C’est un groupe estampillé Abcdr canal-historique. Depuis leur premier album Will Rap For Food en 2001 jusqu’à leur dernière trace discographique, Rose Azura Njano sorti en 2017, la musique foisonnante des CunninLynguists a régulièrement trouvé une place dans nos colonnes. Comme dans les oreilles d’un public européen fidèle, en atteste leur tournée actuelle sur le vieux continent avec notamment plusieurs dates en France : Strasbourg, Villeurbanne, Marseille, Pessac, mais aussi une date en Île-de-France à Paul B, à Massy (91), ce samedi 21 mai 2022. Annoncée comme une célébration des dix ans de l’onirique et vaporeux album Oneirology (sorti en 2011), la tournée est aussi l’occasion d’inviter avec eux en première partie Sadistik, dont le dernier album Bring Me Back When The World Is Cured est intégralement produit par Kno des CunninLynguists (et dont on a parlé dans notre dernier podcast trimestriel). Si vous voulez voir ou peut-être découvrir ce groupe rompu à la scène, on vous fait gagner des places pour leur date francilienne sur nos comptes Facebook, Twitter et Instagram. Sinon, la billetterie est toujours ouverte.
Sidekicks
Dans la tête de nombreux fans de rap, Dijon, c’est le décor dépeint par AL dans le mémorable « Les Lions vivent dans la brousse », sa prod toute en finesse du regretté DJ Duke et ce texte qui raconte l’ennui des amateurs de hip-hop des villes de province dans les années 1990. Plus de vingt après, plusieurs acteurs culturels locaux font bouger les choses dans la capitale bourguignonne. Nouvelle venue, l’association Déficit Organisé co-organise le 23 avril prochain avec Maloka une soirée à l’affiche alléchante. Les Tanneries II accueillera un plateau d’artistes rap d’une qualité indéniable : Vîrus et DJ Blaiz, L’uZine au complet, et en ouverture Stélio Staff et Sandro Grabuge. Un programme de haute tenue pour lequel l’Abcdr du Son est partenaire et fait gagner des places. Ça se passe sur notre page Facebook et notre compte Twitter.
Le dispensable retour de Bigflo et Oli
À cinq jours du premier tour de l’élection présidentielle française de 2022, Bigflo et Oli font leur retour après deux ans de silence. Un silence qu’ils auraient tout à fait pu prolonger pour quelques jours ou pour l’éternité. Pour revenir, les deux frères ont fait le choix d’un morceau sur la France, ou plutôt d’un morceau pour la France.
Des années après s’être fait un premier petit nom grâce au Rap Contenders, les Toulousains ont largement dépassé le cadre du public rap stricto-sensu. Mieux, ils ont accompagné l’accroissement dudit public. Leur communication juvénile, leur ton gentillet, l’apparente absence de toute prise de position dans leur rap, son format accessible… Autant d’éléments qui ont participé à en faire des têtes d’affiche de la musique française depuis 2015 et l’album La Cour des grands. Bigflo et Oli sont donc tout à leur aise pour réapparaître en 2022, avec les moyens d’Universal Polydor et de quoi satisfaire leurs auditeurs aimants et des médias généralistes qui les ont choyés. Qu’en disent-ils, ces titres de presse non-musicale de « Sacré bordel », le nouveau single de Bigflo et Oli ?
Pour 20 Minutes, ils signent « un titre engagé (et introspectif) qui clame leur amour pour la France » ; pour La Dépêche c’est un « message transmis aux esprits chafouins qui jettent le pays avec l’eau du bain mais aussi aux crédules ou tenants de faux-semblants » ; pour Le Figaro, les frangins « chantent leurs doutes et leur amour de la France » ; pour La Voix du Nord c’est un morceau où l’on « clame son amour du pays. » D’autres ne font que reprendre les éléments de communication reçus, et le texte qui accompagne le clip sur Youtube, à savoir « un retour après une pause qui [leur] a vraiment fait du bien », « une chanson forte de sens et importante pour [eux] » et un petit « vive la France sur Reddit putain de merde !! » en conclusion, renvoyant à la guerre des pixels qui animait Internet en début de semaine et réveillait un patriotisme bon enfant chez les streamers hexagonaux.
