MIKE et Wiki à domicile avec The Alchemist
Pendant que KRS-One fête les cinquante ans de la culture hip hop en freestylant pour divertir l’actuel maire de New York Eric Adams, ancien policier du département chargé notamment de “protéger” le métro des graffitis qui a déclaré l’année dernière vouloir bannir la drill, les rappeurs new yorkais vers qui il faut se tourner pour espérer recevoir une bonne dose d’authenticité sont rarement ceux que l’on verra fricoter avec une quelconque figure politique. Avec MIKE et Wiki, pas besoin de pratiquer professionnellement la gymnastique mentale, les termes sont prononcés lettre par lettre, syllabes par syllabes, mots par mots.
“Mayors A Cop”, leur dernier single, arrive à l’occasion de la sortie d’un album commun intitulé Faith Is A Rock, et entièrement produit par The Alchemist. En chef d’orchestre inspiré, le producteur californien offre une caisse de résonance considérable au leader du label 10k et à l’ex-RATKING, qui de leur côté permettent par la même occasion au producteur d’ouvrir sa porte à de nouvelles voix, différentes de ses collaborateurs devenus trop réguliers. En plus de ce nouveau morceau, ce sont six autres inédits qui complétaient en septembre l’EP déjà très prometteur de novembre 2022, où le trio donnait déjà l’impression d’évoluer en symbiose. Ensemble, MIKE et Wiki n’en sont pourtant pas à leur premier coup d’essai, les deux ayant préalablement collaboré sur deux de leurs projets respectifs, MAY GOD BLESS YOUR HUSTLE en 2017 et Half God en 2021.
Ancré dans le réel, au contact quotidien de l’environnement qu’il décrit habituellement dans ses morceaux, Wiki commence ici son premier couplet par un constat cinglant : la présence policière a quadruplé, le quartier est en feu, les pertes humaines sont considérables. Citoyen engagé comme un autre, il déplore une politique de dépense publique majoritairement investie dans la répression et non pour améliorer la vie de ses habitants (“This how they chose to use the guap, With this amount of human loss, Could’ve been for schools or parks, Coats in the winter and the summer, something to cool ’em off”). De Brooklyn jusqu’au Bronx, Wiki prend à bras-le-corps son rôle de MC, dévoué à sa mission de rallumer la flamme des cœurs gelés par l’hiver.
Sans transition, MIKE déroule son rap marmonné et guérisseur. Brouillard d’émotion introspectif sur ses sorties en solo, il se prête cette fois-ci à un exercice plus direct, peut-être plus tourné vers l’extérieur. En se calant sur le discours fédérateur de son partenaire, il appuie un peu plus le caractère authentique de leur musique («Finna break the walls and free the chastised my n****, We really in this »). Ils sont en mission, et absolument personne ne doit être laissé sur le bord de la route. Comme Rick Ross et beaucoup d’autres avant lui, c’est plus profond que le rap. Et après deux couplets chacun à se renvoyer le micro, ils se livrent à un passe-passe comme on n’en entend que trop peu ces temps-ci. Ultime témoignage, s’il en fallait un, de cette complémentarité flamboyante.
Fidèles à des valeurs personnelles qu’ils placent au-dessus de tout et conscient des responsabilités qui pèsent sur leurs épaules, MIKE et Wiki ne rappent pas pour remporter des titres imaginaires, mais pour autre chose : faire valoir l’amour du maillot. En mettant, si possible, quelques lucarnes au Maire.