Wildchild
MC de Lootpack
aux côtés du génie Madlib et DJ Romes, Wildchild se décide enfin à sortir
« Secondary Protocol », un premier album solo attendu de pied ferme par les
fans du groupe et préfigurant la sortie du successeur du classique du trio
d’Oxnard : « Soundpieces : Da Antidote ».
Abcdr : Peux-tu te présenter et présenter Secondary Protocol ?
Wildchild : Je suis Wilchild, l’enfant sauvage, je représente Lootpack et je viens de sortir mon premier album solo : Secondary Protocol.
A : Comment es-tu arrivé dans le Hip-Hop ? Par le rap ?
W : J’ai commencé lorsque j’étais au lycée, par la break-dance, en tant que B-boy avec mon pote Madlib. Je n’ai pas rappé avant 1990, 1991. Je faisais juste des freestyle avec un pote, Godz Gift, que l’on retrouve d’ailleurs sur l’album de Lootpack (Soundpieces : Da antidote). Par la suite j’ai continué la break-dance mais je me suis beaucoup plus porté sur le rap.
A : Ça va faire dix ans que tu rappes, depuis ton apparition sur le premier album des Alkaholics. Comment définirais-tu ton style au cours de ces dix années ?
W : J’ai eu beaucoup de hauts et de bas, que ce soit d’un point de vue personnel ou au niveau de mon entourage durant ces dix années. La situation au niveau de l’industrie musicale a elle aussi évoluée, mais une chose est sûre : mon style n’a fait qu’évoluer grâce à tout cela. Ce sont des tas d’expériences comme celles-ci qui ont fait mon style. Les choses que j’ai vues, les musiciens avec qui j’ai pu travailler m’ont aidé à trouver mon style.
A : Question qu’on a du te poser des dizaines de fois depuis sa sortie : quelles différences y a-t-il entre ton album solo et un album de Lootpack ?
W : Pour l’album de Lootpack on peut dire que c’est un quelque chose de très très underground, attendu par pas mal de monde et avec pas mal de collaborations. Secondary protocol est quelque chose de beaucoup plus personnel. Par « personnel » j’entends emmener les gens à entendre du rap à un degré plus personnel, mais aussi pour les raps plus battle. Secondary protocol c’est un peu le plan B, l’alternative. C’est ça que ça veut dire. Peu importe le mainstream ou l’undergound, je voulais mettre des titres dansants et d’autres plus personnels dans un seul et même album. J’ai grandi en écoutant de la musique faite pour faire la fête, pas simplement du Hip-Hop. Cet album reflète ce qui m’a beaucoup influencé : un peu de battle, un peu de titres dansants, un peu de textes plus profonds, tout ça pour qu’au final les gens ressentent que c’est avant tout l’album de Wildchild. Pas la copie du Wildchild de Lootpack, même si Madlib produit.
« Dès la sortie du premier album de Lootpack j’avais prévu de sortir un album solo. »
A : Oui, d’ailleurs on s’aperçoit rapidement en écoutant l’album qu’il y a différents focus, différents thèmes sur celui-ci. ‘Knick knack 2002′, un titre battle, ‘Kiana’ qui est un titre plus personnel sur ta petite fille et des titres plus bounce avec Planet Asia et Aceyalone… Quelle impression voulais-tu que les gens aient au final ?
W : Je voulais simplement qu’ils puissent apprécier de la bonne musique. Je voulais essayer de faire comprendre qu’il est important de connaître son histoire, c’est pour ça que j’ai fait un petit retour en arrière sur la old school. Je voulais également faire des sons qui se font à l’heure actuelle, mais également faire quelque chose d’un peu plus avant-gardiste sur certains titres pour tenter de voir ce que la génération actuelle allait faire. J’ai essayé de me mettre dans la peau de quelqu’un qui voyageait dans le temps, dans une capsule. Si j’avais pu revenir en 1988, comment est-ce que j’aurais rappé ? ‘Code red’, par exemple, c’est un son actuel mais qui a une vibe, un feeling, de cette époque. Il y a toujours ce « groove ». Je retrouve cette envie avec des gens comme Planet Asia, un des MCs les plus « abstraits » qu’il y ait à l’ouest. Il peut faire des choses que tu n’imagines même pas, imprévisible. C’est ça que j’aime.