Patriotisme bon enfant… C’est un peu cela que proposent Bigflo et Oli avec « Sacré bordel », gloubi-boulga relativiste reposant fragilement sur un amour de la France malgré ses défauts, une envie de se revendiquer Français et d’aimer son pays, de s’accrocher à ce qu’il a de bien même s’il a du pas bien. Pour faire une comparaison nulle et banale, ils ressentent la même chose pour leur pays que pour un oncle raciste. Dommage, cette anaphore a déjà été faite par quelqu’un d’autre ailleurs. Oli : « J’aime la France, comme une tante avec qui je suis pas trop d’accord, qui fait trop peu d’efforts, mais pour qui je chialerai toutes les larmes de mon corps à sa mort. » Pour contextualiser, quelques lignes avant, il se demande s’il descend des collabos ou des résistants, puis quelques lignes plus loin s’interroge sur quelle est la police française, « celle des sales bavures ou celle en première ligne à l’Hyper Casher ? »
Le temps de deux couplets et une outro tout y passe, les comparaisons sans relief s’accumulent pour former un amoncellement de banalités toutes plus affligeantes les unes que les autres. Il n’y a aucun questionnement sur la situation sociale, sur la situation économique, sur la situation politique du pays. Juste un état des lieux sans profondeur, dénué de toute mise en perspective. Parler de la France au passé en 2022 sous la plume de ce groupe de rap c’est écrire « son histoire, j’en connais ses horreurs mais aussi sa puissance, j’suis pas responsable de ses erreurs mais j’dois faire avec ses conséquences », puis renvoyer à « ses châteaux, ses cathédrales », « le grimoire, les Gaulois, les chevaliers » et aussi à Jeanne d’Arc convoquée ici aux côtés de Jamel (pourquoi ?). Parler du drapeau français, c’est regretter de n’en être fier qu’à l’étranger, ou de ne le voir que « chez les fachos »… Le verbatim pourrait durer encore longtemps tant l’ensemble du morceau a l’allure d’une bouillie entre le roman national, un tract de S.o.s Racisme et une chanson de Cali. Mais le plus effarant ne réside même pas là. Il n’est pas non plus dans le clip, que d’aucun croiraient tourné en direct d’une affiche électorale de Mitterrand ou de Sarkozy (chacun choisira, de toute façon ici « Peu importe le bord, peu importe le camp, on m’a dit de détester le Président »).
Le fond n’est atteint que lorsque Bigflo ouvre son couplet en le justifiant par avance. « Beaucoup de questions, peu de réponses, j’ai que les paroles d’une chanson. Comment être un artiste engagé quand je sais pas vraiment quoi penser ? » Le terrain est trop glissant pour s’y aventurer avec autant de maladresse que ces messieurs ne le font. Après deux ans sans n’avoir rien sorti, il est indécent de prétendre revenir avec un morceau « engagé » quand celui-ci est aussi peu engageant. Après avoir écouté « Sacré bordel », l’auditeur a-t-il la moindre idée de ce que ces artistes (qui sont parfois ses idoles) ont dans la tête ? Non. Il sait juste que de riches rappeurs de vingt-neuf et vingt-cinq ans lui demandent de « se concentrer sur tout ce qu’on a en commun » (à savoir, littéralement : parties de Monopoly, Omar Sy, Zidane, Johnny, Edith Piaf ou « le truc rouge qu’il y a autour du Babybel ») plutôt que de « pointer les différences de chacun. » Ce n’est même plus mignon tout plein, c’est complétement hors-sol et irresponsable. Un jugement que ne partagent pas les intervieweurs favoris du président en place, McFly et Carlito, qui soulignent en commentaire « un retour en force, classe et puissant. Élégant et touchant. »
Faire du rap en prenant position tout en ne prenant pas position tout en prétendant ne pas prendre position tout en prétendant prendre position. C’est une forme de contorsion qu’Ärsenik n’avait pas vu venir en 1998 (s’étaient-il imaginés participer un jour à un meeting de campagne présidentielle, en l’occurrence celui de Yannick Jadot il y a quelques jours ?), mais qui n’a malheureusement rien de surprenant vingt-quatre ans après. Orelsan avait pavé le chemin par son « Odeur de l’essence » l’an dernier, mais il faut admettre qu’avec ce « Sacré bordel », le cirque dispose d’un sacré numéro. Il accompagnera celui de Booba qui poursuit ses élucubrations en ligne , relayant sans sourciller à ses millions d’abonnés la parole d’un candidat fasciste à l’élection présidentielle française et toutes les fake news qu’il peut. Tout va bien pour le rap français en avril 2022.
