ZA, street léopard
Interview

ZA, street léopard

Il vient de Bruxelles, rappe depuis plus de vingt ans et DJ Poska le compare aux plus grands… Vous ne connaissez peut-être pas ZA et vous avez tort. Retour sur le parcours en dents de scie d’un rappeur qui a su marier le style et la rue comme personne.

Photographie : Reza Antagonist

Un jour, ZA s’est décrit en chanson comme un « artiste d’extérieur ». Quoi de plus naturel alors que d’arpenter les artères de Bruxelles pour nous conter quelques bouts de son histoire mouvementée. Deux heures durant, nous avons roulé avec lui et deux de ses frères d’une autre mère, ralentissant ici et là pour immortaliser les rues de sa vie, entre souvenirs amusés et cabossés. « La juge, la pauvre, pige que dalle à ma carrière » soupirait le Gars du H il y a quelques années. Il est temps que la France, elle, s’attarde dessus. De la même génération que les Booba, Rohff ou Ill, le rappeur d’origine congolaise aurait sans doute acquis auprès du public une aura similaire à celle de ses compères s’il était né sous les projecteurs de la Ville Lumière. Mais le destin en a fait le secret le mieux gardé du rap francophone. En 2012, au sein de notre rubrique « À l’écoute », nous avions posé cette question malicieuse mais pleinement sérieuse : « Et si le meilleur rappeur français était belge ? » Libéré de ses ennuis judiciaires, ZA a désormais tout le loisir d’y répondre. Rencontre avec un « putain de prédateur ».

Abcdr du Son : Tu es né à Bruxelles ?

ZA : Non, je suis né à Charleroi, à une soixantaine de kilomètres de Bruxelles. C’est une ville connue pour le banditisme. Les Carolos sont en force là-dedans. Il y a beaucoup d’Italiens là-bas. Ma mère venait tout juste d’arriver du bled. Après, on est partis vivre en Hollande jusqu’à mes quatre ans. Mon père s’est barré et on est revenus ici en Belgique. [NDLR : ZA ralentit et montre un bâtiment] J’ai été à l’école ici.

A : Ça ressemblait à quoi le Bruxelles des années 80 ?

Z : C’était comme maintenant, en plus moche, avec moins de jeunes et moins de noirs. En fait, on les voyait moins. Avec la démographie, le taux de naissance, t’as plein de noirs maintenant.

A : Quels sont tes premiers souvenirs de rap ?

Z : À notre retour ici, on n’avait pas beaucoup d’argent. J’ai atterri à l’internat dans les Ardennes belges. Il y avait énormément d’étrangers dans cet internat. Dont un Turc, DJ S.E. Davy Free, encore actif dans l’electro aujourd’hui. Il nous avait fait écouter Parrish Smith, Public Enemy, Kool Moe Dee, Big Daddy Kane… Mais c’est surtout Parrish Smith qui m’avait marqué.

A : Tu comprenais l’anglais à l’époque ?

Z : Ouais, du fait qu’on avait beaucoup bougé. Puis mes frères étaient de grands fans de basket. Dans le temps, les seuls trucs de basket qui arrivaient ici, c’était via les réseaux américains. Donc tu étais obligé de décrypter. Le rap français, c’est venu quelques années après, dans le même internat. Mes cousins, Dave et Sarah, allaient souvent à Paris voir un autre cousin, Singuila. Lui rappait, il avait un crew. Ils sont revenus avec « La formule secrète » d’Assassin. Ça m’a rendu dingue la première fois que j’ai écouté ça. Et puis Benny B, t’es malade. Je connaissais par cœur. [Il se met à chantonner] « Oh oui… »

A : Aujourd’hui, on se fout un peu de la gueule de Benny B…

Z : Ah les gens ont tort…

A : On le respecte en Belgique ?

Z : La manière dont Benny B est perçu ici et en France est plus ou moins la même. Dans le sens où les gens ont la moquerie facile. Mais il y a des nuances. La première différence, c’est qu’ici les gens peuvent se moquer mais ils savent. À Paris ou en France, les gens se moquent sans vraiment savoir. La deuxième chose qu’il faut savoir, c’est que ce sont les Français qui ont acheté les disques de Benny B, pas les Belges. Il a beaucoup plus vendu chez vous que chez nous. Respect à Benny B.

A : C’est vrai qu’en France, quand on met un Belge en avant, c’est souvent pour se foutre de lui. On méprise un peu la Belgique. Comment vous percevez ça ?

Z : Ça, c’est la culture française. Je m’en bats les couilles. Déjà, j’ai des papiers belges mais, dans l’âme, je ne me sens pas belge. Je ne me sens pas congolais non plus parce que si je rentre chez moi, des frères vont me faire sentir que je ne suis pas chez moi. C’est le problème de la double culture. Donc je me sens citoyen du monde. Concrètement, à part mon histoire, qu’est-ce que la Belgique m’a vraiment apporté ? J’ai grandi ici, j’ai fait ma vie ici, mes expériences… Mais ce n’est pas un truc purement belge, c’est un truc d’homme de la vie. Chacun a son histoire et sa légende personnelle à accomplir, peu importe où t’es. Après, tu fais ce que tu veux, ce que tu peux, dans le temps qui t’est imparti. C’est ce que je pense aujourd’hui, ça n’a pas toujours été le cas.

