Random Axe : « Aujourd’hui, on se comporte vraiment comme un groupe »
Random Axe ou le trio Sean Price-Black Milk-Guilty Simpson. Quinze minutes passées au coeur d’un volcan – La Bellevilloise – juste avant son éruption violente.
Il est 20h45. La Bellevilloise commence à déborder de monde. Swift Guad hausse le ton sur scène et fait monter un peu plus pression et température. Un peu comme le bar. On réussit quand même à se glisser dans une minuscule salle juste derrière la scène pour y retrouver le trio Random Axe. A peine cinq mètres carrés, une salle enfumée avec quelques cadavres de bouteilles au sol, un quatre-quarts en guise de ciment pour estomac… et Guilty Simpson, Sean Price, Black Milk, déjà le mors aux dents. Un vrai concentré de testostérone. Le public, lui, semble gueuler de plus en plus fort. Avant d’enclencher le dictaphone, Sean P. prend ses précautions. Il soulève une table et bloque la porte d’entrée avec. Ce soir, il n’est pas d’humeur à être emmerdé. On a une quinzaine de minutes devant nous avant de lâcher les fauves. Inutile de perdre plus de temps.
Abcdr Du Son : A quel moment vous avez décidé de vous retrouver tous les trois pour monter un groupe et sortir un album ensemble ?
Guilty Simpson : En fait j’avais commencé par contacter Sean Price pour qu’il pose un couplet sur mon premier album Ode to the ghetto [NDLR : le morceau « Run » avec Black Milk] Je sais qu’il a regardé un peu d’où je venais, ce que j’avais fait, avant d’accepter. Le reste appartient à l’histoire.
Sean Price : Je suis habitué à être contacté comme ça. Poser un couplet c’est une occasion de faire du fric. Il y avait du fric à prendre, je l’ai pris. Ça a commencé comme ça ! [rires] J’ai vu ce qu’il faisait, écouté des morceaux et là ça m’a claqué à la gueule. J’ai eu envie de faire un album avec lui.
A : Après ce morceau, vous avez voulu en faire un autre ? Ou directement vous êtes partis sur l’idée de sortir tout un album ?
G : En fait, on était déjà d’accord pour faire un album ensemble avant même qu’il ne pose le moindre couplet.
A : Quand on écoute l’album de Random Axe, on a le sentiment que vous avez vraiment voulu rendre une espèce d’hommage à ce rap bien brut de décoffrage…
S : Non, désolé, mais il n’y avait pas de belle histoire derrière tout ça. J’ai pris l’avion, j’ai rencontré Guilty, il m’a joué le beat et j’ai juste posé dessus. Une semaine plus tard, je rentrais chez moi. Ça a été aussi simple que ça.
« Poser un couplet c’est une occasion de faire du fric. Il y avait du fric à prendre, je l’ai pris. »
Sean Price
A : Et toi Black Milk, tu as adopté une approche particulière ?
Black Milk : Je peux sortir plein de beats différents. Notamment des trucs très bruts, genre retour aux sources. Ce projet, c’était très simple : je ne voulais pas sortir des trucs super expérimentaux. Je voulais quand même que ce soit frais et unique. Même si l’approche n’était pas compliquée. Cet album, il ne sonne pas comme un album solo, c’est sûr.
A : Du coup, vous avez envie d’autres projets ensemble ?
B : Ouais, clairement. La réaction du public, surtout sur scène, nous motive beaucoup. En plus, on a réussi à créer une vraie alchimie sur scène. Aujourd’hui, on se comporte vraiment comme un groupe. Tout ça, ça nous donne envie de continuer à bosser ensemble.
A : Vous aviez des objectifs en tête quand vous avez fait cet album ?
S : Non, on voulait juste faire de la bonne musique, c’est tout. Et rester toujours productifs.
A : Price, sur « Random Call », tu dis « no love letter rhymes and raps about chicks, just a whole lot of drugging and thugging–that’s it. » Ça résume bien ton approche pour cet album ?