A : Le fait que Madlib travaille continuellement sur de multiples projets t’a-t-il permis de mieux préparer cet album, d’avoir plus de temps et d’application ?
W : Le fait que Madlib ait beaucoup de projets ne rentre pas en jeu, parce que l’on est continuellement en train d’enregistrer tous les deux. Lorsque l’on faisait des sons ensemble, certains étaient pour le prochain Lootpack, et d’autres pour mon album solo. Dès la sortie du premier album de Lootpack j’avais prévu de sortir un album solo, sans pour autant que je sache si il allait sortir dans l’immédiat ou des années plus tard, après le prochain Lootpack. Mais à partir d’un certain moment, lorsqu’une bonne partie des sons était là, on a décidé de se focaliser sur cet album solo.
A : Par rapport aux productions, on retrouve Madlib et –son frère- Oh No, qui est également un très bon producteur, quelles directions leur as-tu données pour cet album ?
W : Je voulais quelque chose de personnel, qui ne ressemblait pas forcément aux productions sur lesquelles j’avais déjà pu rapper. Je voulais quelque chose de différent. Oh No est arrivé avec des sons disons plus « mélodiques » que Madlib. C’est assez difficile à expliquer… J’ai écouté leurs productions, goûté à chacune d’entre elles et puis j’ai choisi.
A : Est-ce que tu considères ce Secondary Protocol comme une nouvelle étape de Lootpack ?
W : [immédiatement] Oui, oui ! Sans aucun doute. Chaque son que l’on fait est dans le but d’apporter quelque chose à Lootpack. Ce peut être moi avec Secondary Protocol ou Madlib avec Quasimoto, même avec Declaime… Chaque sortie est différente mais il y a toujours une vibe propre à Lootpack. Sans aucun doute.
A : Peux-tu nous présenter en quelques mots les featurings présents sur ton album ?
W : Il y a Vinia Mojica, dont beaucoup de personnes se souviennent de ses prestations sur des compilations ou sur l’album de Talib Kweli. Il y a aussi Planet Asia, Aceyalone, Spontaneous, The Liks sur ‘The come off’ avec Phil Da Agony. LMNO, qui représente le crew des Visionnaries. Percee P. sur ‘Knick Knack 2002′, avec qui j’ai été très content de rapper. Il y a également Medaphoar et Oh no, qui font parti de mon entourage.
« Les gens présents sur cet album étaient des amis avant même d’enregistrer. »
A : D’ailleurs on a l’impression qu’il y a une atmosphère « familiale » qui se dégage de l’album. C’est important pour toi d’inviter des amis à poser sur ton solo, pour trouver une atmosphère ?
W : Oui, oui. C’est vraiment quelque chose de personnel que je voulais capter. Les gens présents étaient des amis avant d’enregistrer. Un respect mutuel était déjà là. On avait déjà plus ou moins travaillé ensemble et tout s’était bien passé, c’est pour cela que je ne me faisais pas de soucis pour cet album. Excepté pour Percee P et Vinia, ce sont des gens qui viennent comme moi de la côté ouest. Mais dans le cas présent ce sont des gens qui m’ont beaucoup influencé quand j’ai commencé à me prendre au rap et à son jeu. Même si les voix féminines comme celle de Vinia m’ont davantage influencé au niveau du chant, plus que de la rime.
A : J’avais lu il y a un an de cela que Babu des Dilated People et Supernatural avaient enregistré des titres qui devaient figurer sur ton album… qu’en est-il ?
W : Ouais c’est vrai. Rhettmatic (des Beat Junkies) a produit un son qui devait être sur l’album avec Supernatural. On a enregistré le morceau, mais il devrait normalement se retrouver sur le prochain Supernatural. Oh No, qui a des connexions avec Supernatural, a également fait un remix de ce titre. Pour Babu, j’ai eu des prods de lui, je ne les ai pas gardées mais j’espère qu’elles figureront sur l’album de remix que je compte sortir. Je voudrais en effet changer à la fois les featurings et les producteurs sur cet album. Babu est une personne que je souhaite voir apparaître. J’espère aussi que Jay Dee y figurera. C’est dans une optique de changer le ton et l’atmosphère de l’album.
A : Et la sortie serait prévue pour quand ?
W : L’année prochaine j’espère. Mais cela peut prendre du temps, notamment par rapport aux producteurs.
