Sinik chausse les crampons
Quelques jours après l’entretien que Sinik nous a accordé, nous l’avons recroisé et en avons profité pour discuter un peu football. De sa passion pour le PSG à la polémique sur la qualification de la France pour le mondial, quelques échanges teintés de souvenirs footballistiques en commun. Une bonne occasion pour se remémorer quelques joueurs et matchs, parfois cultes, parfois bien tristes. Regards croisés sur un sport aux souvenirs toujours un peu teintés d’émotions.
Premier souvenir de supporter
« Dans un stade, c’était un PSG – Auxerre. Il y avait encore Joël Bats et Bruno Martini dans les buts ! Sinon, il y a le match PSG – Real, mythique, avec le but de Kombouaré dans les arrêts de jeu. Le PSG – Steaua Bucarest m’a bien marqué aussi, même si c’était plus tard. Il fallait gagner au moins 4 – 0, on avait perdu à l’aller suite à l’entrée de Fournier alors qu’il n’était pas sur la feuille de match. C’est le genre de match qui a solidifié ma foi naissante de supporter. »
Le regard de l’Abcdr :
Entre 1993 et 1997, le PSG a atteint 5 fois les demi-finales de Coupe d’Europe. Cette statistique record, partagée avec le Real Madrid, illustre bien l’aura dont a pu bénéficier le club, et l’angoisse qui plane sur ses contre-performances en ce début de XXIème siècle. Le but de Kombouaré avait cruellement éliminé le Real des quarts de finale de la coupe de l’UEFA, alors que les madrilènes pensaient tenir les prolongations grâce à leur but marqué à l’extérieur. Une délivrance pour les 45 000 spectateurs dans l’enceinte de la porte de St Cloud. Quant au match retour contre le Steaua Bucarest, il reste lui aussi dans les mémoires. Battu sur tapis vert suite à une bévue administrative dont seul le club a le secret, le PSG effacera les roumains aux portes de la Champions League grâce à un match de battants mené par l’un des plus beaux effectifs que le PSG ait connu. Florian Maurice avait encore de vrais genoux et était le Benzema de l’époque. Leonardo avait offert un festival de passes décisives. Raï avait une fois de plus démontré toute sa classe, et Marco Simone, fraichement arrivé, n’en revenait pas lui-même. Quant au Parc, il n’a rarement autant joué son rôle de 12ème homme.
Plus grosse déception de supporter
« Il y en a eu quelques unes ! [rires] La plus récente est le PSG – Marseille de l’an dernier. Si on gagnait on était quasiment premier et on poussait Marseille dans les profondeurs. Au final on a perdu et ça a été le début d’une mauvaise série pour nous alors que l’OM s’est relancé. »
Le regard de l’Abcdr :
Le classico français, crée de toutes pièces au début des années 90, n’a plus la saveur d’antan. Entre un PSG qui tombe malade chaque hiver et un O.M qui multiplie les frasques (comme faire jouer son équipe de CFA au Parc), ces matchs à « hauts-risques » selon les préfectures de police concernées sont souvent aussi âpres que verouillés. L’emballage médiatique n’y peut rien. Pourtant, l’an dernier, les hommes d’Eric Gerets étaient venus se venger d’une humiliante défaite concédée quelques mois plus tôt au Vélodrome. Au Parc, Brandao a eu une illumination technique, Zenden a fait son Houdini sur les objets publicitaires, et la rencontre s’est avérée être l’un des tournants de la saison. Le match a préfiguré des difficultés du PSG à finir dans les places européennes pendant qu’il a permis à Marseille de rester jusqu’au bout dans la course au titre.
Dans la peau et les pieds d’un joueur
« George Weah. Il avait tout : technique, fort, humain, respectueux. Un très grand joueur. D’ailleurs, ce qui s’est passé lors de son départ, je crois que c’est la seule fois où j’ai eu honte d’être supporter de Paris. Un mec qui a autant fait pour ton club, tu ne peux pas lui faire des choses comme ça. C’était irrespectueux, raciste en plus, ça m’avait choqué à l’époque. C’est une page pas glorieuse. »
Le regard de l’Abcdr :
À ce jour, Weah reste le seul Africain à avoir été honoré du ballon d’or. Son arrivée dans le football européen a débuté par un passage à Monaco, sanctionné d’une finale perdue de la regrettée Coupe des Coupes, trophée européen cher au PSG, que M. George rejoindra pour trois ans. Il a marqué le Parc des Princes par sa puissance et sa technique, avant de quitter le club dans une ambiance nauséabonde, des supporters ingrats et imbéciles digérant mal son départ pour le grand Milan. Cela n’enlévera en rien la splendeur du libérien, qui fera le bonheur de San Siro comme il avait fait celui du Parc, avec notamment un but qui n’a rien à envier au célèbre run de Maradonna lors du mondial 1986.
