Ce 24 juin, Paris se trouvera le temps d’une soirée à mi-distance entre Boston et Compton, à l’occasion du Gumbo Fest. Cet événement, co-organisé par le restaurant Gumbo Yaya, le label La Ligne Bleue et nos confrères et amis de Fusils à Pompe réunira en effet Cousin Stizz et 500raxx à La Place. Lui a sorti son album Just For You en février dernier, tandis qu’elle s’est faite discrète cette année, mais ne devrait pas manquer de ressources à puiser dans les deux volets de ses 500 Summers. Le français Manast LL’ viendra compléter ce plateau pour un feu digne de ce nom célébrant l’arrivée d’un été s’annonçant d’ores et déjà des plus chauds.
La soirée devrait débuter autour de 20h, Passage de la Canopée dans le premier arrondissement. Les informations pratiques et la billetterie sont à retrouver ici.
C’est l’aboutissement de plusieurs mois de compétition. Ce samedi 11 juin, le Stereolux de Nantes accueille la 13e finale du Buzz Booster, l’un des dispositifs les plus réputés en France pour les artistes rap en développement. Aux termes des finales régionales qui ont eu lieu ce printemps, dix candidats vont donc avoir quinze minutes pour convaincre le jury de leur talent. En jeu : une aide à la production de leur musique et un accompagnement au développement de leur expérience de la scène. Les dix finalistes du cru 2022 sont BR la B (Île-de-France), Dynjah (Bretagne), Heloïm (Normandie), Hicham (Pays de la Loire), Konga (Hauts-de-France), Li$on (Auvergne-Rhône-Alpes), Moody (Occitanie), Nali (P.A.C.A.), Rob LC9 (Nouvelle-Aquitaine) et Timéa (Grand Est) ont d’ailleurs enregistré un titre collectif sur une production de Noxious et filmé par Daymolition, façon cypher. La soirée au Stereolux est accessible gratuitement, à partir de 20h.
Initialement pensé comme un festival dédié au hip-hop, Marsatac est venu offrir à la ville de Marseille le festival qui lui manquait. En 1999, la première édition regroupait à la fois des artistes bien identifiés dans le paysage national et des artistes locaux en pleine ascension. Faf Larage, 3e Œil, Puissance Nord, Psy 4 de la Rime, Fonky Family, Carré Rouge et bien d’autres se partageaient la scène du célèbre Espace Julien.
Bien plus qu’un simple festival, Marsatac a marqué l’histoire de la cité phocéenne. Un podcast Radio Nova retrace vingt-et-une années d’archives du festival, expliquant comment celui-ci « a pensé sa couleur musicale, entre hip-hop et électro, comment il s’est organisé pour mettre en avant sa scène locale, la scène marseillaise, tout en accueillant des artistes étrangers ». C’est d’ailleurs sur la scène du festival que la Fonky Family remonte sur scène en 2017.
Passé ensuite par le Palais Longchamp ou encore l’archipel du Frioul, c’est au sein des dix-huit hectares du Parc Borély que se tiendra le festival cette année. Après une édition manquée l’an dernier à cause de la situation sanitaire, Marsatac revient pour sa vingt-troisième édition du 10 au 12 juin. Dans cette programmation musicale plus diversifiée, les musiques hip-hop tiennent encore une bonne place. Si vous n’avez pas eu la chance d’avoir des places pour les concerts passés et à venir à l’AccorHôtel Arena de Laylow et de Damso, il est possible de voir les deux artistes sur scène lors du festival. Habitué des festivals cette saison, La Fève est également programmé, tout comme Ziak, Central Cee, Oboy, Zamdane, Sally ou encore Johanna et BabySolo33, parmi d’autres.
Toute la programmation est disponible sur le site du festival et la billetterie est toujours ouverte.
Ce 26 mai, The Eminem Show d’Eminem soufflera sa vingtième bougie. Le quatrième album de Marshall Mathers est resté dans la postérité comme son plus sérieux et personnel, notamment par le parti-pris du rappeur de se confronter à sa célébrité, ses responsabilités d’artistes, ses tourments personnels et ceux de son pays. Mais aussi de gérer une grande part de la production avec son associé Jeff Bass. En a résulté un disque au son plus rock et plus noir que les précédents The Slim Shady LP et The Marshall Mathers LP qui avaient cimenté son statut tout à la fois de nouvelle sensation rap et pop.
La société Sonorium, spécialisée dans les écoutes d’albums immersives avec du matériel audio haute-fidélité, a choisi de célébrer la double décennie de cet album majeur (vous avez dit « classique » ?) avec une écoute en public de l’album le 31 mai 2022, accompagnée d’une présentation de l’album par Julien Bitoun, professeur d’Histoire du rock à Sciences Po Paris et auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire de la musique. L’entrée est gratuite et sans réservation, mais les places limitées – premier arrivé, premier assis. Pour l’occasion, Sonorium et l’Abcdr du Son font gagner deux exemplaires de l’album, par tirage au sort. Ça se passe sur nos comptes Facebook et Twitter.
