Kaaris, « Château noir »
« Cette fois Kaaris revient vraiment comme dans Or noir » : cette phrase, les auditeurs et auditrices l’ont entendu des centaines de fois ces dernières années. Or, malédiction du classique oblige, pas mal de déceptions ont marqué la trajectoire du Dozo – toujours moins que son partenaire de bagarre à Orly. Malgré quelques bons voire très bons titres, les dernières sorties du Sevranais n’ont pas conquis au point d’affirmer que le niveau d’Or Noir avait été retrouvé. La magie noire n’opère-t-elle plus ? Peut-être est-ce une illusion bien caractéristisée, celle qui fait penser qu’un jour son prince des ténèbres reviendra identique, que les sentiments seront les mêmes à la première écoute. En musique comme en amour, il faut savoir évoluer. Mais au seul son du tag de Therapy, collectif avec lequel il n’avait plus travaillé depuis 2016, les oreilles et les poils de l’avant-bras se dressent. Batteries cinglantes, sonorités à la fois grandiloquentes et menaçantes, associées à des jeux de contre-plongée dans le clip – notamment, sur un Kaaris affublé d’ailes noires : les retrouvailles font leur effet. « Château noir » – une image qui par ailleurs avait été utilisée pour teaser 2.7.0 – marque d’abord par la majesté glaciale et enveloppante de l’instru. Mais aucune phrase bien sentie ne laisse au sol ou ne fait éclater de rire, comme c’est le cas au détour de presque chaque couplet d’Or noir. On ne retient de « Château noir » qu’une pique à Jean Messiah – ça fait toujours plaisir – et le pré-refrain : quatre rimes suivies bien carrées, Ademo et « Nos » rimant avec « agressive et féroce », qui valaient bien que l’un des blazes des frères soit prononcé à sa manière. Peut-être faut-il faire le deuil de la finesse brutale et jubilatoire propre à l’écriture d’Or noir. Reste quand même une sacrée énergie, une noirceur ardente, portée surtout par l’adéquation entre l’instru et le style du rappeur, qui font que « Château noir » s’écoute avec un large sourire, les canines bien apparentes.