Après Ombre est lumière, La Colombe et le Corbeau, Nyx et Erèbe, etc., le rap marseillais a son Pile ou face. Avec six titres, la Marseillaise impose une voix cassée, intense, tout droit sortie de La Plaine. Une voix de rappeuse qui, au fil de l’EP, critique le monde comme se critique elle-même. Lansky Namek ne donne pas tellement dans le son local post-Jul, mais le sien commence, par petits traits, à être identifiable: un sens de la mélodie qu’un gène foncièrement rêche, cassant, vient pirater. Celle qui disait petite à sa mère « je t’aime comme l’OM », et qui a le logo du club tatoué sur le mollet est aussi beatmakeuse. Elle produit notamment l’intro très boom-bap de cet EP, « Je ne suis qu’un chiffre », dont le thème, la forme et l’interprétation font ressusciter la Keny Arkana des années 2000. La comparaison est sûrement trop évidente, trop facile : mais c’est un compliment. Cette intro a été mise en images vendredi, dans une tradition de clips qui font se succéder des visages hétéroclites mais tous marqués par la vie, à laquelle la rappeuse prête sa voix tour à tour. Leurs joues sont tatouées d’un code-barre – c’est le thème du morceau, la manière dont ce monde obsédé par les chiffres change même les êtres humains en « valeur à ajouter ou à soustraire » – dont les premiers numéros sont 1312. Les détails sont importants.
À l’occasion de la sortie de Dopamuun en 2018, Muun annonçait dans les colonnes de l’Abcdr travailler sur des sorties à venir, sans s’avancer sur le temps qu’elles lui prendraient : « je ne suis pas quelqu’un qui aime envoyer masse de choses sans qualité. » La suite est arrivée l’année suivante (Dopamuun 2) puis le Montreuillois a laissé passer quelques saisons et une pandémie avant de se montrer à nouveau. Il vient de dévoiler un EP quatre titres, Dans Muun mood hivernal, déclinaison de l’éphémère format « Dans Muun Mood » qu’il avait lancé l’été dernier et qui ne s’est finalement composé que de deux épisodes, « Razmoket » et « FF ».
C’est d’ailleurs cet excellent morceau produit par le rappeur lui-même qui ouvre le dernier EP. Atmosphère étouffante, vision pessimiste de l’avenir et misanthropie y sont de mise… « J’suis totalement deg’, l’être humain est trop deg’, la planète est dead, les gens donnent plus d’aide » sous autotune anesthésiant et sur basses assommantes. Les trois pistes qui suivent laissent chacune entendre une ambiance différente : une composition ensoleillée de Playz sur « Qui » puis deux instrumentaux de Adibuu pour « Cinéma » et « Sans se retourner », sur lesquels Muun joue avec sa voix et tente diverses mélodies, non sans rappeler Kekra par moments.
Disponible sur les plateformes habituelles, Dans Muun mood hivernal vient ajouter une jolie ligne à la courte discographie de Muun, qui cultive discrètement sa formule, mêlant sans complexe le cloud rap aux sonorités latines et nord africaines depuis Montreuil sous Bois dans une épaisse fumée.
