Sidekicks

La deuxième saison d’Euphoria a débuté il y a quelques semaines et poursuit sa plongée stylisée dans les tourments d’une jeunesse aux prises avec l’addiction, les questionnements d’identité, la violence et la pression sociale. Dans ce monde où le lycée est une orgie perpétuelle avec des élèves torturés et d’une beauté impossible, on écoute du bon son. À la bande originale réussie réalisée par Labrinth, qui navigue entre envolées de chœurs oniriques, synthés puissants et énergie fébrile, s’ajoute une sélection de morceaux imparable qui pioche dans tous les répertoires, et en particulier dans le rap. Peut-être est-ce le véritable rôle de Drake dans la série d’HBO. Après tout, son nom figure au générique en tant que producteur exécutif, mais son rôle exact a toujours paru pour le moins flou, en dehors d’un apport mutuel de visibilité.

En plus des gemmes cachées et des classiques qui rythment les différentes scènes, la saison 1 comporte une particularité étonnante, même si le principe n’a pas tenu jusqu’au bout : chaque épisode porte le titre d’un célèbre morceau de rap en clin d’œil avec un aspect de l’intrigue. Dans l’ordre : « Stuntin Like My Daddy » de Lil Wayne et Birdman, « Made You Look » de Nas, « Shook Ones Part II » de Mobb Deep, « 03 Bonnie & Clyde » de Jay-Z et Beyoncé et « The Next Episode » de Dre et Snoop.

La saison 2 multiplie elle aussi les petits coups de coude aux connaisseurs. Le premier épisode case à la fois « Hit Em Up » de 2Pac, « Hypnotize » de Biggie, « Back That Azz Up » de Juvenile et « Party Up » de DMX. Qu’ils passent discrètement en fond sonore ou soient mis en valeur par la mise en scène léchée, les morceaux sont soigneusement choisis et participent beaucoup à l’ambiance générale, quitte à ne pas toujours faire dans la subtilité. L’utilisation de la musique dans la série se veut ouvertement cool, à la Tarantino, et il faut avouer que ça atteint largement son but. On avait déjà aimé voir ces ados aux relations compliquées danser sur « Blow The Whistle » de Too Short dans la saison 1, on a encore plus aimé voir Zendaya faire du vélo sur le refrain de « Gangsta Nation » avec sa mallette de drogue (non, ça ne compte pas comme un spoiler). Bref, rien que pour la bande-son, on vous conseille d’y jeter un œil si ce n’est pas déjà fait.

Sur son Bandcamp, Testos présente ainsi son nouveau morceau : « hommage à ma génération, celle qui a grandi sur du Wu Tang. RIP ODB. » En 1998, après son couplet final sur « Sortie de l’ombre » d’ATK, s’entendait la voix scratchée de ce même Ol’Diry Bastard… « Mc’s, I’ll be burning, burning hot ! » Le temps a filé depuis, ODB n’est plus de ce monde, Fredy K n’est plus de ce monde, Kesdo n’est plus de ce monde. Mais leur musique reste et leur mémoire perdure, entre nostalgie d’une époque révolue et postérité artistique. En tout cas, dans le cœur de Test, le souvenir est vif.

Avec « Génération Wu-Tang » le Big Testos s’offre un retour dans le temps sur un instrumental de Diagram Music (entendus notamment derrière « Paris la nuit » il y a quatre ans), et avec un quart de siècle de rap dans les jambes, l’ancien n’a rien perdu de sa pertinence. L’écriture est subtile, les références se succèdent sans qu’on les voit venir, ainsi passe-t-il du Terror Squad à Shakespeare, de Lumumba à Ultron, des Refrès à Jean Baptiste Poquelin. Certes, il est plus honnête concernant ce dernier namedropping de ne pas le décontextualiser : « Muselière car colère sous la molaire, grosse moula et gros molard,
sur ce coup là j’encule Molière ! » Désolé pour la Comédie Française, mais ici on salue la technique de Test. Sur les deux couplets qui composent le morceau, il enchaîne les rimes internes et les césures, avec une facilité encore épatante. Si tout se passe comme prévu pour le taulier du XIXe arrondissement, Étoile polaire devrait enfin avoir une suite, et celle-ci s’appellera Calmez votre ancien.

