Souffrance et TonyToxik, hautes saisons
Interview

Souffrance et TonyToxik, hautes saisons

Après une première trilogie d’albums qui lui a permis d’installer son rap cru, Souffrance en propose des nouvelles nuances et variations sur HIVER AUTOMNE. Regards croisés avec lui-même et TonyToxik, réalisateur du disque.

Photographies de Souffrance par Clémence Losfeld pour l’Abcdr du Son
Photographie de Chilly Gonzales par Victor Picon
Photographie de Jewel Usain par Brice Cassagn pour l’Abcdrduson
Photographie d’ISHA par Sandra Gomes pour l’Abcdr du Son

Après Eau de source, son troisième album en forme de synthèse de ses œuvres précédentes, Souffrance a brouillé les pistes. Sorti en éclaireur en juillet 2024, l’EP trois titres Éléphant déffrichait des terrains électroniques produits par Kali Kali et inédits pour Souff’, décontenançant sans doute plus d’un fidèle du rappeur et de son groupe L’uZine. Quelques semaines plus tôt, son apparition aux côtés du pianiste et caméléon canadien Chilly Gonzales lors de son set au festival We Love Green, réitérée lors de sa création Rap de Chambre lors de l’Hyper Week End de Radio France, présentait encore un tout autre signe d’ouverture, qui tordait le cou de sa potentielle image de rappeur orthodoxe et borné. De fait, il était difficile d’anticiper quelles directions allaient prendre Souffrance et TonyToxik, son acolyte de L’uZine et producteur/réalisateur de ses albums, pour le quatrième disque du rappeur de Montreuil.

HIVER AUTOMNE, sorti ce 14 mars 2025, est un exercice d’équilibriste du rappeur et de son beatmaker. Impossible pour eux de faire du surplace après les évolutions entamées disque après disque depuis Tranche de vie, son premier album sorti quatre ans plus tôt – l’eau de source, stagnante, aurait croupi. Les cadences plus lentes, déjà bien enracinées sur le précédent disque, prennent ici toute la place, et TonyToxik y place des textures musicales familières sans tomber dans le déjà entendu, bien aidé par le pianiste Mac KDCH et leur nouvel associé créatif, Chilly Gonzales. Par moments, HIVER AUTOMNE prend des teintes orchestrales, nourries de mélodies de piano et de cordes élégantes, mais des orgues enflammés (« Puissance en bars », « Compte double »), des cuivres épiques (« Les Moyens ») et des boucles tortueuses de Mani Deïz (« Miroir déformant », « King Size »), perpétuant le travail de mise à jour du son millésimé de L’uZine.

Sur cette partition, Souffrance garde le même cap que sur ses oeuvres précédentes : ses morceaux traitent de son besoin d’ascension sociale, d’une irrévérence envers les institutions, de son sentiment de révolte contre les injustices (Palestine, brutalité policière, justice de classe) et de son intégrité artistique. C’est surtout dans la forme que Souffrance surprend, dans son sens de la formule, ses placements de rimes, sa diction parfois plus épurée, la variation de ses intensités d’interprétation et surtout ses parties chantées, aux refrains (« Hiver Automne », « Miroir déformant », « Puissance en bars », « Les Moyens ») et même sur un titre entier (« Tango »). Si sur « Les Moyens » il flirte avec des formats plus contemporain et efficace de « bangers », sa voix crue au chant rappelle sa singularité. Ses featurings avec ISHA et Jewel Usain, deux rappeurs qui ont conjuré le sort comme lui, font tirer le meilleur de ses invités comme de lui-même, tandis que le Soprano époque Street Skillz semble être réveillé par l’instru de « Compte double ».  C’est donc un regard croisé entre Souffrance et TonyToxik qu’il fallait pour revenir sur la genèse de ce disque ambitieux par les défis artistiques que les deux compères se sont imposés l’un à l’autre.


Abcdr du Son : HIVER AUTOMNE sort un an et demi environ après Eau de Source qui, à mon sens, faisait la synthèse de Tranche de vie et Tour de magie sur certains aspects, dans les thématiques et dans une forme de cheminement artistique, de suite logique album après album. Est-ce vous confirmez cette impression ?

TonyToxik : Totalement. C’est d’ailleurs une suite logique que Souffrance avait déjà dans la tête dès le début. C’était quelque chose de clair déjà depuis Tranche de vie.

Abcdr du Son : Est-ce que vous diriez qu’Eau de source bouclait ou concluait quelque chose ?

Souffrance : Oui, ça venait boucler un cycle créatif. Une trilogie – je crois qu’on appelle le « trois » un nombre parfait. J’arrivais à la fin d’un cycle après Eau de source, qui était la meilleure manière pour moi de boucler cette boucle.

Abcdr du Son : Est-ce qu’avant de vous lancer sur ce nouveau disque, vous avez eu des conversations en vous demandant « c’est quoi la suite ? »

TonyToxik : Toujours. Souff’ a une idée de base, on discute et on essaie de suivre au mieux son idée.

Souffrance : Avant chaque projet, on se retrouve avec Tony et puis on discute de la D.A. à amener. J’ai un objectif de progression de ma musique depuis le début, comme il le dit. Et à chaque fois, je balance mes idées, Tony balance les siennes et essaie de comprendre aussi parce que moi, j’ai des manières de m’exprimer des fois avec des images. C’est peut-être pas compréhensible de suite.