A : Tu pensais quoi avant ?

Z : Un peu comme tous les jeunes rebelles qui ne réfléchissent pas beaucoup et écoutent les conseils des potes : « nique le système… » Quoique je le pense toujours aujourd’hui mais j’ai le fond qui va avec. Je sais pourquoi je dis « nique la justice » aujourd’hui. Enfin, nique leur justice.

« On n’en avait rien à foutre d’être rappeur parce qu’à ce moment-là, de toi à moi, c’était pas cool d’être un rappeur. »

A : Tu te souviens du premier texte que tu as écrit ?

Z : C’était à l’internat, un texte en anglais, vers 91, 92. DJ S.E. Davy Free était à fond dans le rap américain, il nous écrivait des textes. Celui qu’il avait écrit ce jour-là, je le trouvais compliqué à rapper. Je l’ai corrigé et re-corrigé jusqu’à ce qu’il soit mien. C’était comme ça, pour rapper dans les chambres à l’internat. La première fois que j’ai vraiment touché un micro, c’était avec mon gars que t’as vu là-bas, Prodige [NDLR : qui forme avec ZA le groupe Les Gars du H]. Lui ne rappait pas encore. Mais je sais que c’était avec lui, certain. [Sourire] C’était en anglais encore, un pur egotrip.

Snake [NDLR : Ami de ZA présent durant l’interview] : Gangsta shit !

Z : [Rires] Non, on n’était pas là-dedans encore. C’était un rap d’enfant, pur egotrip.

A : À partir de quand tu t’y es mis sérieusement ?

Z : Septembre dernier.

A : Non mais à partir de quel moment le rap a commencé à t’occuper un peu l’esprit disons ?

Z : C’était avec le cousin de Snake, Baldé. On avait monté un groupe : les Funk-E Underground. On a enregistré des cassettes mais on n’a plus les sons… [Il s’adresse à l’arrière de la voiture] C’était quel DJ là avec MPSHA qui avait la maladie du sucre !? Il devait expliquer à chaque fois pourquoi il devait se piquer en pleine session… [Rires] Il était tout pâle, il avait un rottweiler. C’était quelle année ça, Snake ? Tim Dog, tout ça ? « Step to me » ? Snoop, « Nothing but a G thang » ? C’était 94, 95, Tupac n’était pas encore mort. [NDLR : Ces titres sont en fait respectivement sortis en 1991 et 1992]

A : Toi, tu aimais bien Tupac, non ?

Z : Ah ouais… Pourquoi « j’aimais » !?

A : J’observe parfois un certain mimétisme dans l’attitude.

Z : J’aime bien Tupac. Comment tu veux ne pas aimer le gars ? Regarde, là, c’est la rue où j’ai habité quand je suis revenu en Belgique, notre premier domicile. De mes quatre ans jusqu’à mes quatorze ans. Ici, on est à 1000 Bruxelles, Los Marolles. Tu as Bruxelles-Capitale, au sein duquel tu as dix-neuf communes et il y a une commune qui s’appelle Bruxelles. C’est le centre ville en fait.

Coolix [NDLR : Ami et manager de ZA] : C’est très belge tout ça.

Z : Il n’y a pas de banlieue à Bruxelles. Les quartiers défavorisés sont implantés dans la ville. Parfois, ça fait un peu penser aux Etats-Unis : tu passes en trois rues de la ville luxueuse aux quartiers défavorisés. Par exemple, Les Marolles, c’est tout juste derrière le Palais de justice et à côté de celui-ci, tu as l’avenue Louise, « les Champs de Bruxelles », avec Sheraton, Hilton, Louis Vuitton… Voilà le Palais de justice [On passe devant] qui a été mon domicile pendant une grande période. [Sourire] C’est pas une blague, je recevais mon courrier ici. Tu vois, c’est pas beau déjà… Tout comme ce qui s’y passe. Et hop, tu atterris direct place Stéphanie et puis dans la belle Avenue Louise. 1000 Bruxelles est juste à côté de Ixelles, qui a occupé une bonne place dans ma vie.

A : Tu habites toujours à Ixelles ?

Z : Non…

A : Pourquoi ?

Z : Tout simplement parce que je viens de revenir et que je n’avais pas de maison. Donc j’étais un peu partout. Mais Ixelles aussi, c’est difficile avec les conditions, le bracelet, tout ça… Là, on m’a laissé sortir sans mais, même quand j’avais mon bracelet, je l’avais pris dans un autre quartier qui s’appelle Schaerbeek. Ixelles, voilà quoi… Tu es en bas, il peut vite se passer plein de trucs…

A : En France, on te connaît surtout pour ta mixtape avec DJ Poska, Brutal Muzik, j’imagine que tu as sorti d’autres projets plus confidentiels auparavant ?