Le joueur détesté
« Fiorèse ! Le mec va où on lui dit d’aller, n’a pas d’identité, quand il est à Paris c’est le meilleur club du monde, puis quand il va à Marseille, c’est aussi le meilleur club du monde. Ce genre de joueur, qui retourne sa veste, qui fait un peu sa salope, qui n’est pas en phase avec lui-même et n’a pas de respect pour le maillot qu’il porte, ça ne me plait pas ! »
Le regard de l’Abcdr :
Encore plus détesté par les parisiens que son pote Fred Dehu, Fiorese a dû sa carrière à quelques matchs réussis (dont une saison pleine au PSG en 2004, 11 passes décisives) et à un opportunisme latent. Prenant les surfaces de répération pour une piscine (« Plus proche de Franck Esposito que de Georges Weah » dixit footmercato.net), sa réputation sulfureuse encadra une carrière faites de chichis et de transferts aux allures de non-sens. Honni par les supporters de toutes les villes de France, même ceux des clubs où il a joué (parlez en aussi bien à la porte de St Cloud que la Cannebière), il a terminé sa carrière à Troyes, qui s’est vu releguer en National.
Plutôt Colleter ou plutôt Llacer ?
« Ah Llacer ! [rires] C’est assez bizarre ces mecs, des fois tu te demandes comment ce genre de gars est arrivé dans le foot. Ce sont des bourrins, qui sont là pour faire le ménage plus que pour faire le jeu. Je n’aime pas trop ce genre de joueurs, parce que si il suffisait d’être hargneux et de ne pas lâcher le morceau pour être footballeur, on serait nombreux à y être arrivés. Ca ne sert plus à rien aujourd’hui si tu ne compenses pas derrière avec de la technique. Bon, Llacer avait mis un but de malade des 30 mètres, en reprise, je ne sais pas ce qu’il avait mangé. A Marseille ils en avaient un comme ça aussi : Hamada Jambay. Le mec était super mauvais mais a mis deux missiles de trente mètres. »
Le regard de l’Abcdr :
Si il est vrai que personne ne s’est encore remis du but de Cisco, moment de grâce d’un joueur qui semblait concevoir un match comme une bagarre dans un bar pour le dernier verre, nous devons remercier Sinik de tout coeur : Hamada Jambay était complètement sorti de nos esprits. Extraterrestre du football, nous n’avons pas pu résister au plaisir de vous offrir ses fameux buts en vidéo.
Luis Fernandez ou Artur Jorge ?
« Ah largement Luis Fernandez ! C’est une bonne tête, je le connais un peu. Et puis il représente un peu ce qu’il manque au PSG : des caractères forts, des grandes gueules qui savent où elles vont. C’était autant une star que certains de ses joueurs. Aujourd’hui, tout le monde est dans le rang, tout le monde est gentil, et des mecs forts en caractère comme lui, ça manque un peu. Kombouaré à ce petit truc aussi, mais pour l’instant, en terme de résultat, ce n’est pas l’Amérique. »
Le regard de l’Abcdr :
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Luis Fernandez est un sacré personnage. A cheval entre le monde médiatique et le football, celui qui fut des glorieuse équipées françaises de 1984 et 1986 en tant que joueur, est un coach qui attise les contreverses. Parfois aussi incompréhensibles qu’un Roger Lemerre (cf vidéo), il reste le serpent de mer du PSG. Les résultats de son premier passage sur le banc de touche parisien, lors de l’âge d’or du club entre 1994 et 1996, l’ont hissé haut dans le coeur des supporters de la capitale.
Plutôt Rai ou plutôt Ronnie ?
« C’est dur ça ! Mais je dirais Rai car il a vraiment marqué le club dans la durée. Ronnie a fait des trucs magnifiques et il s’est bien amusé en boite, mais c’était plus éphémère. »
Le regard de l’Abcdr :
Assurément, Rai est au PSG ce que fut Juninho à Lyon ces dernières saisons. Mais en plus d’être doté d’un sens du ballon propre aux brésiliens (regardez la célèbre « Madjer » sur la vidéo ci-dessus), Raï avait une véritable vision du jeu et une classe rarement vue en Ligue 1, sur comme en dehors du terrain. Souriant, humble, généreux, ce n’est pas seulement le Parc des Princes que le meneur de jeu a illuminé durant 5 saisons, mais la France entière.