Abcdr du Son : C’est ce que tu dis d’ailleurs dans « Bizon » : « J’arrive pas à assembler mes idées, alors j’parle en métaphores ».

Souffrance : [Sourire] C’est ça. Et une fois qu’on arrive à être au clair sur l’idée, on se lance dans le taf. Et puis, à chaque fois, Tony, je l’amène ailleurs en réalité. Et lui, ce qui est cool, c’est qu’à chaque fois, il me suit dans cet ailleurs et il s’ouvre de plus en plus, donc ça fait une bonne alchimie.

TonyToxik : On n’est pas limités puisqu’on travaille avec d’autres personnes aussi. Ça veut dire que si Souff’ veut tester des choses, comme on a pu faire sur Éléphant, Kali Kali était là pour faire des instrus aux sonorités différentes que je ne peux pas forcément faire.

Abcdr du Son : Alors que c’est presque quelque chose que tu touchais du doigt par moments. Je pense à « Kill Them », par exemple.

TonyToxik : Oui, je kiffe ça, mais ce n’est pas mon domaine de prédilection. Kali Kali, c’est un monstre là-dedans. Je pense qu’on avait fait le bon choix là-dessus. C’est ça qui est bien : comme Souff’ veut partir sur des sonorités différentes, on essaie de discuter avec plusieurs artistes et voir où on peut aller.

Abcdr du Son : Quel a été le point de départ pour HIVER AUTOMNE ? Un morceau en particulier  a déclenché quelque chose ?

Souffrance : Le morceau « Hiver Automne ».

TonyToxik : En fait, il y a d’abord eu le feat avec Chilly Gonzales, « Barbecue en hiver », qui a été réalisé avant. On l’avait fait comme ça, pour le kiff.

Souffrance : Chilly a envoyé un message à Max KDCH, un ami qui est le pianiste sur « Score » et qui a composé l’instru de mon featuring avec Limsa. Chilly lui a envoyé un message pour lui dire : « Incroyable, le piano sur « Score ». » Ils ont connecté sur ça. Puis Chilly m’a envoyé un message, on a commencé à discuter et il y a eu un quiproquo : je croyais que lui m’invitait et lui pensait que moi, je l’invitais. On s’est retrouvés en studio chez Max KDCH. Et le morceau s’appelle « Barbecue en hiver » parce qu’on a vraiment fait un barbecue en janvier chez Max, début 2024.

TonyToxik : Ensuite, Chilly m’a donné une clé USB avec une dizaine de compos qu’il avait faites au fil du temps, mises de côté et sélectionnées pour Souff’. C’était franchement bien visé parce que j’ai samplé chaque compo qu’il m’a donné. La première, c’est celle d' »Hiver Automne ». J’ai fait une boucle, je l’ai envoyée à Souff’ qui m’a dit : « dinguerie ! » On est partis de là.

Souffrance : Chilly a amené la matière première à ce disque sans qu’on s’y attende. Ce qui était intéressant avec Chilly, c’est quand il a ramené les compos, il nous a laissé une liberté totale dessus. C’est-à-dire que Tony pouvait faire un reverse ou découper au milieu de la note.

TonyToxik : Des musiciens avec qui j’ai déjà bossé, ou même dont j’ai déjà lu des interviews, sont vraiment fermés à ça. Après, je les comprends : s’ils viennent de composer une mélo, qu’ils font un B mineur, par exemple, et si moi, je vais tout détuner ou le transformer en je-ne-sais-quoi, je peux comprendre. Mais Chilly là-dessus, il a été vraiment ouvert. Et il kiffe, justement. Et j’ai l’impression que plus je vais déformer, plus il kiffe. Et on avait une totale liberté sur ses morceaux. Quand il m’a dit: « C’est pour toi, tu en fais ce que tu veux. » J’ai dit: « Vas-y, c’est parti. »

Souffrance : Ce qui est intéressant aussi, c’est que Chilly a suivi toute la progression de l’album. Il ne nous a pas juste donné une clé USB. Ensuite, on s’est vus en studio, il a écouté les morceaux, il a dit : « sur ça, je vois ça. » Il a fait des arrangements et d’autres choses. Il a énormément participé à cet album et nous a ramené un truc extérieur. Ce qui est cool, c’est que ça a créé une symbiose avec Tony. On a gardé aussi notre identité quand même au niveau des instrus et ça nous a permis, pour moi – je ne sais pas si je me trompe ou pas – d’avoir un album singulier au niveau des sons et qui ne sont pas forcément des choses que tu vas retrouver actuellement.

Abcdr du Son : Oui, c’est vrai qu’il y a des espèces d’orgues qui peuvent revenir, des motifs récurrents.

TonyToxik : Ce que j’aime beaucoup dans HIVER AUTOMNE, c’est que c’est vraiment, je crois, l’album qu’on réalise où il y a le plus de compos mais qui sonnent comme du sample.

Abcdr du Son : Il y a du grain, de l’âme.