Que peut donner la fusion entre l’auteur de « T’es zoophile si tu baises avec des keufs, vu que c’est des porcs ou des poulets » et de « Double Rotors en platine comme les couilles à Terminator, elles se déboîtent les babines quand elles sucent le dinosaure » ? « Tu dois des sous » est le deuxième extrait de l’album annoncé entre Kaaris et Kalash Criminel, à paraître ce 28 janvier. Les deux Sevranais, scellés à jamais par le succès d’ « Arrêt du coeur » en 2017 – Kaaris place d’ailleurs un clin d’oeil au mémorable « j’mange des sandwichs de gnou j’bois de la limonade de chatte » au début du morceau – sont-ils à la hauteur ? Sur ce titre, franchement oui, plus que le « Tchalla » sorti en décembre. « Tu dois des sous » confirme que cet album commun est une bonne nouvelle pour le rap français. Et si Kalash Criminel avait besoin de Kaaris pour se surpasser, et Kaaris de Kalash Criminel pour (vraiment) s’amuser ? Car c’est bien de jeu dont il est question, et c’est pour cette raison que le son fait autant plaisir. Il est plus rare d’entendre des passe-passes sur des sonorités de rap récent : ici, sur une instru sombre façon drill brooklynienne signée Therapy, les deux rappeurs jouent à un ping pong meurtrier, match amical mais de niveau olympique. Avis aux profs de français qui voudraient illustrer parallélismes, antithèses et autres figures de style binaires de manière ludique. Car le meilleur reste l’alliance délectable d’humour et de violence gratuite qui fait leur rap, ponctuée des ad-libs qu’on leur connaît. « J’m’en lave les mains si t’es au cimetière (Pute), j’respecte les gestes barrière (Pute, pute, pute, pute) » (Kaaris), « Comme les dents d’Béatrice Dalle (Ah, ah, ah), t’as les jambes écartées (Woaw) » (Kalash Criminel). Ici on menace et on se marre, on rappe sans thème mais toujours avec style et force de frappe. Bref, la crème de ce « rap français rempli de teurpoins… »

Photo: @NeskoKevin

C’est l’un des dispositifs les plus réputés en France pour les artistes rap en développement. Le Buzz Booster tient sa réputation non seulement grâce à la qualité de son organisation, son réseau de salles et structures implantées sur tout le territoire métropolitain, mais aussi grâce à la liste des artistes qui sont remporté ce concours depuis treize ans : Nemir, Kikesa, Kenyon, DI#SE, Cheeko & Blanka ou encore Eesah Yasuke – dont le prometteur Cadavre Exquis sorti l’an dernier aurait mérité quelques mots dans notre bilan de 2021. Des artistes qui ont bénéficié de l’accompagnement des professionnels affiliés au Buzz Booster pour le développement de leur carrière et de leurs prestations scéniques.

L’édition 2022 du Buzz Booster a démarré au début du mois avec sa première étape : les inscriptions en région. Tous artistes rap en solo ou en groupe peut y concourir à condition d’avoir un répertoire original d’au moins 30 min et d’être résident dans la région d’inscription. En plus de la plateforme de découverte auprès du public et des professionnels que constitue le Buzz Booster pour les candidats, le lauréat final du concours bénéficie d’une aide à la production de plus de 15.000 € ainsi que de dates de concerts ou encore de sessions d’enregistrement au Red Bull Studio.

Les inscriptions sont ouvertes en ligne sur le site du Buzz Booster jusqu’au 31 janvier 2022, avant les concerts de sélection et finales en région entre février et mai.

