Sidekicks

Rocca qui revient avec Cimarron sur une production grimy-latino du regretté DJ Duke, The Free qui confirme avec Les Filaments Bleus après une carrière passée sous les radars, et, ça n’a plus grand chose à voir avec le rap, Big Red qui se remet au reggae organique avec Come Again. Ce début d’année 2023 commence sous les meilleurs auspices pour ceux et celles un peu nostalgique de leurs héros d’il y a un quart de siècle. « Un quart de siècle, un quart de rêve, un quart de claques / Pour le reste, un quart de flemme et un quart de niaque » rappait Dabaaz, alors membre de Triptik, au début du deuxième millénaire. Ce 16 mars, c’est avec un sept titres qu’il revient sur presqu’un demi-siècle. Son demi-siècle, ponctué de hauts et de bas ; son parcours d’une vie normale entre coup d’éclats microphoniques et doutes raisonnables, entre cuites au Hennessy et cures à la Salvetat comme il le dit si bien sur « Maintenant ». De Microphonorama à Mon pote et moi, Dabaaz est passé par tous les états et c’est ce qu’il raconte humblement dans cet EP à la production minimale. « La formule est basique : une boucle et un micro. L’histoire de deux potes se disant : « Vas-y, faisons de la musique » », peut-on lire -en anglais- sur la description Bandcamp du produit.

Un produit livré en cassette, tiré à seulement cinquante exemplaires, déjà épuisé. Format à l’ancienne, description en anglais, le packaging est original, soigné (un photobook accompagne la tape) et ciblé (les habitués remarqueront la présence de Jeff Dominguez au mix). Pas de nouvelles audiences à conquérir, pas de plan de deuxième carrière, ou alors à l’instinct. Mon pote et moi semble s’être fait au feeling, au naturel. Le phrasé de Dabaaz en atteste, son rap technique des années 2000 s’est quelque peu mué en simili-spoken word, comme jacté le cul posé sur un canapé. Mais il n’a pas perdu pour autant de sa superbe, même si quelques rimes prévisibles parcourent l’ensemble, le presque quinquagénaire séduit son auditoire. Simple, court, limpide, ce nouvel épisode de Dabaaz et de son pote et ancien manager Matt Primeur est un îlot d’authenticité où le rappeur se met à poil et semble s’enlever une épine du pied. Du rap débonnaire dans sa plus pure forme, dépouillé de tout artifice, dans sa production comme dans sa promotion. Une brève œuvre qui fait miroir et pansement sans monopoliser le temps. Et très franchement, dans la morosité et le vacarme ambiant, ça fait le plus grand bien.

Début janvier, le rappeur marseillais Relo s’est lancé dans une série d’instantanés de rap, clippés et diffusés uniquement sur les comptes de ses réseaux sociaux. Intitulés Fibonacci et numérotés jusqu’à 8, ces exercices de style courts reposent sur un principe simple, au charme immédiat mais pourtant devenu rare : se frotter à des faces B de titres de rap français.

Il y a trois ans, à l’occasion d’une rencontre avec l’Abcdr du Son peu de temps avant la sortie de son album La voix du 13, Relo montrait régulièrement son amour pour le rap français, son histoire et une certaine philosophie de proximité, dans l’approche de sa musique comme dans la manière de la partager. C’est ce qui ressort à nouveau de ces Fibonacci. En s’attaquant aussi bien à des classiques (« L’Enfant seul » d’Oxmo Puccino, « Têtes brûlées » de Lunatic) qu’à des standards contemporains (« Coeur et conscience » de Jazzy Bazz, « Uragano » de Furax, « 93 Mesures » de Dinos »), Relo adopte, de sa voix âpre et grave, les cadences de ses pairs pour des egotrip et introspections, observations de son environnement et critiques des travers du rap. Des réinterprétations qui ne manquent pas d’autres clins d’oeil et variations, comme une « Réincarnation de Biggie » par Isha tranformée en « Réincarnation de Tupac Shakur », ou le cameo d’un des membres de la FF sur la reprise de « Mystère et suspense ».

