Mano Leyra, jeune rappeur à l’élégance mortuaire
Mano Leyra n’arrive « jamais sans mettre une baffe, c’est un manque de finesse. » Dans ses précédents projets, le fossoyeur rappait la cohabitation des ténèbres et de la lumière au plus profond de chacun. Dans son dernier EP C’EST PAS DU TAYC, la noirceur a pris le pas sur la clarté. Le titre tendancieux du projet ne laisse aucun doute sur la direction adoptée. L’EP est intégralement produit par Pense Music, beatmaker originaire des Hauts-de-Seine, connu aussi pour avoir travaillé avec BB Jacques et pour son dernier EP en date, Dignity & Culture. Pense Music se définit comme peintre musical : il colore le rap fin de Mano Leyra par des mélodies futuristes (« GÂCHETTE DOUBLE »), menaçantes (« PAS DU TAYC », « TRENCH-COAT-BLACK ») et gracieuses (« SEX IN BROOKLYN »).
Avec les rues de Paname en toile de fond, le rappeur fait de sa musique un cautère pour son âme remplie désespoir. Agoraphobe au milieu d’une industrie remplie de fakes et d’opportunistes (« Ils font du rap pour l’oseille, j’les maudis ces putes »), Mano Leyra avance avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Sa détresse stagne, son plus grand talent est de tout gâcher. La richesse en ligne de mire apparaît comme la lumière au bout du tunnel (“L’ambition, devenir un ex-pauvre”). Pour y arriver, Mano adopte un phrasé new-yorkais influencé des plus grands enchaînant les allitérations, métaphores et références. De ses démonstrations techniques s’échappent aussi quelques élans de conscience instinctifs (« Force aux meufs, fuck tous les profs de sport crasseux », « Respecte ton serment range ton arme de sеrvice, tu rends raremеnt service »). Avec cet EP, le rappeur propose un rap rude sur les productions minimalistes, mais efficaces, de Pense Music. Dans une époque où le désespoir de vivre est prégnant, Mano Leyra tente de s’affranchir de cette fatalité en faisant de son rap de la haute voltige.