TonyToxik : C’est ça qui est ouf. Mais c’est trop bien parce qu’en fait, par exemple, « Hiver Automne » est un morceau que Chilly avait écrit. Il m’avait expliqué qu’il avait été faire une session d’enregistrement avec plein de musiciens, ils avaient enregistré plein de sons comme ça, avec des impros et des trucs qu’il avait écrits. Ce n’était pas voué à devenir un morceau. Donc c’est ça qui donne aussi ce grain.

Abcdr du Son : Et toi, d’avoir cette matière première sonore, est-ce que tu sens que ça t’a fait aussi évoluer, voire progresser sur certaines choses dans l’approche sonique ?

TonyToxik : Complètement. Il y a des morceaux que Chilly m’envoyait, jamais de la vie, si j’étais tombé dessus sur un vinyle ou sur YouTube, je les aurais samplés.

Abcdr du Son : Tu as un exemple précis d’un morceau sur HIVER AUTOMNE ?

TonyToxik : « Hiver Automne », c’était évident. Quand j’ai entendu le truc, c’était trop lourd.

Souffrance : Je reviens un peu sur ce que tu disais sur le côté organique : j’ai l’impression que sur ce qu’on a fait avant, dans notre parcours, c’est organique par nature, le rap qu’on appelle « boom bap ». Même si on l’a fait inconsciemment, c’était quand même important de garder ce côté organique en passant à quelque chose qui est plus trap. Et réussir à garder cette identité que tu vas retrouver dans le sample. Je trouve ça intéressant qu’on ait réussi à garder cette identité musicale.

« HIVER AUTOMNE, ce n’est pas juste un an. C’est dix ans de travail, l’aboutissement d’énormément de recherches. »

Souffrance

Abcdr du Son : Ça se sent d’ailleurs en termes de proportions de Tranche de vie à HIVER AUTOMNE : plus on avance dans tes disques, plus il y a ces rythmiques trap qui commencent à prendre de la place. Sur HIVER AUTOMNE, ce ne sont quasiment que des cadences qui sont assez lentes, tout en gardant justement cette esthétique sonore du boom bap et de la boucle qui sonne comme du sample.

TonyToxik : Oui, exact. Souff’ à la base me disait : « Il ne faut pas qu’on sorte trop non plus de ce qu’on sait faire, ne pas trop s’éloigner non plus. »

Abcdr du Son : Il y a une autre rencontre, dont on a parlé un petit peu tout à l’heure, c’est Kali Kali, qui signe la production de « Meilleur », avec Isha. Comment vous le rencontrez et pourquoi, à votre avis, ça a matché aussi ?

TonyToxik : C’est Galatée, la manageuse de Souffrance, qui nous l’a présenté. C’était direct instinctif, il est venu au studio, ça aurait pu ne pas fonctionner, mais il est trop fort, Kali.

Abcdr du Son : Ça remonte à quand ? Après la sortie d’Eau de source ?

TonyToxik : C’était au mois de mai, je crois.

Abcdr du Son : Ha oui, c’est arrivé très vite !

Souffrance : Oui, moi, j’allais tout de suite repartir sur un gros projet. Et puis après, en discutant, on s’est dit : pourquoi ne pas faire un hors-série et essayer de s’éloigner ? Et puis, Éléphant, je le vois un peu… [Il réfléchit] Je sais pas si tu vois c’est quoi la fenêtre d’Overton ? Éléphant, c’est comme si j’avais dit une dinguerie qui ensuite fait que quand tu écoutes HIVER AUTOMNE, tu as l’impression que je reviens dans un truc plus rap. [Sourire] C’est un peu un délire où on est parti tout à droite pour élargir notre cadre.

TonyToxik : Par contre, tu rappes sur Éléphant. C’est juste que la musique était différente.

Souffrance : Là, c’est vrai que sur HIVER AUTOMNE, j’ai réussi enfin à faire un morceau chanté. J’en ai fait plein des morceaux chantés qui ne sont jamais sortis.

TonyToxik : Et du coup je trouve que Souff’, sur HIVER AUTOMNE, sort plus de sa zone de confort que dans Éléphant. Il tente beaucoup plus de choses, je trouve.

Abcdr du Son : D’ailleurs quand on avait discuté, Tony, au moment de l’interview avec Souffrance pour Tour de magie, tu m’avais dit que Souffrance peut écrire et essayer de faire des essais de morceaux sur plein de styles de musique différents. Et ça, c’est quelque chose aussi toi, Souffrance, a confirmé Proses, l’ancien podcast de Ouafae chez Booska-P. Du coup, le fait de sortir Éléphant avec ce parti pris musical, est-ce que ça ne vous a pas permis aussi de vous désinhiber  en vous disant : « on s’en fout, on peut le faire, peu importe la réception que peuvent avoir certaines parties du public » ?

TonyToxik : Peut-être inconsciemment, oui. Mais en fait, c’était fait avant ce travail, je pense. Ça fait longtemps, même si ça ne s’entend pas forcément, que j’ai ouvert cette porte.

Abcdr du Son : Certains morceaux restent en studio et ne sortent pas. La musique existe quand tu la sors.

TonyToxik : C’est vrai ! Avec Souff’, on a des démos extraordinaires. On a plein de trucs sur des sons… « Tango », par exemple, ça démarre d’une boucle que j’allais effacer. C’est des trucs, on ne peut pas s’y attendre.