S : Ouais, en général, je n’aime pas faire des disques de putes. Je n’aime pas faire des morceaux avec des putes non plus. J’écoute du rap hardcore et Mary J. Blige. Franchement, c’est tout. D’ailleurs je veux faire un morceau avec Mary J. Il faut qu’elle puisse être sur le prochain album de Random Axe. Ce serait vraiment mortel. Tu sais, le rap ça reste un combat au quotidien. Je suis musulman tu sais. Et la musique que je peux faire, elle rentre parfois en conflit avec ma religion.
A : Un de vos points en commun, c’est aussi votre productivité. Vous n’arrêtez jamais de sortir des morceaux et projets.
S : C’est l’ère de l’Internet ! Quand j’ai fait « Figure Four », j’avais écouté le beat la veille et le lendemain j’écrivais les rimes dans le train pour enregistrer dans la foulée au studio. Ça a été mixé dans la foulée. Aujourd’hui, tout le monde bouffe au fast-food, le public veut beaucoup moins des petits-plats maison.
B : Il faut qu’on conserve un certain rythme dans nos sorties. Après, on fait ça mais on veut toujours sortir de la musique de qualité, des trucs consistants. Moi, j’aime sortir régulièrement de nouveaux morceaux, je me lasse rapidement de ce que j’ai fait par le passé.
A : Vous pouvez nous raconter un peu comment a été réalisée la vidéo de « The Hex » ? Qui a eu l’idée autour de ce clip ?
S : Le concept et la réalisation, c’est Todd [NDLR : Angkasuwan] qui a géré tout ça. Moi je ne voulais même pas faire de vidéo. Sinon, je me serais juste filmer en train d’agiter la tête dans tous les sens [rires]. On a aussi fait « Random Call » ensemble, avec à peu près la même approche. On a aussi clippé « Chewbacca » pendant le festival Rock the Bells. Mais c’est un autre mec qui l’a fait.
« Je n’aime pas faire des disques de putes. Je n’aime pas faire des morceaux avec des putes non plus. »
Sean Price
A : Black Milk, tu as sorti un projet avec Jack White [NDLR : ex-White Stripes], grosse collaboration, bien surprenante.
B : Ouais, on a fait quelques morceaux ensemble, on les a sorti sur son label, au format 45 tours. C’était mortel de bosser avec lui. En fait, il a découvert ce que je faisais avec le morceau « Deadly medley » [NDLR : sorti sur le quatrième LP de Black Milk, Album of the year, avec Elzhi et Royce Da 5’9″ en invités]. Il a beaucoup aimé la production, et il cherchait à sortir un album avec un mec du hip-hop, quelqu’un de Detroit. C’était une super expérience. Tu peux trouver les morceaux « Brain » et « Royal Mega » sur iTunes.
A : Vous êtes en pleine tournée, vous avez déjà des projets une fois de retour à la maison ?
S : Moi, je vais terminer mon prochain album solo, Mic Tyson. Ce sera mon dernier album sur Duck Down. Contractuellement parlant. Je dis ça mais vais probablement signer un nouveau contrat chez eux. Mais bon, sait-on jamais.
G : Je vais bosser sur la suite d’ O.J Simpson , toujours avec Madlib. J’ai aussi un projet en cours avec Oh No, qui sortira aussi chez Stones Throw. Je ne sais pas trop encore quand tout ça sortira, je suis encore en plein processus créatif. Je ne m’arrête jamais vraiment d’écrire, je pense constamment à la rime.
A : Price, comment tu définirais Guilty et Black Milk ?
S : Black c’est le scientifique à la tête bien pleine. Toujours en train de créer des trucs, de tenter de nouvelles expériences. Guilty, c’est mon frérot de Detroit.
G : Black Milk, c’est un mec toujours brillant et toujours prêt à se lancer dans de nouveaux concepts, à prendre des risques. P, c’est un anticonformiste. Il est droit, peu importe ce qui se passe autour de lui, il reste toujours lui-même. Les tendances dans l’industrie musicale évoluent quasi-quotidiennement, et tracer une lignée dans une certaine continuité, c’est quelque chose que je respecte vraiment. Je pense que le rap hardcore aura toujours une place de choix.
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