« Vingt-six ans après l’Amalgam’ mon premier groupe et dix-sept ans après La main sur le cœur je pense qu’il est temps de raccrocher définitivement et cette fois ci c’est la bonne. » C’est par ces mots, postés sur son compte Instagram le 13 mai dernier que Sinik a annoncé mettre un terme à sa carrière musicale, dressant au passage un rapide bilan de carrière et remerciant ses soutiens de toujours. Un départ en retraite qui sonne comme une redite, puisque l’Essonnien a déjà voulu quitter le rap il y a quelques années, en vain. Il l’a « dans la peau », comme en atteste l’entretien ainsi intitulé chez nos confrères de Get Busy à l’occasion de la sortie de Niksi, son neuvième album. Un neuvième album qui sera donc le dernier, et qui donnera lieu à un ultime concert parisien pour Sinik. Celui-ci se déroulera ce 24 mai, à L’Élysée Montmartre, et sera l’occasion pour Malsain l’Assassin de défendre Niksi et espérons-le, de valoriser une discographie riche de nombreux excellents morceaux (et de classiques) depuis le début des années 2000.
Pour l’occasion, l’Abcdr s’associe à Yuma, organisateur de l’événement, pour vous offrir deux lots de deux places, à gagner sur les réseaux sociaux du site (Facebook et Twitter).
Rapper la tristesse n’est pas un art à la portée de tous. Le cœur en morceaux, Rounhaa remplit parfaitement cette mission : déjà remarqué par les suiveurs assidus du rap suisse depuis 2018, la première signature du label de Disiz devait montrer après 3 projets prometteurs mais bruts dans leurs réalisations qu’il était temps de passer un cap : le temps de 33 minutes et 30 secondes pleines de rage et de – grande – mélancolie, le Franco-Suisse vient de prouver qu’il allait falloir encore plus compter sur son spleen. Définir MÖBIUS de Rounhaa est un exercice à la fois aisé et un peu confondant : tout dans ces douze nouveaux morceaux respire la peine et la solitude d’un artiste qui vogue « le grenier du coeur en bazar », mais dans des registres sonores assez variés. Entre trap synthétique rageuse (« LE MORT »), piano voix urgent (« LE MORT ») plug music lancinante (« MR & MRS SMITH » avec J9ueve) ou influences pop 80’s (« ILLÉGAL TRISTE », produit par LUCASV), Rounhaa ouvre beaucoup plus ses inspirations musicales qu’auparavant. Comment donner alors un fil conducteur à ces émotions mises en musique ? Sans doute en se concentrant sur la plus grande peine de Rounhaa, qui parcourt le projet : l’amour, ou plutôt la rupture et la trahison, qui l’amènent à assumer que le « bonheur l’évite » tout en considérant presque sa douleur comme une force (« La douleur c’est ma bestie »). Rounhaa n’est pourtant pas larmoyant dans MÖBIUS : il fait même face à ses démons pour mieux les apprivoiser et en ressortir des moments de rap arrogants et à la fois fragiles, pleins d’audace et de rancoeur, comme sur « LE MORT » ou le passe-passe jouissif en compagnie du rappeur genevois Gio sur « CELINE ». En dépassant la rage contagieuse de ses débuts, Rounhaa gagne finalement en épaisseur et en réflexion sur MÖBIUS, tout en augmentant d’un cran l’exigence et la précision de sa musique. Du sound design précis appliqué à ses morceaux en passant par les changements de prods, les effets de jeux sur la voix (« MAFIA ») ou les incursions presque pop (« ILLÉGAL TRISTE », « BONBON&FLEUR »), la musique du jeune suisse, qui prenait jusque là aux tripes, vient maintenant faire une incursion au niveau du coeur. C’est beau et triste à la fois, précis et spontané en même temps. Comme un sentiment que l’on a du mal à contrôler. Et que Rounhaa semble maintenant de plus en plus maîtriser dans son art comme dans son coeur.
