La malice ténébreuse de Charly Kid sur Attention
« Il arrive lentement lentement tout vêtu de blanc […] Du tréfond des ténèbres il revient de loin […] Il se sert de l’ombre pour créer la lumière […] Faites qu’apparaissent plein de billets dans les poches de son Dickies, offrez lui le Saint Liquide, Dieu bénisse le Charly Kid. » C’est par une prière de louanges récitée par une voix féminine que s’ouvre l’album de Charly Kid, posant le cadre d’une demi-heure de rap alternant légèreté d’esprit, tourments psychologiques, noirceur de l’âme et recherche esthétique.
Il vient de Namur dont le quartier de Bomel prête son nom à un morceau d’Attention, « Bomel City Crack ». La Belgique se laisse entendre au détour d’un « huit » ou d’un « vingt » prononcés à la wallonne, ainsi qu’à travers l’incroyable morceau « AB3 en 2001 », référence à l’année de création de la chaîne de télévision belge. Le Kid y délivre un egotrip invraisemblable, se sentant comme « Future en 2015, Gucci en 2009 […] AB3 en 2001, Dr Dre sur 2001, Kubrick après 2001. » Il ne manque pas une occasion de citer un rappeur et dresse d’ailleurs un beau panthéon sudiste au long d’Attention, citant pêle-mêle la Three Six Mafia, UGK, Dj Screw, Koopsta Knicca… Chacun se fera un plaisir de glaner les autres hommages de l’album (découvrant au passage un improbable parallèle entre Hifi et le World Trade Center).
Au delà d’un puzzle de références musicales, Charly Kid invite à déambuler avec lui dans l’obscurité, sous les yeux malveillants des drones américains et des oiseaux de mauvaise augure. À mesure qu’il avance dans l’ombre d’une ville oppressante, le rappeur s’enfonce dans une noirceur toujours plus vide. De « Deadly premonition » où il parle de mourir à trente ans à « Kingpin Skinny Kid » où il se dit « tranquille dans le néant », en passant par ses pensées suicidaires sur « Recette cookin' », Charly entretient un rapport ambigu à l’au-delà. L’esthétique sombre développée sur Attention par ces allusions macabres et les instrumentaux ténébreux , tous composés par le rappeur lui-même ne saurait pour autant suffire à résumer la musique de ce Charles Gosse.
Une autre dimension du rappeur est immanquable à l’écoute de cet opus : sa malice. « Même si je regarde dans le vide gros t’inquiètes je m’amuse », dit-il. Et il est vrai que la distraction a sa place au long de la dizaine de titres proposés par un « straight gogol, super mongol. » Les occasions de sourire sont nombreuses, que ce soit par des allusions culturelles, des tournures de phrase, des propos sans fond ou par un fantastique cours sur la mesure de pureté de l’or en forme d’adlib sur « AB3 en 2001 ». Par cette double personnalité, entre le gothique morbide et le chenapan farceur, ainsi que par ses renvois à Akira, Kubrick, aux voitures, au rap, au style, Charly Kid n’est pas sans rappeler Butter Bullets. Aussi la présence de Sidisid sur « Eyes wide shut » sonne comme une évidence.