SCH – En vrai de vrai
En dix-huit titres pour environ une heure de musique, ce mix propose l’exploration d’un pan de la discographie de SCH : celui qui ne laisse que peu de place à la lumière.
Avec “La Malette” puis “Massimo”, SCH tire deux coups de semonce à l’adresse du rap français dans les premiers mois de 2015. Sa voix sort du plus profond de son âme, elle se cogne sur ses parois nasales pour arriver tantôt grave, tantôt stridente à l’auditeur, mais constamment torturée. Lorsque ces morceaux sont dévoilés, ils s’accompagnent de clips qui alimentent l’énigme: qui est ce type ? Il se montre torse nu avec un corps maigre, arbore des tatouages et des bijoux qui semblent l’encombrer. Le charisme est évident à l’oreille, mais imperceptible face caméra. Le jeune rappeur s’agite au cœur de Genève ou dans une chambre d’hôtel, secouant sa chevelure pour occuper l’espace, mais ce n’est pas son environnement. Naît alors une sensation trouble : la musique envoûte, les images repoussent. Après les tirs de sommation vient le missile sol-sol à la rentrée 2015. Cette fois, l’attitude de SCH filmé colle mieux à son interprétation. Il se met en scène entre Marseille et La Scampia napolitaine. Au même moment, les jeunes Européens se prennent en pleine gueule la déflagration télévisuelle Gomorra. C’est avec le titre du même nom que l’Aubagnais change de statut. Ça y est, il habite son personnage et s’est doté des moyens de son ambition. Les présentations sont faites, et chacun le comprend : SCH arrive pour tout prendre de sang froid.
C’est d’autant plus limpide qu’au cours de cette année 2015, le public grandissant du rappeur (SCH a eu le droit à un solo sur R.I.P.R.O de Lacrim) a fouillé les tréfonds de l’Internet et sont remontées à la surface quelques vieilleries. Parmi elles, un passage chez Teuchiland, un freestyle sur le sample de “De larmes et de sang” et surtout un titre lugubre daté de 2012 : “Froid”. Son immense talent d’auteur y est déjà plus que perceptible, il crève les yeux. Quelques-uns des thèmes qui ne le quitteront plus habitent ce son, qui laisse également entendre une voix assurément marquante, au sortir de l’adolescence. Il crache un peu de haine et beaucoup d’ennui, parle du mouron d’une mère et expose “trop de séquelles physiques et mentales…” Cette fois, même sans les images, la musique aurait renvoyé à de la vodka dans une bouteille Cristaline, à un cul de joint, une capuche et un chantier abandonné.
C’est cette tête capuchée sous laquelle “de mauvaises idées naissent” et cette construction inachevée (“sur le chantier de ma vie, entasse les péchés sur la brouette”) que le présent mix veut explorer. En vrai de vrai prend le parti d’évacuer tout un pan de la discographie de SCH pour plonger dans ce qu’elle a de moins paisible. Ce n’est pas le SCH des featurings avec Hamza, des toplines sur la haute-couture, des gimmicks de réseaux sociaux et de la hype US. C’est un SCH qui ne s’est pas élargi, sans manteau de fourrure, ramené à la maigreur avide de son adolescence. En une vingtaine de morceaux puisés dans chacun des albums du S mais aussi en dehors, ce mix avance dans un étroit couloir noir et Bachir veille à transmettre à chaque transition l’intensité et le relief qui font la musique d’un “nouveau prince”. La sélection ne laisse pas beaucoup de place à la légèreté, et c’est un euphémisme. Parce qu’avec un peu de recul sur les albums de SCH, aucun n’a pour l’instant été une proposition tranchée, à la ligne claire (obscure). Tous ont leurs qualités et toujours le public y a trouvé son compte Mais une frustration née à la sortie d’A7 perdure, et d’aucuns rêvent encore d’un magnum opus sans dorure, intime, à l’énergie brute. Seul un homme sait s’il naîtra un jour, mais les six mains derrière En vrai de vrai se proposent en tout cas de remplir une bouteille d’oxygène et de sauter au fond des abysses pour voir l’aisance avec laquelle SCH s’y déplace…
Tracklist
- Cervelle
- Tokarev (3′)
- Marché noir (5’30)
- Interlude (7’45)
- Pas de manière featuring Lapso Laps & Sadek (11’55)
- Booska Favente (15’20)
- Bénéfice (17’35)
- Aniki mon frère featuring Hooss (22’15)
- Gomorra (26’40)
- Pavel featuring Stavo (30’20)
- La nuit (32’55)
- Anarchie (36’05)
- C’est la vie (41’40)
- A7 (44’20)
- John Lennon (48’40)
- Froid (50’30)
- R.A.C (52’15)
- Freestyle Planète Rap 2016 (56′)
Merci pour les travaux!