Et un nouvel EP pour LTA
Voici plusieurs années qu’à son rythme de croisière sur les eaux du Styx, le rappeur le plus enfiellé de France sort régulièrement des EP qui, comme les poings, fracassent les mâchoires d’à peu près la terre entière. Probablement inspiré par le climat atroce de l’année demie passée, il a publié à intervalles réguliers sur Bandcamp #Hashtag, 1994, OVNI, Upgrade, poignées de titres tous plus venimeux les uns que les autres. En guise de rapide présentation, le dernier en date, Dementia (la folie), s’ouvre sur un sample non pas du film du même nom mais de Harold et Maude. Le synopsis ? Une histoire d’amour entre une octogénaire et un jeune homme de 18 ans dont le divertissement principal consiste à se rendre à des funérailles. Voilà pour l’ambiance. La recette musicale ne change pas d’un EP à l’autre. Boom-bap lugubre, samples de films malsains, batteries lourdes faites pour asséner la haine et surtout : déflagration nihiliste à chaque phase. Une bile qui n’épargne personne. Et c’est d’ailleurs cette table rase de l’hypocrisie sociale sans exception qui fait que LTA se positionne par-delà bien et mal. Chaque simagrée mondaine a droit a son passage au lance-flamme. La représentation de la fameuse « diversité » n’est que le signe annonciateur d’une grosse douille (« je trouve ça bizarre tous ces Noirs sur les affiches / ça présage rien de bon / quoiqu’ils cachent ils rotteca t’façons / que je sache depuis quand ils aiment les marrons ? ») Le rough sex, comme on dit dans les podcasts – pas mal d’histoires de sodomie, d’étranglements, et même fists de féministes égrènent la prose du renégat – révèle juste l’essence véritable des rapports hommes/femmes sous le patriarcat. Tout le monde y passe : des rappeurs troubadours aux blanches qui dansent mal et même – et oui – son public : « tous ces geeks m’écoutent se branlent sur mes doutes sur ma douleur. »
Ceci dit, pas besoin de branlette pour constater que LTA s’affiche comme un porteur de vérité (au risque de l’embarras ou de la violence.) Il le dit même sous forme d’egotrip dont il a le secret : il « met d’accord comme le racisme anti-asiat. » Non sans l’angoisse qui va avec : « un dixième de [s]a lucidité et tu te serais déjà suicidé. » Pas faux. Bref : alors qu’un vent d’enthousiasme souffle à la fois sur des avatars contemporains du boom-bap (version Benjamin Epps ou plus sulfureuse/despo-ruttienne à la Souffrance) et sur des artistes dont la (prétendue) subversion revient souvent à étaler des théories du complot (« si tu pues la merde c’est pas la faute aux sociétés secrètes » lâchera-t-il d’ailleurs sur Upgrade) c’est peut-être l’occasion de jeter une oreille à LTA. En évitant quand même de le faire percer au grand jour, histoire de lui éviter de probables épuisantes polémiques, quand on voit qu’il suffit d’un Youssoupha pour les provoquer.