Quelques bonus en prime : un Fibonacci inédit sur « LIF » de SCH et une version réarrangée de « Principe ou carrière », dans un accompagnement presque plus chanson française teintée de rock. Une indication de futures directions musicales ? Car comme son titre l’indique, ce Fibonacci – Avant L’Album est un avant-goût d’un nouveau disque prévu cette année. D’ici là, la mixtape Fibonacci – Avant L’Album est dispo en exclusivité sur l’Abcdr du Son, en téléchargement libre ou en écoute en ligne.

Télécharger Fibonacci – Avant L’Album de Relo

Écouter Fibonacci – Avant L’Album de Relo

Mano Leyra n’arrive « jamais sans mettre une baffe, c’est un manque de finesse. » Dans ses précédents projets, le fossoyeur rappait la cohabitation des ténèbres et de la lumière au plus profond de chacun. Dans son dernier EP C’EST PAS DU TAYC, la noirceur a pris le pas sur la clarté. Le titre tendancieux du projet ne laisse aucun doute sur la direction adoptée. L’EP est intégralement produit par Pense Music, beatmaker originaire des Hauts-de-Seine, connu aussi pour avoir travaillé avec BB Jacques et pour son dernier EP en date, Dignity & Culture. Pense Music se définit comme peintre musical : il colore le rap fin de Mano Leyra par des mélodies futuristes (« GÂCHETTE DOUBLE »), menaçantes (« PAS DU TAYC », « TRENCH-COAT-BLACK ») et gracieuses (« SEX IN BROOKLYN »).

Avec les rues de Paname en toile de fond, le rappeur fait de sa musique un cautère pour son âme remplie désespoir. Agoraphobe au milieu d’une industrie remplie de fakes et d’opportunistes (« Ils font du rap pour l’oseille, j’les maudis ces putes »), Mano Leyra avance avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Sa détresse stagne, son plus grand talent est de tout gâcher. La richesse en ligne de mire apparaît comme la lumière au bout du tunnel (“L’ambition, devenir un ex-pauvre”). Pour y arriver, Mano adopte un phrasé new-yorkais influencé des plus grands enchaînant les allitérations, métaphores et références. De ses démonstrations techniques s’échappent aussi quelques élans de conscience instinctifs (« Force aux meufs, fuck tous les profs de sport crasseux », « Respecte ton serment range ton arme de sеrvice, tu rends raremеnt service »). Avec cet EP, le rappeur propose un rap rude sur les productions minimalistes, mais efficaces, de Pense Music. Dans une époque où le désespoir de vivre est prégnant, Mano Leyra tente de s’affranchir de cette fatalité en faisant de son rap de la haute voltige.

Après l’ouverture des inscriptions en début d’année dans les onze régions pour l’édition 2023 du Buzz Booster, le dispositif a reçu plus de 1600 candidatures. Les comités d’écoute ont effectué leur sélection pour les différentes phases finales régionales, qui ont lieu tout au long de ces mois de mars et d’avril. Des concerts de sélection ouverts au public, pendant lesquels les sélectionnés se confrontent à l’exercice de la scène pour convaincre en une quinzaine de minutes le jury sur la qualité de leurs productions musicales et de leur présence scénique. Les différentes dates et lieux pour ces demi-finales et finales sont indiquées sur le site du Buzz Booster, avant la finale nationale qui aura lieu à Nîmes le 24 juin prochain.