Abcdr du Son : Sur « Tango », on est complètement sur de la chanson française.

Souffrance : C’est ça. Après, c’est quelque chose que je dis depuis l’interview du Code avec Mehdi Maizi, où j’expliquais que j’ai déjà écrit sur du Mano Solo. Nous, on est un peu dans le laboratoire. Il y a un décalage entre ce qui se passe dans le labo et ce qui sort. C’est-à-dire que dans le laboratoire, on a trois ans d’avance. Et ce qui sort, en réalité, c’est déjà du passé pour nous parce que dans notre cheminement, on avance. Mais comme tu l’as dit, sur toute notre discographie, on a essayé d’ouvrir notre public petit à petit. Dans Tranche de vie, je chantais déjà sur « 93ᵉ Zone » ! Sur Noctambus, la mixtape, je rappais sur « Pookie » d’Aya Nakamura. Sur Tour de magie, il y a « Kill Them », « Au milieu des ombres ». Sur Eau de source, tu entends un « Khalass ». Petit à petit, j’ai mis des signaux au public pour lui dire : « Je peux faire autre chose ». Et Éléphant, je le voyais comme une vraie rupture. On est désinhibés depuis le début. Mais par contre, dans mon cheminement artistique, j’avais aussi quelque chose à donner à la culture. Et ce quelque chose, c’est Eau de source, c’est Tour de magie, c’est Tranche de vie.

TonyToxik : C’est vrai que Souff’, depuis le début, était déjà ouvert. Alors que nous, à l’époque, je parle vers 2010, on ne voulait rien savoir. Je ne voulais rien savoir des nouvelles sonorités. On était vraiment très boom bap. Souff’ est le premier de l’usine à faire un morceau sur de la trap. C’était en 2010, je crois. Le morceau n’était pas ouf, mais au moins, il a tenté. Il n’en avait rien à foutre de nous, ce qu’on pouvait en penser. Il avait déjà cette ouverture.

Souffrance : C’est ça, ça a été beaucoup d’entraînement. L’album HIVER AUTOMNE, ce n’est pas juste un an. C’est dix ans de travail, d’essayer de des nouvelles techniques, des nouveaux flows. C’est l’aboutissement d’énormément de recherches, en réalité, mais ces recherches qui ne nous satisfaisaient pas à l’époque. Parce que moi, j’arrivais, je sortais un morceau bizarre, les gars de L’uZine me disaient : « C’est de la merde ». Et je revenais avec un morceau rap vénère pour remettre d’accord les gens. [Rires] Jusqu’au moment où « Tango » a été validé par toute L’uZine. Et même Cenza, qui me dit tout le temps : « Arrête de chanter, tu ne sais pas chanter ! » Parce que Cenza sait chanter, il a un putain de spectre artistique qui est ultra-large. Mais il a tellement un niveau d’exigence élevé qu’il ne le montrait pas encore, malgré quelques sons où tu l’entends chanter quand même.

TonyToxik : Dans L’uZine, il y a plein de chœurs…

Souffrance : Ouais, et c’est lui ! Et aussi, en faisant ça, j’ouvre le cadre aussi pour L’uZine.

Abcdr du Son : Concernant le chant, en dehors de « Tango », il y a aussi pas mal de morceaux où il y a des refrains chantés, avec un chant que je trouve assez fidèle à ton rap, c’est-à-dire cru, sans artifices. Un chant qui ne triche pas. Est-ce qu’il y a eu aussi une forme de travail de ta part qui t’a permis de prendre en confiance et en maîtrise, en particulier sur cet album-là ?

Souffrance : Le travail, comme je te disais, c’est tous ces essais ratés qui m’ont fait évoluer. Et puis, en effet, on voulait garder ce côté brut. Un mec comme Renaud, ce n’est pas non plus le meilleur chanteur du monde. Mais l’important, c’est l’émotion que tu dégages avec ta voix. Et j’ai l’impression qu’aujourd’hui, carrément, chanter bien, c’est ennuyeux. Même dans l’utilisation de l’Auto-Tune, on n’est pas allé à fond.

TonyToxik : Ce qui fait aussi que « Tango » est aussi différent, c’est parce que Souff’ n’a pas du tout la même culture musicale que je peux avoir. Et même si je ne connais pas la culture musicale de tous les rappeurs, on se connaît. Souff’ n’écoute rien de ce que moi, j’écoute ou que mes potes écoutent en rap. Il a plus une approche de variété française, même dans ce qu’il écoute. Il est connecté à H24 sur FIP. Il ne me sort que des artistes de chanson française. Donc, je pense qu’il y a cet aspect-là aussi qui fait que c’est différent.

Souffrance : Puis après, moi, j’arrive d’une époque où nous, on ne fait pas du rap américain, on fait du rap français. Le rap américain, c’est la base de notre culture, mais on a quand même une identité française.

TonyToxik : Après, L’uZine, c’est très identité cainri.

Souffrance : Ouais, c’est vrai. Mais je parle vraiment de moi, en tant que Souffrance, c’est le rap français qui m’a fait. Essayer de ramener ce truc français, ça passe aussi par la chanson française, forcément, c’est aussi notre culture. On a tous été dans des voitures à écouter les tubes des chansons françaises.