C’est le genre d’initiatives réjouissantes qui fleurissent quelques fois dans l’année. Notre confrère La Formule Secrète, chaîne Youtube qui distille des vidéo finement écrites et montées autour du rap français, a entrepris de raconter l’histoire d’Asphalte Hurlante, premier album du groupe La Caution qui a fêté ses vingt ans cette année. Mais plutôt que de regarder sa caméra droit dans l’objectif comme souvent, il est sorti de son home studio pour réaliser un reportage en trois volets et a interviewé Nikkfurie et Hi-Tekk, leur entourage proche et des rappeurs et professionnels de la musique dont ils ont croisé la route. On retrouve ainsi dans le premier épisode du documentaire, consacré aux premières années à Noisy-le-Sec, aussi bien Nikkfurie, une partie des Cautionneurs, Fefe (ex Feniski du Saïan Supa Crew et d’OFX) qui a cotoyé le groupe à ses début, L’Indis des 10 (voisin de Bobigny) et Mouloud Achour. Un premier épisode documenté, nourri d’archives, d’anecdotes passionnantes et de regards croisés qui laisse entrevoir encore de belles choses pour les deux suivants, prévus respectivement les 11 et 18 décembre.

« Il arrive lentement lentement tout vêtu de blanc […] Du tréfond des ténèbres il revient de loin […] Il se sert de l’ombre pour créer la lumière […] Faites qu’apparaissent plein de billets dans les poches de son Dickies, offrez lui le Saint Liquide, Dieu bénisse le Charly Kid. » C’est par une prière de louanges récitée par une voix féminine que s’ouvre l’album de Charly Kid, posant le cadre d’une demi-heure de rap alternant légèreté d’esprit, tourments psychologiques, noirceur de l’âme et recherche esthétique.

Il vient de Namur dont le quartier de Bomel prête son nom à un morceau d’Attention, « Bomel City Crack ». La Belgique se laisse entendre au détour d’un « huit » ou d’un « vingt » prononcés à la wallonne, ainsi qu’à travers l’incroyable morceau « AB3 en 2001 », référence à l’année de création de la chaîne de télévision belge. Le Kid y délivre un egotrip invraisemblable, se sentant comme « Future en 2015, Gucci en 2009 […] AB3 en 2001, Dr Dre sur 2001, Kubrick après 2001. » Il ne manque pas une occasion de citer un rappeur et dresse d’ailleurs un beau panthéon sudiste au long d’Attention, citant pêle-mêle la Three Six Mafia, UGK, Dj Screw, Koopsta Knicca… Chacun se fera un plaisir de glaner les autres hommages de l’album (découvrant au passage un improbable parallèle entre Hifi et le World Trade Center).

Au delà d’un puzzle de références musicales, Charly Kid invite à déambuler avec lui dans l’obscurité, sous les yeux malveillants des drones américains et des oiseaux de mauvaise augure. À mesure qu’il avance dans l’ombre d’une ville oppressante, le rappeur s’enfonce dans une noirceur toujours plus vide. De « Deadly premonition » où il parle de mourir à trente ans à « Kingpin Skinny Kid » où il se dit « tranquille dans le néant », en passant par ses pensées suicidaires sur « Recette cookin' », Charly entretient un rapport ambigu à l’au-delà. L’esthétique sombre développée sur Attention par ces allusions macabres et les instrumentaux ténébreux , tous composés par le rappeur lui-même ne saurait pour autant suffire à résumer la musique de ce Charles Gosse.

