Okis le rouilleur arrive
Au tout début de l’année 2022, Okis se présentait discrètement à travers les huit titres composant OK, sa première sortie officielle. Quelles que fussent ses ambitions du moment, le Lyonnais se révéla être d’une part un bon rappeur, et d’autre part un auteur atypique. Par des titres comme « PELO2VILLE » ou « ARRIERE PLAN », par ses références aussi puis par son lexique en général et son argot en particulier, Okis posait efficacement le décor de son rap. Pour reprendre l’expression usuelle et quelque peu galvaudée, il introduisait son univers. Le vaste monde d’Okis semblait s’étendre au moins dans toute la capitale des Gaules, peut-être même au delà, jusqu’au bout du Rhône (le département, pas le fleuve, n’exagérons rien). Il paraissait écrire et rapper pour son secteur, pour les banaveurs et les rouilleurs qui l’arpentent, et probablement ne songeait il pas que cette mixtape, OK, trouverait un bel auditoire en dehors de la ville des Lumières. Lorsque l’Abcdr l’avait contacté, au printemps suivant, Okis confiait d’ailleurs son étonnement quant à l’accueil reçu par sa jeune musique. Elle allait contre la volonté des algorithmes, conquérant les cœurs des curieux sans autre critère que le talent d’écriture.
De fait, après l’excellente surprise OK, le premier album de l’autoproclamé « Roi des banaveurs » est attendu. Maintenant qu’il s’est mis à partager son rap, Okis continue à se dévoiler, certainement contre sa nature, puisqu’il confie au détour de son nouveau morceau : « C’est ma vraie passion, j’apprends l’métier l’pied à l’étrier, j’vais m’rétamer t’façon parce que j’écris, j’me sens épié… » ou encore « Il y a quelques gens qui m’écoutent, faut croire, merci mais c’est hyper space… » Visiblement, il ne goûte qu’à moitié la relative notoriété de son art, intimidante.
Sur une production de Mani Deïz, avec qui il s’est parfaitement trouvé ces derniers temps, il rappe pendant cinq minutes, sur lui, sa routine, et ses tragédies. Intitulé « J’arrive », le morceau laisse à nouveau entendre toute la singularité d’Okis, enfant échappé des traboules du Vieux Lyon et des parkings de Bron. Portant fièrement l’étendard d’une ville d’art et d’histoire(s) , il mêle les mythes de sa zone aux considérations plus personnelles, même intimes. À l’entendre se confier ainsi, on s’imagine partager un tacos braisé Chez Hugon ou des ris de veau aux 5 Sens, sans plus trop savoir ni le lieu ni la date, si ce n’est un jour, à Lyon, qu’il « verse sur [ses] maquettes comme l’architecture d’Garnier version gaucho. »
Début novembre, Okis dévoilera donc Rêve d’un rouilleur. Compte tenu de la qualité de cet extrait, tous les espoirs sont permis quant à ce premier album. Intitulé « J’arrive », il est mis en images avec justesse et sobriété par Maxime Boudehane, Sandra Gomes (photographe bien connue de ces pages, auxquelles elle contribue régulièrement) et Rémi Clauss. Et d’ici au 03 novembre, il n’est certainement pas trop tard pour découvrir ses titres précédents et apprécier d’autant plus la prise de masse musicale d’Okis, qui partage un quotidien ordinairement beau, fait de cendriers, d’errances urbaines et de trente-deuxièmes de finale de Coupe de France.