Z : Le premier projet qu’on a vraiment sorti, c’était avec Prodige. Prodige avait un oncle qui habitait à Berlin. Et quand son oncle partait en vacances, il lui laissait l’appart. On n’avait rien à faire ici donc on allait squatter à Berlin. C’est là-bas que Prodige a écrit son premier texte. Je l’ai écrit avec lui. On a monté un groupe avec d’autres gars un peu plus jeunes que nous : Homicide Verbal. On était cinq : Prodige, ZA, El Bibi, Big Bob et Birdy. On a sorti une mixtape vers 95, 96, la période où Tupac est mort. C’est le tout premier projet. On avait fait cent cassettes, on les a toutes vendues. Je n’ai plus les sons et je ne saurais pas les retrouver avec tout ce qui m’est arrivé. Tu vois là, on a quitté Louise et on rentre directement dans le quartier. Puis on s’est séparés, je suis resté avec Prodige et on a monté Les Gars du H. On a sorti un maxi avec un remix : Hommes d’honneur. Ça s’est bien passé, on a enchaîné les concerts… Mais bon, on était davantage dehors à faire plein de trucs, toujours motivés par l’argent. On allait souvent à Berlin. D’ailleurs, ma première purge, c’était là-bas, en 99. Première fois de ma vie que je rentre en prison, dans un pays et une langue que je ne connais pas… J’ai appris l’allemand là-bas. Maintenant, ich spreche besser, mann ! [Sourire] Ça va, ça n’a duré que quelques mois. Et quand j’ai été libéré, j’ai eu une petite interdiction de territoire.

A : Pour quelle raison as-tu été incarcéré ?

Z : On avait fait une arrache dans une espèce de kiosque. La meuf ne voulait pas lâcher le bazar donc on a dû un peu forcer le machin… Ça s’est terminé comme ça, on s’est fait baiser. C’était avec un autre type de Berlin, on s’appelait la franzosen mafia… [Rires] On est revenus ici et on a écrit plein de trucs. On a fait la rencontre d’un gars, Many Lights. Il avait des beats super forts. Tellement forts qu’à la fin on se demandait s’il ne les avait pas volés. On s’est retrouvés deux, trois fois avec des beats qui existaient déjà… Tu vois, Snake, il habitait là quand on allait à l’école. Lui aussi, c’est depuis… C’est plus qu’un pote.

Snake : On rappait dans la chambre tout en haut, c’était le septième ciel ! [Rires]

A : Vous rappiez sérieusement ou c’était juste un passe-temps ?

Z : On était entre les deux, en fait. On aimait bien, c’était cool…

A : C’était cool d’être un rappeur ?

Z : Non, j’ai dit « c’était cool ». On n’en avait rien à foutre d’être rappeur parce qu’à ce moment-là, de toi à moi, c’était pas cool d’être un rappeur. C’était cool d’être un danseur, un basketteur… La rue commençait à arriver aussi, c’était plus cool d’être tout ça, mais pas rappeur hein… Parfois, les gens rigolaient un peu. Nous, on s’en battait les couilles parce que ce quartier, on l’a saigné mon frère. Dans chaque rue dans laquelle on passe, je peux te raconter une histoire. On s’en foutait. Et comme dans la vie, il faut faire de l’argent… Bon, on a eu la chance d’être un peu malins, donc ça rentrait. Du coup, tu n’avais pas l’enjeu commercial de sortir un disque. C’était juste le plaisir. Ce sont les meilleurs souvenirs. On aimait ça et on le faisait.

« C’est la spontanéité qui a fait Brutal Muzik. J’ai niqué en one shot je ne sais combien de couplets. »

A : Entre le maxi Hommes d’honneur, qui date du début des années 2000, et la mixtape Boyz dans le Hood sortie en 2013, il y a eu d’autres projets des Gars du H ?

Z : Oui, on a aussi sorti Face B, un cinq titres. Dessus, il y a un son encore aujourd’hui anthologique : « Sinsemilia ». C’est un son vraiment pour les Bruxellois. C’était propice à une époque. De notre côté, on était rentrés dans le biz des stup’. On a fait ça comme personne ici. Ça collait trop bien à la période. Ce sont de bons souvenirs. Tu as plein de petits qui ont fumé leurs premiers joints là-dessus. [Sourire] Bon, aujourd’hui, je n’en suis pas spécialement très fier.

A : Vous aviez accès à ce qui se faisait en France ?

Z : Oui, bien sûr, on était dans les X.Men, Time Bomb et tout ça. On avait accès aux cassettes de DJ Poska… [Il ralentit] Ici, c’est la rue où j’ai vu pour la première fois un type tirer sur quelqu’un. Il est derrière toi ce fou. [Rires] À l’aise, il y a prescription, Snake… [Rires] Ouais, il l’a allumé… C’étaient leurs histoires. Lui, il était déjà dedans, tu vois. Moi, je n’étais pas trop dans les trucs de bandes…

A : Rassurez-moi, le gars n’est pas mort quand même ?

