira le 11 octobre. Il est l’un de ces titres sans beat dont Arm a la maîtrise parfaite. Une fausse berceuse, peuplée de nappes synthétiques et de caresses de cymbales, pour un véritable interstice émotionnel dans lequel se faufilent les vies des auditeurs. Une secousse de chair de poule dans la tracklist parfois lumineuse, plus souvent extrêmement rugueuse de Codé. Encore une fois, l’univers d’Arm sous ses abords cryptiques et futuristes permet (et permettra) à celui qui écoute sa musique d’y transposer sa propre existence. Son vécu y chemine à sa guise, dans les silences et observé par “les grands yeux noirs croisés sur ton parcours.” Privilège rare et précieux que peu de rappeurs savent à tel point offrir à ceux qui les écoutent. Et comme écrire plus sur cette chanson reviendrait effectivement à la ramener au sol, qu’elle reste ce moment suspendu. Avant de prendre Codé de plein fouet dans un mois. À décrypter avec le cœur et l’âme.

En Australie, ce sont des stars. Ils y raflent des récompenses depuis plus de quinze ans, sont en rotation sur les radios nationales, rejouent l’un de leurs albums avec l’orchestre symphonique de l’Opéra d’Adélaïde et pour les voir, il faut aller dans un stade. En France, c’est tout l’inverse. En 2017, lors de leur premier passage dans l’hexagone, Hilltop Hoods avait joué à La Bellevilloise en dernière minute et pour finir leur tournée européenne. Initialement programmé aux Étoiles, le concert n’avait pu se tenir à cause des inondations qui touchaient une partie de la capitale. Un show expédié un peu à la va-vite par le trio d’Adélaïde (1h de scène tout de même), mais d’un professionnalisme rare, doublé d’une efficacité redoutable. Devant un public composé à plus de moitié d’expatriés australiens, les Hilltop avaient balayé avec explosivité leur catalogue. Et pour cause :  Suffa, Pressure et DJ Debris (accompagné d’un batteur pour l’occasion) symbolisent mieux que personne toute l’école boom-bap du rap aussie, celle qui est à explorer à travers les archives du label Obese Records, dont les trois gaillards d’Adélaïde furent l’un des fers de lance. Depuis, Hilltop a créé son propre label et appris à vieillir. Et plutôt pas mal. Même si leurs derniers disques sont parfois un peu trop arrangés et sages, il y reste cette conscience de l’énergie rap. Elle côtoie désormais celle du temps qui passe. Alors aucune raison d’en vouloir à leur accent australien plus que prononcé et répondez à l’appel des vétérans du rap de l’île-continent. Ils seront en concert  ce 3 Octobre au New Morning. Et pour en avoir plus sur le rap du bout du monde lui aussi en pleine mutation, prenez le temps de découvrir à travers cet excellent article.

« J’ai pris le flow à Biggie, j’rappe comme un New yorkais et je n’ai confiance qu’en l’élasticité du durag ! » Les bases sont posées, et les idées d’Isha sont protégées par un couvre chef savamment noué. Un an et demi après La Vie augmente vol.2, le rappeur annonce la sortie prochaine du volume trois avec « Durag » son nouveau morceau, produit par Eazy Dew et sobrement mis en images par Guillaume Héritier. On se souvient du frigo américain qui avait donné lieu à un titre fétichiste des plus savoureux en 2017, c’est cette fois le durag qu’Isha emprunte à la mythologie américaine nineties pour cristalliser ses intentions. Il rappe comme un grand pendant deux minutes, sans laisser de place au vide, et en alignant les images bien senties : des tresses qui caressent des fesses, des claquements de ceintures au son des cantiques, un frimeur qui prend des gifles. Sans fantaisie, Isha frappe à grands coups de style et assène chaque phase comme une vérité absolue. Et celui qui essaie d’en placer une ne sera pas écouté, « comme les notes vocales de plus d’une minute trente. »