Abcdr du Son : Il y a des trucs de chanson française, en particulier, tu sens, qui ont pu infuser un peu ?

Souffrance : Oui, des morceaux. J’ai toujours été touché par la chanson française  par rapport au texte. Par exemple, il y avait Raphaël qui avait écrit pour Zaz un texte, « Ébloui par la nuit ». Il est impressionnant. C’est toujours le texte, en réalité, parce que c’est ma base. Et c’est ça aussi que je ne retrouve pas avec le rap américain étant donné que je maîtrise pas l’anglais. Je vais plus être sensible au texte de la chanson française quand il est bien fait. Renaud, Mano Solo. Même France Gall, des trucs comme ça. Après, je n’ai pas trop de mémoire des noms, donc il y a plein de morceaux que je me prends comme ça. En tout cas, c’est l’écriture qui me fait rejoindre ce truc et aussi l’émotion que t’amène le chant. J’ai l’impression que ça permet une ouverture plus large et de pouvoir transporter le message à des personnes qui sont pas forcément sensibles à la rythmique rap.

Abcdr du Son : Ça se sent d’ailleurs dans ta manière d’aborder ces rythmiques trap qui sont plus lentes et sur lesquelles beaucoup de rappeurs, notamment en France, ont tendance à être sur de la cadence en triolet continue – ce qui était beaucoup le cas d’ailleurs sur des morceaux d’Eau de source. Là, tu aères beaucoup plus, tu laisses des silences, comme sur « Bizon » ou « Puissance en bars ». L’as-tu perçu dans ta manière d’écrire et dans ta manière d’interpréter ?

Souffrance : À la base, j’ai un problème, c’est que ma phrase, elle dépasse la mesure. Je veux trop dire. Et donc, comme le texte était primordial pour moi, je ne captais pas ce truc. J’avais fait une interview sur Grice TV où je disais – et ça, je le dis depuis Tranche de vie – que je sais qu’il faut que je travaille sur ça, d’essayer d’avoir la même puissance de texte, mais avec des trucs un peu plus aérés. Et aussi, j’ai compris la puissance de la musique. C’est qu’à un moment donné, il faut laisser parler l’instrument aussi. Dans « Simba », il y a un moment de silence dont on m’a beaucoup parlé. Et en fait, c’est là que tu captes que maîtriser le silence, c’est aussi apporter énormément de texte. D’ailleurs, je regardais un truc où Dr. Dre disait : « il y a douze notes, mais il y en a une treizième, c’est le silence ». Et qu’il laissait aussi du silence dans ses prods.

TonyToxik : C’est ce que j’ai fait aussi sur les prods de l’album. Parce que c’était très souvent chargé. Souff’ m’a aussi raconté qu’un beatmaker disait que Drake prenait ses instrus à chaque fois et qu’il virait plein de pistes pour n’en laisser qu’une et qu’au final, ça tuait encore plus. Et j’ai aussi eu cette approche pour la musique dans HIVER AUTOMNE.

Abcdr du Son : Tu as un exemple de morceau dans ce cas ?

TonyToxik : « Puissance en bars ». On en a enlevé quelques couches dans « Puissance en bars ».

Abcdr du Son : Sur lequel les arrangements sont assez puissants.

TonyToxik : C’est l’orgue qui donne cette impression. D’ailleurs, c’est un vrai orgue. Chilly est parti refaire la piste sur un vrai orgue. C’est ça qui donne cet effet-là aussi. « King Size » aussi est assez chargé aussi, on a enlevé plein de pistes… En fait, sur pas mal de morceaux, on a enlevé des pistes.

Abcdr du Son : J’ai l’impression que c’est chargé parce que les mélodies sont puissantes, mais qu’il y a finalement moins de choses.

TonyToxik : Sur « Miroir déformant », il n’y a rien. Il y a le son de Mani Deïz et une rythmique. Et ça tue, ça laisse la place pour Souff’.

« On peut se permettre de recommencer à zéro, de repartir d’une feuille blanche, sans oublier bien sûr notre identité. On essaye de garder le fond. »

TonyToxik

Abcdr du Son : Sur « Miroir déformant », Souffrance, tu es beaucoup plus intense dans ton interprétation aussi, c’est un des aspects nouveaux dans cet album. Tu aères tes textes et ta diction et en même temps, tu t’amuses beaucoup plus aussi sur tes degrés d’interprétation.

Souffrance : Oui, c’est vrai. D’ailleurs, ça, c’est un travail que je dois continuer : la maîtrise de la voix et de l’interprétation. Réussir à mettre de l’émotion dans la voix. Il y a des fois des textes sur lesquels je suis revenu, comme le featuring avec Jewel Usain, pour justement changer juste l’intonation. Sans changer le placement, juste l’intonation, la façon de le dire.

TonyToxik : En fait, sur plein de morceaux, tu es revenu sur les intonations : « Hiver Automne », « Les Moyens »…

Souffrance : Ouais, c’est ça. Sur cet album-là, je touche le travail d’interprète. Je l’aborde, et je pense qu’il y a encore pas mal de travail à faire là-dessus.

Abcdr du Son : Ce sont des choses que parfois, toi aussi Tony, tu peux lui indiquer ?