Z : Non, il n’est pas mort mais il a mal fini quand même. Putain… Hôpital, poumon perforé… Eux, ils étaient déjà dedans. Moi, j’ai toujours été davantage dans le le vol, le biz, l’argent… J’aime bien l’argent. C’est pas bien mais j’aime bien l’argent. Comme on était forts dehors, c’était facile de trouver les Gars du H, autant pour les gens qui avaient de la haine que pour ceux qui voulaient donner de l’amour. Il y avait les ingrédients, tu vois. Et puis ici, c’est le quartier Matonge, où tu as tous les noirs. Si tu es noir à Bruxelles ou même en Belgique, c’est impossible que tu n’y passes pas un jour. Donc, du fait qu’on est là tout le temps, on connait tous les noirs, en bien ou en mal. Les gens, tu leurs dis ZA et Prodige ou Chris et Doudou, ils savent que c’est notre secteur. Tout s’est passé ici, je me suis fait arrêter ici, là-bas… Là-bas, il y a eu telle histoire… On connaît tout BX, ça offre plein de possibilités. Et puis quand tu es là, tu es sur ton « territoire ». Parfois, on ne va pas se mentir, on en a joué aussi. C’était assez simple de faire céder les gens venant de l’extérieur quand on avait besoin de quelque chose. Rue de la Paix, Rue Longue Vie, c’est ça le croisement.

A : Que s’est-il passé après le projet Face B ?

Z : Je crois qu’il y a eu une incarcération, moi. On avait projeté d’enregistrer une compil’. C’était très bordélique dans le temps. Quand je suis sorti, on a continué à enregistrer et Prodige est rentré à son tour. À la fin, on faisait des sons pour les salons des gens en fait. On donnait, on savait que ça allait tourner dans tout BX. Comme je te dis, l’aspect financier n’existait pas et ça ne nous dérangeait pas. On faisait notre argent à côté mais ça ne nous empêchait pas le lendemain d’aller faire le festival de Dour. Je sais qu’aujourd’hui, si j’ai la même scène à Dour, ça ne va pas me faire le même effet. Parce qu’aujourd’hui, c’est une dévotion. Dans le temps, c’était plus un passe-temps. Je n’en avais rien à foutre. On est là au quartier : « Ah putain, demain il y a Dour ». On prend deux, trois petits, on se fournit en stock pour rentabiliser l’argent, on met tout ça dans la voiture et on part là-bas. C’était bien, c’était cool mais on avait autre chose à faire. Aujourd’hui, j’apprécie plus le moment que sur le moment-même.

A : Le son qui t’a vraiment exposé à toute la Belgique, c’est « Get Busy » ?

Z : « Get Busy », oui. À ce moment-là, j’ai commencé à prendre doucement conscience… Admettons que tu veuilles jouer au foot. Tu as deux manières. Ou tu dis : « C’est ça que je veux faire ». Tu travailles tous les jours pour et tu vas te dire : « Je crois que je deviens bon ». Et les gens de l’extérieur vont te confirmer ce que tu pensais. Ou tu joues au foot sans en avoir rien à foutre mais, à chaque fois que tu joues, tes potes te disent que t’es bon. Le regard extérieur te fait prendre conscience de ton potentiel. Nous, on était davantage dans cette seconde catégorie. À un moment, tu commences à écouter. C’est là que je suis arrivé à « Get Busy ». Il y avait plein de problèmes. On a eu de bonnes périodes quand on était jeunes mais à la fin, c’était difficile de nous trouver à l’extérieur au même moment. J’ai eu envie de faire un maxi parce que j’aimais bien ce son, je trouvais qu’il avait du potentiel.

A : C’est là où tu es rentré dans ta période faste.

Z : Là, c’est la rue où Prodige s’est fait tirer dessus… J’ai failli mourir ici. J’étais dans une période productive et, comme j’avais les moyens financiers, je ne me suis pas privé. J’aimais bien ce que je faisais et les retours. Ça me faisait plaisir de partager ça avec les gens. J’ai rencontré deux types, un Américain et un Français qui ont cru d’une manière ou d’une autre à ma musique. Peu importe les rapports qu’on a aujourd’hui, ils m’ont fait prendre conscience que je pouvais faire des choses. Via un de ces gars, j’ai rencontré DJ Poska. Il lui avait fait écouter le son « Brutal Muzik » qui était à la base pour la compil’ d’un petit frangin à nous. Poska a dit que c’était une tuerie et je suis parti le rencontrer. De là est venue l’idée d’en faire une mixtape et c’est comme ça qu’est née Brutal Muzik, d’où sont extraits « L’école du manque », « Je t’explique », « Bomaye »… Tous les sons ont été faits en vue de la mixtape au quartier, dans le grenier d’un gars qui s’appelle Hollyweed. C’est de la pure homeprod.

A : Avec tous les sons que tu avais, tu aurais presque pu sortir un album…

Z : Oui mais la plupart, c’étaient des faces B. Et comme j’aime bien écrire sur les beats, ça n’aurait pas forcément donné la même chose. C’est la spontanéité qui a fait Brutal Muzik. J’ai niqué en one shot je ne sais combien de couplets. Les premières prises, c’est ce que je préfère. Après, chacun a sa manière. Certains sont des moteurs diesel, ils ont besoin d’un peu plus de temps pour se chauffer. « Putain de prédateur », « Get Busy », « Je t’explique », je les ai enregistrés et écrits vite, tu le sens. Ce que j’aime dans un instru’, c’est quand tu vois le film rien qu’en l’écoutant. Tu as juste à prendre un morceau de papier et c’est réglé. Regarde, là, c’est l’école André Vésale où j’étais avec le fou derrière. De grands moments. A la sortie, on aurait dit un clip de MTV. Si c’étaient pas des bagarres, c’étaient des meufs… Pfff laisse tomber… Donc ouais voilà, la spontanéité.

