Kenzy représente Genève, et il y a toujours du Poizon dans le Rhône
En 2007, le collectif genevois Marekage Streetz sortait Comme un poizon dans le Rhône, classique local de l’avis de tous les acteurs et observateurs de la scène helvétique. Au cœur de cet album figurait le titre « Genève », devenu hymne pour une partie de ses habitants. « On fait pas partie d’la Suisse et ça j’le sais depuis qu’j’suis petit » rappait alors le groupe sur une voix pitchée en boucle. La bande du 022 clamait son amour pour La Ville au bout du Lac et la dépeignait sous divers angles, avec ses Bentleys et son crack, « ses belles silhouettes, ses fantômes dans le tramway », ses banques et « sa jeunesse qu’elle a laissé couler »… Des paradoxes qui font de Genève une ville unique et sur lesquels l’Abcdr a eu l’occasion de revenir en compagnie de plusieurs rappeurs issus de ses rues depuis quelques années. Cette folie urbaine nourrissait la musique de Marekage Streetz et est encore source d’inspiration pour les jeunes artistes du coin.
Le dernier exemple en date est signé Kenzy, auteur de l’album Paradox en 2020 et récemment apparu sur le Freestyle Grünt 46, orchestré par Slimka. Ce 24 octobre, Kenzy a dévoilé sa version du classique marékageux, reprenant l’intitulé, l’instrumental et un certain nombre de citations de « Genève », presque quinze ans plus tard. L’exercice est périlleux tant le titre original est gravé dans les esprits, mais le rappeur s’en sort avec bien plus que les honneurs : c’est une réussite. Entre hommage à ses aînés et volonté de s’affirmer comme relève pertinente, le rappeur trouve le bon équilibre. Il emprunte, cite et s’approprie, donne un petit coup de neuf bienvenu à ce « Genève ». Tous les monuments ont besoin d’être restaurés de temps à autre après tout. Qui plus est, Kenzy préserve l’esprit de la chanson, en reprenant la position qui était celle de Marekage Streetz dans les années 2000 : entre deux générations. Le rappeur montre du respect aux grands de sa ville mais aussi de l’amour à ses petits, et c’est à tous que ce titre est dédié.
Avec son clip lui aussi très touchant, ce « Genève » version 2021 donne à voir une ville qui ne semble pas avoir tellement changé. « Ils ont mis mille problèmes dans le même immeuble, j’viens du Genève sans Patek Philippe ni Rolex » rappe Kenzy comme le faisaient ses prédécesseurs, et la distance entre le Ritz et le quartier des Pâquis reste la même. Dans les multiples visages filmés par Bagdad 794 se lisent les tragédies des dernières décennies, celle des « enfants d’pays en guerre » parqués dans les mêmes zones. S’ajoute à cela une sélection d’images d’archives, comme pour mieux souligner que rien ne bouge dans cette ville. Mais il y a beaucoup d’amour pourtant, pour Genève et les Genevois.