Une autre dimension du rappeur est immanquable à l’écoute de cet opus : sa malice. « Même si je regarde dans le vide gros t’inquiètes je m’amuse », dit-il. Et il est vrai que la distraction a sa place au long de la dizaine de titres proposés par un « straight gogol, super mongol. » Les occasions de sourire sont nombreuses, que ce soit par des allusions culturelles, des tournures de phrase, des propos sans fond ou par un fantastique cours sur la mesure de pureté de l’or en forme d’adlib sur « AB3 en 2001 ». Par cette double personnalité, entre le gothique morbide et le chenapan farceur, ainsi que par ses renvois à Akira, Kubrick, aux voitures, au rap, au style, Charly Kid n’est pas sans rappeler Butter Bullets. Aussi la présence de Sidisid sur « Eyes wide shut » sonne comme une évidence.

 

À la toute fin des années 1980, le Hip-Hop en province faisait ses premiers pas. Les activistes étaient peu nombreux, les lieux et les événements dédiés à la culture bien rares. Pour pouvoir vivre leur passion, les fly girls, b-boys et autres partageaient concerts, magasins de disques, émissions de radio avec les amoureux d’autres courants musicaux, qu’il s’agisse de rock, de funk ou de reggae. De ces rencontres sont nées, jusqu’au milieu des années 1990, une quantité sous-estimée de projets enthousiastes et bigarrés. Straight Royeur et son seul disque, Fear of a Female Planet, sont de ceux-là. Dire que la formation lyonnaise avait quelque chose de singulier tient de l’euphémisme : derrière les deux rappeuses au discours féministe affirmé officiait l’ancien guitariste d’un groupe punk ayant eu sa petite renommée, mais aussi des pionniers locaux de la culture hip-hop à la basse et aux platines. C’est l’histoire de cette alliance surprenante que racontent Karim Hammou et Cara Zina dans le livre Fear of a Female Planet, sorti aux éditions Nada. Le premier est sociologue, la seconde est l’une des deux voix de Straight Royeur, son ancienne acolyte au micro étant l’écrivaine Virginie Despentes. Le récit nous fait naviguer dans des environnements culturels passionnants, qu’il s’agisse des milieux alternatifs et des squats, du fanzinat ou du milieu hip-hop à l’époque de la déflagration Public Enemy. Pour faciliter le voyage dans le temps, de nombreux acteurs ou spectateurs de l’aventure partagent leurs souvenirs, appuyés par de précieuses illustrations d’époque soigneusement conservées par Cara Zina. Le parcours de Straight Royeur était resté jusque-là étrangement méconnu : Fear of a Female Planet répond à cette anomalie de bien belle manière.

Le deuxième EP de Djado Mado recèle des perles : un candidat au titre de futur classique (« El Shabbaz ») plein de références aux rappeurs admirés, un son marrant aux inspirations reggaeton inattendues avec Aketo et des couplets qui redonnent ses lettres de noblesse à un rap engagé trop facilement traité de ringard : « CFA », « Colonisé », à recommander à Emmanuel Macron car il n’y a pas que « L’odeur de l’essence » dans la vie. Et autour de la sortie de Noor II, deux clips réussis : le titre trilingue et énergique avec Djalito, « Kattegat », et « La lune », sorti le 3 décembre. Djado est cette fois en compagnie du jeune prodige de 2021, So la lune – décrypté ici – dont les fulgurances d’écriture devraient mettre un terme aux comparaisons avec Jorrdee sur le seul argument de l’étrange et titubante nonchalance vocale. Clin d’oeil à l’astre des Comores et au blaze de ce dernier, il s’agit du premier featuring entre les deux artistes. La nuit est « l’égérie » de So (« c’est plus simple dans la noche », chantait-il dans « Keh Lanta »), le refrain parle de s’allumer avec un flash en raison d’un coeur éteint : le titre aurait pu être sur un de ses EP, il a une couleur différente du reste de Noor II. Pourtant, il s’y intègre sans souci. Le secret ? Une (vraie) collaboration entre Kon Queso, producteur marocain basé à Lyon qui travaille avec So depuis 2019, et Madizm, producteur de l’EP. La structure de l’instrumental, centrée sur des guitares presque féériques, a été conçue par Kon Queso. Madizm a, entre autres, harmonisé l’instru de son collègue avec le reste de l’EP. Il a retravaillé les basses, accentué les drums, « ajouté des licks de guitare sénégalaise bien planqués » et une jolie flûte sur le refrain. Le résultat, un son aux couleurs du crépuscule chéries par So la lune, mais où Djado Mado tire nettement son épingle du jeu.