C’est un groupe estampillé Abcdr canal-historique. Depuis leur premier album Will Rap For Food en 2001 jusqu’à leur dernière trace discographique, Rose Azura Njano sorti en 2017, la musique foisonnante des CunninLynguists a régulièrement trouvé une place dans nos colonnes. Comme dans les oreilles d’un public européen fidèle, en atteste leur tournée actuelle sur le vieux continent avec notamment plusieurs dates en France : Strasbourg, Villeurbanne, Marseille, Pessac, mais aussi une date en Île-de-France à Paul B, à Massy (91), ce samedi 21 mai 2022. Annoncée comme une célébration des dix ans de l’onirique et vaporeux album Oneirology (sorti en 2011), la tournée est aussi l’occasion d’inviter avec eux en première partie Sadistik, dont le dernier album Bring Me Back When The World Is Cured est intégralement produit par Kno des CunninLynguists (et dont on a parlé dans notre dernier podcast trimestriel). Si vous voulez voir ou peut-être découvrir ce groupe rompu à la scène, on vous fait gagner des places pour leur date francilienne sur nos comptes Facebook, Twitter et Instagram. Sinon, la billetterie est toujours ouverte.
Dans la tête de nombreux fans de rap, Dijon, c’est le décor dépeint par AL dans le mémorable « Les Lions vivent dans la brousse », sa prod toute en finesse du regretté DJ Duke et ce texte qui raconte l’ennui des amateurs de hip-hop des villes de province dans les années 1990. Plus de vingt après, plusieurs acteurs culturels locaux font bouger les choses dans la capitale bourguignonne. Nouvelle venue, l’association Déficit Organisé co-organise le 23 avril prochain avec Maloka une soirée à l’affiche alléchante. Les Tanneries II accueillera un plateau d’artistes rap d’une qualité indéniable : Vîrus et DJ Blaiz, L’uZine au complet, et en ouverture Stélio Staff et Sandro Grabuge. Un programme de haute tenue pour lequel l’Abcdr du Son est partenaire et fait gagner des places. Ça se passe sur notre page Facebook et notre compte Twitter.
À cinq jours du premier tour de l’élection présidentielle française de 2022, Bigflo et Oli font leur retour après deux ans de silence. Un silence qu’ils auraient tout à fait pu prolonger pour quelques jours ou pour l’éternité. Pour revenir, les deux frères ont fait le choix d’un morceau sur la France, ou plutôt d’un morceau pour la France.
Des années après s’être fait un premier petit nom grâce au Rap Contenders, les Toulousains ont largement dépassé le cadre du public rap stricto-sensu. Mieux, ils ont accompagné l’accroissement dudit public. Leur communication juvénile, leur ton gentillet, l’apparente absence de toute prise de position dans leur rap, son format accessible… Autant d’éléments qui ont participé à en faire des têtes d’affiche de la musique française depuis 2015 et l’album La Cour des grands. Bigflo et Oli sont donc tout à leur aise pour réapparaître en 2022, avec les moyens d’Universal Polydor et de quoi satisfaire leurs auditeurs aimants et des médias généralistes qui les ont choyés. Qu’en disent-ils, ces titres de presse non-musicale de « Sacré bordel », le nouveau single de Bigflo et Oli ?
Pour 20 Minutes, ils signent « un titre engagé (et introspectif) qui clame leur amour pour la France » ; pour La Dépêche c’est un « message transmis aux esprits chafouins qui jettent le pays avec l’eau du bain mais aussi aux crédules ou tenants de faux-semblants » ; pour Le Figaro, les frangins « chantent leurs doutes et leur amour de la France » ; pour La Voix du Nord c’est un morceau où l’on « clame son amour du pays. » D’autres ne font que reprendre les éléments de communication reçus, et le texte qui accompagne le clip sur Youtube, à savoir « un retour après une pause qui [leur] a vraiment fait du bien », « une chanson forte de sens et importante pour [eux] » et un petit « vive la France sur Reddit putain de merde !! » en conclusion, renvoyant à la guerre des pixels qui animait Internet en début de semaine et réveillait un patriotisme bon enfant chez les streamers hexagonaux.
Patriotisme bon enfant… C’est un peu cela que proposent Bigflo et Oli avec « Sacré bordel », gloubi-boulga relativiste reposant fragilement sur un amour de la France malgré ses défauts, une envie de se revendiquer Français et d’aimer son pays, de s’accrocher à ce qu’il a de bien même s’il a du pas bien. Pour faire une comparaison nulle et banale, ils ressentent la même chose pour leur pays que pour un oncle raciste. Dommage, cette anaphore a déjà été faite par quelqu’un d’autre ailleurs. Oli : « J’aime la France, comme une tante avec qui je suis pas trop d’accord, qui fait trop peu d’efforts, mais pour qui je chialerai toutes les larmes de mon corps à sa mort. » Pour contextualiser, quelques lignes avant, il se demande s’il descend des collabos ou des résistants, puis quelques lignes plus loin s’interroge sur quelle est la police française, « celle des sales bavures ou celle en première ligne à l’Hyper Casher ? »
Le temps de deux couplets et une outro tout y passe, les comparaisons sans relief s’accumulent pour former un amoncellement de banalités toutes plus affligeantes les unes que les autres. Il n’y a aucun questionnement sur la situation sociale, sur la situation économique, sur la situation politique du pays. Juste un état des lieux sans profondeur, dénué de toute mise en perspective. Parler de la France au passé en 2022 sous la plume de ce groupe de rap c’est écrire « son histoire, j’en connais ses horreurs mais aussi sa puissance, j’suis pas responsable de ses erreurs mais j’dois faire avec ses conséquences », puis renvoyer à « ses châteaux, ses cathédrales », « le grimoire, les Gaulois, les chevaliers » et aussi à Jeanne d’Arc convoquée ici aux côtés de Jamel (pourquoi ?). Parler du drapeau français, c’est regretter de n’en être fier qu’à l’étranger, ou de ne le voir que « chez les fachos »… Le verbatim pourrait durer encore longtemps tant l’ensemble du morceau a l’allure d’une bouillie entre le roman national, un tract de S.o.s Racisme et une chanson de Cali. Mais le plus effarant ne réside même pas là. Il n’est pas non plus dans le clip, que d’aucun croiraient tourné en direct d’une affiche électorale de Mitterrand ou de Sarkozy (chacun choisira, de toute façon ici « Peu importe le bord, peu importe le camp, on m’a dit de détester le Président »).
