Le génie de Myka 9 résumé en un mix
La carrière de Michael Troy est une fascinante énigme. Alors qu’il rappe depuis plus de trente ans, il est cantonné à un succès d’estime conforté par l’admiration de ses pairs. Microphone Mike, à ses débuts, a gravité autour de N.W.A. Il est cofondateur du groupe Freestyle Fellowship dont le second album participera à la déconstruction de la rime à 4 temps. Il brille au Good Life Café, faisant de ce lieu mythique de Los Angeles l’antichambre du Project Blowed et d’une école West Coast audacieuse et diablement inventive. L’an 1995 n’a pas encore sonné et Myka 9 est déjà un MC inimitable. Inimitable, mais aussi insaisissable. À l’image de son flow en somme, qui est une seconde structure rythmique à lui tout seul, une partition de soliste pouvant, pour une fois, être réellement comparée à la virtuosité jazz. Myka ne se privera pas de cette comparaison pourtant généralement galvaudée. Mieux, personne n’a jamais trouvé qu’il en faisait trop lorsqu’il la cultivait lui-même, avec sa voix caractéristique, capable de s’étendre comme la courbe d’une onde d’effet papillon autant que de s’avérer d’une douceur remarquable jusque dans son gimmick « it’s all love. » En bref, Myka 9 est un être musicalement à part. Mais il est aussi l’incarnation de ses talents tellement insaisissables qui, avec les années qui passent, sont de moins en moins exposés malgré une productivité sans égale. Mal distribuées, en binôme avec des artistes talentueux mais sans aucune exposition, les œuvres de Myka n’ont jamais eu la visibilité qu’elles méritaient, particulièrement ces dernières années. Chez lui, le chemin de carrière est évanescent. Mais peut-être est-ce bien cela qui préserve son talent ? C’est en tous cas son don pour les flows chimiquement purs que le label Rayon du Fond met en avant un travers un mix d’une trentaine de morceaux. Slurg, également DJ résident de L’Abcdr, y condense soixante-dix minutes durant le génie de Michael Troy. Un acte nécessaire pour figer dans le marbre ce qui est si difficile à décrire. Un disque redoutablement bien mixé, au packaging et à l’artwork magnifiques, pour un MC dont on avait dit que même s’il disperse son talent comme des poussières célestes, ses prouesses verbales défieront toujours la loi de Newton.