Jeune LC, la réalité à toute épreuve
Quelques heures se sont écoulées entre le moment où Jeune LC annonça la sortie prochaine d’un nouvel EP et la libération de celui-là. Le 14 septembre, fin d’été, presque début d’automne, il dévoilait Fin de jeu. Quatre titres pour une douzaine de minutes de « réel gangsta rap, enregistré à l’arrache » tel que le Parisien en offre de temps à autre depuis deux décennies. La monnaie unique européenne était tout juste mise en circulation que le très jeune Mehdi LC posait déjà sa voix sur des instrumentaux, avec son copain Rafcha notamment. Leur groupe s’appelait Grands Boulevards et leur rap avait attrait à l’indépendance, à la course à la maille, à la capitale française et à la réalité brute du monde. Des années et des années plus tard, le toujours Jeune LC n’a pas tellement dilué sa liqueur ; il retranscrit encore son environnement urbain et décline en musique sa quête de liberté, de quiétude. Reconnaissable entre tous, le rappeur a définitivement son style propre, inimitable.
Il n’y a donc pas de franche surprise avec Jeune LC, hormis celle d’avoir le droit de l’entendre rapper à l’occasion. Et alors s’ouvre un chemin éclairé d’une lumière jaune, qui mène aléatoirement aux pavés de Strasbourg Saint-Denis, aux galets d’une calanque phocéenne, à des cailloux de crack. N’ornant ni son écriture ni son flow d’effets vides de sens, LC pose un buvard absorbant sur le monde puis se le colle à la langue avant d’entrer en cabine. Sans filtre, il évacue la réalité en rap, comme le faisaient en leurs temps Tupac ou Pimp C, qu’il cite au détour d’un couplet. Et en dehors du dehors, Mehdi trouve l’inspiration au loin, au fond de son âme et de ses plaies.
Sur Fin de jeu en 2023 comme sur Croyance et perdition en 2019 puis comme dans tous « ses raps » (Jeune LC est de ces rares O.G qui emploient ce pluriel sans se couvrir de ridicule), il dévoile beaucoup de lui et de ses tourments. Au rythme des prières et à celui des repas, au fil des silences et à celui des lectures, selon les allers de l’amour et les retours du chagrin, la musique du Jeune se fait souriante, éplorée, aimante, triste, grise, solaire, violente, douce, et tout cela cumulé. Comme quelques lignes de poudre peuvent faire provoquer tant de sensations contraires, quelques lignes d’encre suffisent ici à passer par cent émotions. C’est à nouveau la réalité, rien que la pathétique réalité, toute la splendide réalité.