Comme un dernier faisceau lumineux avant l’obscurité, KayCyy transperce de sa voix un mur d’ondes synthétiques. S’efforçant de fendre la noirceur qui l’entoure, sa lutte est âpre, mais le résultat n’en est que plus beau. Voilà comment l’on pourrait résumer TW20 50 : dix minutes et trente-six secondes de quelques fragments de lumière qui plongent petit à petit l’auditeur dans un océan de mélancolie. Révélé auprès du grand public l’été dernier sur Donda (avant d’en être injustement retiré) KayCyy est le nouveau protégé de Kanye West. Un gamin né au Kenya (avant d’émigrer aux États Unis) à la voix, sautillante comme un Playboi Carti et sur le fil que le producteur électronique français Gesaffelstein magnifiait vendredi dernier le temps d’un EP. Sur les trois morceaux offerts par ce duo bousillé de mélancolie, peu de place à l’espoir. Ou alors seulement du côté de son interprète : car derrière la noirceur baroque des productions du musicien electro lyonnais (lui aussi entendu sur Donda sur « Jesus Lord ») un KayCyy très romantique se cache, notamment sur le superbe “THE SUN” qui alterne entre mélodies glaciales et paroles sensuelles. TW20 50 joue en définitive dans la cour des grands EPs de ce début d’année car il brille dans son utilisation des contrastes : là où les mélodies glacent l’atmosphère, le chant fragile de KayCyy embrase les coeurs. C’est toute la force de ces dix minutes d’apesanteur sonore. Baroques et romantiques à la fois. Sombres et lumineuses en même temps. Comme l’ombre et la lumière, le temps d’une courte éclipse musicale que nous offre ce duo sorti de nulle part.
Certains diront des Daltons qu’il s’agit d’un énième groupe de rappeurs qui, faute de talent, titillent le ministre de l’Intérieur dans l’espoir d’en tirer du buzz. La preuve, une invasion de stade lors du match OL-Sparta Prague et un passage sur TPMP, l’émission qui a fait percer un certain candidat à la présidentielle. D’autres que ce sont des vaillants, prêts à prendre micro et caméra pour réclamer la sortie de leur camarade incarcéré, Many GT – et au passage, un featuring avec Angèle, parce que pourquoi pas. Quel que soit le point de vue adopté, on peut s’accorder sur une chose : ils ne manquent pas de bonne humeur pour mener à bien leur objectif. Originaires de la même ville que l’auteur d’un récent triplé contre le PSG, Les Daltons se sont d’abord fait connaître au-delà de leur zone par ces vidéos de rodéos sauvages suscitant les foudres de Gérald Darmanin. Parmi elles : pas de danses ressuscités des années 1990, performance d’un certain Speeder-Man, Twingos aux rayures jaunes et noires qui mettraient à coup sûr des étoiles dans les yeux de Jul, masques tirés de Saw secouant des guitares folk n’importe comment, et surtout : de la funk, beaucoup de funk. Amené à s’expliquer, l’un d’entre eux prétend vouloir, par l’humour et cette mise en scène, retourner le stigmate apposé aux jeunes « d’une certaine zone géographique, d’une certaine catégorie socio-professionnelle ». Et c’est vrai, la dérision (y compris de soi) est au rendez-vous. La semaine dernière, l’équipe a sorti « Daltons toute ma life », dont le clip s’ouvre sur une plage et un air de piano joué par un bagnard cagoulé (non, sous la cagoule ce n’est pas Sofiane Pamart), pour laisser place à une sorte de type-beat « tubes funk intemporels » signé Slimane B. Les couplets s’enchaînent – et ils sont moins bêtes que vous le pensez – entrecoupés de pas de breaks, headspins, snaps, captures d’écrans d’articles de presse, vidéos de karting, refrains auto-tunés (« dans le fond pas mauvais, pas mauvais…« ) Ce n’est pas parfait, mais il faudrait vraiment être sans âme – ou Gérald Darmanin – pour ne pas décrocher un sourire.