A : À combien d’exemplaires a été pressée Brutal Muzik ?

Z : Un peu plus de cinq cents, je crois. C’est sorti juste à Bruxelles. J’avais le projet de le sortir en France mais, encore une fois, la vie quoi…

A : Tu as commencé à avoir tes ennuis judiciaires vers 2010 ?

Z : La longue période, c’est à partir de 2010, oui. Mais bon, tout était là. Je t’explique, de 1999 à 2009, je suis rentré trois fois déjà.

A : Tu avais envie de t’investir sérieusement dans la musique à cette époque ?

Z : Je commençais tout doucement. Pendant que je faisais Brutal Muzik, j’étais chaud niveau productivité. J’ai enregistré la tape en trois semaines, en ayant laissé plein de morceaux de côté. Dans Brutal Muzik, il y a un son que j’ai fait… Je me souviendrai toujours : j’étais descendu à Paris en studio, Poska était là avec sa femme. C’est sa femme qui a réagi en premier : « Ce son a énormément de potentiel. » Finalement, on l’a gardé de côté. C’est le son qui m’a fait démarrer l’idée du EP 24/7. Ce sera sans doute le premier extrait. Je ne sais pas si je vais garder la version de l’époque. Elle n’est pas du tout dans le ton actuel mais elle ne dérange pas, elle a vraiment quelque chose. Bref, à ce moment-là, j’étais chaud. Je voulais enchaîner avec 24/7 juste derrière Brutal Muzik. Mais il y a eu encore une incarcération de six mois… Attends, non non non, il n’y a pas eu d’incarcération. Je rentabilisais bien, voilà. Et ça me prenait beaucoup de temps. Mais 24/7 était là, dans un coin de ma tête. Là, c’est l’hôpital d’Ixelles, où mon fils est né. Il a dix ans. Tous les jeunes que tu vois, les DEMG, Jones Cruipy, tout ça, à la base, ce sont des gens du HDI.

A : Tu avais bien avancé sur 24/7 ?

Z : J’avais enregistré quatre sons. Je vais en réutiliser certains, peut-être en rafraîchir d’autres. Là, aujourd’hui, j’en ai six écrits, dont cinq enregistrés. Ça va être un sept titres. Le concept, c’est du story-telling. Les sept jours de la semaine. Avec à chaque fois une histoire différente de ma vie. Certains jours, j’ai recoupé deux ou trois histoires en une. Franchement, là-bas, j’ai eu le temps de réfléchir à plein de trucs et, à un moment, je me suis dit que j’allais arrêter.

A : L’enfermement, ça nourrit l’imaginaire ou ça étouffe l’inspiration ?

Z : J’ai eu des périodes où j’écrivais et d’autres où je n’écrivais pas. Ça fait les deux en fait mais, moi, ça coinçait davantage mon inspiration. Moi, j’aime bien voir la vie, les grands espaces, les étoiles. Ça me donne de l’inspiration, ça.

« Mais quel être humain va aller s’enfermer de lui-même, franchement ? »

A : Tu as passé combien de temps en prison, trois ans ?

Z : Ouais, mais cette période est comme étalée sur cinq ans. Incarcération en 2010, sortie, bracelet. Nouveau dossier, troisième dossier, encore une histoire avec Snake… Pendant tout ce temps-là, j’étais dans mon bracelet. Il y a même un jour où je suis arrivé au tribunal… [Il se met à rire seul] En pleine audience, je vois plein de flics débarquer. Je regarde à gauche, je vois un vieux Belge. Je regarde à droite, je vois un vieux Paki. Je me dis : « Nan, dis-moi pas que c’est pour moi… » [Rires] Ils sont partis direct parler au président, j’ai entendu mon nom… J’étais là avec mon bracelet et ils m’ont de nouveau fait rentrer en prison, cette fois chez les Flamands. J’étais là pour une histoire de stup’ et on venait me chercher pour une histoire d’évasion avec laquelle je n’avais rien à voir. Enfin, c’était une autre histoire et ils ont fait un amalgame… Je ne sais pas pourquoi je disais ça en fait ? Ah ouais, après, je ressors, on me remet le bracelet et puis j’ai de nouveau un dossier stup’. Bim, là ils me révoquent. Une révocation, ça veut dire qu’ils t’enlèvent les droits que tu avais parce que tes peines ont dépassé ce qu’on appelle la circulaire, un certain nombre de mois. Quand tes peines sont inférieures ou égales à ça, tu peux encore bénéficier du bracelet mais si on te rajoute, tu prends du ferme. Donc là, on te révoque et on te demande tranquillement de venir te rendre. Comme n’importe quel être humain qui est un animal de base…