TonyToxik : Oui, c’est en travaillant en studio. Après, c’est lui qui décide à la fin de ce qu’il veut faire avec sa voix ou pas. Mais quand il touche un truc qui est différent et qui est bien, je lui dis, ou l’inverse.

Abcdr du Son : Est-ce qu’il y a quelque chose sur lequel Souffrance a pu te surprendre ou impressionner dans sa manière d’écrire, d’aborder un morceau ?

TonyToxik : « Tango ». Même « Milliardaire en euros », le deuxième couplet. C’est assez fou. Il change complètement de voix. Pour moi, c’est un nouveau Souffrance dans le deuxième couplet. Dans « King Size » aussi. Sur « Miroir déformant », le refrain est complètement inédit. Je n’ai jamais entendu un Souff’ comme ça sur un morceau. Mais ça reste Souffrance.

Abcdr du Son : Et inversement, toi, Souffrance, est-ce qu’il y a des propositions musicales où tu as senti que c’était un défi ?

Souffrance : Oui, il y en a plein. Ce qui m’étonne, c’est que Tony arrive à se renouveler à chaque fois, en vérité. À chaque fois, on arrive comme si c’était le premier album. Et on arrive avec un nouvel univers. « Hiver Automne », quand je la reçois, je pète un plomb. « Puissance en bars » aussi, elle me rend fou. Dans ma tête, j’ai l’impression qu’on fait du rock. Quand ils m’ont envoyé « Tango », je reçois la boucle, je dis: « Ça, c’est lourd de fou ! »

Abcdr du Son : C’est presque une valse !

TonyToxik : Oui, c’est complètement ça.

Souffrance : Après, il y a des prods qu’on a beaucoup retravaillées. Par exemple, « Repos des braves », on a galéré là-dessus.

TonyToxik : Sur « Repos des braves », Souff’ a composé aussi sur ce morceau. Il était en studio, il a vachement participé à ce morceau.

Abcdr du Son : Qu’est-ce qui vous a fait galérer sur ce morceau-là ?

TonyToxik : Je crois qu’il y a eu quatre versions.

Souffrance : En fait, c’est la puissance du texte qui nous a fait galérer. Il fallait qu’on trouve une instru qui allait avec cette puissance de texte.

TonyToxik : À la base je crois que c’était un autre truc que j’avais fait avec un sample de Chilly. Mais ça ne collait vraiment pas. Il y a eu tellement de versions de ce morceau. Je ne sais même plus sur quelle version il a écrit au départ.

Souffrance : Parce qu’on se demandait comment mettre en avant la puissance de ce texte avec une prod. C’est vrai que sur cet album, je me suis plus intéressé à la production qu’avant.

TonyToxik : Pour revenir juste avant, Souff’ a dit : « J’arrive à me renouveler. » Mais c’est parce qu’à chaque fois, en début de projet, il me fait : « Il faut tout recommencer, on va travailler avec d’autres personnes. » [Souffrance éclate de rire] T’as capté ou pas ? Moi je me dis: « Comment ça, je peux pas le faire ? » C’est ça qui me pousse à aller plus loin aussi.

Souffrance : En fait, c’est comme dans les jeux vidéo : souvent, je recommence avant la fin. Le délire, c’est que je pense qu’à chaque fois, il faut tout détruire. Éléphant, c’était aussi un projet de destruction de toute mon image.

TonyToxik : C’est ça qui fait qu’on arrive à faire autre chose aussi, je pense. Parce que moi, je n’avais pas ce truc dans ma tête. Alors je me dis : « Je vais essayer. » Pour Éléphant, évidemment que j’ai essayé de faire des prods house avant d’appeler Kali. C’était éclaté, on ne va pas se mentir. [Rires]

Souffrance : C’est ça qui est intéressant, c’est que dans ce qu’on fait, on peut se permettre de recommencer à zéro, de repartir d’une feuille blanche, sans oublier bien sûr notre identité. On essaye de garder le fond. Après, ça dépend ce que tu considères le fond, mais moi, dans mon truc, le fond, ça reste le discours.

Abcdr du Son : Ton discours ne change pas depuis Tranche de vie, que tu nuances sans doute par tes changements de vie, mais grosso modo, ça reste la même chose.

Souffrance : C’est ça. Changer la musique, ça ne veut pas dire adopter un nouveau discours. Ça veut dire essayer de garder nos valeurs qu’on porte depuis le début, mais en apportant cette nouveauté qui permet d’arriver avec un truc frais. L’effet de surprise, pour moi, ça reste le truc principal. Que le public suive ou pas, ça, c’est autre chose. Mais en tout cas, je veux que quand il écoute, il se dise: « Putain, qu’est-ce qu’il a fait encore ? » Et qu’il se demande: « Qu’est-ce qu’il va faire sur le prochain ? » C’est ça que je trouve intéressant.

TonyToxik : Il faut qu’on puisse s’amuser. Quand Souff’ m’emmène des trucs comme ça, je kiffe. Je me dis: « Il est fou. » Et puis, j’y vais et je kiffe parce que ça me fait découvrir d’autres trucs et essayer d’autres choses aussi. Et si on faisait tout le temps la même chose, je pense qu’au bout d’un moment, ça pourrait être fatiguant.

