Une soirée avec Araabmuzik

En entrant dans La Machine du Moulin Rouge, on est tombé nez à nez avec Duke Da God. Rappeur assez anodin transformé en chauffeur de salles pendant les tournées d’Araabmuzik. A côté de lui, un (tout) petit mec encapuchonné observe un mutisme complet. Il semble fuir les regards, les yeux enfermés dans une autre galaxie. La tête d’affiche du soir évolue dans d’autres sphères. Une bière plus tard, Araabmuzik rentre dans l’arène, sans un mot, sans un regard. La relation de proximité est assurée par Duke Da God venu chauffer le public et taper dans les mains des premiers rangs. Mais dès les premières notes, il est éclipsé par l’autoproclamé roi de la MPC. Une heure de concert, une heure de démonstration, avec une intensité étouffante. Les quelques clins d’œil discographiques adressés au travers de bouts de titres symboliques (« The Don », « Mercy ») restent secondaires. On prend surtout la violence de ses compositions live en pleine trogne pour un grand spectacle très électronique et obsessionnel. Parfois à la limite de l’autisme. Une petite heure s’est écoulée, Gollum s’est éloigné de son précieux et l’éclectique public a disparu, complètement rincé par un ouragan sonore Katrinesque. Retour de l’autre côté de la scène, dans les loges de La Machine, avec Araabmuzik, installé seul sur un grand fauteuil en cuir. Le nez constamment collé à son téléphone (éteint), il est revenu avec nous sur cinq morceaux de sa discographie.

Cam’Ron ft. Vado & Busta Rhymes – « Rubber Band Stacks » (Gunz n’ Butta, 2010)

Araabmuzik : Ce morceau, c’est une des premières productions que j’ai pu faire pour des rappeurs. J’ai pris un sample très court, comme pour « A Mili ». C’était un bout de « NY Shit », mais il n’y avait pas de signification particulière derrière ça. Je suis arrivé au studio, j’ai fait ça et voilà.

Abcdr : On retrouve Cam’Ron et Busta Rhymes sur ce morceau, tu peux nous parler d’eux ?

A : Tu as vu les vidéos où je joue quelques beats avec Busta, c’est la première fois que je le rencontrais. Je lui ai montré quelques-uns des beats que je pouvais faire. Pour ce qui est des Dispet, un de mes amis m’a présenté Duke et ensuite je leur ai envoyés quelques productions par e-mail. Ils les ont écoutées et on s’est rencontrés dans la foulée. Voilà, c’est comme ça qu’on a commencé à bosser ensemble. Ça c’est fait très simplement, rien de bien compliqué.

Abcdr : Tu as aussi sorti ce morceau en version instrumentale sur Instrumental University.

A : Cette mixtape, c’est une compilation des différents beats que j’ai pu faire. J’ai choisi ce nom vu qu’à l’époque, je venais juste de commencer à être un peu reconnu. Mais je venais juste d’entrer dans le game, ce n’était pas une forme d’accomplissement en soit. Je voulais juste rassembler ces beats sur une mixtape que les gens puissent écouter leurs productions favorites. Derrière, j’ai eu envie sortir d’autres mixtapes, d’autres projets instrumentaux.

Araabmuzik – « Free spirit » (Electronic Dream, 2011)

Abcdr : Tu samples Future Breeze (« Why don’t you dance with me » ?) sur ce morceau.

A : J’écoute beaucoup de trucs, de pleins de genres différents, sans trop réfléchir et je garde ce qui accroche mon oreille. Je fais pas mal de beats et je laisse les gens prendre ce qu’ils veulent.

Abcdr : Tu as vraiment commencé la batterie à trois ans ?

A : Oui, je tapais sur un peu tout ce que je pouvais avoir sous la main. Quand j’ai eu six ans, j’ai eu une petite batterie. Et depuis, je n’ai jamais arrêté de travailler les percussions.

Styles P – « Araab Styles »  (The World’s Hardest MC, 2012)

A : Styles P, on a une vraie bonne relation. Il fait partie de mes bons amis. Je lui ai donné quelques beats, quelques jours après, il m’a appelé pour me dire qu’il allait faire un morceau avec une de ces productions. On a fait une vidéo après.
Je n’ai pas de souvenirs particuliers associés au moment où j’ai fait ce morceau. J’ai juste allumé la MPC. Il n’y a pas de sample sur ce titre, tout est joué. Je n’ai pas choisi le titre du morceau, je leur ai laissé le faire. J’imagine qu’ils l’ont appelé comme ça pour que les gens sachent que c’était un de mes beats. Il faut croire qu’ils devaient s’en foutre un peu du nom du morceau.

Abcdr : Tu as fait une publicité pour Under Armour – marque américaine de vêtements autour du sport – avec le quarterback des Carolina Panthers Cam Newton.

A : Ils m’ont appelé et m’ont dit qu’ils voulaient faire une pub avec moi. Tout simplement. Cette publicité, elle n’est pas vraiment liée au football. J’étais juste son DJ pendant qu’il s’entrainait. Il ne voulait pas s’entrainer avec la musique sortie d’iPod en fond, il voulait un DJ. C’était tout le concept de la publicité. C’était un rapport finalement assez proche de celui que je peux avoir avec un MC. Mon travail peut être utilisé de pas mal de façons différentes. Les gars de Under Armour ont juste été les premiers à y penser.

Araabmuzik – « Prince is coming »  (Professional Use Only, 2012)

A : Ce projet, c’est un mélange de titres déjà sortis et d’inédits que je voulais sortir. Je voulais que le public sache ce que je fais en ce moment. Ça faisait un moment que je n’avais pas sorti de projet, il fallait que je donne quelque chose. En sachant qu’il y a des trucs derrière qui vont venir. Je travaille sur pas mal de trucs différents en ce moment. Je ne peux pas sortir tout en même temps, il faut que ça vienne progressivement, chaque chose en son temps. Mon nouvel album [NDLR : Electronic Reality] devrait bientôt sortir. Le mois prochain, si tout va bien.

Abcdr : Professional use only était en téléchargement gratuit.

A : C’est comme ça aujourd’hui. Enfin, gratuit, au final tu gagnes quand même de l’argent dessus. Je te dis ça, je ne m’occupe pas du tout du business.

Abcdr : On a entendu pas mal de rumeurs qui disaient que tu allais être sur le prochain album d’Eminem…

A : Oui, c’est vrai. Je travaille dessus en ce moment. Je lui envoie pas mal de propositions.

Abcdr : Quels sont tes prochains projets ?

A : J’ai pas mal de concerts à venir, je vais faire aussi de la musique pour mal de publicités et films. Je vais étudier toutes les propositions qu’on va me faire. Je n’ai pas d’objectif particulier pour les années à venir, juste faire ce qui vient à moi. Ce genre de trucs, ça vient de façon très spontanée. Je fais juste en sorte d’être prêt pour le jour où ça se passe. Ensuite, je le fais et j’attends la date de sortie. [sourire]