A : Tu n’as pas envie de te rendre…

Z : Mais quel être humain va aller s’enfermer de lui-même, franchement ? Dans le temps, ils savaient pourquoi ils ne donnaient pas de permissions aux gens, dans les donjons et tout. Tu crois vraiment que les gens allaient revenir d’eux-mêmes ? Aujourd’hui, on fait des folies. C’est dans des moments comme ça que je comprends le « nique la justice ». Parce que ça n’a pas de sens. Moi, je venais de récupérer mon fils, il y avait des troubles avec sa mère… J’étais seul avec mon fils et le bracelet. Le matin, tu dois l’accompagner à l’école. Si tu ne le fais pas, il ne va pas y aller. J’ai appelé la directrice à qui j’avais apporté les papiers qui prouvaient que je travaillais dans une salle de sport, que je faisais de la musique, que je vivais seul… « Vous auriez très bien pu compresser la peine et la rajouter en mois au bracelet. Maintenant, vous me demandez de revenir comme ça. Je fais quoi ? Je prends mon fils, je le plie, je le mets dans un tiroir et je reviens le chercher dans trois ans ? Je ne fonctionne pas comme ça, moi. Mon père est mort, ma mère est malade, mon frère en instance de divorce, mon autre frère au Luxembourg, ma sœur au bled et mon autre sœur est trop petite… » Elle-même m’a dit : « Je comprends ce que tu m’expliques mais ne traîne pas ». Je lui ai dit : « Laissez-moi ne serait-ce que terminer l’année scolaire. » « Ne traîne-pas. » C’est là que j’ai arraché le bracelet. Ça a duré neuf mois. Le petit, j’ai dû le déposer chez ma mère. Il fallait de l’argent et comme je savais que j’allais rentrer un petit moment, j’ai voulu réunir une bonne somme. Je fais un premier coup, ça se passe bien, j’en fais un deuxième, ça se passe bien et le dernier truc que je voulais faire avant de me rendre, ça part en couilles. Il y avait une prostituée dans l’histoire… Ça ne se passe pas bien, eux se font soulever, ils n’ont pas su la fermer… On est venu me chercher très calmement et je me suis retrouvé là-bas avec un million d’histoires.

A : Les ennuis judiciaires sont derrière toi, aujourd’hui ?

Z : En tout cas, je ne pense pas avoir d’emmerdes à venir. Ils auraient eu tout le temps de sortir les dossiers. S’ils n’ont rien sorti, c’est qu’ils n’ont rien. Mon dernier dossier vient de se terminer. On m’avait de nouveau donné deux ans. Le juge a estimé qu’il n’aimait pas mon attitude. Mon avocat lui a demandé s’il jugeait les faits ou mon attitude. Le juge a répondu : « Si vous n’êtes pas contents, vous allez en appel. » C’est ce qu’on a fait et la peine a été transformée en heures [NDLR : TIG]. C’est mieux que la prison, à tous les niveaux. Tu as abîmé la société, tu redonnes de ton temps, c’est utile. Après, ce n’est pas la meilleure solution dans chaque cas mais ça peut être une alternative.

A : Tu m’as dit tout à l’heure que tu ne t’impliquais sérieusement dans le rap que depuis septembre dernier…

Z : J’avais sérieusement pensé à arrêter. J’avais arrêté même. Je suis sorti et, de toute manière, on ne veut jamais vraiment arrêter quand on aime ce truc comme je l’aime. J’ai eu une discussion avec le frangin derrière [NDLR : Coolix, son manager], il a su trouver les bons mots. Je lui ai dit : « Si on refait ça, on ne le refait pas de la même manière. » Je ne veux plus le faire comme je l’ai fait avant, avec toutes les erreurs. Je ne veux plus le faire pour ma chambre et le salon des potes. Je veux le faire correctement, professionnellement, de la même manière que j’ai fait mes affaires professionnellement. Avec toute l’énergie, l’équipe et les finances qu’il faut pour. Je veux faire ma musique et vivre de ma musique pour faire ma musique.

A : T’as de quoi assumer financièrement ton retour dans la musique ?

Z : Bah pour l’instant, j’assume. Après, on parle d’assumer quoi, à quelle ampleur ?

A : Si tu voulais sortir un album…

Z : C’est ça, je n’ai jamais vraiment fait d’album parce que je me suis toujours dit que ce n’était pas n’importe quoi. Tu ne négliges pas un album, il faut de gros moyens. Et l’album, pour le réaliser tel que je le vois, je n’ai pas encore les moyens. Ce n’est pas la production du produit qui pose problème, surtout avec toutes les facilités qu’il y a aujourd’hui. Je parle de tout ce qu’il y a autour, la machine qui va avec : la promotion, la diffusion, la visibilité, l’impact, les visuels, les clips, les rotations télé et radio… On a besoin de ça. J’ai énormément confiance en ce que je fais maintenant. Quand tu fais quelque chose, si tu l’as programmé, que tu as visualisé le programme et qu’il n’y a pas trop d’éléments extérieurs, logiquement, ça se passe selon ton programme. C’est comme ça que les gens construisent des maisons ou des bateaux. J’ai un plan dans ma tête, si je m’en tiens à celui-ci, je ne vois pas pourquoi ça ne fonctionnerait pas.