En tout juste trois ans, la Music Producer Convention s’est imposée comme un événement incontournable pour les professionnels du son et les producteurs ou ingénieurs du son en formation. Comme les éditions précédentes, celle prévue du 11 au 13 octobre prochains va concentrer en trois jours des débats, des conférences, des rencontres et surtout des ateliers en studio avec des pointures américaines et françaises. Bink!, Rockwilder, Tony Dofat, Ty Fyffe, My Guy Mars de 1500 or Nothin’, Scoop Deville ou encore Tarik Azzouz sont ainsi attendus pour distiller leurs précieux conseils et leur expérience aux studios du Abbey Road Institute, à Suresnes, dans les Hauts-de-Seine. Ils seront également, parmi d’autres professionnels, membres du jury d’un beat battle, qui aura lieu le vendredi 11 octobre au 2 Pièces Cuisine, au Blanc-Mesnil, en Seine-Saint-Denis. Si vous êtes intéressés par les workshops donnés par ces pros des studios, ou par la compétition entre beatmakers, il reste des places sur la billetterie de la Music Producer Convention. Le programme détaillé de l’événement est également en ligne sur leur site.

Cela fait des années que le Jeune LC offre de temps à autre une friandise : un couplet chez ses potes Loveni et Ichon, une apparition avec Myth Syzer, un inédit caché dans une rare interview… Le Parisien n’est pas de ceux qui inondent la toile de musique, trop occupé sans doute à « vivre ses textes »; si bien que le sablier s’écoulant, la sortie d’un projet musical officiel paraissait de moins en moins vraisemblable. Les promesses n’engagent après tout que ceux qui y croient, et la liberté qui émane des sons de Jeune LC n’a pas franchement besoin d’un format spécifique pour s’exprimer. Toujours est-il que celui que nous qualifiions de « secret le mieux gardé de Paris » il y a deux ans a fini par offrir un EP six titres le premier septembre dernier sur Soundclound.

L’EP s’intitule Croyance & Perdition, et ne compte qu’un morceau déjà connu, « 48 bars » produit par Myth Syzer. C’est comme un livre ancien ouvert sur le monde mais coincé chez un bouquiniste dans Paris. La voix du Jeune s’échappe d’une terrasse, suit des Boulevards, s’élève vers une tour… Tout est jeune depuis des décennies dans la musique de LC, marquée par la peine et porteuse d’amour pourtant. Plein de belles lignes se font jour au fil des textes qu’il écrit. Il y a du bicarbonate en ébullition, des dents perdues et des amis disparus (« repose en paix Desty Corleone »), mais aussi du mélange de cultures, des filles en 501 et des nuits festives. C’est la même dope qu’à l’accoutumée chez Jeune LC, et elle est toujours aussi douce, toujours aussi dure.

Même si cela fait huit ans qu’il a changé son nom civil et artistique pour Yasiin Bey – et tient à ce que l’on respecte ce choix – les amateurs penseront probablement toujours à son premier nom de scène : Mos Def. Un pseudonyme qu’il a fait briller il y a deux décades, grâce à l’album Black Star avec Talib Kweli, suivi de son premier disque solo, le brillant Black On Both Sides, dont on va fêter les vingt ans le 12 octobre prochain. Mais avant ça, Yasiin Bey passe par Paris pour cette rentrée, avec un concert prévu ce samedi 7 septembre au festival Jazz à la Villette. Et il ne vient pas seul : les cuivres puissants du Hypnotic Brass Ensemble de Chicago et les polyvalents londoniens Kaamal Williams et Emma-Jean Thackray l’accompagneront sur la scène de la Grande Halle de la Villette. Un casting de musiciens prestigieux, pour un concert qui parait prometteur. Pour ne pas rater cette occasion, on vous fait gagner des places. Ça se passe sur nos réseaux sociaux : Facebook, Instagram et Twitter.