Nakk, la « Boîte noire »
Et le game roule, roule, roule, pour le meilleur et pour le pire, mais il y a, au milieu de tout ce cirque, des rocs qui restent fidèles à eux-mêmes. L’avion du rap français pourrait s’écrouler, Nakk est de ceux qui résistent à l’immersion, l’incendie, l’attentat, les #metoo, les jeans slims, les remix de « Barbie Girl », les déchéances de roi et les ascensions de parvenus. Au pire, il regardera les hommes tomber. Avec « Boîte noire », un « apéritif avant les impératifs » selon ses termes, il livre sur des batteries enjouées un unique couplet, ravivant le souvenir ému de ses qualités de rappeur. Et c’est un plaisir, pour l’auditeur qui l’a connu dans les années 2000, de voir au moins un des maîtres de ses écoutes adolescentes ne pas décevoir. Pour les autres, c’est l’occasion de découvrir un artiste qui ne sonne ni daté ni jeuniste, drôle mais jamais gênant, punchlineur mais jamais creux. Le rap français a certainement vu naître et mourir des carrières entières sans qu’elles égalent jamais une seule phase de « Boîte noire ». Extraits choisis : « j’suis Kunta Kinte sans son pied gauche / j’suis Karl Marx dans un pays de gauchistes » (Nakk vient de Bobigny); « Le quartier est moche comme une paire de triple S / J’ai bien dit une paire de Triple S » (Nakk n’est pas votre petit); « Comme Macron ils fument le cul de la vieille » (Nakk a des valeurs, mais ne fait pas la morale). Efficacement subtil, il suffit d’un coup d’œil à son traitement des références au films de gangster ou aux séries pour constater qu’il survole, encore et toujours, tout le reste. Il n’y a pas à dire, le rap est son pays. Qu’il aime autant qu’il critique.