Young Dolph semblait invulnérable. Aucun morceau ne capture mieux cette aura que « 100 shots ». Enregistré quelques jours à peine après que Dolph avait réchappé à une tentative d’assassinat, en 2017, les quelques notes de piano autour desquelles l’instrumentale se construit lentement transpirent encore l’odeur de la poudre. Adolph Robert Thornton Jr. y clamait à pleins poumons l’exultation du survivant et l’assurance tranquille d’être à l’épreuve des balles. La tragique nouvelle de son décès lors d’une fusillade au cœur de Memphis, la ville dont il portait l’étendard depuis plus de dix ans, vient parer cette chanson d’une tonalité lugubre.

La couronne qu’il s’était lui-même posée sur la tête en intitulant son premier album King of Memphis était loin d’être usurpée : Dolph était et restera une légende de Memphis. Pendant plus d’une décennie, il a incarné le son de la capitale du Tennessee et a contribué à faire émerger la nouvelle garde de la ville.

À la tête de son label Paper Route Empire, Young Dolph avait bâti sa carrière comme un modèle d’indépendance. Impossible en apprenant la funeste nouvelle de ne pas entendre l’écho du nom de Nipsey Hussle : les deux hommes partageaient un même idéal d’indépendance, un même ancrage dans le son, l’âme et les rues de leurs villes. Tous deux finiront par être abattus dans ces mêmes rues.

Young Dolph semblait invulnérable, et l’annonce de son trépas n’en est que plus choquante ; elle sonne comme un cruel rappel de la réalité de cette violence qui, en tant qu’auditeurs et auditrices de l’autre côté de l’Atlantique, nous paraît parfois distante, irréelle, esthétique même. Puisse-t-il reposer en paix.

Il faudra être ce soir à Lyon. Ce n’est pas une injonction, mais bien une envie de communion qui guide ces mots. Il y a un an DJ Duke quittait la Terre, bien trop prématurément. Il se souhaite à ceux qui partent qu’elle leur soit légère. À la Marquise, bateau emblématique des soirées lyonnaise où Duke était un résident, son âme flottera et planera. En musique et avec la conviction de « faire les choses » qui lui était propre. Sous l’impulsion de l’activiste et rappeur  Yanbra, La Caution, Crazy B ou encore Low Cut perpétueront ces nuits où le Duke faisait vivre une vision large du hip-hop. Musique évidemment, pour celui qui était scratcher, beatmaker, et remixeur hors-pair. Mais le DJ était aussi un artiste impliqué, déterminé, qui ne s’arrêtait jamais d’œuvrer dans l’ombre des studios autant que derrière les platines. Pour se donner une idée de qui était ce personnage souvent « undercover » comme il aimait le dire, il y a évidemment sa musique à écouter et à se procurer, sur place ou via son bandcamp. Il y a aussi notre longue interview parue en 2017. Mais il y a surtout ce très bel hommage organisé par le site Le Petit Bulletin, où des proches et complices du DJ témoignent de son activisme acharnée et de sa passion intacte. Dans cette série de témoignages, Ogreoner dit d’ailleurs ceci : « DJ Duke était de ceux plus occupés à mettre l’ambiance qu’à la casser ». La preuve en sera donnée cette nuit, à coup sûr. Et elle sera lumineuse.

Toutes les infos sur cette soirée sont disponibles sur le Facebook de l’association John Duke Heritage.

Graffiti hommage par Duke72, Nicolas Gumo, Don Twa pour la soirée Dj Duke Heritage