A : Tu vas sortir une mixtape, Césarienne, avant ton EP 24/7 si j’ai bien compris…

Z : Oui, parce qu’à la base, je voulais directement sortir 24/7 mais je me suis rendu compte de son potentiel. Vu la démarche dans laquelle je suis, je dois tout analyser et constamment me remettre en question. Au départ, les « Guess Who’s Back », c’était censé être trois simples freestyles. Tu sors, tu vas au studio, tu poses trois freestyles sur des faces B et tu les balances. Mais c’est vraiment la vision dans laquelle je suis. Avec tout ce que j’ai brodé autour, on pourrait croire que c’est plus que des freestyles. Mais non, c’est juste trois freestyles. Mais j’ai brodé le maximum autour. Et 24/7, ça va être pareil. Il faut que ça ait une certaine portée. J’ai déjà enregistré des sons pour la mixtape. Il y en a dont je suis satisfait, d’autres moins. Encore une fois, si je m’en tiens au plan, tout ce qu’il y a autour doit être planifié, mais le contenu aussi. Le rap est compétitif aujourd’hui, que ce soit en termes d’image, d’originalité, de flow. Je dois arriver avec quelque chose de frais. Je ne suis pas obligé de faire la même chose que tout le monde mais je dois être deux fois plus pertinent. Ce n’est pas facile.

A : Tes « Guess Who’s Back », c’est juste une friandise, tu n’es qu’à 50% là…

Z : Même pas. Je suis au point mort, on est en descente. [Rires] Ce que j’ai brodé autour, c’est plus sérieux.

A : Est-ce que tu vas continuer dans la direction du « Guess Who’s Back #3 » ? Je trouve que c’est sous-exploiter ton potentiel. Je te préfère quand tu rappes dur.

Z : Mon frère, qu’est-ce que je t’ai expliqué ? Je t’ai dit qu’on envisage ce truc comme un business. Les sons comme ça, ça fait partie du business. Je vais en faire mais c’est pas moi. Tu penses vraiment que si je sors un projet, il y aura une majorité de sons comme ça ? Ça fait partie du plan et ça a eu le retour escompté. Et il faut se dire aussi que ce genre de sons, ça fait partie de ZA. Moi, je ne veux pas qu’on me classe dans une catégorie d’artiste conscient ou artiste freestyle… Il y a des artistes qui sont là à te donner sans cesse des conseils. Mais l’être humain n’est pas fait comme ça. On se réveille un jour avec l’envie de rigoler, un autre avec l’envie de revendiquer… Moi, j’aime bien les meufs. Qui me connaît dans BX sait bien ça. C’est une de mes facettes du rap. Je ne peux pas mentir. Un jour, tu vas me trouver dans une boîte avec des meufs, les yeux bien rouges là. C’est moi aussi, donc je le mets en musique.

« Je ne vais pas courir après le bout de l’arc-en-ciel toute ma vie. »

A : Qu’est-ce que tu fais aujourd’hui, en dehors de la musique ?

Z : Je vis. Je vis, mon frère.

A : La musique est ta priorité ?

Z : Ouais, comme j’ai dit au frangin, on va le faire une fois. Je n’ai plus le temps. Si ça se passe, OK, si ça ne se passe pas, j’ai déjà tout programmé. J’ai des affaires qui m’attendent.

A : Si ça ne fonctionne pas là, tu arrêtes définitivement ?

Z : Ouais. J’ai une vie à faire, un enfant à élever, une maison à bâtir… La vie, c’est qu’une fois. Je ne vais pas courir après le bout de l’arc-en-ciel toute ma vie. L’argent, il ne faut jamais s’inquiéter. Je ne compte pas devenir millionnaire avec mon micro. La musique est trop vaste pour ça. Il y a plein de trucs autour qui peuvent te faire gagner dix fois plus. Moi, dans l’idéal, j’aimerais faire de la musique comme j’en ai envie et n’en avoir rien à foutre de mes ventes, comme avant. Parce que j’aurais d’un autre côté ma rentrée d’argent sûr.

A : Si jamais ça ne marchait pas, tu l’accepterais comme une fatalité ou tu aurais des regrets particuliers ?

Z : Je n’aurais aucun regret parce que la dernière fois, j’aurais tout fait pour. Le seul regret que tu peux avoir, que ce soit en amour ou autre, c’est de ne pas avoir tout essayé. À partir du moment où tu as tout essayé, tu peux dormir tranquille sur tes deux oreilles. Et, là, je dormirai tranquille. Ça aura été une bonne partie de ma vie, une belle époque, de beaux souvenirs, des émotions de nature différente, en intensité toute aussi forte les unes que les autres.

A : Tu ressens le même plaisir qu’avant à rapper ?

Z : Oui. Mais ça va plus avec ma vie. Avant, j’étais insouciant, donc j’avais plus d’énergie et d’émotions à consacrer là-dedans. Maintenant, il y a d’autres facteurs qui rentrent en jeu et je n’ai pas tout le temps l’énergie d’apprécier certaines choses, ce qui ne veut pas dire que je ne les aime pas.

A : Quels sont les rappeurs français que tu appréciais plus jeune ?

Z : Toute la clique Time Bomb, les Ill, Hifi, Lunatic, Oxmo, la FF… IAM et NTM dans une moindre mesure. Fdy Phenomen aussi, il était fort. Ça fait partie de l’inspiration. Aujourd’hui, je ne sais pas pourquoi les gens ont honte d’être inspirés. Etre inspiré, ce n’est pas copier. On l’est tous. Parfois, tu es inspiré par quelqu’un sans même le savoir. J’ai de grosses inspi’ américaines à la base, les Outkast et tout ça… Mais du rap français, j’en ai mangé aussi. C’est un grand Ill hein. J’écoutais beaucoup les X.Men. Jeunes, Coupables et Libres, c’était bien ça. D’ailleurs, j’ai fait référence à eux dans un morceau, « La Légende ». J’ai lu le petit mot que tu avais écrit sur ce son là-bas, ça m’a fait plaisir. Le frangin m’en avait parlé à la visite et m’a envoyé l’article imprimé sur papier ensuite. Kery James, Le Combat Continue, oh là là… « Si je rappe ici », je te le sors maintenant. 113, « On est rentrés dans la banque sans faire toc toc toc », t’es fou, ce sont des tueurs !