Le fond n’est atteint que lorsque Bigflo ouvre son couplet en le justifiant par avance. « Beaucoup de questions, peu de réponses, j’ai que les paroles d’une chanson. Comment être un artiste engagé quand je sais pas vraiment quoi penser ? » Le terrain est trop glissant pour s’y aventurer avec autant de maladresse que ces messieurs ne le font. Après deux ans sans n’avoir rien sorti, il est indécent de prétendre revenir avec un morceau « engagé » quand celui-ci est aussi peu engageant. Après avoir écouté « Sacré bordel », l’auditeur a-t-il la moindre idée de ce que ces artistes (qui sont parfois ses idoles) ont dans la tête ? Non. Il sait juste que de riches rappeurs de vingt-neuf et vingt-cinq ans lui demandent de « se concentrer sur tout ce qu’on a en commun » (à savoir, littéralement : parties de Monopoly, Omar Sy, Zidane, Johnny, Edith Piaf ou « le truc rouge qu’il y a autour du Babybel ») plutôt que de « pointer les différences de chacun. » Ce n’est même plus mignon tout plein, c’est complétement hors-sol et irresponsable. Un jugement que ne partagent pas les intervieweurs favoris du président en place, McFly et Carlito, qui soulignent en commentaire « un retour en force, classe et puissant. Élégant et touchant. »
Faire du rap en prenant position tout en ne prenant pas position tout en prétendant ne pas prendre position tout en prétendant prendre position. C’est une forme de contorsion qu’Ärsenik n’avait pas vu venir en 1998 (s’étaient-il imaginés participer un jour à un meeting de campagne présidentielle, en l’occurrence celui de Yannick Jadot il y a quelques jours ?), mais qui n’a malheureusement rien de surprenant vingt-quatre ans après. Orelsan avait pavé le chemin par son « Odeur de l’essence » l’an dernier, mais il faut admettre qu’avec ce « Sacré bordel », le cirque dispose d’un sacré numéro. Il accompagnera celui de Booba qui poursuit ses élucubrations en ligne , relayant sans sourciller à ses millions d’abonnés la parole d’un candidat fasciste à l’élection présidentielle française et toutes les fake news qu’il peut. Tout va bien pour le rap français en avril 2022.
Après Ombre est lumière, La Colombe et le Corbeau, Nyx et Erèbe, etc., le rap marseillais a son Pile ou face. Avec six titres, la Marseillaise impose une voix cassée, intense, tout droit sortie de La Plaine. Une voix de rappeuse qui, au fil de l’EP, critique le monde comme se critique elle-même. Lansky Namek ne donne pas tellement dans le son local post-Jul, mais le sien commence, par petits traits, à être identifiable: un sens de la mélodie qu’un gène foncièrement rêche, cassant, vient pirater. Celle qui disait petite à sa mère « je t’aime comme l’OM », et qui a le logo du club tatoué sur le mollet est aussi beatmakeuse. Elle produit notamment l’intro très boom-bap de cet EP, « Je ne suis qu’un chiffre », dont le thème, la forme et l’interprétation font ressusciter la Keny Arkana des années 2000. La comparaison est sûrement trop évidente, trop facile : mais c’est un compliment. Cette intro a été mise en images vendredi, dans une tradition de clips qui font se succéder des visages hétéroclites mais tous marqués par la vie, à laquelle la rappeuse prête sa voix tour à tour. Leurs joues sont tatouées d’un code-barre – c’est le thème du morceau, la manière dont ce monde obsédé par les chiffres change même les êtres humains en « valeur à ajouter ou à soustraire » – dont les premiers numéros sont 1312. Les détails sont importants.