Si il y a bien un sentiment que Winnterzuko appréhende différemment de ses pairs, c’est la mélancolie. Dans la musique du jeune rappeur, pas de moment larmoyant. Aucun piano, ni violon déprimant. Juste un BPM lancé à toute allure, sur des productions électroniques tendance années 2000, pour mieux raconter la vie d’un rappeur pas tout à fait comme les autres. Révélé en 2020 avec le morceau “Off” aux airs de musique de boum d’anniversaire triste, il aura d’abord fallu du temps pour comprendre toute la proposition de cet artiste estampillé next gen. Aujourd’hui pourtant, Zuko semble prêt à vraiment montrer de quoi il est capable. Déjà l’an dernier, son très bon projet VON (sorti sur le label electro Promesse) laissait entrevoir la singularité de sa musique, entre productions électroniques et bribes de sa jeunesse disséminées dans des textes parlant de son enfance passée à fuir la guerre et la pauvreté. Aujourd’hui c’est avec “GEARLESS” qu’il vient enfoncer le clou : premier single d’un nouveau projet annoncé pour le 17 mars, le titre dévoilé fin février, semble parfaitement respecter les codes de la musique du rappeur dans une version encore plus puissante, mieux produite, et à la direction artistique encore plus affirmée. Sur un beat hypnotique et saturé signé Amne, Winnterzuko y rappe ainsi ses peines (“Dis-moi à quoi ça sert sale fils de, dis-moi à quoi ça sert, j’suis toujours absent comme un père”) mais aussi ses souvenirs d’enfance (“J’avais une télé’ j’avais pas les chaines, donc on prenait des écouteurs, et avec on faisait une antenne”) tout en gardant une chose en tête : danser coûte que coûte. Car derrière la dureté que dépeint parfois la musique de Winnterzuko, une autre sensation reste : celle de toujours vouloir lâcher prise dans la fête. Un paradoxe qui fait tout le charme de “GEARLESS”, morceau triste pour s’évader qui confirme toute l’originalité de la musique de son auteur.

En juin 2022, une figure importante de la scène hip hop genevoise faisait son grand retour avec un clip léché pour trois minutes de rap classique à souhait. Références nineties, posture de OG quelque peu en décalage avec son époque, attitude américaine, les connaisseurs n’auront pas mis longtemps à identifier le personnage :  Mamadi dit M.A.M, membre il fut un temps lointain de La Per 2 III puis du Terrorime Mouvement dans les années 2000. Un cuir Avirex par dessus un polo Ralph Sport sur les épaules d’un daron à l’arrière d’une Ford Bronco… « J’ai pas construit cette ville pour qu’elle s’écroule avec toi ! » Un retour en forme d’egotrip mais surtout de reset, le M.A.M repart de zéro. Exit le Fratra, loin de lui les années new yorkaises, dans son dos également la décennie sur les routes avec Stress, c’est une nouvelle carrière qu’il s’apprête à lancer. Un parcours aussi riche ne s’efface certainement pas, et il sera d’ailleurs prochainement raconté par le menu dans ces mêmes colonnes, mais en 2022 – 2023, l’ancien revient dans la position d’un rookie qui a tout à construire.

Mais que s’est-il donc passé durant les six derniers mois, si « Bronco 92 » date de juin dernier ? Rien d’audible ni de visible. Alors qu’il avait été silencieux durant dix ans, M.A.M s’est à nouveau tu un semestre de plus, pour enfin délivrer ce mois-ci son Starter Pack, un court album marquant un point de (re)départ pour sa nouvelle histoire. Les choses se sont faites plus précises au cours des dernières semaines, avec d’abord un excellent freestyle « Frosties à la fourchette » pour  l’émission Nayuno de Couleurs 3, puis à nouveau un clip, « Flu game » et enfin un troisième extrait du Starter Pack, « La prise et la chèvre » en duo avec Makala, seul invité rap du projet. Un pack disponible dès à présent sur les plateformes habituelles.

 

C’est un line-up historique qui se produira le 1er avril 2023 sur la scène de la Maroquinerie, à Paris. Après avoir conclu 2022 avec Les Riders au ski, nouvelle compilation fidèle à l’esprit Studio Delaplage, Aelpéacha réunit avec lui Driver et Stomy Bugsy pour un concert inédit. Les trois amis de longue date et amateurs invétérés, entre autres, du gangsta rap californien et G-funk des années 90, seront sur scène ensemble autour d’un live band pour une soirée que le « A » annonce déjà sous le signe du funk. Mais aussi d’un esprit fédérateur : en plus des trois compères sont annoncés des guests (Mofak, MSJ, Deadi, Pimp Cézair, …) et une première partie par l’éternel DJ Dee Nasty – auquel le premier morceau de Riders au ski, « J’clame Paname », rend hommage. De quoi transformer la rue Boyer du 20e arrondissement de Paris en paradis des riders et amateurs de groove ensoleillé le temps d’un soir. La billetterie est ouverte.