A : Je sais que tu es également intéressé par la vidéo, tu as des projets par rapport à cela pour ton album ?
W : Oui, une vidéo intitulée « Wild ‘N You » devrait sortir. Elle devrait durer entre une heure et une heure et demie et serait disponible en VHS et DVD. Elle devrait être disponible d’ici quelques mois logiquement, elle est même déjà bouclée et la production a commencé depuis que je suis en tournée.
A : Et on pourra la voir en Europe ?
W : Oui, l’Europe l’aura même avant les États-Unis ! J’ai d’ailleurs quelques copies promo avec moi.
A : Avec le titre ‘Knick Knack 2002’ a on l’impression que tu veut remettre le Hip-Hop et le rôle du MC à leur vraie place. Tu as l’impression que le Hip-Hop a autant changé depuis que tu t’y es mis ?
W : Je pense qu’il a énormément changé, notamment au niveau de l’industrie qui contrôle beaucoup plus la musique et la façon de faire des sons, en général. ‘Knick Knack 2002’ est une forme d’hommage à mon pote Percee P. et bien sûr à EPMD aussi [NDLR : il reprend la boucle du groupe New-Yorkais sur le morceau], qui est un groupe qui m’a beaucoup influencé, aussi bien moi que Lootpack en général. Ils ont sorti album sur album avec toujours avec la même qualité. Et ce titre (‘Knick Knack Patty Wack’) en featuring avec K-Solo compte parmi mes préférés. Ce sont les rappeurs les plus énervés que j’ai pu entendre…
Je ne peux pas parler de tous les rappeurs, mais aujourd’hui les textes sont plus portés sur l’argent et le paraître, ils ont laissés l’industrie du disque contrôler leur image. Ça semble tellement éloigné… Les chansons commerciales sont à des kilomètres de la rage qu’il y a dans des classiques tels que celui-ci. C’est pour ça que j’attends le prochain album de Gang Starr par exemple. Des projets comme cela m’influencent beaucoup et me permettent d’avancer. Des mecs comme ça ou KRS-One, qui rappent au top avec la même manière depuis des années, c’est fort.
A : Reprendre cette boucle c’est donc une façon de préserver une partie de l’histoire du rap dans la tête des gens ?
W : Oui, c’est exactement le but. Faire un remix n’aurait servi à rien, mais inviter Percee P., cela avait un sens. Pour moi c’est un des MCs qui a le plus la rage. A chaque fois que j’évoque son nom, tout le monde connaît son histoire et sa crédibilité : vendre ses mix-tapes à chaque coin de rue. Travailler avec lui n’aura pas été difficile…
A : Tu as déjà pu avoir des retours sur Secondary Protocol, aux Etats-Unis ou en Europe, que ce soit par rapport à lui ou en comparaison à une sortie de Lootpack ?
W : Les retours sont plutôt bons. Les gens trouvent l’album assez frais et en comparaison avec Lootpack pensent que c’est plus « bounce ». Mais les retours sont plutôt bons… Mais là je suis en promo, à Paris, juste avant j’étais à Londres, et la distribution n’est pas aussi bonne que ce que je pensais, par rapport à l’Allemagne ou aux USA par exemple.
A : Tu penses qu’un album tel que celui-là ou bien un Lootpack est une forme de rap qui est plus difficile d’accès en Europe, spécialement en France et en Angleterre ?
W : Quelque part, peut-être. Mais on fait pas mal de concerts, et il y a une vibe certaine entre nous et le public. Après ce qui est sur CD ne correspond peut-être pas exactement à ce qui est fait en concert. Les shows permettent de faire connaître et apprécier notre musique, sans a priori.
A : Tu peux nous en dire un peu plus sur les prochaines sorties des proches de Lootpack ?
W : En 2004, en plus du solo de Ho No, il devrait y avoir le Madlib invasion de Madlib ainsi qu’un album instrumental avec quelques rappeurs dessus (Medaphoar, Declaime et moi), Madlib aussi et sûrement un morceau de Lootpack au complet. Dans l’idéal, on devrait se mettre sérieusement a enregistrer le prochain album pour pouvoir sortir un 12 » en 2004. On veut un vrai successeur à Soundpieces alors l’enregistrement et la mise en route de l’album prend pas mal de temps.
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