La Phonkerie Vol.2, internationale de la phonk
Six nationalités différentes, et au moins autant de styles représentés. La Phonkerie, label autoproclamé « premier sur la phonk » en France, a sorti sa deuxième compilation, deux ans après la première. Un véritable cap est donc passé pour cette dernière. Mais Jamy, qu’est-ce que c’est la « phonk » ? Terme popularisé depuis Miami par SpaceGhostPurrp (« Bringing the Phonk »), la phonk est un mélange de sonorités extrêmement distordues (le terme lui-même ressemble à une sorte de version chopped and screwed de « funk ») posées sur des rythmiques trap directement issues du rap de Memphis, souvent agrémentées de samples instrumentaux ou vocaux de Three 6 mafia et d’autres groupes de cette espèce (un titre s’appelle « Sippin and Pimpin », comme ça c’est clair). Le tout est bourré d’effets divers et variés conférant un aspect vaporeux au résultat final. Et s’il y a des cassettes ornées de police Cyrillic Goth, des têtes de mort et du violet partout, c’est encore mieux. Mais Phonkerie Vol.2 se permet des encarts divers et variés, côté punk rap et drum & bass. Car la phonk est versatile, changeante, mais ce qui reste – comme pour beaucoup de genres peu exposés – c’est un amour de la texture sonore, parfois manipulée jusqu’à en faire voir l’absurdité (« Outer space » est un sample accéléré de The Prodigy, qui samplait déjà Ultramagnetic MC’s, puis Max Romeo…). Certains y voient étrangement l’enfant et l’opposé de la violence brute et premier degré de la trap. En tout cas, la Phonkerie livre ici un échantillon de qualité du genre. Pour les francophones on trouvera notamment un titre des Sages Mécréants (« Fugitif ») et de Yuri J avec Train Fantôme, où ça crie beaucoup (mention spéciale au « t’es trop sexiste pour bouffer une chatte »).
Rappeur et beatmaker au sein du groupe Kalhex, Lex poursuit également depuis une dizaine d’années une carrière fructueuse dans la musique Hip-Hop instrumentale. Celle-ci l’a fréquemment amené au Japon, où il a tissé des liens avec de prestigieux acteurs de la scène locale. Illustration d’un certain succès, la musique du Parisien est « même diffusée dans les konbinis » nous disait son frère Parental. Rogue Hill, le cinquième album instrumental de Lex, est justement influencé par un séjour au Pays du Soleil Levant, et propose douze titres lumineux, aériens et délicats. De quoi garder sa place dans les playlists des épiceries japonaises.
Kaaris et Kalash Criminel, Freeze Corleone et Ashe 22, mais aussi, Gino et Relo : les albums communs connaissent un petit succès en ce début d’année 2022, et ces fusions n’ont rien de déplaisant. Gino avait mis un coup de frein à sa production musicale depuis plusieurs années. Son dernier projet date de 2014, il avait sorti une Retrotape en 2020. La vie passe, les enfants naissent, mais il y a des collègues qui n’oublient pas. En opérant un retour vers le son FF du tournant des années 2000, entre froideur électronique et chaleur samplée, énergique et mélancolique à la fois, engagé et drôle, littéraire et argotique (bref, parfait pour les nostalgiques pas farouches de la même espèce que l’autrice de ces lignes), Relo a immédiatement pensé à faire renaître la voix écorchée de Gino à ses côtés. 13 au carré, pour le code postal, 13013, et parce que les deux incarnent une certaine facette de la ville. L’EP est conçu comme l’émanation d’un amour pur de la musique. Du rap qui aime le rap. Aucune stratégie marketing derrière, juste une manière de ramener Marseille à ses bases des années 2000, émotive et rocailleuse comme la rue, à l’image de la voix de Gino. Certains y reconnaîtront même les inflexions du Soprano triste de Puisqu’il faut vivre. Les sept titres ont chacun leur petite spécificité : sens de la formule réaliste (« une paire de birk, c’est plus pratiques pour les gardav »), références au rap aimé (« le gardien de mon frère comme Sefyu et Assa Traoré » ; « alors comme Sopra j’roule, et j’essaye de tout oublier comme Jul »), rimes qui donnent envie de backer à dix, posse-cut qui fait la part belle à la frissonnante Soumeya, samples de Ragnar dans Vikings… Gino et Relo transportent quelque part entre Art de rue et Les Cités d’Or, tout en se permettant quelques incursions contemporaines (« Noir et blanc »). Tous les morceaux valent le détour. Une perle se dégage quand même : le titre « Pone », dont la prod, conçue par Nef, est un hommage au beatmaker de la FF, premier être humain à créer de la musique avec ses yeux… « Les légendes ne meurent jamais », la musique intemporelle non plus. De quoi faire taire les hurluberlus qui se permettent d’affirmer que Marseille ne rappe pas. La ville a gravé son son et son style au croisement d’influences hétéroclites sans jamais perdre ce qu’elle était. Gino et Relo viennent le rappeler, plutôt deux fois qu’une.