En 2020, non pas une, mais deux rumeurs de compilations marseillaises flottaient dans l’air. La première est connue. Elle a donné lieu au dernier hymne en date du rap français – malgré la susceptibilité de certains, uni la scène locale d’Akhenaton à la Guirri Mafia, et fait résonner les voix trop oubliées de Carré Rouge et Puissance Nord. La deuxième promettait une suite des Chroniques de mars, compilation légendaire sortie en 1998, dans laquelle Imhotep avait cristallisé dans un son impeccable l’émulation, le génie rebelle, l’ambiance rigolarde et enfumée d’une époque. Le tout avait été enregistré au Petit Mas, studio de Martigues, avec l’ambition de sonner comme DJ Premier. Si la compilation de 1998 est devenue classique, le volume 2, en 2007, n’avait pas suscité le même enthousiasme. Les années passent, 13 Organisé multiplie ses certifications, et la rumeur d’un volume 3 des Chroniques s’éteint. Fin du suspense : ce vendredi 10 février, un premier extrait intitulé « Les Affranchis » (un titre pas très original, mais qui respecte la tradition cinématographique et mafieuse du rap régional) annonce la sortie imminente de ce troisième opus. Le morceau ne déroge pas au principe de base. Des combinaisons générationnelles originales, en l’occurrence entre les acteurs historiques du premier volume et les jeunes (ou moins jeunes, comme Alonzo). Shurik’n, qui, avec son frère Faf la Rage, avait lancé la première compil grâce au single « La garde meurt mais ne se rend pas », est cette fois aux côtés d’Elams et Manny. Fini les préjugés, après avoir entendu Jul backer Akh dans « Je suis Marseille », ce genre de mélange n’a plus rien d’iconoclaste. Shurik’n le rappelle: « universel peut-être, mais l’accent lui reste marseillais. » « Les Affranchis » annonce en tout cas une sale équipe au démarrage : Bouga co-produit l’instru et le clip est signé Didier D. Daarwin, récemment à la réalisation du documentaire D’IAM à Jul, Marseille capitale du rap. Le résultat final sera-t-il à la hauteur ? Le casting réserve-t-il des surprises, des invités plus inattendus que ceux déjà présents dans 13 Organisé (S.Téban, Stony Stone, JMK$, Zamdane… et qui manquaient un peu au documentaire) ? Comme pour Toy Story, le 3 sera-t-il plus réussi que le 2 ? Saura-t-il tirer son épingle de ce jeu redynamisé par Jul ? Ce qui est sûr, c’est qu’alors que la scène hip hop marseillaise vient tristement de perdre un membre reconnu, Dj Majestic (Soul Swing), celle-ci promet de tout donner pour en faire vivre l’héritage.

Avant d’écrire sur l’Abcdr du Son, nos rédacteurs en étaient tous des lecteurs, nos rédactrices en étaient toutes des lectrices. Et c’est aujourd’hui parmi vous que se trouvent nos plumes de demain. Le site cherche actuellement de nouveaux contributeurs réguliers, aussi bien pour écrire des chroniques que mener des interviews ou faire des podcasts.

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L’édition 2023 du Buzz Booster a démarré avec sa première étape : les inscriptions en région. Tout artiste rap en solo ou en groupe peut y concourir à condition d’avoir un répertoire original d’au moins trente minutes et d’être résident dans la région d’inscription. En plus de la plateforme de découverte auprès du public et des professionnels que constitue le Buzz Booster pour les candidats, le lauréat du concours bénéficie d’une aide à la production de plus de 15.000 € ainsi que de dates de concerts ou encore de sessions d’enregistrement au Red Bull Studio.

Les inscriptions sont ouvertes en ligne sur le site du Buzz Booster jusqu’au 31 janvier 2023, avant les concerts de sélection et finales en région entre février et mai.