Souffrance : En tant que rappeur, et qu’artiste, ce dont tu as peur, c’est la perte de niveau.  Et par exemple, un morceau comme « Repos des Braves », je me dis : « Putain, celui-là, il aurait pu être sur Tranche de vie. » Pas avec cet instru, mais ce texte aurait pu être sur Tranche de vie. J’avais eu la même réflexion avec « Métro », dans Eau de source. C’est des trucs qui me font dire : le niveau est toujours là, il avance et même si ça change, j’ai toujours ce niveau d’écriture. Sur HIVER AUTOMNE, pour moi, j’ai réussi à garder une puissance textuelle, mais en mettant des espaces et en disant moins. Et ça, j’étais super content du résultat, cette interprétation différente.

TonyToxik : Et les refrains, aussi. [Souffrance acquiesce] Je pense que Souff’ avait une lacune aussi sur ça, sur les refrains. C’était même pas forcément une lacune : on s’en battait les couilles. Si on fait un morceau sans refrain, on kiffe. Mais sur ce point, oui, il a vraiment évolué. Et sur ça aussi, il m’a beaucoup surpris. Il me sortait des refrains avec des espèces de topline. Je kiffais dans le studio.

Souffrance : Le plus gros défi, ça a été « Tango » aussi. J’ai enfin réussi à faire un morceau chanté qui me plait. Et c’est aussi grâce aux retours. Par exemple, je travaille avec Young Dreadz, qui fait du mix / master, qu’on connaît depuis Montreuil. C’est vraiment une histoire familiale : c’est son grand frère qui nous ouvrait les portes du studio La Pêche. Et Young Dreadz, je lui ai envoyé plein de topline avant « Tango ». Et à chaque fois, il me disait : « Mouais, bon… »

TonyToxik : Il a travaillé sur Gazo, il a travaillé sur Booba, sur plein de trucs. C’est l’assistant de NKF, donc forcément, il connaît énormément de choses aussi au niveau de l’Auto-Tune, des toplines et tout ça. C’est bien d’avoir son avis. Et c’est vrai que Souff’, à chaque fois, on lui envoie.

Souffrance : Et souvent, il répond: « Ouais, pas ouf la topline. » Et là, on lui a envoyé « Les Moyens », il a validé. Et donc ça, c’est un signe. Quand Cenza me dit : «  »Tango », lourd. » Quand Vakeso dit : « Ouais, tu as trouvé un truc. » C’est des signes de validation qui font dire « putain, le travail a payé. »

Abcdr du Son : Ce ne sont pas des validations de yes men, mais de gens qui sont exigeants.

TonyToxik : Oui, des gens chiants. [Sourire]

Souffrance : Les yes men, c’est ce qu’il y a de plus dangereux dans notre milieu.

TonyToxik : Ça t’induit vite en erreur.

Souffrance : Après, il y a des no men aussi. [Rires] Mais le yes man est très, très dangereux.

« J’ai ouvert l’écriture en me disant qu’avant, je parlais uniquement de mon vécu. C’était très intériorisé. Là, j’ai enlevé des barrières. »

Souffrance

Abcdr du Son : Sur ce disque, au fond, tu prolonges des thèmes et des motifs que tu développais dans tes trois premiers albums, sur l’ascension sociale, la justice de classe ou l’irrévérence envers les institutions, mais en changeant légèrement l’écriture. Sur des formules, des images. C’est aussi le fruit du travail ? Ou est-ce que ce sont des espèces de défis que tu t’imposes aussi, parfois, pour ne pas redire la même chose ?

Souffrance : En fait, sur cet album, j’ai ouvert l’écriture en me disant qu’avant, je parlais uniquement de mon vécu. C’était très intériorisé. Là, j’ai enlevé des barrières. Je me suis dit: « maintenant, je suis dans un film. » Je peux raconter mon vécu, mais je peux aussi faire plus de fiction. Je peux aussi raconter le vécu d’un autre. Avant, il fallait que je sois sincère, authentique. Et là, ça reste authentique, mais je vais plus écrire avec mes yeux et mes oreilles aussi. Avant, j’écrivais beaucoup avec mon estomac.

TonyToxik : C’est marrant que tu dises ça parce qu’il y a quand même des couplets beaucoup plus introspectifs que dans Tranche de vie, par exemple. Le premier couplet de « King Size » : t’as pas plus introspectif que ce couplet dans la carrière de Souff’.

Souffrance : La fiction, ce n’est peut-être pas le bon mot que j’utilise.

Abcdr du Son : C’est une sorte de licence artistique que tu peux prendre sur cette exigence d’authenticité, quand tu utilises le « je ».

Souffrance : Aujourd’hui, j’ai plus de distance avec ça. C’est plus que je veux proposer un univers et un délire dans lequel tu puisses rentrer et qui t’amènes à faire travailler ton imagination aussi. Mais ça restera toujours nous. On fait du rap depuis longtemps et on sait qui on est aujourd’hui. Donc, on a notre identité, notre ADN. Et c’est ce qui fait aussi notre force. C’est ce qui fait qu’on a un public qui nous suit depuis le début. Parce que tu sais, quand tu avances dans ta carrière, il y a toujours ce le défi de garder ton public, de pas le décevoir.