Cantona ou Ginola ?
« Cantona. C’est incomparable. L’un était un bon joueur, l’autre est une légende. Tu vas à Manchester, ils vendent encore ses t-shirts, chantent toujours la Marseillaise. »
Le regard de l’Abcdr :
Bon, soyons sincères, il nous arrive d’avoir des questions complètement cons. Celle-ci en est une preuve. Franchement, peu importe l’avis sur Ginola, quel amateur de football n’aurait pas répondu Cantona ? Probablement aucun. Tout a été dit sur Eric THE King, et même retiré des terrains, la légende continue à s’auto-alimenter à base de déclarations situées entre Didier l’embrouille et André Breton. Cantona a été l’un des premiers footballeurs contemporains a aussi bien gérer son image (qui ne se souvient pas de ce fabuleux spot publicitaire). Quant à nous, on s’en souviendra : « Cantona rien à dire, on ferme sa gueule ».
Plutôt Ruiz ou Saccomano ?
« Mmmh, Saccomano. Il a une bonhomie ce gars, tu as l’impression de le connaître. Et puis sa manière de crier, ses montées sur les aïgus [rires]. Quand il va partir, il va laisser un vide. »
Le regard de l’Abcdr :
Saccomano est au commentaire sportif ce qu’est… ce qu’est… Saccomano est unique et incomparable en fait. Parfois populiste, souvent polémiste, celui qui a exercé 30 ans sur Europe 1, dont un temps en duo avec l’excellent Pierre-Louis Basse, a traumatisé des générations d’auditeurs. La station avait repris ses meilleurs commentaires pour en faire un générique culte, dont le célèbre « Titi Camarra ! Titi ! Titiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii » (prolongez jusqu’à l’essouflement) reste dans toutes les mémoires. Malheureusement, internet n’a pas gardé traces de beaucoup de ces passages.
Le football à la radio
« Je kiffe mais c’est épuisant. Quand tu es supporter et que tu suis un match à la radio, tu as tout le temps peur. Les mecs crient pour une passe au milieu du terrain, ils sont super enthousiastes, et faut savoir discerner quand ce qu’ils décrivent est vraiment chaud ou pas. Il y en a qui tempèrent plus que d’autres, mais tu t’en remets aux paroles. Tu n’as que ça ! Si le mec veut te faire peur, il peut ! »
Le regard de l’Abcdr :
Le foot à la radio est effectivement une expérience à part. Et ce média a plusieurs particularités : il sait s’accomoder d’un match soporifique, bénéficie d’un formidable réseaux de correspondants locaux généralement très pointus et très bien informés, draine énormément de journalistes et consultants de qualité, et surtout manie les multiplex à merveille. Si un grand match se doit d’être vu de ses propres yeux, c’est probablement la radio qui donne le plus de frissons, excepté le stade bien sûr.
La main d’Henry et la main de dieu
« Il n’y a aucun rapport. Ce n’est pas du tout pareil, ce n’est pas la même action, l’un c’est un but, l’autre un contrôle, c’est incomparable. Mais c’était évident que cette expression allait ressortir, les habitués de foot le voyait venir à des kilomètres. Le geste de Thierry Henry je pense que c’est un mauvais réflexe. Il a présenté ses excuses. C’est une main qu’il a fait, il n’a tué personne. Il faut se détendre et il ne faut pas oublier que c’est le meilleur buteur de l’équipe de France, qu’on lui doit beaucoup. Et ceux qui disent qu’il devait se dénoncer à l’arbitre ne savent pas de quoi ils parlent. Tu en vois beaucoup des joueurs qui viennent réclamer un carton ou l’annulation d’un but ? »
Le regard de l’Abcdr :
Inutile d’en faire des tonnes et des tonnes, tellement un convoi de semi-remorques est déjà passé sur le sujet. De toute façon, c’est bien connu, l’insécurité frappe toujours au premier poteau, et la manie de la vidéosurveillance trépigne d’impatience sur les bancs de touches des terrains de football. Il reste cependant intéressant de vivre de l’intérieur le point de vue des Irlandais.
Domenech, la main d’Henry ou la main d’Estelle ?
« Je ne sais pas mais moi je lui mettrais bien ma main dans la gueule ! »
Le regard de l’Abcdr :
Jeu de mains, jeu de vilains !
Billet mille fois plus intéressant que l’interview !
Ca tue…
Bravo.
Mortelle interview comme vous savez si bien faire.
Tuerie!
[…] Bonus : Sinik chausse les crampons. […]