A : Ce que j’apprécie chez toi et qui, à contrario, m’agace chez beaucoup de jeunes rappeurs, c’est cette façon d’assumer des inspirations tout en gardant l’envie d’être le meilleur. Trop de rappeurs sont impressionnables et conservent leurs yeux de fans.

Z : Ça se comprend aussi, ils sont jeunes. Si j’avais leur âge, je le serais peut-être aussi. La vie, ça joue beaucoup. C’est pour ça que je rends souvent hommage à la vie dans mes textes. Tu finis par apprendre que tu as juste à transposer les situations. C’est le même principe, ça devient des mathématiques. Le rap n’échappe pas à cette règle. C’est l’homme qui a peur, sinon il n’y a rien. Si tu crois que tu es capable, tu as déjà fait 50% du travail. Cette rue, c’est toute une histoire. Ça, c’est l’immeuble de la ghetto cuisine, le 37. Maintenant, il est tout beau, tout propre mais il ne faut pas t’y fier, ils ont juste refait la peinture. Tout au-dessus là-bas, c’est là que j’ai commencé à faire des beats, notamment « Get Busy ». C’était une planque, on pouvait s’évader par les toits. Ici, j’avais un box. C’est là qu’on a tourné le clip « Back to Back » avec Oncle Suel. Lins, un des gars que tu as vu, s’est fait arrêter à ma place ici avec tous mes trucs. C’était la folie. Moi, j’étais à Londres, je suis resté caché. [Rires] Ils me cherchaient partout, ils sont partis chez ma sœur, chez ma mère… C’était le bordel. La rue Georges Laurent.

A : Tu voyages beaucoup ?

Z : Le voyage pour moi, c’est la richesse de l’esprit. Tu comprends que tout est possible en fait. Parfois, t’es là, t’as envie de faire quelque chose et tes frangins te disent : « Vas-y, laisse tomber, on va faire ça plutôt… » Tu arrives dans un autre pays, tu vois un type comme toi, avec la même dégaine, il te fait penser à toi… Et il a fait le truc. Là, tu te dis : « Putain, c’est ce que je voulais faire ! » C’est la richesse de l’esprit. Tu te rends compte que c’est possible. Tu vois comment les gens vivent, se débrouillent, en étant dans une situation similaire, avec les mêmes moyens… Tu lui demandes comment il a fait et il t’explique un truc de ouf, et tu te dis : « Putain mais je peux le faire chez moi aussi ! ». Il faut voyager. Après, les circonstances font que, moi, j’ai davantage voyagé pour mes propres délires. Je suis allé à New-York. Pour l’anniversaire de mon pote, un grand fan de Mobb Deep, on l’a amené à Queens. Un bon délire. Sinon, j’allais vendre un mois en Hollande, des trucs comme ça. Londres, j’ai de la famille là-bas. Au moment où je suis allé raccompagner mes nièces là-bas, comme par hasard, c’est ce jour-là que les flics avaient décidé de me plaquer. Berlin aussi, plus jeune, tu prends un bus, en huit heures et pour quarante euros, t’y étais. C’est cool, Berlin.

A : Tu perçois parfois un décalage entre la façon dont, toi, tu vois ta musique et la vision de ton entourage ou du public ?

Z : Ouais, par exemple, « Pour mes boys », je ne comptais même pas le clipper. Je l’ai enregistré aussi vite que possible. Je l’ai laissé au studio, quand je suis revenu, tout le monde me dit : « Putain, il déchire ! » Puis je l’ai mis dans la réédition de Brutal Muzik et on l’a clippé. Le clip m’a apporté plus, j’ai vu de quoi le morceau avait l’air. Mais ce sont les gens qui m’en parlaient à la base. Pareil pour « Le rap a besoin de nous ». Je l’aimais bien mais je ne pensais pas qu’il était aussi fédérateur.

A : Est-ce que tu te sens un devoir de représentation vis-à-vis de ton quartier ?

Z : Représenter qui ? Qui m’a représenté, moi ? Je ne le fais pas par devoir mais par reconnaissance. En grandissant, en prenant de la maturité, tu te rends compte de l’étendue du monde et ne représenter qu’un quartier, c’est réducteur. C’est bien, ça fait partie du hip-hop mais j’aspire à des choses un peu plus universelles. Ça me fait plaisir de donner de la force mais ce n’est pas un devoir, c’est un partage mutuel.

A : Tu espères sortir tes deux projets en 2016 ?

Z : Un, ce sera déjà bien mais l’idéal serait d’en sortir un en début d’année et l’autre à la fin. Mais il faut prendre le temps de faire les choses bien. Voilà, célèbre phrase de notre ami : « Le rap, c’est pas un sprint mais une course de fond. »

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