Abcdr du Son : Tu as cette phrase, d’ailleurs, dans le dernier morceau, « Le Repos des Braves », où tu dis : « Juste avec ce morceau, je suis sûr que cet album déçoit pas les puristes. »

Souffrance : [Rires] Ouais, c’est ça. Mais finalement, avant la sortie de l’album, on a lancé « Bizon », on a lancé « Meilleur », et les retours sont ultra positifs. Donc, j’ai l’impression que les puristes ont aussi changé en réalité.

TonyToxik : Oui, vachement. Juste nous, déjà. Je me regarde en 2010 et maintenant… Je parle de L’uZine en général. C’est de la musique. Être fermé, ça ne sert à rien, parce que moi, j’écoute tout style, donc pourquoi je serais fermé dans le rap ? Je me suis fait cette réflexion longtemps après.

Abcdr du Son : Dans « Tango », tu dis: « Le talent naît de l’ennui ». Mais ces dernières années, tu as adopté un nouveau rythme de vie, entre le studio et la scène. Est-ce que tu as encore le temps de t’ennuyer, justement, pour nourrir des choses ?

Souffrance : Je le prends ce temps d’ennui. Je regardais l’interview de Youssef Swatts sur Le Code où à un moment donné, il dit : « Il faut que je vive. » Ça, c’est quelque chose avec laquelle je suis bien d’accord et qui n’est pas forcément compréhensible par les gens qui sont dans un travail où tous les jours, il faut produire. Il faut prendre le temps de s’ennuyer, d’avoir des expériences de vie. Et c’est important dans le renouvellement créatif. Super important. Donc en fait, c’est un travail de prendre le temps de s’ennuyer.

TonyToxik : Et puis moi, par exemple, pour faire un projet, je suis obligé de me mettre dedans vraiment. Alors là, on est en train de travailler l’album L’uZine / Onyx, en parallèle, et je ne peux pas faire les deux. Donc, je suis obligé de séparer les choses. Entre les deux, je suis obligé de faire une pause, donc ce temps d’ennui, bien sûr que je suis obligé de l’avoir. C’est ce qui me donne l’inspi’, c’est ce qui me donne envie de refaire quelque chose. Tous les jours, au bout d’un moment, ce n’est pas possible.

Souffrance : C’est vrai. C’est aussi attendre l’envie, attendre le retour de l’envie. À un moment donné, tu attends et tout d’un coup, tu te mets à rapper tout seul. [S’adressant à TonyToxik] Ou tout d’un coup, tu entends un son, peut-être toi, tu vas faire un beat tout seul sans t’en rendre compte.

TonyToxik : Ou j’entends quelque chose qui me donne envie de faire ça. Après, des fois, attention, parce que ça peut durer longtemps cette histoire. [Rire] Il faut provoquer le retour.

Souffrance : C’est attendre le retour de l’envie. Et une fois que l’envie arrive toute seule, tu dis: « OK, là, c’est bon, je peux reprendre. J’ai passé le truc. »

Abcdr du Son : Tu as pas mal tourné ces trois dernières années, notamment depuis Tour de magie. Ce qui va être intéressant, c’est aussi comment tu vas aborder ces nouveaux morceaux en live, notamment avec l’Olympia qui se profile en mai prochain. Est-ce que ça a d’ailleurs pu avoir une incidence sur la création de ces nouveaux titres ?

Souffrance : C’est sûr que la scène, étant donné qu’on en fait énormément, forcément inconsciemment, ça touche ton écriture. C’est-à-dire que maintenant, quand tu écris, tu sais que va falloir que tu assumes ton texte sur scène. Donc, tes souffles et tout ça, tu y penses forcément. Mais par contre, je ne m’attends à rien par rapport aux morceaux que j’ai fait. Je ne sais pas du tout ce qu’ils vaudront sur scène. Et à un moment donné, même, je me suis dit: « que je vais « Miroir déformant », « Puissance en bars », le mec qui est venu pour « Simba », comment il le prend ? » [Rires] Est-ce que je ne vais pas me retrouver face à des gens comme ça ?

TonyToxik : Ce qui est chiant avec les concerts aussi, c’est que tu crois des fois que des morceaux vont fonctionner sur scène et c’est tout l’inverse. Tu vois, par exemple, pour moi, « Hall 26 », c’était un turn up… et pas du tout.

Souffrance : Après, concernant l’Olympia, je n’y défendrai pas que cet album en particulier. Pour moi, l’Olympia, c’est une carrière que tu défends. C’est un répertoire. L’Olympia, tu finis le premier niveau du jeu. C’est la dernière des petites salles, c’est une salle légendaire. Et après l’Olympia, tu passes à un autre step qui est les Zénith. L’Olympia, c’est vraiment un point d’orgue dans une carrière, je trouve. C’est un moment super important et aussi aux yeux de ton entourage. C’est-à-dire, tu fais La Cigale, c’est énorme déjà, mais quand tu dis à ton entourage : « Je fais l’Olympia », tout d’un coup, des gens comprennent maintenant que c’est sérieux quand même. L’Olympia, ça choque. Donc ça va être plus la défense de mon répertoire, même si bien sûr on mettra HIVER AUTOMNE en avant vu que c’est le dernier projet.

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